Maréchal Mortier, Duc de Trévise
!Au moment où tout Paris vient de rendre les derniers honneurs au duc de Trévise, si douloureusement enlevé à sa famille, à ses nombreux amis, les lecteurs du Gaulois me sauront gré, peut-être, de rappeler ce que fut l'auteur de cette illustre maison du premier Empire, le maréchal Mortier, premier duc de Trévise. Le maréchal Mortier était né en i768, à Cateau-Cambrésis son père était député aux Etats Généraux. Il s'engagea, au début de la Révolution, dans un bataillon de volontaires du Nord, fut élu capitaine, et ne tarda pas à se distinguer à Quiévrain, à Jemmapes, à Neerwinde, iHondschoote. Blessé à Wattignies, comme ad'judant général, il est bientôt sur pied, et combat vaillamment à Fleurus, à Maestncht, à Neu-wied.
Dans l'armée de Sambre-et-Meuse, il sert avec la plus grande intrépidité, et fait dire à Kléber « Avec de pareils chefs, un général se dispense de compter le nombre de ses enne^ mis. » Puis il contribue à la prise de plusieurs ,places fortes, au succès de plusieurs combats. Nommé colonel, il est mis à la tête d'un régiment de grosse cavalerie.
En 1799, on le trouve général de brigade dans l'armée de Jourdan, puis dans celle de Masséna. Il est fait général de division à Zurich, et prend une part importante à la défaite des Austro-Russes, et à la poursuite de Souwarof.
Pendant la campagne de 1800, il est à la tête des troupes qui maintiennent l'ordre à Paris. 'Après la rupture de la paix d'Amiens, il commande le corps chargé d'envahir et d'occuper le 'Hanovre, et remplit cette mission à l'entière satisfaction du Premier Consul, qui lui témoigne sa reconnaissance, en le nommant com!mandant de l'artillerie de la garde consulaire et, plus tard, au début de l'Empire, maréchal 'de France.
En 1805, après la mémorable capitulation id'Ulm, pendant la marche sur Vienne, Napoléon fut amené à décider la formation d'un nouveau corps d'armée, pour remplir la mission périlleuse d'opérer sur la rive gauche du Davnube et de couvrir de ce côté les mouvements ;de.« la Grande Armée H. Cette mission nécessitait un chef d'une grande énergie, d'une solidité à toute épreuve. Elle fut confiée au maréchal Mortier. Une des divisions du nouveau corps d'armée, commandée par le général Gazan, était déjà sur la rive gauche une autre, général Dupont, était en route pour rejoindre la première. Mortier se hâta de se rendre auprès de la division Gazan, et eut aussitôt à intervenir dans un des incidents les plus sanglants, les plus honorables pour nos armes, des guerres de l'épopée impériale.
"La division Gazan était en marche, le long du Danube, quand elle fut rejointe par le maréchal Mortier elle suivait la route, 'bordée. d'un côté par le fleuve, de l'autre par les pentes raides de la montagne, et formant un long et étroit défilé. Elle venait de 'traverser Dürrenstein, le village célèbre de la captivité de Richard Cœur de Lion, lorsqu'elle ̃ • Jut attaquée en tête et en queue, cernée de toutes :,parts, par un corps de plus de 30,000 Russes, qui arrêtèrent sa marche, et qui la coupèrent de toute communication avec son seul espoir de secours, la division Dupont, en s'emparant sur ses derrières du village de Dùrrenstein. La situation était terrible le maréchal ne disposait que de 4,000 soldats, entassés contre un ennemi bien supérieur en nombre, dans un défilé abominablement resserré, qui n'offrait que la largeur de la route comme front de combat. Sans hésiter, il se décida à reprendre ̃Dùrrenstein aux Russes, pour rouvrir coûte que coûte ses communications avec Dupont et il donna ses ordres en conséquence.
Le régiment, qui se trouvait en contact avec il'ennemi du côté du village, était le 100° d'infanterie il inscrivit, ce jour-là, dans ses annales, et dans celles de l'armée, une page des plus glorieuses. Un de ses officiers, brave entre :)tous, dont le nom mérite d'être honoré à tout jamais, le major Henriod, s'offrit pour ouvrir la marche sanglante, à la tête des grenadiers 'de son régiment. Il les disposa par section tenant la largeur de la route, et les lança successivement, têtes baissées, à la baïonnette, sur les premiers rangs des Russes, malgré un feu de mousqueterie épouvantable, malgré l'obscurité de la nuit, complètement noire.
Immédiatement derrière ces braves, renouvêlant sans merci leurs terribles ruées, se tient .le maréchal, calme, intrépide, donnant l'exem̃'• pie à ses troupes qu'il domine de sa haute taille, et prêt à pousser en avant le gros de sa 'colonne. Pour donner du cœur à ceux qui mèment l'assaut, pour indiquer à tous sa résolution d'avancer coûte que coûte, il fait battre les tambours sans interruption et là où les tambours font défaut, « il fait, au dire du comte de Ségur, aide de camp de l'Empereur, taper, par les soldats, sur leurs bidons de fer. » C'est un bel exemple à rappeler à ceux qui veulent supprimer les tambours.
Bientôt, dans la nuit noire, l'avant-garde des Russes, hachée par les grenadiers de Henriod, battue par notre unique canon, comprimée, écrasée par le restant de troupes russes qui veulent arriver quand même, étouffe, perd la tête, et s'enfuit à travers les petits murs qui s'étagent au-dessus de la route. Le gros des Russes en fait autant. La panique est générale. Dürrens-. tein est repris la division Dupont peut rejoindre. La situation est sauvée par la vaillance de nos soldats et de leur glorieux. chef. Leurs cœurs se sont- montrés, une nouvelle fois ce jour-là, à la hauteur des plus intrépides de -l'histoire, à la hauteur de celui qui, huit siècles auparavant, avait battu entre les murailles du haut donjon de Dürrenstein, « de la tour de Richard Cœur de Lion ».
