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des mairies, nous disait un témoin oculaire, « des charges d'âne de bulletins oui ». Les maires, flanqués des gardes champêtres, les remettaient aux paysans. Il fallait voter. À Savigny, près Saint-Maur, le matin du vote, des gendarmes enthousiastes déclaraient que celui qui volerait non no coucherait pas dans son lit. La gendarmerie a écroué à la maison d'arrêt de Valenciennes M. Parent fils, suppléant du juge de paix du canton de Bouchain, pour avoir engagé des habitants d'Avesne-leSec à voter non. Le neveu du représentant Aubry (du Nord) ayant vu distribuer par les agents du préfet des bulletins oui, dans la grande place de Lille, descendit sur cette place le lendemain et y distribua des bulletins non; il fut arrêté et mis à la citadelle.
Pour ce qui est du vote de l'armée, une partie a voté dans sa propre cause. Le reste a suivi.
Quant à la liberté même de ce vote des soldats, écoutons l'armée parler elle-même. Voici ce qu'écrit un soldat du 6e de ligne commandé par le colonel Garderons de Boisse :
« — Pour la troupe, le vote fut un appel. Les sous« officiers, les caporaux, les tambours et les soldats, « placés par rang de contrôle, étaient appelés par le « fourrier, en présence du colonel, du lieutenant-colo■« nel, du chef de bataillon et des officiers de la compa« gnie, et au fur et à mesure que chaque homme appelé « répondait : Présent, son nom était inscrit par le ser« gent-major. Le colonel disait, en se frottant les mains : « — « Ma foi, messieurs, cela va comme sur des route lettes, » quand un caporal de la compagnie à laquelle « j'appartiens s'approche de la table où était le sergent« major et le prie de lui céder la plume, afin qu'il puisse