LE PARLEMENTARISME. 107
le frère et le frère, entre l'homme et la femme, entre le maître et l'esclave, entre le peuple et le roi; et à ceux qui lui demandaient : Qui es-tu? Il répondait : Je suis la Vérité : et à ceux qui lui demandaient : D'où viens-tu? Il répondait : Je viens de France. Alors, celui qui l'avait questionné lui tendait la main, et c'était mieux qu'une province, c'était une intelligence annexée. Désormais entre Paris, métropole, et cet homme isolé dans sa solitude, et cette ville perdue au fond des bois ou des steppes, et ce peuple courbé sous le joug, un courant de pensée et d'amour s'établissait. Sous l'influence de ces courants, certaines nationalités s'affaiblissaient, certaines se fortifiaient et se relevaient. Le sauvage se sentait moins sauvage, le Turc moins Turc, le Russe moins Russe, le Hongrois plus Hongrois, l'Italien plus Italien. Lentement et par degrés, l'esprit français, pour le progrès universel, s'assimilait les nations. Grâce à cette admirable langue française, composée parla Providence avec un merveilleux équilibre d'assez de consonnes pour être prononcée par les peuples du Nord, et d'assez de voyelles pour être prononcée par les peuples du Midi, grâce à cette langue qui est une puissance de la civilisation et de l'humanité, peu à peu, et par son seul rayonnement, cette haute tribune centrale de Paris conquérait les peuples et les faisait France. La frontière matérielle de la France était ce qu'elle pouvait; mais il n'y avait pas de traités de 1815 pour la frontière morale. La frontière morale reculait sans cesse et allait s'élargissant de jour en jour, et avant un quart de siècle peut-être on eût dit le monde français comme on a dit le monde romain. Voilà ce qu'était, voilà ce que faisait pour la France