De 1806 à 1811, on retrouve le maréchal Mortier dans les guerres d'Allemagne et d'Espagne. Après Friedland, il est fait duc de Trévise. En 1812, il est à le tête d'un corps de la garde impé.riale, pendant la campagne de Russie. Nommé gouverneur de Moscou, il est chargé, au moment de la retraite, de couvrir les mouvements de l'armée, en se maintenant au Kremlin, sauf à le faire sauter avant de rejoindre les troupes. C'était une mission, toute de sacrifice, pour la sécurité de l'armée. Mortier la remplit avec un calme, une énergie admirables, et aussi avec bonheur. Pendant qu'il repoussait victorieusement les attaques des Russes, et même leur prenait leur chef Wintzingerode, il faisait bonder de poudre les salles et les abris du palais. Puis, il ramassa tous les blessés transportables mit en train, dans le plus grand ordre, la retraite de sa troupe et, enfin, fit allumer l'artifice, qui devait mettre le feu aux 'poudres, dans un temps calculé pour préserver sa colonne de la chute des décombres. Tout se passa comme il l'avait prévu. Sa co'lonne était déjà au loin quand la terre trembla sous ses pas, annonçant que la lugubre explosion avait eu lieu. Le maréchal rejoignit l'Empereur à Véréia et lui livra Wintzingerode. Quelques jours après, à Krasnoé, lorsqu'il fallut reprendre la retraite dans des conditions terrIblement difficiles et tragiques, ce fut enre Mortier à qui l'Empereur soin, de
contenir les masses russes +̃ et il le fit avec une valeur, une maîtrise sans pareilles. Malgré son infériorité numérique il n'avait que 3,000 hommes il sut résister à toutes les attaques des ennemis puis, quand le moment de se retirer arriva, il prescrivit à ses soldats d'exécuter leurs mouvements au pas ordinaire « et cette vaillante troupe se retira lentement, emportant ses blessés, manœuvrant comme sur un terrain d'exercice, de ce champ de carnage, inondé d'ennemis, balayé par les balles et la mitraille. » Ce jour-là encore a écrit le comte de Ségur, le grand historien de cette terrible campagne le maréchal Mortier a été, une nouvelle fois, le héros de « la Grande Armée ». De 1813 à 1814, on le retrouve, aux côtés de l'Empereur, sur tous les champs de bataille. Il est des derniers à se battre aux portes de Paris.
Sous la Restauration, il fut d'abord en disgrâce, pour avoir refusé de juger son camarade et ami Ney puis il fut replacé, en 1819, dans la Chambre des pairs. Sous Louis-Philippe, il occupa les postes les plus élevés du pays fut ambassadeur à Saint-Pétersbourg, ministre de la guerre, président du conseil. En 1836, le maréchal duc de Trévise était grand chancelier de la Légion d'honneur, lorsque, le 28 juillet, il tomba à Paris, victime de l'attentat dirigé contre le Roi, à l'aide de la « machine infernale Fieschi II.
Ce fut une grande figure, toute de droiture, de vaillance, de solidité, de probité, d'élévation de sentiments, qui honore notre armée, comme notre nation tout entière.
Général Zurlinden
Ce qui se passe LA POLITIQUE
LE CADAVRE RÉCALCITRANT
Aujourd'hui même,' à Saint-Mandé, M. Combes bénira les saintes cohortes qui se préparent à donner l'assaut au ministère.
M. Combes était naguère l'ennemi le plus acharné de la représentation proportionnelle on dit qu'il a modifié ses opinions et qu'il ne se montre point ennemi d'une transaction. Je le regretterai pour le gouvernement, car le « Petit Père » est à ce point discrédité que son adhésion ne peut servir la cause à laquelle il se rallie.
Comment cet homme peut-il encore diriger un parti, jouer un rôle dans cette république qu'il eût déshonorée s'il n'avait trouvé la besogne à peu près faite lorsqu'il prit le pouvoir Pour le moment, il s'agit d'organiser la bataille contre le cabinet, mais M. Combes n'est pas un homme de bronze. Très brave contre les religieuses, il se montre plus souple à l'égard de ceux qui pourraient lui tenir tête et n'hésite pas à lâcher ses amis quand il les juge compromettants on se souvient qu'il ne fit pas un geste pour retenir le général André, qui cependant lui avait sacrifié son honneur de soldat.
On sait comment il débuta dans la vie il pouvait la terminer paisiblement, sans éclat, oublié de tous et surtout de ceux qu'il a perséeûtes. • Dieu, sans doute, lui a réservé une fin plus conforme à ses commencements, car nous le voyons aujourd'hui renaître, s'affirmer, prendre du champ pour une carrière nouvelle. On devait attendre de sa part ce regain d'activité à l'heure où la France essaye de se relever, où le gouvernement paraît vouloir s'associer à l'effort national cet homme, qui n'a su que haïr et persécuter, ce sectaire chez lequel on n'a jamais démêlé le moindre élan patriotique, retrouve toute son énergie pour combattre ceux qui se proposent de détruire l'oeuvre criminelle du général André, de reconstituer en face de l'Allemagne grandissante cette armée que M. Combes et son collaborateur avaient voulu détruire. Que lui importe la patrie que lui parle-ton de défense nationale ? Ce qui l'occupe, ce qui le tient tout entier, c'est la haine de l'Eglise qui l'a élevé et qu'il a trahie. On ne parlait plus de lui qu'accidentellement, parce qu'on le croyait à peu près disparu. Mais puisqu'il prétend ressusciter, nous nous tenons prêts à le combattre.
