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Titre : Travaux de la Société d'histoire et d'archéologie de la province de Maurienne : bulletin

Auteur : Société d'histoire et d'archéologie de Maurienne. Auteur du texte

Éditeur : Société d'histoire et d'archéologie de la province de Maurienne (Chambéry)

Éditeur : Société d'histoire et d'archéologie de la province de MaurienneSociété d'histoire et d'archéologie de la province de Maurienne (St Jean de Maurienne)

Date d'édition : 1902

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32880469r

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32880469r/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

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Description : 1902

Description : 1902 (SER2,T3,PART2).

Description : Collection numérique : Fonds régional : Rhône-Alpes

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k487139d

Source : Société d'histoire et d'archéologie de Maurienne

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 21/10/2008

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D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE

SOCIÉTÉ

DE MAURIENNE


TRAVAUX

D'HISTOIRE ET D'ARCHÉOLOGIE

DE MAURIENNE

TOME TROISIÈME DEUXIÈME PARTIE

SAINT-JEAN-DE-MAURIENNE

IMPRIMER IE VULL1ERMET FILS (. i 90 2

rv c *"»

DE LA SOCIÉTÉ

DEUXIÈME SÉRIE n@a

IDf,


Art. 16 ;du règlement.

La Société déclare laisser à chaque auteur la responsabilité des assertions et opinions émises dans son travail.

Cet article sera inséré en tête de chacune de ses publications.


TABLEAU DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ reçus du 7 janvier 1901 au 2 Juin 1902.

MEMBRES EFFECTIFS

MM.

MICHELON Jean, administrateur du « Lyon Républicain », reçu le 4 février 1901

MOTTARD Marcel, (l'abbé), vicaire à Lanslevillard, reçu le 1" avril 1901.

ALBRIEUX François, professeur au Lycée d'Annecy, reçu le 2 décembre 1901.

MEMBRES HONORAIRES

MM.

Brughet Max, archiviste de la Haute-Savoie, membre de la Société Florimontane, à Annecy, reçu le 4 novembre 1901

Doplan Albert, président de l'Académie Chablaisienne, à Thonon-les-Bains, reçu id.

Gonthier Jean-François (l'abbé) aumônier des Hospices d'Annecy, membre de la Société Florimontane et de l'Académie Salésienne, reçu id. MARTEAUX Charles, professeur au Lycée d'Annecy, membre de la Société Florimontane, reçu id.


Depuis la publication du dernier bulletin, la Société a perdu un de ses plus jeunes membres effectifs, M. Charles Brunet, docteur en droit, à St-Jean-deMaurienne, né àSt-Sorlin-d'Arves le 18 juillet 1860, reçu membre de la Société le 3 février 1896, décédé à Lyon le 17 février 1901.

NÉCROLOGI E


COMPTE-RENDU DES SÉANCES DE LA

SOCIÉTÉ D'HISTOIRB ET D'ARCHÉOLOGIE

DE MAURIENNE

Séance du 7 Janvier 1901.

Présidence de M. le Chanoine Truchet, président. M. le Président ouvre la séance il adresse ses souhaits aux membres de la Société et et à la Société elle-même, à laquelle il augure un siècle de constante prospérité, « de sorte que ses successeurs, même celui qui présidera en l'an de grâce 2001, aient la joie de constater le même esprit de fraternité, le même attachement à la patrie maurienn.tise, la même activité, le même feu sacré ».

Après l'éloquence, la poésie car c'est en vers que M. l'abbé Gros célèbre le dix-neuvième siècle et les travaux de la Société d'Histoire et d'Archéologie voici le sonnet qu'il a consacré au « Siècle de l'Histoire »

« Ainsi qu'un grain de sable au sein des flots jeté,

« Dans l'abîme profond, océan sans rivage,

« tombe chaque instant que l'aiguille a compté,

« Un siècle a disparu. Qu'il reçoive un hommage

« Aucun temps n'a marqué d'un plus profond sillage « La route du progrès où tend l'humanité.

«Combien d'inventions aignalent son passage

« Au pieux souvenir de la postérité

« Mais son plus beau fleuron, son vrai titre de gloire, « C'est de poiter le nom de Siècle de l'Hitoire.

« Aux illustres auteurs qui scrutent le pas <é,

« Vous apportez, Messieurs, un concours empressé. « Par vos doctes travaux, le pays de Maulienne

c Révèle les secrets de son histoire ancienne.

« Honneur à vous, Savants, qui tirez de l'oubli

«Le monde des aieux longtemps enseveli. »


Le Secrétaire donne ensuite communication d'une lettre de M. de Seynes, ancien Directeur de l'usine de chlorate de potasse de Prémont, actuellement résidant à Paris. En envoyant sa cotisation, notre sympathique confrère, dont nous regrettons vivement le départ, adresse à la Société et à son président l'expression de son aflectueux souvenir.

MM. Florimond Truchet et Jules Manecy présentent M. Jean Michelon, administrateur du journal « Lyon républicain », originaire de St-Jean-de-Maurienne. Le vote sur cette candidature est renvoyé à la séance de février.

M. le chanoine Truchet donne la note suivante sur le fiel de Combefort, note qui sera insérée dans le prochain volume et à propos de laquelle M. le chanoine Buttard observe que la forêt de Pontamafrey. depuis le Fayjusqu'à Ste-Marie-de-Cuines appartenait aux Combefort.

« Parmi les terriers qui ont fourni une grande partie des éléments du mémoire sur les de La Balme de Montvernier dont je vais commencer la lecture, il y en a un qui n'a avec cette famille que des rapports de voisinage et qui mérite cependant une petite place à côté de cette partie de l'histoire féodale de la Maurienne. Il concerne le fief de Combefort à Montpascal. Je demande la permission de lui donner ici quelques lignes, qui auraient été un hors-d'œuvre dans ce mémoire.

« Les membres de la noble famille de Combefort n'ont laissé aucun souvenir dans nos archives. Tout ce que l'on sait, c'est que cette famille avait une maison-forte à St-Etienne-de-Cuines et des fiefs dans un grand nombre de communes.

« En 1457, date de mon plus ancien renseignement, la seigneurie de Combefort appartenait à Jean IV de Cuine. Antoinette, sa fille, la porta dans la fa-


mille de Mareschal. Jean de Mareschal la possédait en 1512 et il fit faire des reconnaissances qui sont mentionnées dans mon terrier. A la fin du même siècle, elle parvint à noble Pierre de Rapin, corrier et juge commun de la Terre Commune de Maurienne Les reconnaissances que j'ai sous les yeux sont faites en faveur de ses fils Guillaume, Jacques, Pompée et Pierre, et reçues par le notaire Jean-Baptiste Dunoyer, d'Hermillon.

« Malheureusement, le registre ne commence qu'au feuillet 82 et aucun des 47 actes qu'il contient n'a de date d'année. Mais Pierre de Rapin étant mort en 1579 et Pompée, celui de ses fils qui décéda le premier, en 1603, les reconnaissances ont dû avoir lieu à la fin du XVIe siècle. Du reste, je retrouve parmi les tenanciers le chanoine Philippe Perret, curé de Montpascal. Parmi les autres, une demi-douzaine ont leur habitation dans les communes voisines. Les parcelles dépendantes du fief, numérotées à la marge du registre, sont au nombre de 162. Plusieurs tenanciers ne possèdent qu'une ou deux pièces dépendant de ce fief et un grand nombre de ces pièces n'ont qu'une quartellée et même moins. Quant au taux des redevances, il suffit de noter qu'une maison avec grange et jardin doit une obole forte, la vingt-quatrième partie d'un sou un quart de sétorée de pré, un denier et une picte la moitié d'une varcine de terre et un chosal, une demi-quarte d'orge de tache. » M. le chanoine Truchet commence ensuite la lecture de son Mémoire sur les nobles de la Balme et leurs fiefs il fait connaître l'emplacement de leur château à Montvernier, des deux maisons qu'ils ont possédées à St-Jean-de-Maurienne la généalogie de cette famille, complétant et rectifiant sur ce dernier points les données de l'Armorial et Nobiliaire de la Savoie.


Séance du 4 février 1901.

Présidence de M. le chanoine lruchet, président. Après la lecture et l'approbation du procès-verbal de la dernière séance, on procède au vote sur la présentation de M. Jean Michelon, qui est élu membre effectif.

M. le chanoine Truchèt reprend la lecture de son mémoire sur les nobles de la Balme et énumère, d'après les terriers, les nombreux fiefs que cette maison possédait en Maurienne. Puis, réservant pour une autre séance la dernière partie de son travail, il donne la parole à M. le chanoine Buttard pour la lecture de notes sur les nobles de Chignin de Pontamafrey. Ces notes révèlent de curieuses clauses testamentaires et l'assemblée en vote l'insertion dans le procès-verbal de la séance.

Notre confrère s'exprime ainsi

« Noble Jean de Chignin damoiseau demeurant à Pontamafrey, marié à noble Alésie, mourut entre le 2 novembre 1406 et le 23 Avril 1407. A cette dernière date sa dite veuve, en qualité de tutrice de Jean et d'Henri de Chignin leurs fils et héritiers du défunt et ledit Henri mineur de vingt-cinq ans, mais majeur de quatorze ans, agissant sous l'autorité de sa mère, tous deux en leurs noms et au nom de Jean, frère d'Henri, passent un acte en faveur de la communauté de Montvernier (1).

« En 1417, le8 mars, noble Henri de Chignin paraît comme témoin dans un acte d'albergement du tiers de la plaine de Longefand (2).

«Le20juillet 1421, noble Henri deChignin fait son testament à Pontamafrey dans sa maison qui est de (1) Travaux de la Société d'Histoire et d'Arohéologie de Maurienne, 2* série, t. 2*, 1" série.

(2) Ibidem, 3' volume, 5' bulletin, page 205.


la dot de sa femme, Jeannette fille de défunt noble François de Malve. Ce testament, écrit sur parchemin et reçu par Maître Borrivend, notaire, se trouve aux archives de la cure de Pcntamafrey. En voici les principaux dispositifs

« 1° Il veut que son corps soit enseveli dans le cimetière de l'Eglise de St-Michel du Pontamafred au vas de ses prédécesseurs (in annulo suorum prœdecessorum).

« Il veut à sa sépulture l'assistance de vingt-cinq chapelains qui, tous le même jour, disent la messe (benè et devotè) dans l'Eglise de Pontamafreyd et qu'à chacun d'eux soient donné aussitôt trois deniers gros et quatre deniers forts.

«2° Il veut qu'on place au luminaire de sa sépulture six torches (sex fanos aut torchias) du prix de six florins petits poids (parvipon deris) qu'on fasse l'offrande, la neuvaine, la procession et tout ce qui est en usage audit lieu de Pontamafred, selon son état et sa fortune actuelle.

« 3° Le même testateur veut, commande et ordonne que chaque année à l'avenir une messe soit dite dans l'église de Pontamafreyd, avant l'heure de prime, le jour de la fête de saint Michel Archange pour le remède de son âme et celles de ses prédécesseurs et qu'on donne chaque année au chapelain qui acquittera ladite messe quatre deniers gros en bonne monnaie (bonae monetae). Et, de peur que ces quatre deniers gros viennent à se perdre, il les place sur six fossorées de vigne qu'il possède sur le territoire de Pontamafred lieu dit in Saontza. confinée par celle de son frère noble Jean de Chignin dessus, celle noble Humbert Dupont dessous, par le chemin public de la Saussaz du couchant et par la vigne de noble de la Balme du levant

« 4° Il veut que dans l'année de son décès on fasse


un service dans l'église de Pontamafreyd et qu'il soit soldé trois florins parvi ponderis au prêtre qui le célèbrera. Et aussi que dans deux ans après son décès on fasse à Pontamafreyd son anniversaire que douze chapelains y disent la messe ce jour-là pour le repos de son âme et celles de ses ancêtres et qu'on donne à chacun d'eux trois deniers gros ainsi qu'un repas convenable (cum prandiounoet congruenter). Ii veut de plus que le dit jour de son anniversaire on distribue aux pauvres six sétiers de bon froment réduits en bon pain passé (pane bono ac taminato), ainsi que du bon vin pur, de la viande et autres pitances, selon ses facultés, et suivant l'usage dudit lieu.

« Il nomme pour ses héritiers universels, par égale part entr'eux, un ou une enfant posthume, nés ou à naître de lui et de sa très chère épouse Jeannette fille de feu noble François de Malve. Et, le cas arrivant, il confie à sa dite épouse la tutelle dudit ou desdits enfants.

« Et, si aucun enfant posthume nevient à naître de lui et de sa dite épouse, alors il veut que son cher frère, noble Jean de Chignin ainsi que ses enfants mâles, nés ou à naître, soient seuls ses héritiers universels et solidairement entr'eux et, ce cas arrivant, il laisse h sa dite épouse l'usufruit, les profits et les récoltes de tous ses biens immeubles, pourvu que sa dite épouse mène une vie honnête et qu'elle ne convole à d'autres noces qu'une année seulement après le décès dudit testateur. Ce cas arrivant, il lègue encore à son épouse, sous la condition dictée ci-après, cinq fossorées de vigne situées sur le territoire de Pontamafreyd lieu dit aux Noyers (ad Noyretos) à côté de la vigne de noble Jean de Chignin et de celle de Humbert Dupont; mais, si ladite Jeannette venait à mourir sans enfants issus de légitime mariage, le testateur veut que ce legs soit nul et de


nulle valeur en sorte que 'ladite vigne revienne de plein droit à ses dits héritiers universels.

« 6* En outre si quelqu'un ou quelques-uns de ses héritiers universels venaient à décéder sans enfants mâles et légitimes, le testateur, par fidei-commis, leur substitue au dernier mourant son cher frère naturel Pierre de Chignin et ses enfants mâles issus de légitime mariage.

7° Quant au gouvernement et à l'administration de ses enfants posthumes, il en charge sa chère épouse, l'exemptant de tout inventaire et la dispensant de toute reddition de compte de son administration.

« Suivent ensuite les formules générales de la clôture dudit testament ainsi que les noms des sept témoins qui ont assisté à sa rédaction. Parmi ceux-ci se trouve un Dompnier de Anginato, Capellanus et vicarius dicti loci.

« On voit par ce testament 10 Que longtemps avant 1421 la famille des nobles de Chignin existait déjààPontamafreyd puisqu'elle avait au cimetière de ladite paroisse un vas spécial pour elle (voluit sepeliri in annulo suorum prcedecessorum.

2' Que Pierre de Chignin que le testateur, par fideicommis, substitue comme héritier universel au dernier mourant des enfants mâles de noble Jean de Chignin nepouvait être qu'unfilsillégitime et naturel du père du testateur. En effet dans l'acte désigné cidessus du 23 Avril 1407 la veuve de noble Jean de Chignin n'agit que comme tutrice d'Henri et de Jean, seuls héritiers dudit Jean de Chignin; il n'y est pas question de Pierre et le testateur lui-même ne lui donne pas le titre de noble. Il l'appelle tout simplement Pierre de Chignin, son cher frère naturel. Quant à la vigne de la Saoutza léguée pour faire dire une messe chaque année à Pontamafreyd le jour


de St-Michel Archange, elle est restée la propriété du bénéfice cure dudit lieu jusqu'à la révolution française, époque où elle fut confisquée et ensuite vendue par la nation. Elle figurait sous le numéro 1374 de la mappe dudit lieu.

« Depuis la date du testament précité on ne trouve plus à Pontamafrey aucune trace de la famille des nobles de Chignin. »

Séance du 4 Mars 1901.

