LE CRIME. 115
« femme tomba, le pharmacien se précipita pour la re« lever ; au même instant un soldat l'ajusta et le frappa « à dix pas d'une balle dans la tôle. M. Bouillon, indigné « et oubliant son propre danger, cria aux passants qui « étaient là : Vous témoignerez tous de ce qui vient de « se passer. »
« Vers les onze heures du soir, quand les bivouacs furent allumés partout, M. Bonaparte permit qu'on s'amusât. 11 y eut sur le boulevard comme une fête de nuit. Les soldats riaient et chantaient en jetant au feu les débris des barricades, puis, comme à Strasbourg et à Boulogne, vinrent les distributions d'argent. Écoutons ce que raconte un témoin : « J'ai vu, à la porte Sainti Denis, un officier d'état-major remettre deux cents « francs au chef d'un détachement de vingt hommes en « lui disant : Le prince m'a chargé de vous remettre cet « argent, pour être distribué à vos braves soldats. 11 ne « bornera pas là les témoignages de sa satisfaction. — « Chaque soldat a reçu dix francs. »
« Le soir d'Austerlitz, l'empereur disait : « Soldats, je « suis content de vous. »
« Un autre ajoute : « Les soldats, le cigare à la « bouche, narguaient les passants et faisaient sonner « l'argent qu'ils avaient dans la poche. » Un autre dit : « Les officiers cassaient les rouleaux de louis comme des « bâtons de chocolat. »
« Les sentinelles ne permettaient qu'aux femmes de passer; si un homme se présentait, on lui criait : Au large! Des tables étaient dressées dans les bivouacs; officiers et soldats y buvaient. La flamme des brasiers se reflétait sur tous ces visages joyeux. Les bouchons et les capsules blanches du vin de Champagne surnageaient