Comme l'écrivait, il y a près d'un demi-siècle, le poète Fernand Desnoyers
Il est des morts qu'il faut qu'on tue.
L. DESMOULINS.
ÉCHOS DE PARTOUT
Une plaque commémorative va être prochainement apposée sur l'hôtel Chenizot, situé 51, rue Saint-Louis-en-1'Ile, où fut transporté Mgr Affre, archevêque de Paris, blessé mortellement pendant les journées de juin 1848.
Qui ne connaît la fin héroïque de l'illustre et bon prélat ?. Mgr Affre était douloureusement affecté par les sanglants événements qui se déroulaient dans Paris. Son cœur se serrait devant tant de sang répandu de part et d'autre. La pitié chrétienne lui inspira alors un acte de sublime abnégation. Voulant arrêter l'effusion du sang, Mgr Affre n'hésita pas à se rendre seul au milieu des insurgés.
Le 25 juin, à quatre heures de l'après-midi, le vaillant archevêque de Paris se présenta devant une formidable barricade, qui barrait l'entrée du faubourg Saint-Antoine. A peine avait-il commencé à exhorter les insurgés à la soumission, qu'une balle vint le frapper au côté gauche. Le bon pasteur tomba dans les bras d'un combattant. Cet horrible événement fut-il le résultat d'un crime 1 Il est permis de le supposer, bien que les révolutionnaires eussent déclaré que la balle qui avait atteint le vénérable prélat était une balle égarée.
Mgr Affre fut transporté à l'hôtel Chenizot, qui était devenu le siège de l'archevêché, à la suite de l'incendie du palais archiépiscopal, et c'est dans cette résidence qu'il expira le 27 juin, après avoir prononcé ces paroles mémorables « Que mon sang soit le dernier versé » Il convient de louer le comité des Inscriptions parisiennes, qui a eu la généreuse pensée de rappeler, par une plaque de marbre, le souvenir de l'héroïque prélat parisien.
Le Gaulois a eu déjà l'occasion de mentionner les travaux du docteur Carrel, de NewYork, un Français naturalisé Américain. On sait qu'il s'agit de transplantation de veines, d'artères et même d'organes, ce qui a fait dire au professeur Delbet « Un jour viendra où, dans les services de chirurgie, il y aura, à côté de la vitrine aux instruments, une armoire, une glacière, sans doute, où seront conservées les pièces de rechange, articulations, jambes, membres entiers empruntés à leurs défunts possesseurs.
S'il faut en croire une dépêche de New-York adressée à un de nos confrères de Londres, ce jour-là est arrivé. Le docteur Carrel aurait, pa- raît-il, déclaré publiquement qu'il était main- tenant possible d'assurer la persistance de la vie dans chacune des parties du corps, après leur ablation. Et il a ajouté qu'on pouvait désormais greffer ces mêmes tissus, ces mêmes organes sur d'autres organismes identiques. Le docteur Carrel, que nous avons eu l'honneur de voir lors de son dernier séjour à Paris, nous disait qu'il avait déjà réussi à transplanter un rein d'un animal à un autre de même espèce mais, à ce moment, il hésitait à expérimenter sur l'homme.
Si nous en croyons la dépêche dont nous parlions tout à l'heure, ses hésitations ont pris pourront bjejatôt s'ajecro.-
visionner des parties du corps humain dont ils, auront besoin. Mais tout cela, avons-nous besoin de le dire, demande à être confirmé. Saint Médard, dont c'était hier la fête, nous a gratifiés d'une abondante pluie qui s'est'mise à tomber vers six heures du soir.
Et les Parisiens de songer, non sans quelque mélancolie, au fameux dicton populaire Quand il pleut à la Saint-Médard
Il pleut quarante jours plus tard.
Eh! quoi. Faudra-t-il encore endurer tant de journées de pluie, alors que le ciel se montre si désespérément sombre et nuageux depuis des semaines?. Les météorologistes avaient cependant assuré une limite à ce régime pluvieux. A dater du 10 juin, nous avaient-ils promis, le temps se mettra définitivement au beau.
Illusoires prévisions Saint Médard est venu se mettre en travers de leurs pronostics. Et nous voilà condamnés pour des semaines à vivre dans l'eau et à patauger dans la boue. Saint Médard, nous l'espérons, ne nous infligera pas le supplice aquatique. Il se laissera certainement toucher par les supplications de nos si jolies Parisiennes, qui seraient navrées de ne pouvoir arborer leurs fraîches et élégantes toilettes d'été.
• VISION BREVE
LA FÊTE DE NEUILLY
C'est aujourd'hui l'ouverture de la fête de Neuilly. Elle est populaire et, à ses heures, mondaine cette foire qui transforme la grande avenue en une vaste exhibition où se coudoient les groupes joyeux dans le tam-tam des parades, l'odeur des gaufres et des brioches chaudes. Mais combien différentes de celles d'autrefois, les attractions d'aujourd'hui! Les manèges à deux étages avec automobiles ou aéroplanes, où la musique elle-même marche à'la vapeur, laissent loin dans le souvenir les modestes chevaux de bois que faisait tourner un pauvre cheval aux yeux bandés. Le cinématographe a remplacé le spectacle forain et lui a, il faut bien le dire, enlevé ce qu'il avait de pittoresque; le phonographe a couvert la voix du premier ténor et la roulotte même de Mlle Prudence, somnambule extra-lucide, est aménagée avec le « confort m,oderne n. Que diraient les charlatans de la foire de Saint-Ovide, qui se tenait place Vendôme, éclairée aux quinquets, et qui, au dix-huitième siècle, passait pour très brillante?