Présidence de M. le chanoine Truchet, président. Au début de la séance, le président prononce les paroles suivantes au sujet de la mort de notre regretté confrère, M. l'avocat Charles Brunet. « Il n'y a que trois mois, Messieurs, que j'adressais, au nom de la Société, un hommage d'affectueux regrets à un collègue qui venait de nous être rapidement enlevé me voici déjà obligé de remplir le même pénible devoir, et cette fois c'est parmi les jeunes que la mort a frappé, parmi ceux qui sont naturellement appelés à assurer l'avenir de la Société, à développer et à perfectionner son œuvre. M. l'avocat Charles Brunet n'avait pas encore quarante-un ans. Né à St-Sorlin-d'Arves le 18 juillet 1860, il avait seize ans lorsqu'il commença ses études secondaires. Mais ilfitmontred'unetelleintelligence, d'une application si soutenue, ne mettant aucune relâche dans le travail, même pendant les vacances, qu'après trois années il était admis en rhétorique au Rondeau, où il termina ses études. Il alla ensuite suivre les cours de droit de la faculté catholique de Lille, puis de l'université de Paris où il prit sa licence et son doctorat en 1890. Il choisit pour sujet de sa thèse en droit romain « Des


stipulations et des legs et rentes perpétuelles et viagères », en droit français « Conséquences juridiques de l'annexion de la Savoie et de Nice à la France ». « Dès avant son admission dans notre Compagnie (3 février 1896), il avait projeté pour elle un travail considérable qui eût éclairé un des côtés les plus intéressants de notre histoire c'était une étude approfondie des antiques franchises, des coutumes qui en précisaient la portée et des changements amenés par l'envahissement progressif du droit romain. Mais déjà ses yeux ressentaient les premières atteintes de la cruelle maladie qui l'a emporté. Il est mort à Lyon le 17 février dernier.

« Je suis votre interprète, Messieurs, en adressant à M. le supérieur du petit-séminaire, son frère et notre collègue, à son père et à sa mère l'expression émue de nos plus sympathiques condoléances. »

Tous les membres s'associent aux sentiments exprimés parle président. Conformément au règlement, le 6 courant un service sera célébré dans la cathédrale pour le défunt.

M. Alexandre Bonnet, trésorier, rend compte de sa gestion pendant l'exercice mars 1900 mars 1901. Malgré le taux peu élevé de nos cotisations annuelles, notre budget continue à être prospère et le président, au nom de la Société, remercie M. Bonnet du soin avec lequel il administre nos modestes finances. La Société voulant parer à une difficulté qu'a suscitée dans la pratique l'application stricte de l'art. 4 du règlement, adopte l'addition suivante « Le membre admis dans les séances de novembre et de décembre, ne paie la cotisation et ne reçoit les publications qu'à partir du 1" janvier suivant. »

M. le chanoine Truchet termine la lecture de son mémoire sur les de la Balme il raconte comment s'éteignit cette famille et comment les fiefs passèrent


successivement aux d'Avrieux et aux Dupré, mais diminués peu à peu par des affranchissements. L'assemblée vote l'impression de ce mémoire, qui accuse un travail et une patience de bénédictin (1).

Séance du 1" avril 1901.

P résidence de J/ le chanoine Truchet, président. A propos des ouvrages reçus depuis la dernière séance et dont il a lu les titres, le président résume dans la note suivante les renseignements que fournissent quelques-unes de ces publications sur notre histoire locale.

« Dans le « Bulletin historique et philologique » (1J00, nos 1 et 2 p. 278), M. Max Bruchet, archiviste de la Haute-Savoie, a publié les instructions données, en 1721, par le roi Victor-Amédée II au comte de Sale pour le gouvernement de la Savoie. On sait que ce prince compléta et perfectionna le régime de centralisation et d'absolutisme inauguré par le duc Emmanuel Philibert. Il supprima les Etats Généraux et la Chambre des Comptes de Savoie et remplaça les conseils généraux des communes par des conseils élus la première fois par les citoyens, puis se recrutant eux-mêmes. Ce fut la fin des antiques franchises et libertés déjà bien rognées et oubliées depuis deux siècles. Le comte de Sale doit surtout s'appliquer à briser l'opposition du Sénat et >lu clergé.

« Dans le t. 13 (p. 251) des « Mémoires et Documents » de l'Académie Chablaisienne M. l'abbé Piccard publie plusieurs patentes de marqueurs des poids et mesuros en Mau'rienne de 1559 à 1583. Cette fonction, comme presque toutes les fonctions publi(1) V, Mémoires 1.


ques, était mise aux enchères. Un des adjudicataires, entre les années 1559 et 1561, fut M* Nicolas Martin, dont les poésies patoises sont bien connues il eut l'adjudication « moiennant doze florins d'introges et soubs le servis annuel de trois florins durant sa vie.» » « M. Pérouse, archiviste de la Savoie, a communiqué à la Société Savoisienne d'Histoire et d'Archéologie le catalogue des livres que possédait l'église de Termignon en 1559. Il signale les écrivains de forme qui existaient, « même en Maurienne », dit-il, et il rappelle le nom de Pierre Gros qui, en 1439, fit un contrat avec la communauté d'Albanne (p. XCV). J'ai moi-même, ajoute le chanoine Truchet, dans mes Récits Mauriennais (1* série, p. 80), signalé les écrivains de forme Pierre de Beaumas en 1503 et Etienne Bertier, prêtre de Puisgros, en 1514. »

M. l'abbé Gros, secrétaire, fait connaître trois ouvrages d'occasion qu'il a achetés, au nom de la Société, à la librairie E. Rolland (2 rue des Chantiers, Paris).

« 1° Rapin-Thoyras, par Raoul de Cazenove, 2* édition, revue et abregée (Toulouse 1874). Ce livre avait sa place marquée dans notre bibliothèque, parce que la famille des Rapin-Thoyras, comme vous le savez, est originaire de la Maurienne et prétend même se rattacher à celle de Sainte Thècle. La première illustration de cette famille fut Pierre de Rapin, seigneur de la Chaudane, juge corrier de l'évêché de Maurienne.

« Tandis que sa descendance demeurait fixée en Maurienne, où elle s'éteignit en 1776 avec ClaudeFrançois de Rapin, docteur en droit, avocat au Sénat de Savoie, trois de ses frères, Jacques, Antoine et Philibert, allaient s'établir en France vers le milieu du XVI' siècle. Jacques, après avoir été en Maurienne chanoine de la cathédrale et vicaire général, devint


aumônier deCatherine de Médicis. Antoine et Philibert passèrent au protestantisme, si toutefois ils n'avaienfdû quitter le pays par suite de leur adhésion aux nouvelles doctrines qui cherchaient à s'implanter dans nos montagnes. Le plus illustre descendant de Philibert de Rapin, un des plus braves chefs du parti protestant, fut Paul de Rapin, écuyer, né à Castres en 1661. Lors de la Révocation de l'édit de Nantes, il s'expatria avec un grand nombre de ses coreligionnaires en Angleterre, séjourna quelque temps à Londres, passa à Utrecht, prit du service en Hollande, accompagna Guillaume d'Orange en Angleterre et écrivit une histoire de ce pays en douze volumes. C'est de ce dernier personnage que M. Raoul de Cazenove a tracé le portrait avec la sympathie et l'admiration qu'un ancêtre, un coreligionnaire peut inspirer à l'historien de sa vie.

« Le 2' ouvrage que j'ai à vous faire connaître est une « Notice historique et descriptive sur la route du Mont-Cenis ». Angers, 1816. En réalité, il n'est question que de la partie comprise entre Lanslebourg et Suse. L'auteur de cette notice, R. Derrieu, ingénieur en chef du corps royal des Ponts et Chaussées, a suivi les travaux de construction dès leur origine en 1803 comme élève ingénieur et les a terminés comme ingénieur en chef. Les renseignements que contient cet opuscule complèteront heureusement le travail de notre président sur le Mont-Cenis et les projets de Napoléon I" (1).

t « Le 3' ouvrage est un mémoire sur la propriété des mines de St-Georges-d'Hurtières pour M. Berthod et la G" Générale Anonyme des mines et hauts-fourneaux de la Maurienne. Dans ce mémoire, paru en 1865, l'auteur, J. Bozérian, avocat au Conseil d'Etat, remonte à l'origine même de l'exploitation, à la per,_(!) Travaux de la Soc., 1" série, 5' volume.


mission accordée par le comte Amédée de Savoie à Ugolin Berix en 1289, énumère lespropriétaires successifs des mines de St-Georges, étudie les divers régimes législatifs qui ont régi l'exploitation des mines en Savoie. »

M. le chanoine Truchet signale dans les registres des séances du conseil municipal de St-Jean, à la date de 1646, comme pouvant servir de base à un travail intéressant, des documents concernant l'achat de l'ancien Hôtel-de-Ville et la vente de la maison de ville précédente, située rue Grenette, ainsi que de la maison de la Confrérie (actuellement maison Carloz) On arrête ensuite le programme de l'excursion annuelle. La date est fixée au mardi 4 juin. Les nombreuses études annoncées promettent une matinée bien remplie. Il y aura deux stations une au pont d'Arc, à Villard-Cïément l'autre à St-Julien, où aura lieu le banquet, dont l'organisation est, comme les années précédentes, confiée à MM. Arnaud et Bonnet.

On vote l'insertion au procès-verbal de la séance de la note suivante de M. le chanoine Truchet, sur des documents qui lui ont été transmis.

« M. l'abbé Mottard, vicaire à Lanslevillard, dit-il, m'a communiqué deux documents concernant les franchises de la seigneurie de Bessans et Lanslevillard. Avant de les analyser, il est peut-être bon de rappeler le mémoire et les documents tirés des archives de Turin, que le général A. Dufour, membre correspondant de notre Société, a publiés dans le t. 3 de la première série de nos travaux (p. 129) sous ce titre « Les franchises de Bessans en Maurienne. » Il raconte ces trois faits 1* le 20 mai 1333, Aimon, comte de Savoie, vend à Rodolphe de Montbel, abbé de St-Michel de la Cluse, pour le prix de 7.000 florins bon or et bon poids de Florence, les château, ville et


mandement de Tournon en Savoie 2* le 3 janvier 1357, l'abbé rend au comte le fief et le château de Tournon et reçoit en échange la paroisse de Lanslevillard, Bessans compris, quoique non nommé dans l'acte, et le fief de Goazze en Piémont 3° le 2 août 1567, le duc Emmanuel-Philibert confirme les franchises de Bessans, que les habitants disent dater de l'année 1319, mais qui ne peuvent être antérieures à 1357, puisqu'elles ont été accordées par l'abbé de la Cluse nous avons le texte de ces franchises (p. 181), et une seconde fois dans un acte de confirmation accordé, le 16 juillet 1620, par le cardinal Maurice de Savoie abbé de la Cluse et publié par M F. Truchet à la suite du mémoire du général Dufour (p. 191). < Comme les habitants de la châtellenie de Maurienne à l'égard des princes de Savoie, comme ceux de la Terre Episcopale à l'égard des évoques, les habitants de Bessans et Lanslevillard avaient grand soin de demander à chaque nouvel abbé de la Cluse la confirmation de leurs libertés et franchises, et à chaque nouveau juge ou châtelain le serment de les observer et faire observer. Ainsi le 27 avril 1339, à Lanslevillard, devant M* Jean Filliol, notaire qui dresse acte, à la requête des syndics, Jean feu Pierre Filliol et Mathieu Manuel, noble et égrège Jean Simon Rabiou, bourgeois de Suse, châtelain et juge ordinaire de Lanslevillard et Bessans pour le cardinal Boniface Ferrier, abbé commendataire et administrateur perpétuel du monastère de St-Michel de la Cluse, diocèse de Turin, de l'ordre de St. Benoit, seigneur de Lanslevillard et Bessans, prête serment « d'observer et faire observer par tous les moyens en son pouvoir les bonnes coutumes, libertés, immunités et franchises accordées et confirmées par le dit seigneur et ses prédécesseurs. » C'est mon premier document. « Le second est un avis d'un avocat nommé Ruffin.


Selon la coutume du temps, il ne porte ni nom de lieu ni date il doit être de la seconde moitié du XVI' siècle. M* Ollivier Collet, termier, à Lanslevillard et Bessans, des revenus du cardinal de Verceil. abbé de St-Michel de la Cluse et seigneur des dits lieux, voudrait remettre cette ferme à l'ancien fermier, M' Sébastien Gras, ou à Nicolas son frère, ce qu'il ne peut faire sans le consentement des habitants. Ceux-ci refusent. Les frères Gras demandent s'ils peuvent faire contraindre les habitants qui sont intervenus dans l'acte de refus à en déclarer les motifs. L'avocat est d'avis qu'ils n'y sont pas tenus et que les frères Gras n'ont aucune action contre eux.

« A ces deux titres était joint un petit parchemin contenant une fondation en faveur de la confrérie du St-Esprit de Lanslevillard. L'acte est du 6 juin 1296, M' Jacques Constantin de Lans notaire, un des témoins est messire Jacques, chapelain (curé) de Lanslevillard. Pierre et Jean Roi de cette paroisse s'engagent par serment à maintenir à perpétuité leur père dans la confrérie et à payer la redevance d'usage. n Sur la présentation de M. le chanoine Truchet et de M. l'abbé Gros, la Société reçoit au nombre de ses membres effectifs M. l'abbé Marcel Mottard il est fils de M. le docteur Mottard fondateur de la Société d'Histoire et d'Archéologie, et héritier, nous en avons déjà la preuve, de son amour des études historiques et de la patrie mauriennaise.

M. Florimond Truchet communique un fragment de parchemin qui servait de couverture à un vieux livre acheté chez un bouquiniste de St-Jean. C'est un fragment du testament du cardinal de Varembon, évêque de Maurienne (1449).


Séance du 6 mai 1901.

Présidence de M. le chanoine Truchet, président. Dans la séance précédente, M. le chanoine Truchet a signalé à ceux qui voudraient faire l'histoire des maisons de ville de St-Jean les délibérations du conseil de l'année 1646, relatives à l'acquisition de la maison des Flammes. Il ajoute aujourd'hui un second renseignement. Cette maison comprenait le corps de bâtiment formant aile à gauche de la cour en face de la tour ronde. On trouve, aux dates des 3 octobre et 25 novembre 1658, des délibérations concernant la vente de cette aile à Berthellin Ferrier. C'est derrière cette construction que se trouvent les armes de Mgr. Charles Bobba, dont il est parlé dans le mémoire sur les nobles de la Balme.

M. le chanoine Buttard donne la note suivante sur le pont Renard ou de la Madeleine

c Le pont de la Magdelaine, ou pont Renard, fut construit, ou reconstruit, en 1729, par ordre de Monsieur le Comte de St-Martin, pour lors intendant de la province de Maurienne.

cCelui qui eut l'entreprise de cette construction fut un homme de la cité de St-Jean-de-Maurienne nommé Jean-Michel Germain.

c Son travail était déjà bien avancé aux premiers jours de juin de ladite année mais, faute d'avoir pris toutes ses précautions, l'entrepreneur s'aperçut bientôt que les matériaux nécessaires pour achever la voûte allaient lui manquer. C'était surtout les tufs qui lui faisaient défaut, et il les lui fallait de la même mesure et de la même dimension que ceux qu'il avait déjà employés.

« Ne sachant comment se tirer d'embarras, il s'adressa audit comte de St-Martin qui, par ordonnance du 13 juin 1729, donna pouvoir audit entrepreneur


de prendre des tufs chez qui il en trouverait à la charge de les payer où de les rendre de la même uniformité et valeur. Usant de cet ordre, l'entrepreneur trouva des tufs tout travaillés à Pontamafrey, chez Maître François Bertrand, bourgeois de la cité, il s'en empara, les fit conduire sur son chantier et acheva la voûte du pont en question.

« Lorsque le pont fut achevé, il fut question de payer les tufs enlevés de chez Maître François Bertrand, ou bien de les rendre de la même mesure et valeur. Les deux parties ne purent s'entendre à l'amiable. Deux experts furent nommés pour trancher le différend mais l'un des deux mourut sur ces entrefaites et l'on ne put s'entendre pour le remplacer. Finalement Maître François Bertrand s'adressa à Monsieur l'Intendant Général qui ordonna au comte de StMartin de faire assigner les deux parties en litige et de juger sommairement cette affaire. C'est grâce à cette copie qu'on a pu savoir au juste la date de la reconstruction du pont de la 'Magdelaine. (Archives de l'Evêché). »

Le président demande l'avis de l'assemblée sur la participation de la Société à la XVI' session du Congrès des Sociétés savantes de la Savoie, qui doit se tenir à Annecy les jeudi 1", vendredi 2 et samedi 3 août prochain, sous les auspices de la Société Florimontane et de l'Académie Salésienne de cette ville. L'assemblée observe que les Congrès ont toujours eu lieu les lundi, mardi et mercredi, jours où l'on est généralement plus libre que les derniers jours de la semaine. En outre, la circulaire informe que les communications ne seront publiées qu'en résumé dans la Revue Savoisienne, ce qui est contraire à la décision prise au second congrès et suivie depuis lors de les publier in extenso en un volume spécial. Si ces déterminations étaient maintenues, la Société se ver-


rait dans la nécessité de s'abstenir et le président est chargé d'en aviser le secrétaire général (1). M. le chanoine Truchet lit un mémoire sur le fort de St-Jean, qui n'a jamais joué un rôle bien important dans nos annales militaires et sur les ruines duquel s'élève aujourd'hui la tour qui sert de poudrière. Ce mémoire paraîtra dans le prochain bulletin (2). Le président dépose ensuite un mémoire de M. l'abbé Mottard sur la commune de Lanslevillard pendant la Révolution française. Il est soumis à l'examen de MM. les chanoines Truchet et Perret et l'abbé Gros.

