PRÉCÉDENT

La République française, 21 juillet 1886

SUIVANT

URL invalide

La République française
21 juillet 1886


Extrait du journal

J'ai connu un temps où une bonne moitié des Parisiens se faisait une tête suivant la saison. On portait, l’été, le moins de barbe possible, n’épargnant guère que la moustache, quand on n'appartenait point au Palais ; puis, à la rentrée, on rendait à son visage sa fourrure naturelle. Il y avait même un moment de douce gaieté à l'époque de transition où l’on se retrouvait tous le menton sali par des barbes de huit jours. On prétendait même que cette instabilité des physiono mies était cause des grands sacrifi ces que la police politique imposait au second empire; pour filer le même homme, il fallait un mouchard d’hi ver et un mouchard d’été. Cette cous tume a bien décliné : on a aujourd’hui la superstition du port de la barbe une fois adopté. J’imagine que cela tient au débordement de la photographie. On est retenu par la crainte de ne plus ressembler à son portrait ou d etre obligé de le remplacer trop souvent dans les albums de ses amis et con naissances. J’avoue pourtant que, traversant tantôt le boulevard, j’ai été un peu surpris de ne plus voir que des barbes entières. Je sais bien que les étrangers y foisonnent en ce moment et que les vrais Parisiens s’y font rares. Malgré tout, il me paraissait étrange que le sexe barbu tout entier eût profité jus tement de l’accablante approche de la canicule pour étaler tous ses avantages. Je me mis à regarder, et j’avisai tout d’abord un conciliabule de cinq ou six hommes arrêtés sur l’asphalte et qui, tout en devisant gaiement, caressaient avec complaisance et non sans un soupçon d affectation des barbes qui ne rappelaient encore que d’assez loin celles des patriarches. Voilà, me dis-je, des physionomies qui ne me sont point inconnues ; ce sont des gens d’ici, à coup sûr; mais où donc les ai-je rencontrés ? Avec plus d’atten lion, j’en reconnus un, puis deux, puis toute la société. C’étaient des comédiens des théâtres de Paris, de divers théâtres. On sait qu’un comédien en congé n’a jamais guère résisté au plaisir de voir pousser sa barbe naturelle ; aujour d’hui que les trois quarts de nos théâ tres ont pris l’habitude de mettre la clef sous la porte deux ou trois mois de 1 année, c est une vraie débauche à faire rêver de la végétation des tropioues. Aussi bien, la barbe ne gène t-elle guère pour aller, en habit noir, chanter Une barytonnade quelconque ou débiter des monologues dans les casinos des villes d eaux. J’avisai deux autres barbicoles; c’é taient deux graves magistrats; l’un d eux ne portait que les favoris autre fois; l’autre avait toujours eu le men ton bien fourni, mais passait régulièi&ént rasoir sur sa lèvre supérieure....

À propos

Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.

En savoir plus
Données de classification
  • gladstone
  • de freycinet
  • garay
  • don carlos
  • baïhaut
  • cambon
  • jacques
  • de montebello
  • sarrien
  • parnell
  • france
  • angleterre
  • paris
  • londres
  • tunis
  • mexique
  • nantes
  • armentières
  • marseille
  • allemagne
  • la république
  • conseil de cabinet
  • brown
  • ambassade de france
  • république française
  • chs
  • parti républicain
  • parti libéral
  • parlement