Mais la gaieté française, elle, est restée la même. P. M.
Que les peintres se réjouissent un débouché considérable vient d'être trouvé pour leurs œuvres. Il paraît qu'aux Etats-Unis les élégantes sont conviées à renoncer aux garnitures qui écrasaient leurs couvre-chefs, et qu'au lieu de fleurs ou de plumes, les modistes disposeront sur le tagal ou sur la paille des bandes de satin glacé que des peintres de talent auront décorées avec art. Ceci est fait pour remédier au massacre de la gent ailée
Il sera donc de bon ton d'exhiber sur son Il gainsborough » une marine au bord de la mer, un paysage pour la promenade .sous les grands arbres, une nature morte. en visite. Ainsi les peintr.es auront là-bas de la publicité gratuite pour les œuvres qu'ils produiront. Si cette mode prend à New-York, il se pourrait qu'elle fût de mise à Paris au début de l'hiver prochain.
r Tïu Ruj/Blàs ̃s'-v" :*r\* -^̃*T" Quand, à la revue de Satory, passa le drapeau, la reine de Hollande s'inclina, gracieuse- ment, avec respect aussi. Auprès d'elle les ministres se tenaient découverts ainsi que M. Armand Fallières. Seul M. Antonin Dubost avait le chapeau sur la tête. Un document existe, irréfutable la photographie du groupe qu'a prise Excelsior.
Le président du Sénat honore certainement la France, qui le nourrit, le loge, l'éclairé et lui fournit des draps excellents, mais son attitude, lundi, fut déplorable. Elle a été remarquée et elle ne sera pas oubliée.
Il ne faut peut-être pas attacher plus d'importance qu'il ne convient aux marques extérieures de respect lorsqu'il s'agit de simples citoyens. Le cas, ici, est différent. Le président de la Haute Assemblée devait saluer le drapeau d'abord et surtout parce que. parce que c'est le drapeau. Ensuite, parce qu'il accompagnait des gens qui saluaient. Il a manqué à la fois de vénération et de courtoisie.
Et ceux qui voyaient en lui un successeur possible de M. Fallières ne penseront plus que M. Antonin Dubost puisse le devenir maintenant.
On n'imagine pas à l'Elysée le monsieur qui reste couvert devant le drapeau.
Depuis la création des timbres-poste, ou plutôt depuis 1862, date de la fondation de la philatélie, qui va cette année fêter son cinquan- tenaire jamais les philatélistes n'avaient trouvé une occasion plus propice pour enrichir. leurs collections que celle qui se présente actuellement à la suite de l'occupation par l'Italie des îles de la mer Egée. En effet, cha- cune de ces îles, petite ou grande, aura son tim- bre spécial, valable aussi longtemps que durera l'occupation italienne. Il y aura donc des timbres rhodiens, calimniens, cassiens, carpathiens, astypaléens, etc. Comme la situation de ces îles sera réglée aussitôt la paix italo-turque conclue, et que ces timbres-poste n'auront plus cours, leur valeur philatélique dépendra de la durée de l'occupation italienne en sens inverse, c'est-à-dire que moins durera cette occupation, plus grande sera la valeur historique de ces timbres pour les collectionneurs. Mais la grande difficulté est de s'en procurer, surtout pour ce qui concerne les petites îles dont les habitants peu nombreux n'entretiennent pas une correspondance suivie avec l'extérieur. Le métier des armes ne laisse pas à tous les chefs des loisirs aussi agréables qu'au général Ameglio qui commande les troupes d'occupation de l'île de Rhodes.
Le général Ameglio a trouvé le temps, entre deux expéditions, de composer une marche militaire qu'il a intitulée La Vittoria délia Diuliana, et qu'il a dédiée à l'armée et à la marine italiennes. Ne disposant d'aucun piano pour son travail de composition, le général a dû se borner à siffler la mélodie de sa marche à un de ses officiers d'ordonnance, excellent musicien, qui a transcrit ensuite en notes la dictée sifflée. Cette transcription a été envoyée au maestro' Vessella, directeur des concerts municipaux de Rome, qui a instrumenté le morceau et le mettra au programme d'un de ses prochains con. certs.
Le général Ameglio est plus heureux que les généraux Lyautey et Gouraud, auxquels les harkas marocaines ne laissent guère le temps de composer des marches militaires.
C'est demain que s'ouvre, à l'hôtel Drouot, salle 6, l'exposition particulière de la collection de la comtesse Benedetti.
La vente de cette collection, qui comprend des meubles et des objets d'art anciens, des faïences et des porcelaines, une pendule de l'époque Louis XVI, des objets d'art d'Orient et d'Extrême-Orient, des objets de vitrine, boîtes, miniatures, éventails, des tableaux anciens et des estampes, se fera les 12 et 13 juin, par le ministère de M0 Lair-Dubreuil, assisté de MM. Paulme et Lasquin, experts. Mardi, l'exposition sera publique. NOUVELLES A LA MAIN
A la vente Doucet.
Ce tableau se recommande par sa parfaite exécution, dit un amateur.
Oui, répond un autre, mais comme il ^.vignt d'être Adjugé jy^s dg francs^ on^
peut dire aussi qu'il se recommande par sa. facture
NOTES SOCIALES J'aime, la façon de faire de M. Millerand, parce que dans l'oeuvre de reconstitution qu'il a entreprise, il prend les choses par le côté moral, beaucoup plus que par le côté matériel. Ainsi, il vient de décider que, chaque année, huit places seraient réservées, dans les corps d'Afrique, aux élèves sortant de Saint.Cyr et de Saint-Maixent. Cela n'a l'air de rien, et c'est toute une révolution.