La séance est levée et l'on se donne rendez-vous au 4 juin pour l'excursion à St-Julien. Les séances mensuelles seront reprises le lundi 4 novembre.

Séance du 4 novembre 1901

Présidence de M. le chanoine Truchet.

M. le chanoine Truchet ouvre la séance et fait part des impressions qu'il a rapportées du Congrès d'Annecy, dont le succès a été plus grand qu'on ne l'espérait et doit être attribué, dans une certaine mesure, aux observations présentées par l'Académie de Savoie et la Société d'Histoire et d'Archéologie de Maurienne. Notre Société, pour ne pas parler des autres, a reçu l'accueil le plus aimable elle a eu sa bonne part dans les travaux et les discussions du Congrès elle a noué ou fortifié des relations d'amitié avec plusieurs membres des autres Sociétés savantes de la Savoie.

En vue de maintenir ces rapports de confraternité (1) On verra plus loin que les Sociétés d'Annecy se sont rendues avec empressement aux observations des autres Sociétés. (2) V. Mémoires]– 2.


scientifique, qui sont un des principaux avantages de nos Congrès, M. le chanoine Truchet propose à l'assemblée de recevoir, comme membres honoraires, M. Albert Duplan, président de l' Académie Chablaisienne et numismate distingué M. Max Bruchet, le digne successeur du regretté chanoine Ducis aux archives départementales de la Haute-Savoie M. Marteaux, professeur au lycée Berthollet, bien connu pour ses travaux sur la Savoie à la période romaine; M. l'abbé Gonthier, aumônier des Hospices d'Annecy, le sympathique et dévoué secrétaire général du dernier Congrès. La Société applaudit à cette proposition et accueille avec plaisir ces nouveaux confrères. M. le Président communique ensuite une lettre du bibliothécaire de la Bibliothèque Nationale de Turin, exprimant le désir de recevoir la collection des publications des Sociétés savantes de la Savoie, publications qu'elle a cessé de recevoir depuis 1859. En ce qui la concerne, la Société de Maurienne, considérant qu'il s'agit, non d'un échange, mais d'un cadeau sans espoir de retour, veut bien envoyer à la dite Bibliothèque la première série de ses Travaux, mais sans prendre aucun engagement pour l'avenir. Le secrétaire est prié de répondre dans ce sens. Ou communique deux lettres fort intéressantes de M. l'abbé Léard. Elles seront insérées dans le prochain bulletin (1).

Le président donne les titres des publications reçues depuis la séance du 6 mai, la dernière avant nos vacances, celle du premier lundi de juin ayant été remplacée, avantageusement, par l'excursion à StJulien. c Deux de ces publications, dit-il ensuite, peuvent servir de modèles à ceux, trop peu nombreux, qui s'occupent de monographies paroissiales et communales.

(1) Y. Mémoires 3.


M. le comte de Loche avait commencé, dans le t. VII* de l'Académie de Savoie, l'histoire de la ville d'Aix-les-Bains il l'achève dans le t. VIII'. Aix, par sa situation, ses ruines romaines, ses souvenirs féodaux, sa collégiale, ses eaux thermales, ses transformations, offrait un champ d'exploration d'une richesse rare en Savoie. M. de Loche l'a fouillé dans toute son étendue avec ce soin des détails qui est une des caractéristiques des travaux historiques de notre époque et qui est essentiel dans une monographie locale.

« M. l'abbé Gavard, professeur au collège d'Evian, dans le t. XXIV de l'Académie Salésienne, a traité avec le même luxe de détails, de quoi je suis loin de lui faire un reproche, un sujet plus modeste, l'histoire de Peillonnex, commune de 527 habitants dans le Faucigny. Elle comprend trois parties le prieuré de chanoines réguliers de Saint-Augustin, du XII' siècle à la Révolution, la paroisse, la commune. On voit tout de suite ce qui est entré dans ce cadre.L'auteur n'a rien négligé, pas même les noms des familles, des curés, des maires et des conseillers municipaux. Une notice géologique, une flore due à un botaniste distingué, le P. Gave, rédemptoriste, et de nombreux documents complètent ce travail. Je souhaite que M. l'abbé Gavard et ses prédécesseurs dans la même voie aient beaucoup d'imitateurs.

« J'arrive au don magnifique que notre confrère M. le comte Marc de Seyssel-Cressieu, vient de faire à notre Société, 1' « Histoire de la Maison de Seyssel », deux volumes in folio de 354-570 pages, ornés de 674 illustrations portraits, vues de châteaux, armoiries, bandeaux, -culs-de-lampe, etc. L'ouvrage sort des presses desfrères Allier de Grenoble, imprimeurs etéditeurs de l'«Armorial etNobiliaire de Savoie», ce qui est tout dire. Il n'est pas dans le commerce, mais réservé


à la famille ef aux amis l'auteur, soyons-lui doublement reconnaissants, a mis la Société à ce rang. L'exemplaire dont il l'a honorée porte le n' 33 et cette mention « Cet exemplaire appartient à la Société d'Histoire et d'Archéologie de Maurienne. » « Parmi les illustrations, signalons dans le premier volume l'écusson de la Maison de Seyssel; gironné d'or et d'azur; celui de la Maison de La Chambre, d'azur semé de fleurs de lys d'or à la cotice de gueules brochant sur le tout; les châteaux encore debout de Sainte-Hélène-des-Millières, de La Rochette et de Chamoux les ruines des châteaux d'Epierre, des Cuines et de La Chambre les portraits de Jean, de Pierre, de Charles Emmanuel et de Louis de Seyssel, marquis de La Chambre dans le second volume, divers écussons aux armes accolées de Seyssel et de La Chambre, des portraits, des vues de châteaux, etc.

« Une analyse détaillée de cette œuvre vraiment bénédictine n'aurait pas bien sa place ici. Je dois me borner à un aperçu à vol d'oiseau.

« Les deux premiers chapitres sont consacrés aux origines de la Maison de Seyssel. Comme celles de la Maison de La Chambre, ces origines se perdent dans la nuit du X* et du commencement du XI* siècle. Le premier nom que l'on puisse avec toutes pro habilités attribuer à cette famille est celui de Gauthier d'Aix qui, en 1097, prit part à la première croisade avec le comte de Maurienne Humbert II.

« A partir d'Humbert II de Seyssel, seigneur d'Aix, témoin en 1236 à une donation à la chartreuse d'AilIon, toute la filiation, dit l'auteur, est prouvée par actes authentiques. Mais quels monceaux de documents il a fallu étudier, pour en dégager, non pas de sèches généalogies, mais cette histoire mouvementée d'une des plus grandes familles de Savoie et des évè-


nements politiques et militaires dans lesquels elle a joué souveut les premiers rôlesl

« Humbert II est la tige certaine de la première branche de la Maison de Seyssel dite des barons d'Aix. Elle va (chap. III-XIII, p. 29-152) de ce milieu du XIII" siècle à Claude de Seyssel, maréchal de Savoie, mort vers 1500, et Claude son fils, archevêque de Turin, historiographe de Louis XII, mort en 1520.

« Pour l'histoire de la deuxième branche, dite des comtes et marquis de La Chambre (chap. XIV-XXII, p. 143-284), qui est intimement mêlée à notre histoire de Maurienne, l'auteur remonte à un siècle en arrière. En 1425, Jean second fils d'Antoine de Seyssel, baron d'Aix, épouse Marguerite, fille d'Urbain, seigneur de La Chambre, vicomte de Maurienne (1). En 1436, Jean de Seyssel était maréchal de Savoie. Cette alliance devait, quelques années plus tard, faire passer à sa descendance l'immense fortune et la superbe situation des La Chambre. De fait, en 1448, son fils Aimon recueille l'héritage de Gaspard de La Chambre son oncle, mort sans postérité, et devient de ce chef seigneur de La Chambre, vicomte de Maurienne, baron de Sainte-Hélène-des-Millières et des Villards, seigneur de l'Heuille, des Hurtières, de Saint-Rémy, d'Aiguebelle, d'Aiton, d'Avrieux, du Bourget, de Pontamafrey, de Cuines. Il épouse Marie de Savoie-Raconis.

« L'histoire de leur fils fournit à M. de Seyssel un de ses plus intéressants chapitres. Il a bien voulu dans sa séance du 5 mars 1900, nous en donner la primeur, alors que le livre était sous presse, et ceux qui ont assisté à cette séance n'ont certainement oublié ni l'intérêt de la lecture, ni l'amabilité du lec(1) V. sur la famille de La Chambre Travaux de la Société. 9* série, t. 2, 2* part. p. 173.


teur.

« Louis de Seyssel-La Chambre fut le personnage le plus en vue de la cour de Savoie dans la seconde moitié du XV* siècle il eut une part prépondérante dans les évènements qui conduisirent la monarchie à deux doigts de sa perte. Il est châtelain d'Aiguebelle et de Tarentaise, conseiller et chambellan de Louis XI roi de France, chambellan des ducs de Savoie, gouverneur et régent de Savoie pendant la minorité de Philibert I". Après la mort d'Amédée IX (1472), il contribue puissamment à conserver les rênes du gouvernement à sa veuve, Iolande, sœur de Louis XI. Celle-ci étant morte en 1478, le roi, qui veut mettre la main sur la Savoie et croit pouvoir compter sur Louis de La Chambre, le fait nommer régent et lieutenant général des Etats et enlève le jeune Philibert I mais Louis, dévoué à son pays et à son prince, parvient à le délivrer et à le conduire en Piémont. Pour se venger, le roi s'entend avec les princes Philippe et Jean-Louis de Savoie, qui font arrêter le seigneur de La Chambre et séquestrer ses biens. Le duc, conduit en France, y meurt peu de temps après (1482). Charles, son frère et successeur, fait mettre en liberté Louis de La Chambre et meurt en 1489. Rentré en Savoie, Louis ajoute à ses domaines le château d'Heurtières et presque tous les biens de la maison de Montmayeur. Mais de nouveaux troubles éclatent sous la régence de Blanche de Montferrat. La noblese de Savoie se révolte elle est battue et Louis de La Chambre se réfugie en France. Le roi Charles VIII obtint sa grâce. Il rentra en possession de tous ses domaines et de toutes ses charges et jouit de la faveur des ducs Charles-Jean-Amédée, Philippe, Philibert le Beau et Charles III. Il mourut en 1517 et son tombeau se voyait dans l'église des Carmes de la Rochette. < Jean, son fils aîné, épouse Barbe J'Amboise, au


sujet de laquelle nous avions déjà reçu un don de M. le comte de Seyssel (1). En 1507, il est au service du roi Louis XII. La mort de son père le ramène en Savoie. En 1518, il obtient du pape Léon X une bulle confirmant celle par laquelle, en 1515, il avait érigé le prieurè de La Chambre en collégiale (2). En 1523, il est ambassadeur en France. Il mourut en 1544 et fut enterré dans l'église de Saint-Marcel de La Chambre.

« La seigneurie de La Chambre avait été érigée en comté en 1456 par Louis duc de Savoie. Jean II de La Chambre, fils de Jean I", obtint, en 1562, d'Emmanuel-Philibert son érection en marquisat. Il fut décoré de l'ordre de l'Annonciade en Savoie et de celui de Saint-Michel en France. Sa mort est de l'année 1582. Il laisse trois fils qui se passent successivement le marquisat de La Chambre et les nombreux fiefs qui l'accompagnaient Jean-Louis, mort en 1595 Pierre, en 1614 Charles-Emmanuel, en 1620. Louise, leur sœur, les posséda ensuite.

« La troisième branche de la maison de Seyssel est celle des marquis d'Aix. Elle sort de celle de La Chambre. Charles, troisième fils de Jean I de La Chambre et de Barbe d'Amboise, hérite de la baronnie d'Aix et de la presque totalité des biens de la branche ainée de Seyssel. Il guerroya pour la France en Espagne, en Allemagne et sur mer et mourut sans postérité en 1570. François, son frère et héritier, était le huitième et dernier fils de Jean de La Chambre et de Barbe d'Amboise. Parmi les autres, il faut signaler René, qui prit les titres de seigneur de Montaimont et de baron d'Epierre et de Saint-Rémy et servit en Italie contre la France Sébastien, grand aumônier de la (Jour d'Henri II Louis, abbé de Vendôme, (1) V. Travaux. 2" Série, t. 1", 8° part. p. 44.

(2) V. ibid., t. 2, 1° part. p. 37.


grand prieur d'Auvergne et cardinal; Philippe, doyen de Saint-Marcel de La Chambre et évoque d'Orange. « François de Seyssel-La Chambre fut gentihomme de la chambre du roi Henri III, qui obtint du duc Emmanuel-Philibert l'érection de la baronnie d'Aix en marquisat. Il fut nommé en 1589 lieutenant général au gouvernement de la Savoie. Charles-Emmanuel, son fils aîné, étant mort sans enfants (1604), le marquisat d'Aix passa à Louis, son second fils, qui épousa Gasparde-Juliane, fille de Georges de Mouxy, comte de Montréal, et de Louise de SeysselLa Chambre, qui allait hériter du marquisat de La Chambre et qui l'institua son héritier. Mais Maurice son fils mourut en 1660 sans postérité et le marquisat de La Chambre et toutes les seigneuries qui y étaient jointes furent attribuées au prince,de Carignan en vertu d'un premier testament de Louise de SeysselLa Chambre. Tous ces fiefs furent vendus. Ceux du marquisat d'Aix furent divisés entre les branches cadettes de la maison de Seyssel.

« L'histoire de ces branches secondaires occupe une grande partie du 2e vol. Je ne puis que les énumérer: « Quatrième branche seigneurs de Sermoyer, barons et marquis de Meximieux

« Cinquième branche barons de Ruffey, comtes de Montfort

« Sixième branche seigneurs d'Aiguebellette et de' Châtillonet

« Septième branche comtes de Cevins

« Huitième branche seigneurs de Sothonod, devenus branche aînée de la maison de Seyssel « Neuvième branche seigneurs de la Charniaz « Dixième branche seigneur de Bessinge, comtes de Seyssel d'Aix, en Bavière, où elle existe toujours « Onzième branche vicomtes de Choisel < Douzième branche seigneurs du Ghâtelard, eom-


tes de Seyssel-La Balme

« Treizième branche barons de la Serraz, marquis d'Aix et de Sommariva

« Quatorzième branche seigneurs d'Artemare « Quinzième branche seigneur de la Tour de Chavornay

« Seizième branche seigneurs de Champagneux « Dix-septième branche seigneurs de CressieuBeauretour

c Dix-huitième branche: seigneurs de la Bâthie « Dix-neuvième branche dite des premiers seigneurs d'Aiguebelette.

« Familles fécondes et actives, on les trouve partout à la chambre des comptes, dans les ambassades, dans les armées de Savoie et de France, selon la situation de leurs domaines, même dans celles de Bavière, d'Autriche et de Prusse.

« G'est'à la dix-septième branche, qui est un rameau de celle d'Artemare, qu'appartient M. le comte Marc de Seyssel-Cressieu. Les circonstances ne lui permettant pas de servir son pays comme l'ont fait ses ancêtres, il s'est dévoué au service de sa petite commune de Musin près de Belley et i) a employé ses loisirs à écrire l'histoire de sa famille. Il dit modestement, dans sa préface, qu'il n'a songé qu'à l'instruction des membres de sa famille et il s'applique à lui-même ce précepte que Racine met dans la bouche d'Andromaque

Fais connaître à mon fils les héros de sa race, Autant que tu pourras, conduis-le sur leur trace, Dis-lui par' quels exploits leurs noms ont éclaté, Plutôt ce qu'ils ont fait que ce qu'ils ont été. « Mais les gloires d'une famille sont des rayons de la gloire nationale et c'est œuvre patriotique de former les fils au dévouement et à l'honneur par les


exemples de leurs ancêtres. M. le comte de Seyssel a donc bien mérité de la patrie autant que des membres de sa famille.

