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La République française, 18 juillet 1886

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La République française
18 juillet 1886


Extrait du journal

La Fête du 14 juillet, en dépit de l’envie, semble avoir eu par toute la France un caractère vraiment national. Un vent de patriotisme souillait que petite ni grande pluie n'ont pu abattre. A Paris, c'est la grande revue de Longchainps qui a été le « clou » de la journée . et le ; Tonkinois qui ont été le « clou » d * la revue. Nos petites villes aussi ont eu leur re vue. Nous avons eu la notre — bien mo deste, quelques bataillons seulement — bien mouillée: c’était une belle pluie pour une pluie de province. Eh bien, je ne sais pas si notre revue, pour être moins triomphale, n était pas en quelque façon plus touchante que la vôtre. C'était le charme d’une fête de Camille qui serait en même temps patriotique, d’un spec tacle intime qui serait grand quand même. Lorsque la petite colonne a débouché sur lu place d'Armes, clairons sonnant sous l’averse, on eût dit qu'un rayon de soleil, un rayon d'espérance perçait la pluie. C’était fortifiant, réchauffant. Cha cun de nous, sans oser rien dire (nous avons si peur de passer pour chauvins!) pensait au passé, à l'avenir, à des jours meilleurs, à des marches glorieuses, à des entrées comme celle-là, mais dans des villes reconquises... Avouez donc, mes chers amis, avouez sans fausse honte que vous aviez la gorge un peu serrée par l’émotion et que devant les soldats de la France vous sentiez passer en vous le petit frisson dont parle l'Ecriture et qui fait se dresser le poil de la chair. Regardez plutôt là-bas le brave maire de la ville, un vieux et excellent homme, très-modeste, aussi peu militaire que pos sible, gêné dans son habit noir de céré monie, la petite bedaine sanglée dans l'é charpe tricolore. Il est devenu tout pâle quand le colonel l’a salué de l’épée ; le drapeau passe en claquant dans le vent; voilà mon homme tout blanc, comme sa belle chemise empesée : et je crois bien l’avoir vu essuyer sur sa joue quelque chose qui n'était pas une goutte de pluie. Il m'a fait plaisir, notre maire I 11 rece vait bravement l'averse sur sa tête nue où se collaient des mèches de cheveux gris. Qui disait donc qu'il était un peu ri dicule ? Ridicule ! mais je l'ai trouvé presque héroïque. Ces sentiments-là font du bien. Il n'est pas mauvais, de temps en temps, de ré veiller le patriotisme et, quand le pays éprouve une sorte de fatigue et de mal aise, de lui montrer l’armée comme on administre un cordial. Au lendemain de la guerre et de la Commune, M. Tliiers qui, en ces matières-là, était un maître, n’hésita pas à montrer à la France les débris des grandes défaites cl les lam beaux magnifiques qu’on allait essayer de recoudre. Les revues d’hier portent avec elles plus d'un enseignement. Sans parler des progrès accomplis et des justes espé rances que ces solennités peuvent nous faire concevoir, je compte, sans trop oser l'affirmer pourtant ni' vouloir trancher du prophète, qu’elles auront marqué la tin de ce qu’on, pourrait appeler 1ère des manœuvres tonkinoises. Nos soldats, en passant au milieu des acclamations, uni achevé la déroute déjà commencée de ces Chinois de l’intérieur et de ces 1 lovas en chambre qui depuis deux ans mènent une si formidable campagne contre tout ce qui est expansion nationale, honneur, gloire et patriotisme. Oh ! je sais bien qu'il y aura des révol tes. On ne renonce pas du premier coup à de vieilles habitudes. 11 va là des ar ticles et des discours tout faits qu’il est si aisé de refaire ! Ces clichés sont si commodes ! Croyez bien que nous ver rons reparaître par-ci, par-là, quelques pirates de lettres on de tribune, quelques Pavillons noirs attardés, pavillons qui couvrent je ne sais quelle marchandise avariée et honteuse. Mais q u" i m portent ces dernières cartou ches, destinées à faire long feu ? Le pays ne s’en émeut plus,et il est près de siffler, s'il çst nécessaire, l'éternelle reprise d’une...

À propos

Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.

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