Notez bien qu'il ne s'agit ici, comme pour beaucoup d'autres réformes, que d'un retour en arrière. Jusqu'à ces dernières années, la mesure était courante, et les premiers numéros des Ecoles militaires se faisaient honneur d'ailer servir dans des régiments qui sont presque constamment en campagne. -C'était une brigue à la fois très noble et très féconde, parce qu'elle allumait dans l'âme des jeunes gens un peu de ce feu sacré sans lequel la profession des armes n'est plus qu'un métier comme un autre, et une servitude dénuée de grandeur. Mais voici que tout à coup ont poussé sur le fumier de la politique, comme des champignons maisains, les insanités de l'éducation sociale. Des psychologues à rebours ont décrété que- les offi'ciers n'étaient point faits pour aller chercher ce peu de gloire dans les aventures d'outre-mer, mais qu'ils se devaient d'abord à leur rôle 1 d'instituteurs laïques. Avant de pouvoir se battre pour le pays, il leur fallait s'initier aux pratiques nouvelles de la discipline librement consentie, infuser à leurs soldats la culture civique, et tâcher d'inspirer l'horreur de la guerre à des gens qui n'ont d'autre raison d'être que de s'y préparer. Cette tâche accomplie, libre à eux d'aller se faire tuer, si l'envie leur en restait.
Il faut croire que l'obligation de ces stages déprimants n'a pas été du goût de tout le monde, puisque, depuis qu'elle existe, le nombre des candidats à l'épaulette a diminué partout dans d'inquiétantes proportions. Notre jeunesse a des ambitions plus hautes que celles auxquelles on entendait la réduire. Elle veut bien endosser l'uniforme, mais à la condition de l'user ailleurs que dans des salles d'école pu dans des chambrées transformées en Sorbonhés au petit pied. Et tant qu'est restée fermée la porte par laquelle il lui fallait passer pour aller conquérir un peu d'honneur dans les aventures, elle est restée chez elle, dédaignant les avances qu'on lui faisait pour l'entraîner dans un apostolat dont elle comprenait le ridicule et le néant. .̃̃ Qu'on lui sonne donc aux oreilles quelques fanfares. Qu'on lui montre, comme autrefois, la griserie du champ de bataille pour prix de son travail, et elle reviendra se serrer, en rangs compacts, sous les plis du drapeau. Il me semble, puisque j'ai parlé de psychologie, que celle de M. Millerand est assez avisée. Elle connaît les replis de l'âme française. Le petit cadeau que le ministre vient de faire aux écoles militaires est mieux qu'une simple largesse. Il est un gage de réveil de l'esprit militaire, que des malfaiteurs avaient essayé de tuer.
Un Désabusé
Bloc-Notes Parisien A LA ROSERAIE DE L'HAY
Fête donnée par la Société
des Grandes Auditions Musicales Nous avons annoncé cette fête de la rosé offerte par la Société des Grandes Auditions musicales à ses sociétaires et organisée par la comtesse Greffulhe et M. Gravereaux, dans la magnifique propriété de celui-ci, à l'Hay, près de Bourg-la-Reine. Elle a eu lieu hier, par un temps peu favorable; elle a été néanmoins aussi belle que possible.
Les invités sont arrivés, pour la plupart, en automobile ou sur les mails qui avaient promis leur concours. Au retour, cependant, sous la pluie, les mails ont dû être désertés, chacun cherchant une place dans l'auto d'un ami. Tout le programme,a pu être exécuté jusqu'à la fin de l'audition musicale. Seule, la visite de la roseraie a dû être négligée; mais, arrivés de bonne heure, il nous a été donné à quelques-uns de la visiter et d'admirer ce jardin féerique. La propriété de M. Gravereaux comprend une belle villa, une chaumière normande, plusieurs pavillons qu'habitent ses enfants en ménage, deux roseraies et un très grand parc d'où la vue s'étend sur la vallée jusqu'aux abords de Paris.
Des rosés, rien que des roses, toutes fleuries, des rosés en berceaux, en parterres, en pyramides, des rosés grimpantes, des rosés de toutes nuances et de toutes origines, toutes les rosés du monde, y compris les plus belles et les plus tendres églantines, la rosé à cinq pétales et la rosé cent-feuilles. Aucun parc royal n'a pareille collection, et c'est justement que M. Gravereaux a été appelé le roi des rosés. C'est un roi très simple et des plus aimables, qui porte la barbe comme l'Empereur d'Autriche, une barbe déjà blanche, avec un corps robuste et une boutonnière où fleurit la rosette de la Légion d'honneur. Où cette rosette eût-elle mieux trouvé sa place? Nous visitons aussi, en un chalet rustique, la bibliothèque et le musée de la rosé où s'étalent, en vitrines, tous les objets, tous les bibelots où se montre la rosé, depuis le grand cordon des Rose-Croix jusqu'aux reliures, aux potiches, aux armoiries et aux timbres-poste. Là aussi de belles gravures anciennes où se manifeste la rosé.
On se dirige cependant vers le théâtre de verdure et un rayon de soleil jette un peu de lumière d'or sur les fleurs qui embaument les allées. Près du théâtre, la princesse de Mésagne-Estradère, l'aimable secrétaire générale des Grandes Auditions musicales, distribue les programmes, une merveille gravée par Stern, d'après un ancien dessin de Marillier.
Voici le théâtre de verdure parmi les grands arbres, avec une scène surélevée que dominent le temple fleuri de Vénus et les portiques encore fleuris de la danse. On ne saurait imaginer plus beau décor; et c'est là que, peu à peu, prennent place les invités, sur les gradins et les bancs de gazon.