« La second volume se termine par une table alphabétique des noms des familles alliées, une table alphabétique des fiefs et propriétés, une table alphabétique des noms de lieux cités dans l'ouvrage et une table alphabétique des noms de personnes. » La Société, vivement touchée de la générosité de notre confrère, invite le secrétaire à transmettre à M. le comte Marc de Seyssel l'expression de sa profonde reconnaissance.

Séance du 2 décembre 1901.

Présidence de M. le chanoine Truchet.

M. le Président ouvre la séance et donne la parole au secrétaire, qui transmet à la Société les remerciements et les sentiments de bonne confraternité des membres honoraires reçus dans la dernière séance. Le secrétaire communique, en outre, la réponse du bibliothécaire de la Biblioteca Nazionale di Torino, remerciant la Société de l'oflre gratuite de la première série de ses travaux et acceptant de prendre au prix courant les volumes de la seconde série. Considérant que cet achat aura pour résultat de faire connaître nos travaux et notre pays chez un peuple voisin qui a eu tant de rapports avec nous dans le passé, la Société est d'avis de faire une réduction de 0 fr. 50 par exemplaire.

M. le Président exhibe ensuite le diplôme délivré par la commission compétente de l'Exposition Universelle à la Société d'Histoire et d'Archéologie de Maurienne, sur la présentation d'un exemplaire de 8


ses Travaux et d'un rapport qui y était annexé. Sur la présentation de M. le chanoine Truchet e t de M. l'abbé Gros, l'assemblée reçoit comme membre effectif M. Albrieux François, professeur au lycée Berthollet, originaire de la Maurienne et ancien élève de notre petit séminaire.

Le Président demande à l'assemblée si elle est d'avis de souscrire au Dictionnaire Savoyard, publié sous les auspices de la Société Florimontane, par MM. Constantin et Désormeaux. Quoique ce dictionnaire n'ait guère pour objet que le patois d'Annecy et de ses environs et qu'il soit même impossible de codifier dans un seul lexique les divers patois de la Savoie, le secrétaire est chargé d'envoyer à l'imprimeur, M. Abry, d'Annecy, le bulletin de souscription de la Société de Maurienne.

Le secrétaire commence la lecture d'un mémoire de M. l'abbé Mottard sur Lanslevillard pendant la Révolution française, lecture qui nous fait connaitre les sentiments avec lesquels cette révolution fut accueillie à Lanslevillard, les changements survenus dans l'administration municipale, les détails de la persécution religieuse, les incidents de l'occupation militaire soit par les Français soit par les Piémontais.

M. le chanoine Truchet termine la séance par la lecture de la note suivante, qui peut servir d'appendice aux mémoires sur St-Julien qui ont été lus dans notre excursion du mois de juin

i M. le maire de St-Jean m'a communiqué un parchemin qui lui a été transmis comme devant contenir des choses d'un haut intérêt. C'est tout simplement un acte de donation entre vifs, fait à St-Julien le 9 février 1326. Avec les longues formules et les menus détails voulus par la coutume, cela a suffi à couvrir une peau de belle dimension. On peut y cueil-


lir pourtant quelques-uns de ces petits traits, dont l'ensemble compose le portrait ou l'histoire du pays aux diverses époques.

« Le donateur se nomme Michel Cheys il est marié et pourvu d'un curateur pourquoi? le parchemin ne l'explique pas. Peut-être n'est-il pas encore majeur de vingt-cinq ans. Le donataire est un des principaux notaires et bourgeois de la'châtellenie de Maurienne, M' Jean Lancellot.

« La donation comprend: 1° un moulin avec ses fers, meules, roires, canaux, aqueducs, biefs (bialeriis), vases (alveis), places et cours d'eau, et un verger attenant, le tout situé sur le territoire de SaintJulien lieu dit au Plan d'Arc et confiné à l'orient, soit du côté de la rivière, par le moulin et le pré d'Humbert Christin, au couchant et au nord par un chemin public 2' la part que Cheys possède, en indivision avec le dit Lancellot, des artifices de forge, pressoir à huile (trollietum pro oleo), scie (reyssie), pressoir de vendange, etc., situés au même lieu et garantis par des albergements des ducs de Savoie 3* le droit de prendre les bois gros et petits et les planches (memora, ligna et mayerie) amenés par l'Arc entre le ruisseau de Saint-Julien et le Rieu-Sec.

« Les conditions sont 1° le paiement de quelques sommes que le donateur doit à noble Claude Biol, clavaire (archiviste) de Maurienne et aux héritiers du notaire Pierre Trolliou 2' une pension viagère de cinq setiers de blé (le setier est de huit quartes) 3° la cession d'un pré, lieu dit à Saint-Barthélemy, à Michelette, femme de Michel Cheys. Ces charges ne représentent pas la valeur des propriétés cédées car Cheys déclare qu'il veut par cette donation reconnaître les services qu'il a reçus, qu'il reçoit tous les jours et qu'il attend encore du notaire Lan-


cellot. L'acte est reçu par le notaire Laurent Dominique, en présence de cinq témoins, parmi lesquels les notaires Benoit Bérard de Saint-Michel et André Boisson du Bourget. Mais le curateur n'y étant pas intervenu, l'acte était nul on le renouvela le 26 du même mois, puis on le fit confirmer et homologuer, le 21 mars, à Saint-Julien, par Claude Biol, qui à la qualité de clavaire joignait celle de lieutenant de François Bonnivand, juge de Maurienne et de Tarentaise.

« Forge, pressoirs, scie et moulins ont disparus sous les éboulis de la montagne amenés par le Rieu-Sec. L'Arc, qui en sortant du Pas du Roc décrivait une courbe du côté de Saint-Martin, a été refoulé le long de la montagne et a dû céder une place à la route. Mais sur la rive gauche du ruisseau de Saint Julien, à côté du chemin qui descend du bourg à travers les prairies, le verger donné par Michel Cheys existe encore et l'on y voit éparses des meules provenant de son moulin. »

Séance du 6 janvier 1902.

Présidence de M. Florimond Truchet,

vice-président.

M. le vice-président exprime ses regrets pour l'absence de M. le président, que des raisons de santé retiennent loin de nous. Il offre à la Société ses souhaits personnels et ceux du président ainsi que de nos sympathiques confrères MM. de Seynes et Retournard. De son côté, la Société prie M. le viceprésident de faire agréer à M. le chanoine Truchet les voeux les plus ardents qu'elle forme pour son prompt rétablissement.


Dans la liste des publications et communications diverses reçues du 4 novembre 1901 à ce jour, nous devons signaler 1° de M. l'avocat F. Descostes, président de l'Académie de Savoie, « Le livre d'or du monument de Maistre » 2' de M. A. Bonnet, trésorier de la Société, « L'abeille Savoisienne », joarnal paru à Chambéry du 1" janvier au 23 avril 1848 et remplacé par « Le Patriote Savoisien a 3' de M. A. Duplan, d'Evian-les-Bains, président de l'Académie Chablaisienne, comme témoignage de gratitude pour sa nomination de membre honoraire de notre société, un volume des minutes du notaire Jean Marquet de Saint-Jean (xvie siècle), égaré chez un bouquiniste de Paris. Ce dernier volume comble une lacune des minutes de ce notaire que possèdent nos archives communales et la Société avait décidé d'en faire l'acquisition.

M. le chanoine Truchet fait donner communication d'une nouvelle note sur les maisons de la ville de Saint-Jean incendiées par les soldats de Lesdiguières en 1597. La voici

« Dans deux précédents bulletins (1), j'ai rapporté quelque faits relatifs aux dévastations commises à Saint-Jean par les soldats de Lesdiguières au mois de juin 1597. En voici quelques autres consignés dans le régistre des délibérations du conseil. c Le 26 février 1601, M. Antoine Baudrey, notaire, se plaint qu'on a mis des tailles sur « les maisons ruinées entièrement par l'ennemy.

« Le 6 mai de la même année, M. Michel Bernard, élu un des syndics du tiers-état, refuse d'accepter cette charge, « estant, dit-il, notoire que en la présente cité il n'a aulcung fonds ny domicille, estant contrainct demeurer ça et la en icelle à maison de louage dès l'année 1597, auquel temps et du mois de (1) 2* série, t. 2, 2* part., p. 23, et t. 3, !• part., p. 2.


juiag il tomba en perte de presque tous ses biens que consistoint et estoint dans une maison située en la présente cité appartenant à Gabrielle sa femme et François Perret son beau-frère, laquelle fust saccagée par l'ennemy et en apprès demollye. « Le 22 janvier et le 23 février 1602, François Grangier, charpentier, expose au conseil que le 12 septembre 1599, feu Me Pétremand Bertrand et lui ont eu l'entreprise de refaire le toit et le souffi (lambris) de l'église paroissiale ruinée. Le prix de l'adjudication doit être payé au moyen d'un quartier (quart de la taille ordinaire) imposé sur les contribuables et dont le recouvrement doit être fait par lui-même, ce qui nécessite des poursuites, qu'il ne peut entreprendre sans l'intervention des syndics. De plus, le travail était presque achevé quand, en 1600, l'armée du roi de France ayant de nouveau envahi le pays, le sieur de Bron, gouverneur du fort de Saint-Jean, fit enlever ses bois, planches, échelles, etc., «; tant pour la fortification du dict fort que pour le clocher, duquel outre ce furent tirées plusieurs pierres qui rompirent et endommagearent la plus part de l'œuvre faite, laquelle encour par succession de temps soit à cause de la pluye ou autrement a esté fort empirée et ruynée. Il réclame donc une indemnité pour les bois qu'on lui a pris et pour le travail qu'il a été obligé de refaire. »

Le reste de la séance est consacré à la lecture de la 2' partie du mémoire de M. l'abbé Mottard sur Lanslevillard pendant la R volution. L'auteur raconte, entre autres faits saillants, la déportation d'un grand nombre d'habitants de Lanslevillard et de Lanslebourg au fort de Barraux et le pillage de leurs maisons.


Séance du 3 février 1902.

Présidence de M. F. Truchet, vice-président. Le président ouvre la séance et donne la parole au secrétaire qui, après la lecture et l'approbation du procès-verbal de la dernière séance, lit les derniers chapitres du mémoire sur Lanslevillard ils racontent le calme relatif qui suivit le 9 thermidor, la renaissance de la Terreur sous le Directoire, enfin l'ordre et la liberté religieuse définitivement rétablis par le Concordat, évènements dont le contre-coup s'est fait sentir jusque dans les paroisses les plus reculées de nos montagnes. L'assemblée vote l'impression de ce travail dans son prochain bulletin (1). Le président dépose, au nom de M. le chanoine Truchet, deux mémoires, l'un sur le prieuré de La Chambre, l'autre sur la paroisse de La Chapelle. L'examen en est confié à MM. Bonnet, Laporte et Gros.

On lit ensuite deux communications, également de M. le chanoine Truchet. La première est la note suivante sur un testament de 1357.

« Il y a bien des années, mon regretté compatriote et ami M. l'abbé Besson, curé de Saint-André, me communiqua un parchemin à première vue bien insignifiant. C'était le testament d'un habitant de Saint-André. Mais il portait la date du 10 avril 1357. N'y aurait-il pas là une note utile à cueillir sur la puissance paternelle et le droit successoral, d'après les coutumes de la patrie de Maurienne, si énergiquement maintenues dans les chartes des franchises de la Terre Episcopale, à laquelle appartenait SaintAndré, aussi bien que de la châtellerie de Maurienne? Je ne me trompais pas et voici la note que je retrouve (1) V. Mémoiies 4,


dans mes paperasses.

« Le testament fut reçu par le notaire Pierre Varcinet, de Saint-André, en présence de dix témoins. Il est dicté par le testateur et par conséquent non écrit, bien qu'écrit par le notaire, parce que l'écrit n'est que le signe, la représentation de la parole du testateur. Celui-ci a soin de déclarer qu'il est « sain d'esprit, quoique languissant de corps. » II s'appelle Jean de Pralognan, de Prato LonginquoCe de n'a rien de nobiliaire, Jean est cultivateur le de marque seulement que la famille a tiré son nom d'un pré qu'elle possède au loin, à l'extrémité de la commune. Il y a encore à Saint-André le hameau de Pralognan et des Loignan dont le nom a été peu à peu abrégé. Ailleurs on trouve, avec une semblable origine Champlong, de Campo Longo Dupré, de Prato Duverney, de Verneto Durieux, de Rivo.

« Jean de Pralognan est veuf. Il a trois fils Anselme et Jean majeurs, et Etienne mineur de moins do quatorze ans. Sa préoccupation est de leur laisser tout son héritage sans que dame Justice vienne en prendre une part, de les faire égaux et de pourvoir à l'éducation du mineur, en obligeant ses frères à rester avec lui et à l'élever comme ils l'ont été eux-mêmes. La coutume de Maurienne, qui le reconnaît seul maître de son bien, sauf les devoirs qu'il a à remplir envers ses enfants et dont il sait qu'il va rendre compte à Dieu, lui en fournit le moyen. Analysons son testament.

« Après s'être recommandé à son Créateur, à la Bienheureuse Vierge-Marie et à tous les saints du Paradis après avoir ordonné à ses héritiers de payer ses dettes criardes (clamores) et ses legs sans attendre l'intervention de la justice (sine strepitu judicii) de donner à treize pauvres de Jésus-Christ


deux repas avec du pain et de la viande, l'un dans l'année de son décès, l'autre dans le courant de l'année suivante de le maintenir pendant sept ans dans la Confrérie du Saint-Esprit qui se fait au Villard de Saint-André comme un confrère entier (prouno confratre integro) (1), et de faire célébrer une messe du Saint-Esprit chaque jour pendant une année, il prend les dispositions suivantes.

« Item. Il veut et ordonne que ses chers fils Anselme et Jean soient tuteurs, gouverneurs et administrateurs de la personne et des biens d'Etiellne leur frère, sans être tenus de faire aucun inventaire ni de rendre aucun compte de la tutelle, de quoi il les exempte et dispense entièrement. Item. Il prescrit et ordonne que ses trois fils ne pourront être contraints de faire le partage de leurs biens jusqu'à ce qu'Etienne ait atteint sa quatorzième année. Dans le cas où l'un de ses fils ne voudrait pas habiter avec ses frères dans la maison commune (in hospicio) et travailler avec eux les deux autres continueront à vivre et à travailler ensemble dans cette maison, et celui qui les aura quittés n'aura aucun droit sur les fruits de ses biens jusqu'à ce qu'Etienne ait accompli ses quatorze ans et il ne pourra rien en réclamer, le testateur les donnant entièrement aux deux qui seront restés et auront travaillé ensemble. Item. Pour tous ses biens meubles et immeubles, droits et actions quelconques, il établit ses héritiers universels, par égales parts, ses chers fils Anselme, Jean et Etienne, et les substitue les uns aux autres ». c Cette égalité de partage, pour les garçons, était de coutume en Maurienne les testaments n'y font (1) Les règlements de toutes les paroisses admettaient des moitiés, des quarts de confrère qui, chaque année, ne payaient qu'une partie de la redevance et ne recevaient aussi qu'une partie des distributions.


exception que dans les familles nobles et dans certaines situations particulières. Ils ne donnent aux filles, qui ont des frères, qu'une dot à payer quand elles sortiront de la maison pour cause de mariage, ou autre motifs jusque là elles doivent y être nourries et entretenues convenablement. »

La lecture du premier chapitre du mémoire intitulé « Les sujets ducaux de la mestralie de La Chambre », termine la séance. Il résume les franchises accordées par les comtes de Savoie à leurs sujets immédiats de cette mestralie.

Séance du 3 mars 1902.

