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Le Soleil, 26 septembre 1897

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Le Soleil
26 septembre 1897


Extrait du journal

mutions judiciaires Un citoyen réclame au maire de sa commune un certificat de bonnes vie et (nadirs, dont il a besoin pour obtenir un emploi. Sans juste raison, pour le seul plaisir de nuire, le tyranneau de village refuse le certificat. Le citoyen lésé pour suit l’auteur de son dommage et lui en demande indemnité, par application de l’article 1382 du Code civil qui résume à lui seul tous les principes de justice : Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Le tribunal saisi va faire droit à la re quête, quand le préfet du département prend un arrêté de conflit; c’est-à-dire qu’il taxe les juges d’incompétence parce que le maire, — le maire élu! — est un fonctionnaire. Et le tribunal des conflits ratifie la prétention du préfet. Voilà donc proclamée une fois de plus 1 irresponsabilité des fonctionnaires : in vention monstrueuse du jacobinisme césaricn, soigneusement conservée par le jacobinisme républicain. La France est le seul pays du monde où de pareils abus peuvent se perpétuer. Le fonction naire français, salarié du public, jouit seul parmi les hommes du privilège d’ou trager, de maltraiter, de déshonorer, de ruiner ou même de faire périr les ci toyens qui le nourrissent, et de n’en de voir aucun compte. Cent fois, nous avons montré ce qu’il y a de révoltant dans un tel système, et combien il est humiliant pour un peuple de l’endurer. Cent fois nous avons sou tenu que l’Etat, simple entrepreneur do grands services publics, doit être traité comme les entrepreneurs privés, par conséquent supporter le poids des fau tes, des malfaçons, des erreurs commi ses dans l’exécution de sa besogne. Il n’y aura jamais de motif pour que les ingé nieurs cessent de construire des cuiras sés submersibles, des digues croulantes et des ponts à rupture, tant que les cata strophes et les hécatombes serviront à leur avancement au lieu de briser leur carrière. il n’y aura, surtout, jamais de motif pour que les fonctionnaires de l’ordre judiciaire acquièrent le respect de la li berté individuelle et la notion des droits de la personne humaine, tant que leurs attentats leur procureront des croix d’honneur et des promotions, au lieu de leur attirer de fortes amendes avec de bons mois de prison. Après un siècle de réflexions, le légis lateur a fini par organiser la réparation des erreurs judiciaires, mais seulement en faveur des innocents qui ont été con damnés. Quelques années de bagne ou de prison, sa vie perdue, son foyer ruiné, valent alors à la victime un sac d’écus. Mais il se produit à chaque instant des erreurs judiciaires qui, sans aller jus qu'à la condamnation, n’en ont pas moins d’atroces conséquences; sans aucune er reur, il se produit encore plus souvent des abus de pouvoir et des violations de la liberté individuelle qui soulèveraient le courroux populaire partout ailleurs que chez nous. Périodiquement, les jour naux enregistrent de véritables listes d’innocents qui ont « bénéficié » d’un arrêt d’acquittement ou d’une ordon nance de non-lieu après avoir subi du rant des mois, quelquefois durant plus d’une année, les tortures de l’instruction secrète et les infamies de la détention préventive. Et depuis qu’on a commencé de nous gouverner à la russe en l’hon neur de l’alliance, ou même à la turque en considération des fonds ottomans, la police se fait un jeu de mettre en prison des fournées de citoyens, des inconnus, des passants; ces arrestations de « sus pects » sont devenues le premier numéro obligatoire de toutes les réjouissances officielles; les commissaires se disputent ie record de l’arbitraire, et le préfet de police se vante de pouvoir, la loi de sû...

À propos

Fondé en 1873 par Édouard Hervé, Le Soleil était un quotidien conservateur antirépublicain. Avec son prix modique, il cherchait notamment à mettre la main sur un lectorat populaire, audience qu'il n'arrivera toutefois jamais à atteindre du fait de ses orientations politiques. Le succès du journal fut pourtant considérable à une certaine époque, tirant jusqu'à 80 000 exemplaires au cours de l'année 1880.

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