Nous citerons, au hasard des notes prises S. A. I. la Grande-Duchesse Vladimir, arrivée en automobile avec' la comtesse Greffulhe et le prince de Chimay; la comtesse de Caraman-Chimay, le duc de Guiche, Mme Waldeck-Rousseau, arrivée une des premières; M. Pams, ministre de l'agriculture; marquis et marquise de Mun, marquise de Saint-Paul, comte et comtesse Stanislas de Castellane, Mme jameson, comtesse Jean Tyszkiewicz et comte Tyszkiewicz, comte et Mlle de Bryas, marquise de Casafuerte, vicomte et vicomtesse de Petiteville, Mlle Vacaresco, Mlle Alexandre Falcoyano, Mme Stancioff, comtesse du Luart, comtesse de Montsaulnin, M. Henri Chabert, général de Sancy et baronne Pierre de Sancy, comte et comtesse Meunier du Houssoy, Mlle TexeiraLeite,comtesse S. de Tanlay,Mme Tony Dreyfus, marquise de La Roche, M. et Mme de Saint-Léger, M. A. Romanos, ministre de Grèce; Mlle Achillopulo, comtesse de Puységur, général Samad Khan, ministre de Perse; marquis et marquise d'Ornano, comte de Gabriac, vicomte et vi- comtesse de Reviers de Mauny, comte Brunetta d'Usseaux, comtesse de Solages, comte de Bernis, Mme Henri Simond, comte et comtesse de La Riboisière, M. Jules Roche, comte et comtesse Lionel de Montesquiou, baron de Gunsbourg, M. Edmond Hesse, M. et Mme René Lara, baron H. de Rothschild, marquise de Dion, Mme et Mlle de Marisy, Mme Madeleine Lemaire et Mile Le-,
Un Domino
maire, M. et Mme M. de Malherbe, M. et Mme Henri Cauvain, Mme Franklin Singer, baronne de Baye, et Mlle de Baye, baronne Reille, princesse Amédée de Broglie, comtesse Hocquart de Turtot, comtesse de Legge, comte Allard du Chollet, M. André' de Fouquières, M- Robinson, M. et Mme Thors, M. Corpechot, M. Arnault, Mme H. Letettier, Mlle de Beckmann, Mlle Jacqueline de Pourtalès, comtesse de Berteux, comtesse Jean de Berteux et Mlle de Berteux, marquise de Ludre, Mme Arthur Meyer.
C'est donc devant une élite que .le comte Robert de Montesquiou prenait .la parole, à trois heures et demie, pour nous parler de la rosé. Il en a parlé avec son éloquence habituelle et une érudition spéciale, citant tous ceux qui ont parlé de la rosé, depuis Homère Sapho, Hérodote, Plutarque, Pindare, Théophraste, Virgile, Lucrèce, Pétrone, Pline, et aussi les modernes, l'Eglise elle-même adoptant la rosé, jadis profane, pour la placer sur les autels le jour de la Fête-Dieu, appelant la Vierge rosé mystique 1), et saint Dominique recevant d'elle « le rosaire»; enfin la Vierge de Lourdes apparaissant avec des roses à ses pieds. Il a dit sur la rosé tout ce que l'on pouvait dire et il a recueilli de nombreux applaudissements.
Mlle Thomson a dit Ls Rosés d'hpahan, de Leconte de Lisle, et Les Belles Roses, du comte Robert de Montesquiou. Aime Silvain a dit La Rosé d'Anacréon, de Leconte de Lisle, et la délicieuse Ode à la Rosé, de Ronsard. Mils Sorel a dit ensuite de sa voix charmeuse Le Parfum impérissable, de Leconte de Liste, et Les Rosés de Sapdi. de Mme Desbordes-Valmore. Elle a été rappelée par les applaudissements.
Mais voici l'œuvre capitale de cette matinée l'audition de La Vie d'une rosé, de Schumann, première audition en France, avec le concours de Mme Félia Litvinne, Mlle Charny, dont la voix chaude et mélodieuse a très bien soutenu le rôle à côté de la grande cantatrice; Mite Bonnard, Mlle; Chadeigne, et MM. Gabr&l Paulet, Eyraud et Sigwalt. M. Barrau dirigeait l'orchestre. Dire ce qu'est cette partition est impossible en quelques lignes. Le grand compositeur y a mis toute son âme, traduisant tour à tour les pensées joyeuses à l'éclosion d'une rosé, le triomphe de sa vie et les tristesses de sa mort. L'orchestre a été admirable, comme les chanteurs, et le public aurait longuement applaudi si la pluie n'était venue gâter la fin de cette audition.
Ce fut alors une débandade générale. C'est à peine si quelques personnes se dirigèrent vers le buffet dressé sous un grand arbre, dont le feuillage abritait les gâteaux, les verres de Champagne et les orangeades. Chacun cherchait un plus sérieux abri ou son automobile. M. Gravereaux était désolé de ce contre-temps, et ses hôtes l'étaient non moins. Les plus belles choses ont parfois le pire destin, et nous avons quitté le royaume des rosés sous les larmes du ciel.
CATASTROPHE MARITIME
Le sous-marin Vendémiaire" COULÉ
au large de Cherbourg Coupé en deux par le cuirassé «Saint-Louis», le sous-marin sombre
par cinquante-trois mètres de fond 2 QFFIC1 ERS ET 22 HQIftfll ES MORTS WoM j>oup là VPatrie! Un sous-marin vient de disparaître, entraînant sous les flots vingt-quatre hommes, désormais perdus pour la France, irrévocablement condamnés.