Présidence de M. le chanoine Truchet, président. M. le Président ouvre la séance et remercie M. Truchet Florimond, maire de St-Jean, d'avoir mis à la disposition de la Société la salle des séances du Conseil municipal, d'un accès beaucoup plus commode que notre local ordinaire, qui eût été une trop rude épreuve pour ses jambes et ses poumons. Cette gracieuseté lui a permis, après une absence de trois mois, de se retrouver au milieu de ses chers collègues et de goûter une des plus délicates jouissances une fête de l'esprit et du cœur.

Le Secrétaire donne ensuite la liste des publications reçues depuis le 7 janvier. A signaler les ouvrages suivants, dont M. l'abbé Gonthier a fait hommage à la Société en reconnaissance de son admission comme membre honoraire « La mission de S. François de Sales en Chablais Le Bienheureux Amédée de Savoie Vie de S. Guérin, évêque de Sion Le pont et les bains de la Caille Histoire de l'Instruction publique dans la Haute-Sa-


voie. A propos de ce dernier ouvrage, M. le chanoine Truchet exprime le vœu qu'un travail semblable soit entrepris pour la Maurienne il est convaincu que ce travail aboutirait à démontrer que le niveau de l'instruction a toujours été relativement élevé et que nous n'avons point à rougir de notre passé scolaire. M. Bonnet, trésorier, fait don à la Société de l'ouvrage de J. Janin, intitulé « Le Livre ». Une tradition, vieille de sept ans, veut que la Société fasse chaque année une excursion dans une localité de la Maurienne possédant quelques souvenirs historiques. Pour cette année, M. le Président propose une visite à l'Echaillon, lieu de promenade agréable et pouvant fournir la matière d'intéressantes études. Le bureau de la Société est chargé de préparer le programme de cette excursion. M. le chanoine Buttard lit la note suivante sur la mestralie, la châtellenie et les carces de Pontamafrey, note dont l'assemblée vote l'insertion dans le présent procès-verbal.

« Dans le récit de l'excursion faite à Pontamafrey et aux Cuines le 13 juin 1899 par notre Société d'Archéologie, on a parlé des deux mestralies de Pontamafrey celle du duc de Savoie et celle du comte de la Chambre. (Voyez la 2* série, t. 2", 2e partie, p. 158 et suivantes des Travaux de la Société). Quelques notes nouvellement recueillies peuvent, je crois, être ajoutées au récit que nous venons d'indiquer: les voici

Le 30 novembre 1551, Louis Vouttier, de StJulien, étant à St-Michel, obtient par adjudication publique, à l'estaing de la chandoile, la mestralie du Pontamafreyd pour l'exaction de la taille d'aoust moyennant la somme de 80 florins, monnaie de Savoie, et, par acte du 2 mars 1552, Marquet notaire, il substitue en sa dite nouvelle charge de mestral dudit


lieu un certain Claude Raymond de St-Avre, lui remettant tous les papiers, droits, honneurs et privilèges qu'il a acquis lui-même auxdites enchères, et cela pour l'espace d'un an à commencer le jour de la St. André 1551 et à finir le même jour de St. André 1552.

« En 1555 cette charge était tenue par le notaire Claude Gavend, fils du notaire François Gavend, du Pontamafreyd. Il faisait, en sa qualité de mestral, deux quittances des servis dûs au Roi de France par la commune de Montpascal. La Savoie était occupée alors par la France. La baronnie de Pontamafreyd comprenait les fiefs, droits féodaux, sujets et juridictions du marquis de la Chambre, sur la rive droite de l'Arc, de Villard-Clément aux limites de St-Avre. « En 1490, elle avait pour châtelainJean Fournier, de St-Jean-de-Maurienne, et en 1556 Me Charles Cullierat, bourgeois de la Chambre et originaire de Villargondran. Le 10 février 1557, Jean feu Antoine Durieux, du Villaret, paroisse du Châtel, s'oblige par acte, J. Marquet notaire, à livrer à Me Bon Gabriel Gourre, chastelain de la chastellenie du Pontamafreyd pour le comte de la Chambre, demi-sestier de froment et demi-sestier de seigle que ledit Durieux déclare avoir reçu dudit chastelain, il promet de rendre ledit bled à la feste de St. Michel proche venante, à peine etc.

« Le 23 février de la même année, Laurence, veuve de Me Jean Gilbert, s'oblige à livrer au dit Bon Gabriel Gourre, chastelain pour le comte de la Chambre en sa chastellenie de Pontamafreyd, demi sestier de froment et demi sestier de seigle livrables à la prochaine feste de St. Michel.

« Le même jour Claude Deschamps du Châtel s'oblige à payer au même chastelain, en sa dite qualité, le prix de demi sestier de seigle et de demi émine de


froment payable aussi à la St. Michel, et à ses frais. « Bon Gabriel-Gourre était d'Hermillon.

« Le 24février 1551, RdLouis Bizel, vicaire de Montpascal, achetait un curtil à Pontamafreyd. L'acte, J. Marquet notaire, est passé à Pontamafreyd, dans le verger du comte de la Chambre. Le même jour, même notaire, un autre acte est passé audit lieu, dans la court du seigneur de la Chambre. Or ce verger et cette cour du comte de la Chambre supposent que celui-ci avait aussi son habitation spéciale à Pontamafreyd. Où se trouvait cette maison? Elle ne pouvait être que celle occupée par le châtelain dudit comte, aujourd'hui maison Vernier; seulement elle devait être beaucoup plus vaste, car elle devait s'é>tendre en face de l'Église jusqu'à la voie ferrée. De grandes masures qu'on y voyait encore, il y a 60 ou 70 ans, le prouvent d'une manière évidente. J'ai même vu dans ces ruines l'ouverture d'un four à cuire le pain. La famille Vernier a fait disparaître ces débris de l'antiquité et, à leur place, elle a trouvé moyen d'y faire un joli jardin et d'y faire surgir de magnifiques treilles idée pas mauvaise et surtout très pratique. Dans notre excursion faite à Pontamafreyd et aux Cuines le 13 juin 1899, on a montré à Pontamafreyd une vieille tour servant de prison et de carces. Je me permettrai de citer quelques noms de ceux qui les ont habités comme prisonniers ainsi que les noms de leurs geôliers. Le premier que je rencontre est Cosme Crosaz, geôlier de la dite prison en 1545. Il assista, le 15 mai de la même année, à un acte passé au pré de la foyre de Monseigneur de Maurienne dessous la Réclusière.

« Le 2' est André Naiton. Antoine Venitier dit Gonet du Pontamafrey reconnaît lui devoir, par acte du 15 janvier 1554, J. Marquet notaire, le somme de trente florins de Savoie pour droits de geôle et dépenses de


Jean-Baptiste Gonet, qu'il avait fait tenir aux arrêts pendant trois semaines et trois jours. Le 27 janvier de la même année, le même Antoine Venitier fait un acte de reconnaissance en faveur dudit Naiton de la somme de vingt florins de Savoie, reste de trente florins à lui dûs par Berthold Crozet de Montgellafreyd détenu aux carces dudit Pontamafreyd par ledit Gonet pour l'espace de huit semaines et trois jours; tant pour droits de geôle que pour autres frais, et ledit Crozet a été relaxé le même jour.

« Le 20 mars 1551 était geôlier des dites carces et prisons de Pontamafreyd un nommé Antoine Humille. Un certain Pierre Clément Cathon, de SaintAvre, promet de payer au dit geôlier cinq florins de Savoie pour cause des dépenses par ledit créditeur au dit débiteur ministrées estant aux prisons et carces du Pontamafreyd, convenu payer entre cy et la prochaine feste de St. Pierre estant au mois d'aout, avec tous les frais qui s'en pourront suivre: et, pour mieulx ce que dessus accomplir, aux prières et requestes dudit Cathon, s'est constituée plaige et principal payant Anne, sœur audit confessant, veuve de Pierre Cathon. Présent audit acte, J. Marquet notaire, Jean Descostes, greffier dudit Pontamafreyd. « En 1563, Jean Descostes était devenu greffier de tout le balliage et principauté de la Maurienne. En cette année, prise à Noel, il s'associe et subroge en son lieu et place de greffier, à la partie du Pontamafreyd, Mo Pierre Lambert, praticien de la cité de StJean, « avec tous les honneurs, profits et émoluments accoutumés », sous la ferme de 630 florins par an, qui seront soldés audit Descostes en quatre payements par an jusqu'à la fin du bail. En 1574, Pierre Lambert était encore greffier de la judicature de la Maurienne pour la partie du Pontamafreyd. (Minutes J. Marquet). »


Le secrétaire lit le second chapitre du mémoire de M. le chanoine Truchet sur les sujets ducaux de la mestralie de La Chambré Il raconte les incidents d'un procès survenu à la suite d'une répartition de taxes entre les paroisses de la mestralie et terminé par des arbitres nommés par le duc de Savoie. Ce mémoire et la charte de franchises qui l'accompagne seront insérés dans un prochain bulletin.

Séance du 7 avril 1902.

Présidence de M. le chanoine l'ruchet, président. Le Président ouvre la séance et donne la parole à M. Bonnet, trésorier, qui expose l'état financier de la Société. De cet exposé il ressort que, malgré quelques dépenses extraordinaires, notre budget s'équilibre avec un boni bien satisfaisant et qui fait honneur à la gestion de notre ministre des finances. M. l'abbé Gros dépose un mémoire sur les redevances féodales de Lanslevillard. L'examen en est confié à MM. Buttard, Truchet Florimond et Fodéré.

M. le chanoine Truchet donne lecture de son mémoire sur le prieuré de La Chambre, dont la partie saillante est un monitoire fulminé contre les spoliateurs du prieuré. L'assemblée vote l'impression de ce travail, qui complète la conférence donnée par le même auteur lors de notre excursion à la Chambre en 1897.

Enfin, M. le chanoine Tru,chet donne la note suivante sur un épisode de l'histoire des Enfants de la ville, ébauche de la garde nationale et des compagnies de sapeurs-pompiers.

« Cette histoire, dit-il, serait fort intéressante, au


point de vue des mœurs locales et de la lutte séculaire entre la noblesse et le tiers-état.

t M. l'abbé Viannay a raconté en ses curieux détails l'entrée de Mgr Charles Bobba dans sa ville épiscopale de Saint-Jean-de-Maurienne le 28 juillet 1613 (1). Quelques jours après se produisit un incident qui peint bien la constante rivalité qui existait entre la noblesse et le tiers-état.

« Mgr Bobba avait donné huit écus d'or (2) à la compagnie des Enfants de la ville « pour les regalles de son arrivée. » Qui devait retirer cet argent ? Le capitaine en chef noble Claude Ducol, nommé par la noblesse, et le capitaine-enseigne Larue, élu par la bourgeoisie en remplacement de Jean Curt qui avait d'abord été désigné, y prétendaient tous deux. Etant données les mœurs du temps, le débat pouvait durer longtemps et même aboutir à un procès. L'évAque voulut le trancher.

« Le mardi 6 août, les syndics de la bourgeoisie, Catherin Blanchet et Pétremand Ponce, informent le conseil « Mgr le Rm. les avoir assignés se présenter par devant luy au palais épiscopal pour resouldre qui retirera la somme que luy a pleu bailler. » Les douze conseillers décident qu'ils accompagneront tous les deux syndics et l'on suspend la séance pour se rendre à l'évêché, où les deux capitaines ont aussi été mandés.

« La séance est reprise à trois heures. Voici .la solution de l'affaire « Apprès avoir estés faictes plusieurs remonstrances d'ung cousté et d'aultre seroient enfin demeurés d'accord par le traicté et advis du dict Seigneur Rm* que les dits capitaines en chef et enseigne retireront les huict escus d'or. par (1) Travaux de la Société 1* série, t. 6, p. 316.

(2) Un édit de 1594 avait fixé à 7 florins 10 sols la valeur de l'écu d'or sol.


moytié et sera néantmoins la dite somme employée en achept d'armes au prouffict de la ville pour s'en servir en cas de besoing. »

« Le 9 septembre, le conseil, apprenant « que les officiers de La compagnie de ville prétendent demeurer saisis des armes qu'on est sur le poinct d'achepter, » décide « que les dites armes seront remises dans le cabinet de ville pour estre distribuées aux officiers et aultres qu'il appartient aux occurences que pourront arriver et soubs promesse de les restablir au dict cabinet de ville. »

« On pourrait croire que tout fut terminé par là. Ce serait une erreur. Le 11 octobre le conseil députe les deux notaires Laurent Constantin et Claude Reymond « pour parler au sieur Ducol et luy dire que la ville le prie d'employer les quattre escus quil a heus des regalles à l'arrivée de Mgr le Rme Evesque en achept darmes pour la compagnie de ville de laquelle il est esleu capitaine et par mesme moyen de permettre que les armes de la dite compagnie seront mises à la maison de ville afin de les pouvoir plus facillement trouver en cas de besoing. A faulte de quoy que la trouppe ne le suyvra plus. »

« Ducol résiste, et il n'est pas seul, quant à la remise des armes à la maison de ville. Le 18 du même mois, les syndics font connaître que les officiers de la compagnie veulent rester saisis des armes qui ont été achetées. Le conseil maintient sa décision et charge le capitaine-enseigne et le sergent de la compagnie « de fère entendre au sieur Ducol capitaine que, s'il ne baille les deux doubles quil est saisi des dites regalles pour en payer les armes acheptées au nom de la ville, la dite compagnie ne le suyvra allant au rencontre de Son Altesse. » « Tout a dû s'arranger au mieux des décisions du conseil car, dans les délibérations suivantes, relaI


tives au passage de la famille ducale, qui eut lieu le 7 ou le 8 novembre, il n'est plus question que d'achat de poudre pour les arquebusiers et les mousquetaires.

« Claude Sibaé-Ducol, avocat fiscal de la province de Maurienne, mourut le 10 août 1629. »

Séance du 5 mai 1902.

Présidence de M. Truchet Florimond,vice-président Après la lecture et l'approbation du procès-verbal de la dernière séance, M. Truchet Florimond, viceprésident, donne la liste des publications reçues depuis le 3 mars. A signaler le Catalogue de la Bibliothèque municipale de Uhambéry, don de M. Perpéchon, bibliothécaire, ouvrage qui rendra de grands services aux chercheurs.

On discute ensuite le programme de l'excursion, qui est définitivement fixée au mardi 10 juin, avec l'Echaillon pour objectif. Le programme sera envoyé à tous les sociétaires. MM. Arnaud et Bonnet, qui jusqu'à présent se sont acquittés de cette commission à la satisfaction de tout le monde, sont chargés de l'organisation dn banquet.

La Société aura une séance le premier lundi de juin, pour achever son programme des travaux de l'année et régler, au besoin, certains détails imprévus. Le reste de la séance est consacré à la lecture du mémoire de M. l'abbé Gros sur Lanslevillard. A propos de François du Pont, dont il est question dans ce travail, M. Truchet Florimond fait observer que cette famille est une des plus anciennes de Maurienne et des plus richement apanagées qu'elle portait d'azur à la bande ondée d'argent


que, lors de notre excursion Montvernier, M. le chanoine Truchet a donné quelques notes sur les du Pont, seigneurs du Villaret (1).

M. l'abbé Gros avait émis l'hypothèse que le Caramania dont il est parlé dans une charte de 1514 est Caraman dans la Haute-Garonne. M. Truchet Florimond pense que ce serait plutôt Caramagne, près de la Boisse, dans les environs de Chambéry.

Séance du 2 juin 1902.

Présidence de M. le chanoine Truchet, président. Cette séance, la dernière de l'année, est d'abord employée à discuter certaines questions relatives à l'excursion du 10 juin et à la publication du prochain volume. Entre autres choses. L'Assemblée décide qu'on fera un tirage à part du mémoire de M. le chanoine Truchet sur les bains de l'Echaillon, afin d'attirer l'attention du public sur notre future station balnéaire.

Après le règlement de quelques points pratiques, la parole est donnée à M. l'abbé Gros, qui continue la lecture de son mémoire sur Lanslevillard et fait connaitre les clauses de l'acte d'affranchissement de cette commune. On vote l'impression de ce travail (1). M. Alexandre Bonnet, trésorier, fait don à notre Bibliothèque de l'ouvrage suivant: « Choix de monuments antiquespour servir à l'histoire de l'art en Orient et en Occident », 30 grandes planches en couleur, par Adrien de Longpérier, membre de l'Institut.

