184 NAPOLEON LE PETIT.
pour fouler aux pieds le devoir, et à chaque soldat dix francs par jo'ur; on a dépensé en quatre journées quarante mille francs d'eau-de-vie par brigade ; on a couvert de For de la Banque le tapis franc de l'Elysée, et on a dit aux amis : Prenez! On a tué M. Adde chez lui M. Belval chez lui, M. Debaecque chez lui, M. Labilte chez lui, M. de Couvercelle chez lui, M. Monpelas chez lui, M. Thirion de Montauban chez lui; on a massacré sur les boulevards et ailleurs, fusillé on 11e sait où on ne sait qui, commis force meurtres dont on a la modestie de n'avouer que cent quatre-vingt-onze, quoi! on a changé les fossés des arbres du boulevard en cuvettes pleines de sang, on a répandu le sang de l'enfant avec le sang de la mère et mêlé à tout cela le vin de Champagne des gendarmes, on a fait toutes ces choses, on s'est donné toutes ces peines, et quand on demande à la nation : Êtes-vous contente? on n'obtient que sept millions cinq cent mille oui! — Vraiment, ce n'est pas payé.
Dévouez-vous donc à « sauver une société » ! 0 ingratitude des peuples!
En vérité, trois millions de bouches ont répondu non! Qui est-ce qui disait donc que les sauvages de la mer du Sud appelaient les Français les oui-oui ?
Parlons sérieusement. Car l'ironie pèse dans ces matières tragiques.
Gens du coup d'État, personne ne croit à vos sept millions cinq cent mille voix.
Tenez, un accès de franchise, avouez-le, vous êtes tous un peu grecs, vous trichez. Dans votre bilan du 2 décembre, vous comptez trop de votes, —et pas assez de cadavres.