On ne peut imaginer une fin plus douloureuse, un destin plus tragique en quelques instants ces malheureux se voient à jamais séparés du genre humain ensevelis vivants, ils comprennent, ils savent que la mort est prochaine, inévitable, que nul n'entendra leurs cris, que nul ne pourra tenter de les secourir.
En pleine santé, ils entrent en agonie, et le plus favorisé de tous est celui qui mourra le premier.
Ce n'est pas, comme ils pouvaient l'espère?, dans une bataille, ayant au cœur l'ivresse du combat, l'espoir de la victoire, qu'ils sont frappés la mort qui les atteint est la plus horrible qui se puisse concevoir, car elle n'est précédée d'aucune espérance, elle n'est accompagnée d'aucune exaltation patriotique.
Ils descendent lentement vers une tombe qui s'ouvre pour eux pendant qu'ils sont encore vivants, et qui ne rendra plus que leurs cadavres.
Certes on honorera leurs mémoires, on saluera respectueusement leurs dépouilles quand la mer nous les aura restitués, car s'ils n'ont pas recherché l'effroyable fin que leur réservait le destin, ils n'ont pas reculé devant les dangers que peuvent appréhender tous ceux qui montent à bord des sous-marins ils sont morts pour la patrie, et la patrie doit les mettre au rang des héros qui ont souffert, qui se sont dévoués pour elle.
Ils n'ont pu recevoir les consolations da l'Eglise, mais, selon la belle parole de Mgr Caquereau, qui fut aumônier de la flotte « Dieu est miséricordieux à ceux qui meurent pour leur pays. »
La Catastrophe
Un vent de malheur continue à souffler sur notre infortunée marrine. Après l'inoubliable désastre du cuirassé Liberté, dans lequel, au mois de septembre dernier, tant de braves marins trouvèrent une inutile mort après les catastrophes du sous-marin Pluviôse et du cuirassé léna, et tant d'autres coups, moins terribles, peut-être, mais tout aussi cruels, voici que nous avons à enregistrer un nouvel et désolant sinistre dans la matinée d'hier, un de nos meilleurs submersibles, le Vendémiaire, a péri corps et biens au raz Blanchard, au large de Cherbourg, par suite d'une collision avec un cuirassé. La perte de ce submersible a coûté la vie à deux officiers et à vingt-deux marins. b'émofion à 'Paris
L'affreuse nouvelle est parvenue à Paris, ce matin, par la dépêche suivante, que l'amiral Kiésel, préfet maritime de Cherbourg, a adressée au ministre de la marine
Cherbourg, 8 juin, 8 h. 45.
Sous-marin heurté par Saint-Louis à 5 milles N.-O. du cap de la Hague n'a pas reparu. Fond 52 m. La Marseillaise et le Gabion sont sur les lieux. Le sous-marin coulé est lé Vendémiaire. Cette dépêche a été communiquée au conseil des ministres qui s'est réuni dans la matinée, à l'Elysée le conseil a chargé M. Delcassé d'exprimer à la marine les condoléances du gouvernement en outre, il a décidé qu'en raison du deuil qui atteint de nouveau la marine française, les ministres n'assisteraient aujourd'hui à aucune cérémonie, fête ou banquet officiel. M. Delcassé a également annoncé à ses collègues qu'il allait se rendre à Cherbourg. Le ministre de la marine est, en effet, parti par le train de 3 heures 40.
Comme-on peut le penser, la nouvelle de la catastrophe, qui s'est répandue à Paris d'assez bonne heure, a causé partout, en ville, une émotion considérable. Le public, sur les boulevards particulièrement, s'arrachait littéralement les éditions spéciales qui annonçaient le désastre, et c'était le cœur serré que chacun en lisait les désolants détails.
Au mj]3;stèr£ de la marins règne iwê indici-
Tout-Paris
L. D.
blé tristesse, et c'est'd'une voix tremblante qui les officiers de service donnent aux personnes, venues pour s'informer, les renseignements qu'ils ont reçus, par bribes, de Cherbourg Bépêche de l'amiral de Nlarolles Dans l'après-midi, avant son départ pour Cherbourg, le ministre de la marine a reçu la dépêche suivante de l'amiral de Marolles, commandant la escadre, dépêche qui confirme, hélas la catastrophe
Ce matin, vers six heures et demie, par un très beau temps, à cinq milles au nord-ouest du cap de la Hague, l'escadre passait en ligne de file et avait été attaquée par les sous-marins de la station de Cherbourg, lorsque le périscope de l'un d'eux fut aperçu sur l'avant du Saint-Louis à si petite distance que le cuirassé ne put faire aucune manœuvre pour l'éviter et l'abordage se produisit. A la suite du choc, on vit apparaître un bouillonnement d'air qui dura une dizaine de minutes, et quelques morceaux de lattes du pont du sousmarin furent aperçus à la surface. Une bouée fut immédiatement mouillée à l'endroit où avait disparu le bâtiment.
L'escadre resta environ une heure sans rien apercevoir. La brume étant venue, l'escadre prit la direction de Cherbourg, laissant sur les lieux la Marseillaise et le contre-torpilleur Gabon. J'ai nommé un conseil d'enquête, sous la présidence du contre-amiral Adam, commandant la deuxième division de la troisième escadre. Voici, d'autre part, d'après les dépêches que nous avons reçues de Cherbourg, le récit complet de la catastrophe v Un Premier l^écif
Cherbourg, 8 juin.