(1) Trav. de la Soc., 2' série, t. 11, 1" partie. (2) V. Mémoires –6.


EXCURSION A SAINT-JULIEN LE 4 JUIN 1901. A 6 kilomètres de St-Jean-de-Maurienne, assis sur un plateau, à l'altitude de 667 mètres au-dessus du niveau de la mer, dans un cadre de vergers et de vignes, se trouve le petit bourg de St-Julien. Il est très industrieux, et la montagne qui le domine au nord, labourée de trous qui la font ressembler à un terrain rempli de taupinières, produit annuellement 9 millions 280 ardoises, la moitié environ de la production du bassin formé par Mont-Denis, St-Julien, Villargondran et Montricher. D'après le recensement du 24 mars 1901, sa population agglomérée est de 989 habitants, et la population totale de 1344 habitants. C'est un bourg très ancien, et, d'après un document du VIII' siècle cité par Mabillon, il s'appelait Nanosces avant d'avoir pris le nom du saint dont il invoque le patronage. Sa proximité de St-Jean, les souvenirs historiques qui jalonnent la route, les quelques monuments qui subsistent de son long passé, l'avaient désigné pour être, cette année, l'objectif de notre excursion traditionnelle.

Vingt-cinq de nos confrères s'y étaient donné rendez-vous au mardi 4 juin ce sont MM. Truchet Saturnin, président; Truchet Florimond, vice-président d'Arcollières, secrétaire perpétuel de l'Académie de Savoie Buttard Paul, Vulliermet Philibert, Vulliermet Joseph, Perret Lucien-Camille, Docteur Gravier, Docteur Fodéré, Bonnet, Villet, Gravier François, Jorio, Carle, de Kerdaniel, Laporte, Albert, Brigando, Félix Buttin, Cudet, Gorré, Pachoud et Gros, Arnaud et Fayen(l). MM. Fodéré Adrien, vicaire général, et Mugnier, avocat au tribunal de notre ville, avaient demandé à se joindre à nous. (1) Ces deux confrères forent retenus par des empêchements de la dernier* heure.


Nous partons de bonne heure, car le programme de la journée est chargé et le soleil va darder sur nous ses rayons perpendiculaires les plus jeunes, à pied, à 6 .heures du matin les vétérans, en voiture, à 6 h. 1/2. A 7 h. 1/4, les deux groupes se trouvent réunis sur le pont de Villard-Clément, où ils sont rejoints par M. Félix Butin, venu de St-Michel, et M. Minoret, instituteur à St-Julien. M. d'Arcollières, arrivé de Chambéry par l'express de 9 heures, nous rejoindra un peu plus tard, à St-Julien marne. C'est au pont de Villard-Clément que doit se faire notre première station. De ce point, nous avons sous les yeux les monuments, les vestiges ou l'emplacemont des monuments dont notre président va nous dire l'histoire. Assis sur des sièges de pierre, dans l'hémicycle formé par le pont, au carrefour des routes de St-Julien et de St-Michel, nous écoutons notre infatigable conférencier qui nous parle successivement de la Maison Blanche, du château de la Garde, de la Maladiére, du pont, des digues, de la voie romaine et de la route ducale. Analyser ces diverses communications, ce serait déflorer le plaisir du lecteur à suivre le récit d'un narrateur aussi sûr et aussi intéressant que M. le chanoine Truchet. Nous lui cédons, et pour un bon moment, la parole. LA MAISON-BLANCHE

Si vous le voulez bien, Messieurs, faisons ici notre première station historique et, pour commencer par le plus loin, prenons, en face de nous au fond de la plaine, les lacets qui, à travers le taillis, montent à Villargondran. Arrivés à la croix plantée sur l'arête, le chemin longe le pied des vignes, puis si l'on ne veut pas aller au village, où nous n'avons rien à faire aujourd'hui, il grimpe brusquement, à droite, enca-


dré de buissons, et passe devant une grosse maison carrée, massive, plus haute que les voisines et flanquée d'une tour sur.laquelle a passé le niveau de 1793. Arrêtons-nous là.

Cette maison c'est la Maison-Blanche. Ce nom lui convenait sans doute à l'époque reculée où il lui fut donné après sa construction mais elle ne paraît pas avoir reçu depuis longtemps les soins du badigeonneur et elle est devenue noire. « Sur l'étroite poterne de la tour jadis crénelée, dans laquelle s'élève en spirale un escalier délabré, dit notre confrère M Raoul de Cazenove dans son livre si complet, si riche de détails et de documents sur RapinThoyras (p. XLII), une pierre profondément fouillée présente en relief l'antique écusson des Rapin. Protégé par un large bandeau à crossettes, il atteste encore anjourd'hui le long séjour de ses anciens possesseurs, et les bandeaux des croisées, sculptées à l'italienne, soutenus de mascarons bizarres, ornées à leur cintre supérieur d'un médaillon offrant des lettres symboliques élégamment entrelacées, révèlent de la part des anciens maîtres de cette demeure le goût des arts et les habitudes d'une large existence. »

On ne peut guère faire remonter cette maison, telle qu'elle se présente aujourd'hui en ses parties les plus anciennes, au-delà du commencement du xvi* siè<le c'est l'époque où l'on constate la présence à Villargondran d'une branche des nobles Rapin, tenant en nefdel'év~ché des propriétés albergées au xiv' et au xv' siècles.

La famille venait de Valloires, de Choudana Volo~tt dit une pierre tumulaire de 1579. Si l'on en croyait la légende, S' Thècle lui appartiendrait. La filiation authentique et prouvée, dit M. de Cazenove (p. V), ne commence qu'à Humbert Rapin vivant en


1250. Il prenait la qualification de noble et, en 1692, ses descendants prétendaient être en mesure de prouver /M<~ à neuf cents ans de noblesse (p. 12). Toute vérification est maintenant impassible et le seul document authentique que l'on possède réduit considérablement cette haute antiquité nobiliaire. Ce sont des lettres de noblesse accordées, le 18 août 1489, par Mgr Etienne de Morel à Antoine, Jacques et Catherin, fils de Claude Rapin de Valloires. C'est de Jacques que descendaient les Rapin de Villargondran, Pierre et Jean-Pierre, fils de Pierre et petits fils de Jacques, dont la noblesse fut reconnue par arrêt de la chambre des comptes de Savoie du 14 décembre 1563. Ils possédaient, outre la Maison-Blanche, une tour située un peu plus haut, au hameau du Villard, laquelle existe encore. Cette branche ne tarda pas à s'éteindre et au xvu' siècle les propriétés de Villargondran appartenaient à un rameau de la branche aînée, issue d'Antoine Rapin.

La noble famille de Rapin, je parle de celle qui était restée fidèle à la patrie et à la religion des ancêtres, avait donné un juge-mage et un bailli de Tarentaise, un chanoine de la cathédrale prieur de Bernex, un aumônier de Marie de Médicis, deux juges corriers, un gentilhomme de la garde du duc de Savoie, des juges temporels de l'évêché, des avocats au Sénat. Elle est venue finir tristement à la Maison-Blanche.

Pierre Rapin de Villargondran, marié à MarieAnne Duchesne de Saint-Michel, eut deux fils Claude-François et Claude-Ferdinand. Celui-ci entra dans l'ordre des Cordeliers au couvent de La Chambre, où il mourut. Claude-François alla faire ses études à Turin, revint avec le bonnet de docteur ès droits et le titre d'avocat au Sénat, et fut successivement juge de l'évêché et du comté des Cuines et


Villards, lieutenant de la judicature de Saint-Rémy juge du marquisat de La Chambre, lieutenant de l'avocat Favre, juge corrier. En 1767, ne pouvant habiter à Saint-Jean, il donna sa démission et se fixa dans sa solitude de la Maison-Blanche, cultivant son jardin, administrant ses maigres propriétés, simple et bon avec ses ouvriers et ses voisins, triste mais taisant les chagrins qui le rongeaient. Il avait cependant fait un brillant mariage. Le 7 novembre 1735 il avait épousé, avec la bénédiction de Mgr Valperga de Masin, Rose, fille de François Martin Sallière d'Arves, comte des Cuines et Villards. Malheureusement il n'avait pas encore composé le quatrain suivant que j'ai lu dans son livre de raison (1)

Mariez-vous, c'est chose honnête

Je n'en seray jamais marry.

Mais ne soyez jamais si bête,

Que d'épouser votre mari.

Rose d'Arves fut un mari fantasque, orgueilleux, ambitieux, despotique, pour qui la loi, le droit et. les créanciers n'existaient pas. En 1751 elle hérita de son frère Gaspard. Les époux Rapin s'installèrent au château, maintenant couvent des Sœurs de SaintJoseph, et se mirent en possession des biens, des droits féodaux et du titre du comté des Cuines et Villards, sans prendre garde, du moins l'impérieuse comtesse, que Pierre, son grand-père, premier comte des Cuines et Villards, avait laissé de grosses dettes que François, son fils, avait augmentées, et que, de plus, ne voulant pas que sa succession et son titre tombassent en quenouille, il avait établi des fidéi(1) Ce livre de raison m'a été communiqué autrefois par M. le comte Ferdinand d'Arves. J'ai publié dans les Récits Mauriennais (2* strie, p. 103 et 240) tout ce qu'il contient d'intéressant, avec d'autres détails sur les Rapin.


commis en faveur de ses autres fils, de leurs enfants mâles etmeiDe, au besoin, d'un cousin, noble Gaspard Martin. Le fidéicommis fut relevé les créanciers voulurent être payés il y eut de nombreux, longs et ruineux procès. Il fallut vendre des propriétés, aûranchir les communes. Rapin avait aussi un procès et quelques dettes. La gêne vint au château et, avec la gène et les embarras, une froideur voisine de la désunion.

Voilà pourquoi Claude François Rapin se retira à la Maison-Blanche. Il n'allait à Saint-Jean que rarement, quand sa présence y était indispensable. Sa joie était de recevoir la visite de ses deux filles, Marie-Cécile et Suzanne son unique distraction de rédiger ses mémoires. Un jour, songeant à l'extinction prochaine et complète de sa maison et regardant mélancoliquement son blason (1), il écrivit Pour n'avoir, au besoin, su prendre,

L'on voit déchoir cette maison.

Si l'effet eût suivi son nom,

Elle aurait de quoi se défendre.

H mourut le 5 août 1776 et fut enterré dans le cimetière de la paroisse au vas de ses ancêtres. Ses biens furent vendus pour satisfaire ses créanciers et la Maison-Blanche, acquise par le notaire Grange. Rose d'Arves, à peu près ruinée par les procès et les dettes, mourut dans le château à Saint-Jean et fut enterrée dans le cloître de la cathédrale. Ensuite Jean-Baptiste Martin-SaIlière-d'Arves fut mis en possession du comté et du château. Il recueillit Marie-Cécile Rapin. Suzanne, chassée du souvent des Bernardines de Saint-Jean par la Révolution, trouva aussi un asile dans cette maison qu'elle avait crue (1) Ecartelé d'or, au 1 et 4 un oiseau de rapine de sable éployé, au 2 et 3 trois roses de gueules posées e<


sienne.

LA GARDE

En descendant de la Maison-Blanche, arrêtonsnous à l'arête à pentes boisées qui se projette entre l'éboulis sur lequel est bâti le village de Villargondran et la plaine des Plans. Des ruines couvrent son sommet. Ce sont les restes du château de la Garde. La tradition locale, consignée par RI Antoine Reymond, curé de Villargondran, dans un état des biens de la cure dressé en 1760, attribue au roi S. Gontran la fondation d'une église en ce lieu qui dès lors porta son nom, le village de Gontran (Villarium Guntranni) il aurait aussi fait bâtir le château destiné à défendre le passage de l'Arc et il l'aurait donné à l'évèque, lors de la création de l'évêché, pour lui servir de retraite et de refuge aux habitants du village (cas~<t~ 6'arc~e,). Je ne sais, à défaut de documents, si tous les points de cette tradition méritent créance. Ainsi, à supposer que le château de la Garde ait appartenu aux éveques au VI' siècle, je me demande s'ils n'en auraient pas été dépossédés pendant quelque temps et si la Garde ne serait pas cette maison, cette curtis, désignée sous le nom de Liana, qui parait avoir été située entre celle d'Arves et celle de Valloires et que Charlemagne donna à l'abbaye de la Novalaise par un diplôme du 27 mai 783 (1). Ce qui est certain, c'est qu'il y a eu à Villargondran un prieuré, dont en 1383 il n'existait plus que le titre, qui était alors possédé par Othon de St. Martin, vicaire général de l'éveque Henri de Sévéry.

Quoi qu'il en soit, au XIIP siècle le château de la Garde appartenait à l'évoque de Maurienne. On lit (1) Duas curtes in Afauriana scilicet Arvam e< Lianam et Valoriam atque Hetonem. Monum. hist. ~airM* (Chattes' Gloires de !'<66. de la Noval,


dans le testament d'Anthelme de Clermont, du 26 février 1269 « Nous léguons à la mense épiscopale toutes nos balistes et toutes nos armes. Afin qu'elles lui soient conservées, nous voulons que le seigneur Hugues d'Arve en soit responsable et qu'il les fasse transporter à la Garde dans le château du seigneur Bozon et du clerc Emydon. H laissera cependant à Argentine les arbalètes et les autres armes que nous y avons. » Sont encore exceptées les armes que l'évéque avait confiées à son frère Pierre de Clermont et dont il déclare lui faire donation.

Le seigneur Boson était sans doute le châtelain de la Garde et le clerc Emydon, son secrétaire ou son greffier.

Parmi les sept témoins de ce testament figure le chevalier (miles) Richard de Villargondran. Cette famille de Villargondran paraît avoir eu une certaine importance. On trouve au XIIe siècle le chevalier Bruno de Villargondran et Galien de Villargondran en 1233 le chevalier Guillaume de Villargondran en 1245 Jean et Bozon de Villargondran en 1255 Boson de Villargondran, curé de Notre-Dame à St-Jean en 1247 le chanoine Hugnes de Villargondran en 1273 le chanoine Boson et le notaire Guillaume de Villargondran en 1355 et 1409 les notaires ou greffiers de l'évêché Jean de Villargondran et Antoine son fils. On voit qu'au XIII' siècle les de Villargondran avaient échangé l'épée contre la plume, qui avait plusd'emploi dans la pacifique Terre Episcopale. Le château de la Garde fut la résidence préférée d'Amblard d'Entremont ou de Chignin, qui gouverna le diocèse de 1301 à 1308. Ce prélat y passait une grande partie de l'été, y trouvant plus de facilité qu'à St-Jean de satisfaire son amour de la retraite et de la prière. Mais il ne négligeait pas pour autant l'administration de son diocèse et il se rendait sou-


vent à la cathédrale pour présider aux offices divins et veiller à ce que tout s'y passât avec la décence et la piété convenables. Il tomba malade à la Garde pendant les fêtes de Pâques 1308 et y mourut, après avoir disposé de sa grande fortune par un testament qui est un monument de sa charité pour les pauvres. Sous Mgr Ogier Moriset de Conflens le châtelain de la Garde se nommait Benoit Cabre il était notaire et natif du diocèse d'Aoste. Son compte avec les héritiers de l'évêque fut réglé le 4 avril 1441 (1). Le châtelain résidait au château avec son secrétaire et quelques domestiques il était chargé de l'entretien des bâtiments, de la perception des droits du seigneur, la plupart en nature, de la police et de fonctions judiciaires à peu près semblables à celles de nos juges de paix. Son traitement était de dix florins et du quart du casuel résultant des transactions (2).

Il y avait aussi une garnison. Elle se composait des habitants du village mais ils restaient bonnement chez eux, vaquaient à leurs affaires et tout leur service consistait à être inscrits dans un registre et à être de temps en temps convoqués au château pour une revue, une parade lorsque le seigneur évêque venait y passer quelques jours. En quoi consistait l'armement et si aux balistes et aux arbalètes de 1269 on avait substitué ou ajouté quelques mousquets, les archives de St-Jean et de Villargondran ne le disent pas.

Le 23 juin 1597 la garnison fut convoquée en toute hâte. Les diguières occupait la ville de Saint-Jean et de la Garde on voyait les flammes qui dévoraient les maisons autour de la cathédrale. Le 24 on aperçut une compagnie française qui s'avançait dans les (1) f. Travaux de la $oet~. 3' série, t. 1, 2" part., p. 120. (2) Ibid. p. 111.


Plans. Que faire? Résister dans cette position dominée par un plataau, derrière ces vieilles murailles, avec ces vieilles armes, à une troupe nombreuse, quand le fort même de Saint-Jean s'était rendu avant d'être attaqué, ne pouvait avoir d'autre résultat que de faire piller et brûler le village. La garnison jugea plus sage de ne pas attendre l'ennemi, de déposer les armes et de s'en aller sans bruit chacun chez soi. Lesdiguières mit une compagnie dans le château, sous le commandement du capitaine Giroud et du lieutenant Barthélemy Syor dit le capitaine Cadet. Mais quelques semaines après, il ordonna sa démolition aux frais des communes de l'étape. Les plus rapprochées durent fournir des ouvriers les autres, de l'argent. Nous avons la quittance faite à la commune de Montrond le 4 octobre 1597. Le capitaine Cadet confesse avoir heu et receu de Jean Mollaret, sindic de Montrond, la somme de huit ducatons. à l'occasion de la démolition du château de Villargondran, appelé le chasteau de la Garde, et suivant la cotization qui en a esté faicte, tellement que le dict capitaine Cadet quitte perpétuellement la dicte communauté. »

La valeur du ducaton a beaucoup varié. En 1607 elle fut fixée à 6 florins 8 sols. En valeur commerciale actuelle on peut faire le florin de ce temps équivalant à 4 fr. Les 8 ducatons vaudraient donc environ 213 fr.

Ainsi fut détruit le castrum du roi Gontran. LA MALADIÈRE

Dévalons des yeux par le pli où se rejoignent la montagne et le contrefort dont la croupe porte les ruines de la Garde. Nous tombons sur un petit groupe de maisons gentiment blotties dans les ar-


bres. Le nom du hameau, la 6'etfo~~ indique bien la manœuvre que nous aurions accomplie physiquement en roulant, en patois garottant, sur la pente.

Entre la 6*aro~ter<? et la Moudon, ce hameau assis sur le pied du contrefort, nous remarquons un pré que son étendue, sa forme rectangulaire et la ceinture d'arbres qui l'entoure distinguent des autres, c'est le Pré de la Garde. Vous voyez tout de suite quel était anciennement son propriétaire c'était une dépendance du château. Le 5 novembre 1364, vous auriez vu assemblés là les chefs d'hostels de Villargondran et l'éveque Amédée V de Savoie-Achaie avec le notaire Jean Sestier de Saint-Jean. Celui-ci dressa deux actes. Par le premier l'évêque confirma l'albergement; fait par ses prédécesseurs, des bois et pâturages communaux existants dans les limites de la paroisse par le second il fit quittance de la somme de 50 florins, bon poids versée entre les mains de son châtelain par les tenanciers de la châtellenie de la Garde pour plaids, servis, laods, investitures, muages (1) et autres droits jusqu'à ce jour (2). Dépassons la Moudon. Ces prés, champs et vignes qui s'étendent du côté de la route et qui terminent le territoire de la ville de Saint-Jean, s'appellent la Maladière. Là s'élevait une des quatre léproseries mentionnées dans nos archives les trois autres étaient à Aiguebelle (Randens), La Chambre et Saint-Julien. Ces hôpitaux spéciaux, à intervalles si rapprochés, dénotent l'étendue et les ravages du ter(1) Le muage ou la mutation ;était dans la Terre Episcopale de 1/2&4 du prix de l'immeuble, soit 1 fr. 13 pour une valeur de 300 fr. (2) En 1508, le domaine de la Garottière (Gorateria) appartenait à noble Jean Falcon, notaire de Valloires. 11 en fit donation à Jean son fils, qui habitait à St-Jean, dans le contrat de mariage de celui-ci avec Ambroisine, fille de noble Louis Mareschal, de StMartin-la-Porte.


rible fléau dans notre vallée. Celle-ci appartenait à la ville elle était administrée par un procureur nommé par le conseil communal et qui prenait le titre de procureur des pauvres lépreux.

Tout porte à croire que la lèpre a été apportée dans notre pays par les Sarrasins au x' siècle elle n'a disparu qu'au xvn'. L'époque de la construction de nos léproseries est inconnue je ne possède presque aucune information antérieure au xvr siècle, mais il est certain que celle de Saint-Jean, la seule dont j'aie à parler, était déjà très ancienne. Pour les bâtiments, ils se composaient en 1602 d'une chapelle avec son clocher, dédiée à Saint-Lazare, de deux cuisines, d'une chambre, d'un cabinet, d'un four, d'une étable, d'un sellier, et d'une grange. L'hôpital possédait quelques rentes, des prés et des vignes.

Les archives communales de Saint-Jean contiennent un assez fort dossier sur la Maladière il y a en outre beaucoup de renseignements épars dans les registres des délibérations du conseil. Je cueille, en le résumant, toutee qui me paraît offrir de l'intérêt. 1434. Gaspard de La Chambre, en son testament écrit dans le château de Sainte Hélène-desMillières, fait un legs aux léproseries de Saint-Jean et de Saint-Julien.

16 octobre 1515. Gruet Sybaud, du Dauphiné, atteint de la lèpre, est reçu dans la Maladière. Il paie 60 florins, que les syndics Gabriel des Costes et Jacques Porte employent à acheter deux rentes perpétuelles d'un setier (6 quartes) de froment chacune, « pour le service des lépreux de la cité de Maurienne qui sont dans la Maladière et de ceux qui y seront à l'avenir. »

2 avril 1516. Catherine Tronel, d'Avrieux, lépreuse, entre à l'hôpital. Elle donne 30 florins, avec lesquels on achète aussi de noble Jean Varnier le


jeune, de St-Pancrace, une rente d'un setier de froment.

11 mai 1534. Paul Bizel, d'Albiez-le-Vieux, reconnaît devoir à la Maladière, représentée par les syndics Pierre des Costes et François Gussoud, la somme de 25 florins, pour l'admission de Madeleine sa femme dans la léproserie. Jusqu'à ce qu'il paie cette somme, il donnera chaque année un setier de seigle. Le contrat est passé en forme de jugement devant Jacques de Passier, archidiacre de Tarentaise et vicaire général de l'évêché de Maurienne. Ce placement en rentes perpétuelles des sommes payées par les lépreux offrait de graves inconvénients car lorsque l'hoirie du débiteur avait subi quelques partages, le recouvrement des fractions de la rente devenait difficile. Aussi le 1" mars 1545, un lépreux ayant été reçu dans l'hôpital, le conseil décida que les 20 florins qu'il avait versés seraient employés à acheter une terre (1).

24 avril 1507. Le vicaire général de l'éveché, nommé Jean-Baptiste de Valence, lance un monitoire par lequel il frappe d'excommunication les notaires et autres clercs qui retiendraient des actes contenant des clauses en faveur de la léproserie, de la confrérie .de St-Esprit ou des aumônes de la ville de St-Jean, ceux qui doivent ou cachent des rentes ou autres tributs dus a ces établissements et ceux qui favorisent ces injustices. Ce monitoire est rendu à la requête des syndics et du procureur fiscal et patrimonial.

6 décembre 1558. Madeleine Boisson, d'Albiezle-Jeune, chambrière à la Maladière, en présence de deux conseillers, fait inventaire des objets mobiliers (1) Il y a cependant encore dans les. minutes du notaire Marquet de fréquents actes d'affranchissement de rentes en blé et de placements de même nature.


existants dans l'hôpital marmites, écuelles, draps et couvertures de lit, coussins de plumes, lits, bancs et tables, provisions de bouche vin, fromage, seigle, « lesquels vivres luy ont été bailliés pour en vivre honnestement pour sa personne et pour en ministrer aux paoures lépreux passants et logeants en la dicte maladière. ) Pour le surplus de son nécessaire, « elle fera la queste accoutumée. L'année suivante, Madeleine Boisson fait en sontestament une donation de 30 florins à la léproserie.

En 1563 on promet 40 florins ou un setier de froment chaque année pour une femme de Fontcouverte. En 1573 un lépreux de la même commune paiera 120 florins ou une rente de 9 florins et demi (1). En 1574 Jean Sambuis d'Albiez-le-Vieux donnera cent florins pour être reçu avec les autres lépreux de la Maladière demeuré seul, il mourut le 3 septembre 1581 et la maison resta vide pendant quelques années. Les propriétés, composées de deux fossorées de vigne et de deux pièces de pré situées des deux côtés de la route, étaient données à bail aux enchères la cense annuelle varia de 61 à 76 florins.

Le 2 octobre 1588, le conseil consent à l'admission du lépreux Georges Mollaret, natif d'Albiez-le-Vieux et habitant à Fontcouverte, aux conditions suivantes c Le dict Mollaret ou bien ceulx qui pour luy agissent seront tenus bailler et deslivrer réellement entre les mains du procureur d'ycelle maladière la somme de cent florins, moyennant laquelle somme sera loysible au dict Mollaret d'habiter en icelle maladière et faire la queste une foys la sepmaine comme de coustume, de laquelle queste il se pourra alimenter, et ou icelle queste ne pourroyt suffire à sa (1) Un inventaire des titres appartenant à la Maladière, fait le 31 mars 1573 pat le notaire Jean Marquet, énumére i8 contrats de rentes en grain qui donnent un total de 65 quartes (18 litres 34) de seigle et de 41 quartes de froment.

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nourriture sera lhors tenu icelluy Mollaret ou vrayement les scindics de la parroesse de Fontcouverte poursuyvant la réception du dict Mollaret en icelle maladière fournir au dict Mollaret le surplus que sera de besoingt pour la dicte nourriture, à la charge aussy qu'il Mollaret ou pour luy agissants seront tenus porter linges etdrapsenicelle maladière requis pourle dict Mollaret ainsy queparcy-devanta esté observé.~ » Cette délibération fournit d'utiles renseignements sur le régime de la léproserie. Les malades n'étaient pas séquestrés. Le payement de la somme convenue avec les administrateurs ne leur donnait droit qu'au logement et à l'usage des meubles de l'hôpital. Le linge et la nourriture étaient à leur charge ils étaient autorisés à mendier dans la ville une fois par semaine. Une bonne partie des revenus était absorbée par les frais d'entretien des bâtiments des réparations assez considérables y furent exécutées en 1608 et en 1611. Le service religieux était fait par le curé de Viliargondran, qui allait de temps en temps y dire la messe. Il y avait quelques messes de fondation qu'un chanoine allait acquitter.

Avril 1606. Entrée à la léproserie d'un homme de Villarembert et d'une femme de Villargondran. Le conseil demande à chacun la somme de 240 florins, mais laisse aux syndics la faculté de la réduire comme ils jugeront à propos.

1612 et 1613. Comme il n'y a pas de lépreux à la Maladière, le conseil y loge une pauvre famille et, sur l'avis de Mgr Philibert Milliet, il décide d'employer une partie des revenus à secourir des pauvres que leurs infirmités empêchent de mendier. Août 1615. Pétremand Ponce, bourgeois de Saint-Jean, sur le rapport du médecin Collomb, fait recevoir sa femme à la Maladière <: avec les lépreux qui y sont ). Il paye 200 florins et se charge de son


entretien. Elle y est encore au mois de février 161T, soignée par une chambrière. En 1619, il devait y avoir des lépreux à la Maladière, car la chambrière se plaint au conseil qu'il n'y a aucun endroit où elle puisse retirer les vivres qui leur appartiennent.

A partir de cette date et pendant trente-quatre ans, je n'ai pas constaté la présence de malades dans cet hôpital et le conseil croît pouvoir employer ses revenus à d'autres œuvres qui ont un caractère religieux ou charitables réparations àl'église paroissiale NotreDame, nourrissage d'enfants trouvés, secours à des familles indigentes, etc. On néglige même l'entretien des bâtiments, à tel point qu'après plusieurs réclamations, le procureur des pauvres, Jacques Gerbais, se voit obligé, le 22 juillet 1640, de dire au conseil t que si l'on ne met la main aux réparations et restaurations requises et nécessaires aux bastiments de la Maladière, ils menacent de tomber tout à fait en ruines. Le conseil décide de lui donner pour cela 300 florins.

Le 22 février 1649, le conseil nomme procureur des pauvres lépreux de la Maladière Jacques Gay, avec charge de faire rendre compte à ses deux prédécesseurs, Jacques Costaz et Henri Rossat, et de faire réparer le toit du chœur de la chapelle < presque tout découvert, en sorte que l'on n'y peult fère célébrer aulcune messe. x Les titres de la Maladière seront déposés dans les archives de la ville (1), sous peine de poursuites contre les procureurs.

Au mois de juin 1654, les syndics font conduire à la Maladière la femme de Martin Bochu atteinte de lèpre. Comme elle est pauvre, le conseil décide qu'on lui donnera chaque semaine un pain de seigle de (1) Tour ronde de la maison des Flammes, achetée par la ville en 1646 du fils du marquis de Faverges, héritier de Claude des Flammes.


huit livres, trois livres de beurre et pour un sol de sel. C'est le dernier lépreux dont je trouve l'entrée dans l'hôpital.

Au mois d'août 1677, la chapelle est en bon état on l'enrichit d'un calice d'argent pesant onze onces un quart et acheté à Chambéry, on y a fait graver les armes de la ville, il coûte 107 florins.

Mais déjà en 1672 la chapelle était, d'après un bail, avec la grange « le reste des bastiments de la Maladière » et la vigne était inculte l'Arc l'avait ravagée et avait renversé le vieil hôpital. Mais le registre des délibérations du conseil manque pendant plusieurs années et je n'ai trouvé que quelques papiers sans suite.

1680. Un nouveau déluge de l'Arc dévaste la chapelle. On sauve les ornements, le tableau et la cloche/que l'on porte au curé de Villargondran. On répare à la hâte le chemin et on relève la muraille qui le borde. Ce chemin c'est la route qui vient du pont d'Arvan, en suivant le chemin actuel de Villargondran, passe à la Garottière, tourne à gauche et longe la Maladière pour gagner le pont d'Arc. 1684. Jacques-Philippe Roi, apothicaire, procureur des pauvres lépreux, donne au maçon Antoine P?c l'entreprise de remplacer la muraille par une forte digue « soit torne à chaux et sable et grosses pierres, la teste en demi-lune ), le tout de 12 toises de longueur, 4 pieds de hauteur au-dessus du sol et 6 pieds d'épaisseur on pratiquera une ouverture et des marches pour entrer dans la Maladière. Les années suivantes on rebâtit l'hôpital et la chapelle. La dépense s'élève à 750 florins 4 sols comme il s'agit du bien des pauvres, le procureur se contente de 10 florins pour ses peines et vacations. Mais en 1688 et 1689 l'Arc se remet à vaguer dans les Plans. Il se divise en plusieurs branches, dont


une s'établit sur la route devant la Maladière il n'y a pour passer qu'une planche ou le tour par le pré de la Garde et celui de la Maladière. Enfin au mois d'août 1690, la rivière envahit, emporta ou combla tout route, digue, hôpital et chapelle. De celle-ci on sauva une pauvre chasuble et quelques linges dont la ville fit présent aux Capucins.

De l'antique léproserie il ne reste aucun vestige. LA ROUTE. LE PONT. LES DIGUES. LA VOIE ROMAINE.

Les débordements et les alluvions de l'Arc et du ruisseau de Villargondran, nommé par antiphrase Rieu-Bel, comme le torrent de Jarrier est appelé Bonrieu, la construction des digues de l'Arc et de ce pont de pierres mis par sa hauteur hors de la portée des vagues furieuses, le tracé de la route que nous avons suivie depuis le pont d'Arvan et les terrassements qui l'amènent à la hauteur du pont, ont complètement transformé ce petit coin de terre. Disons tout de suite que la route et le pont datent du premier empire et reportons-nous, avec les quelques données que je viens de fournir, aux environs de l'année 1685.

Nous aurions pris au pont d'Arvan, placé un peu plus haut, le chemin de Villargondran c'était la route, livrée aux bons soins des aboutissants qui, comme je le vois dans une pièce de 1671, ne s'en occupaient que pour y jeter les pierres de leurs champs, à moins que le juge-corrier ne les contraignît à y faire les réparations les plus indispensables. Depuis la Garottière nous avons suivi la route, tout à l'heure, laissant à gauche le pré de la Garde, puis à droite la Maladière.