La 3° escadre (escadre du Nord) avait quitté Brest, hier, pour se rendre à Cherbourg en cours de route, elle devait être attaquée, au large de Lézardrieux, par les contre-torpilleurs et par les sous-marins, un peu avant son arrivée en vue de Cherbourg. En vue de cette dernière attaque, les sous-marins avaient été échelonnés le long de la côte nord-ouest du Cotentin le Vendémiaire gardait le passage entre le cap de la Hague et l'île d'Aurigny.
Un peu après six heures, l'escadre entrait dans ce passage, le cuirassé-amiral Saint-Louis en tête. Tout à coup, le Saint-Louis marchant à vitesse normale, le sous-marin Vendémiaire, qui était en plongée, remonte vers la surface et va donner en plein sur la coque du cuirassé. Que se passa-t-il alors ? Il est impossible de le dire, tellement l'événement a été rapide, Toujours est-il que le sous-marin disparut par un fond de cinquante-trois mètres, exactement à cinq kilomètres au nord-ouest de la Hague, en un endroit dangereux, où les courants sont violents et irréguliers.
Le Saint-Louis fit aussitôt les signaux nécessaires, et l'escadre s'arrêta pour essayer de sauver le Vendémiaire. En même temps, le port de Cherbourg était prévenu et envoyait immédiatement des navires avec le matériel de sauvetage l'amiral Kiésel, préfet maritime, se rendit également, à bord du contre-torpilleur Ça. tapulte, sur les lieux du sinistre.
Ce qu'on dif à Cherbourg
Dès que la nouvelle cle la catastrophe a été connue à Cherbourg, elle y a produit l'angoisse la-plus violente. On est sans nouvelles précises, aussi bien sur les causes du désastre que sur les circonstances précises dans lesquelles il s'est produit.
J'ai interrogé, à ce sujet, un officier de la majorité, qui m'a dit
D'après ce que je sais de la catastrophe, il me semble, malheureusement, que le Vendé-, miaire est irrémédiablement perdu. On ne sera fixé de façon définitive qu'au retour de l'amiral Kiésel toutefois, on peut dire, dès maintenant, que le renflouement est impossible. Le sousmarin est coulé par un tel fond qu il faut renoncer à toute recherche immédiate. D'autre part, il est probable que le bâtiment a été éventré ce qui le prouverait, c'est qu'aussitôt après le sinistre, la mer s'est recouverte djhuile sur le lieu même où le sous-marin a coulé à pic. Enfin, il sera malaisé, en ces parages difficiles, de retrouver exactement le point où se trouve le Vendémiaire, les bouées devant forcément dévier sous l'influence des courants.
Sur les lieux de la catastrophe
Cherbourg, 8 juin.
La 3e escadre est rentrée en rade tous les bâtiments ont leurs pavillons en berne. L'amiral de Marolles va faire passer le Saint-Louis au bassin, afin de se rendre compte si le cuirassé n'a pas souffert de l'abordage avec le Vendémiaire.
Le Catapulte est également rentré à Cherbourg avec l'amiral Kiésel. Après être resté au raz Blanchard plusieurs heures, pour tenter le sauvetage de l'infortuné sous-marin, l'amiral a reconnu que ce sauvetage était impossible, et il a ramené les chalands et le matériel qu'il avait emporté. Le croiseur Marseillaise et le contretorpilleur Gabion, envoyés ce matin, restent, à toute éventualité, sur les lieux de la catastrophe.
Un port en deuil
Cherbourg est en deuil. Tous les bâtiments en rade, bâtiments de guerre et bâtiments de commerce, ont mis leurs pavillons en berne de même les établissements publics et nombre de maisons particulières. La foule se presse, anxieuse, aux abords de la préfecture maritime, attendant des détails sur la catastrophe, détails, hélas qu'on n'a point.
Toutes les fêtes sont suspendues. La retraite aux flambeaux qui devait avoir lieu ce soir est supnrimée, ainsi que les courses de la Société de Cherbourg La Pédale, qui devaient se courir demain.
Aussitôt rentré, le préfet maritime a envoyé son aide de camp pour informer les familles habitant à Cherbourg du deuil qui les frappe. M. Mahieu, député-maire de Cherbourg, a adressé deux télégrammes de condoléances, l'un au préfet maritime et l'autre au ministre de la marine. Ce dernier est ainsi conçu
Au nom de la population cherbourgeoise, directement atteinte par la douloureuse catastrophe du Vendémiaire, je vous adresse mes sentiments de profonde condoléance pour le nouveau deuil qui vient frapper la marine nationale. 'Dans le raz Blanchard
L'endroit où a péri le Vendémiaire est des plus dangereux. Entre Aurigny et la côte, à travers le raz Blanchard, les courants sont très violents, si rapides même que les sous-marins en plongée peuvent à peine les étaler ils atteignent jusqu'à cinq nœuds de vitesse et les sousmarins ne marchent guère à plus de six nœuds lorsqu'ils sont immergés.
La rapidité des courants est un obstacle presque insurmontable pour les plongées des scaphandriers on doit se souvenir que lors de la catastrophe du Pluviôse, il y eut des circonstances dans lesquelles les plongeurs ne purent procéder à aucune opération, parce que les courants les empêchaient d'arriver jusqu'à l'épave.
En outre, la profondeur par laquelle a coulé le Vendémiaire est trop grande pour que les scaphandriers puissent y parvenir sans danger.. La plongée normale d'un scaphandrier ne dépasse pas trente mètres.
Les officiers et l'équipage
Le Vendémiaire était commandé, depuis le 1er avril dernier, par le lieutenant de vaisseau Prioul. Cet officier, né le 7 septembre 1875, était entré à'l'Ecole navale en 1893 aspirant de lre classe en 1896, enseigne deux ans plus jard, il axait été nommé lieutenant de xaisseau