Au point ou près du point où nous voyons le chemin couper la route de Montricher et la route natio-


nale, nous aurions tourné à droite et côtoyé la torne construite devant la léproserie en 1684 puis, à une dizaine de mètres en aval du pont actuel, nous aurions pris à gauche et enfilé le pont.

C'était un pont de bois, très bas, souvent branlant, pourri, emporté. Alors des ordres sévères arrivaient de Chambéry aux communes de l'étape de SaintJean qui laissaient ainsi interrompre le service de Son Altesse. Avec le temps elles refaisaient ou répa-rai&nt le pont. En attendant on mettait des planches s'il n'y en avait pas, les voyageurs pressés avaient la ressource d'aller passer au pont de l'Echaillon, de grimper à Greny et de descendre à St-Julien comme le fit au mois de mai 1728 le peintre Laurent Dufour de St-Michel (1).

Les digues de la rive gauche, commencées par ordre du cardinal d'Estouteville vers l'année 1480, sous la direction de son vicaire général le chanoine Amédée Gavit, et dont l'achèvement était une des clauses de son testament daté du 14 janvier 1483, peu de jours avant sa mort, devaient être terminées en 1485. La partie en amont du pont porte encore le nom de digue du cardinal, mais je crois que ce nom appartient à la digue tout entière. Seulement la partie inférieure, frappée plus violemment par les flots après leur choc contre la montagne de la rive droite, a été souvent entamée et refaite partiellement. C'est ce qui explique les fréquentes invasions de l'Arc dans les Plans du xv' au xvn* siècles. On lit dans une délibération du 10 avril 1COG « La torne de la rivière d'Arch tombe en ruine tellement qu'il est requis y avoir soing et au plustost que fère se pourra. :f Dans la seconde moitié du xvn' siècle de fréquentes délibérations ont pour objet des travaux exécutés (1) V. Travaux de la Société. I* série, t. 5, La famille des peintres Dufour.


aux tornes d'Arc. Evidemment il ne s'agit pas de la digue en amont du pont, qui est sur le territoire de Villargondran.

A l'autre bout le pont joignait la route ducale, via ducalis, ainsi appelée dans les chartes du xv* siècle parcequ'elle se tenait sur la rive droite de l'Arc dans les terres du duc de Savoie. C'était sur une grande partie du parcours, et notamment ici, l'antique voie romaine que nous avons déjà eu l'occasion de signaler dans nos excursions à La Chambre et au Châtel (1). Mais un peu plus haut la route ducale avait ouvert le chemin que nous suivrons pour aller à St-Julien, tandis que la voie romaine montait vers le point où est la chapelle de Villard-Clément, suivait le pied des vignes, franchissait le torrent de St-Julien vers les dernières maisons sur la rive droite et, se tenant toujours à cette hauteur, contournait le bassin de St-Julien et de St-Martin elle franchissait l'arête de la montagne par l'entaille de la Porte qui a peut être été creusée pour elle.

Ici la construction de la digue, en rejetant la rivière au pied de la montagne, avait amené la destruction de l'antique voie entre le pont et l'Echaillon. On voit par un mémoire de Mgr Pierre de Lambert qu'en 1575 la route n'existait plus sur ce point, mais qu'il aurait été facile de la rétablir. On ne s'en occupa point, parce que le duc de Savoie, étant depuis le traité de 1327 coseigneur de St-Jean, avait le droit de se servir de la route qui y passait.

A côté du pont sur lequel nous sommes, il est facile de remarquer les restes d'un chemin entièrement coupé par la rivière à une petite distance c'est un morceau de la voie romaine.

Après ce tour d'horizon historique, il restait à signaler une curiosité naturelle. « La fontaine des (2) lbid., 9' série, t. 2, I* part., p. 27 et 20.6


goitreux x, dont les eaux ont déposé une couche de calcaire où elles se sont creusé un canal, et viennent se perdre dans l'Arc, tout à côté de nous. M. Florimond Truchet nous explique la formation et le jeu de cette fontaine intermittente, dont M. Villet aura bientôt à reparler, en décrivant le bassin géologique de St-Julien. Comme leurs explications sont concordantes, je renvoie le lecteur au mémoire de M. Villet, où la description de cette source est dans son cadre naturel.

Après une halte d'une heure, la caravane se remet en route pour St-Julien, où elle arrive vers 8 h. 1/2. A l'entrée du bourg, elle est reçue par M. Favier, maire de St-Julien, qui lui souhaite la bienvenue et l'accompagnera le reste de la journée. A son tour, M. l'abbé Roux, curé de la paroisse, vient nous rejoindre, et c'est en compagnie des deux autorités, civile et ecclésiastique, que nous visiterons St-Julien. Sous un hangar qui nous abrite des rayons du soleil, nous écoutons une nouvelle communication de M. le chanoine Truchet.

LA MAISON ET LE FIEF MANUEL Sur la rive droite du torrent de St-Julien, au pied de la montagne et tout à côté de l'ancienne voie romaine, s'alignent de petites maisons qui, pour la plupart, appartiennent à des gens de Montdenis ils y descendent au printemps et à l'automne pour les travaux de leurs vignes. Le mas s'appelle communément Costard on trouve dans les papiers Costerg, et dans une charte in Costa, sur la côte sur la rive du torrent. C'est là que se dressait, il y a plusieurs siècles, le manoir des nobles Manuel mais le torrent et les incendies ont tant de fois ravagé Côtard, que de l'antique maison seigneuriale il ne reste pas trace.


< On ne sait pas, dit l'Armorial et Nobiliaire de Savoie, auquel je prends une bonne partie de ces notes, si, comme le porte une tradition familiale, les Manuel sont venus en Maurienne avec les Légions romaines, ou si, comme l'insinue le fantaisiste Armorial du Dauphiné, ils sont issus d'un bâtard de la Maison de Savoie, mais il est certain qu'ils figurent parmi les très anciens nobles de Maurienne, malgré l'obscurité où ils ont vécu jusqu'au xvn' siècle. )t

Leur nom primitif est Menuel (Menuelli) et ici fut t leur premier domicile connu.

Jean Menuelli, de St-Julien-en-Maurienne, et Béatrix sa femme vendirent, le 8 juin 1263, tout ce qu'ils possédaient à Montolivet et à St-Julien.

Richard Menuelli, damoiseau de St-Julien, est mentionné dans des actes de son fils Aimon de 1265 à 1270. Cet Aimon, aussi damoiseau ainsi que ses descendants, reçut en 1276 et 1288 les reconnaissances de ses hommes liges de St-Julien il possédait le moulin du pont de St-Julien. C'était le pont de la voie romaine, jeté sur le torrent. Il joignait le Costard et le moulin était à l'autre bout il travaillait encore il y a moins d'un siècle et ses meules gisent là-haut près de la maison que l'on voit isolée et fraichement réparée. Aimon Menuelli mourut avant 1311, laissant cinq fils.

Jean l'aîné reçut, en cette même année 1311, pour ses frères et pour lui, de nombreuses reconnaissances de fiefs indivis avec Gonthier de Cuine. C'est du quatrième fils d'Aimon, Jacques ou Jacquemet, que descend la lignée des Manuel qui s'est continuée jusqu'à nos jours.

Ses deux fils, Balthazard et Gaspard, transportèrent leur domicile principal à Aiguebelle leurs enfants et rières-enfants prennent la qualité de bour-


geois d'Aiguebelle. Mais ensuite la branche de Balthazard revint à St-Julien. Jean ou Janin Manuel, testant le 28 avril 1478, ordonna qu'on l'enterrât dans l'église de cette paroisse. Guillaume, son neveu, est qualifié d'écuyer de St-Julien dans un acte de 1563, fait à St-Julien, où ses fils déclarent qu'ils sont de la même maison que les Manuel d'Aiguebelle.

L'illustration de la famille commence à JeanClaude, petit fils de ce Guillaume il était fils de Pierre et de Lucrèce de Cuine, qui avait été veuve en première noces d'Amé du Pont. En 1616 il était colonel du régiment de la milice de Maurienne. L'année suivante il épousa Marguerite, fille et héritière universelle de Jacques de Locatel et de Cevins (1), dont il ajouta le nom au sien, et s'établit au ahâteau de Costaroche-sur-Conflens qui appartenait à sa femme. Il fut écuyer du prince Thomas, commissaire général des guerres en Savoie, etc. Son fils, Jean-François Manuel da Locatel, fut aussi colonel-commandant la province et lé régiment de la milice de Maurienne. Il testa en 1687 et laissa neuf enfants, dont sept filles, quatre religieuses. François, son héritier universel, ne paraît pas avoir occupé d'emploi. Il épousa en 1690 Françoise de Martin de Champolléon, du Dauphiné, engagea des procès au sujet de droits féodaux, notamment avec les curés de Montdenis, et du Thyl, où il possédait un fief indivis avec noble Jean d'Humbert (2), et testa en 1716. Sa veuve était remariée avant 1729 au comte de Saint-Laurent, haut employé des finances à Turin elle emmena Joseph-François Manuel, son fils mineur, dans cette ville.

(1) Locatelli, famille venue de Bergame. Armorial.

(2) Ce fait et la plupart de ceux qui suivent sont tires d'un dossier des arrives de l'tveche, laissé par Mathieu Donnet.


En 1734, la comtesse de St-Laurent, munie d'une procuration de son fils, vendit à plusieurs habitants de St-Julien et de Montdenis, des propriétés situées en divers mas de cette commune, entre autres au Costerg. Elle oubliait qu'en 1729, ayant emprunté 7.000 livres du banquier Boch de Turin, elle avait consenti une hypothèque sur ces mêmes propriétés. Il s'en suivit un procès à trois parties, qui dura plusieurs années.

En 1737, Joseph-François Manuel chargea le notaire Ennemond Barrillion, de St-Julien, de faire rénovation de ses fiefs. Il était alors lieutenant aux dragons de Genevois, à Turin.

En 1759, Manuel, qui était revenu habiter son château de Conflens, vendit à Mathieu Donnet, de St-Jean, le fief de St-Julien et ses dépendances, soit des droits, servis, laods, etc. à St-Jean-de-Maurienne et en diverses autres communes de la Maurienne. Le prix est de 1.200 livres et cinq louis neufs de France pour épingles. Par le même acte et pour la même somme de 1.200 livres, Joseph-François Paernat de la Palud, en qualité de procureur de François Vichard de St-Réal, vendit au même Mathieu Donnet tous les droits féodaux que celui-ci possédait dans la province de Maurienne.

Manuel paraît ne s'être pas rendu compte de la portée de l'acte qu'il avait fait avec Donnet, car l'année suivante il vendit au chanoine Jean-Pierre Borrivend ses fiefs de Ribaud et de La Ravoire dans les CuinesetlesVi~lards.D'où réclamations de Mathieu Donnet, recours au Sénat, puis transaction en 1768. De la maison au Côtard il n'est plus question ni dans l'Ar~o~î~, ni dans le dossier des archives de l'évêché. Cependant le cadastre de 1730 en fait encore mention au nom de M. Manuel. Elle a pu être vendue ou être détruite à cette époque par un incendie


ou une inondation, et la famille Manuel est désormais étrangère à St-Julien et à la Maurienne. Au-delà du pont qui unit les deux parties du bourg, au point où s'élève maintenant, dans un mur de clôture, un petit oratoire, il y avait jadis un hôpital, sur lequel M. le chanoine Buttard, ancien curé de St-Julien nous donne les renseignements suivants

HOPITAL.

St-Julien possédait autrefois un hôpital. Il était situé dans le bourg, sur la voie publique et à côté du pont. Il devait être très ancien on ne connaît pas au juste la date de sa fondation. Ce que l'on sait de positif c'est qu'en l'année 1385 il ne possédait pas de maison probablement parce que son trop proche voisin, le ruisseau, dans un moment de mauvaise humeur, à laquelle il se laisse quelquefois entraîner, avait jugé à propos de la raser tout simplement pour y faire l'entrepôt d'une partie de sa lave. Quoiqu'il en soit, en ladite année 1385 vivait à St-Julien un brave homme nommé Melin, fils de Jacques Jaquet, natif de Cluses, en Faucigny, lequel, touché de compassion pour les voyageurs indigents, qui avaient peine à continuer lenr route jusqu'à St-Jean ou à St-Michel, acheta de Guillaume Didier, le 12 avril 1385, un bâtiment à un étage, situé dans le bourg, sur la voie publique, à côté et au couchant de la maison du vendeur. Le même jour Melin Jacques en fit donation pour le service de l'hôpital et po~ y recevoir les pauvres passants.

Il s'en réserva cependant la jouissance durantsavie. Mgr de Masin qui visita cet hôpital le 8 juillet i708, en décrit ainsi l'état et le service. Il y avait une cuisine, trois chambres, quatre lits pour les pauvres


passants, à chacun desquels on donnait un quartin de vin, un sou de pain, la soupe et le lit pour toucher. Le revenu de l'hôpital était alors de 196 florins, trois sous et six deniers, outre la rente de plusieurs pièces de terre et de vignes que l'hospitailler retirait pour son propre entretien et pour fournir la soupe aux passants, en prendre soin et faire porter les malades à St-Michel, ou à St-Jean. Le Curé du lieu, l'officier local, les sindics et deux conseillers de la communauté avaient l'administration des avoirs de l'hôpital.

Vers 1824 ou 26 le ruisseau, s'étant débordé, détruisit tous les bâtiments de cet hôpital j et envahit une bonne partie des autres maisons du village. Trois personnes y périrent et ce n'est que l'année suivante qu'en creusant une cave, on retrouva le cadavre d'une d'elles. L'hôpital n'a pas été rebâti et ses rentes, unies à celles de quelques anciennes confréries qui n'existaient plus, ont été confiées à l'administration du bureau de bienfaisance qui les distribue aux pauvres de la localité.

Le ruisseau ne s'est pas contenté d'emporter les bâtiments de l'hôpital il a pris une partie de l'emplacement pour élargir son lit et déposé sur le reste une couche de limon, en sorte que rien ne rappelle plus l'œuvre de Melin Jacquet.

Nous descendons dans la rue, l'ancienne route. C'était autrefois un bourbier mais depuis quelques années on lui a fait un empierrement macadamisé et de chaque côté un trottoir avec bordure en pierre. Les enseignes ne manquent pas, surtout celles des marchands de vin. On voit que l'on est dans un centre ouvrier. Après quelques pas nous tournons à gauche et une ruelle nous conduit sur la place. Elle est entourée par le presbytère, le cimetière, l'église et


les maisons d'école, un champ d'études. Il y a des pièces de bois étendues le long des murs, M. le curé envoie des chaises. Des figures ébahies se montrent timidement aux avenues. On s'assied et M. le chanoine Truchet prend la parole.

MAISON DE BALLAY, DU PONT, DE BAVOZ ET D'ALBERT.

Il y a quelques années, avant l'incendie qui a dévoré le côté gauche de la petite rue que nous venons de traverser, à l'angle formé par ces bâtiments et le presbytère placé un peu en retrait, se dressait une tour ronde. Depuis la Révolution elle ne dépassait plus la hauteur des constructions voisines mais tout abaissée et ruinée qu'elle fût, car l'intérieur était entièrement délabré, on voyait qu'elle datait de bien plus haut que le xvi' siècle. La maison dont elle faisait partie comprenait non seulement le bâtiment dont je viens de parler, mais tout celui qui lange la grande rue. C'était une maison considérable et l'on voit encore, du côté des jardins, une vaste cuisine, de vastes salles, le tout divisé et bien déchu. Mais de ces vieilles constructions la seule qui remontât à la date de mon plus ancien document, la fin du xiv' siècle, peut être même plus haut, c'était la tour, aujourd'hui disparue elle aussi. A cette époque les maisons situées entre cette petite rue et celle qui est de l'autre côté de la mairie, n'existaient pas la place continuait jusqu'à la grande rue, qui était la route ducale (via ~McaM.!), et le long de la maison régnait une galerie de niveau avec la place.

La maison appartenait à M'Jean Ballay, notaire et commissaire des extentes du comte de Savoie Amédée VIII, et bourgeois de St-Julien. C'était le plus important des nombreux notaires de la châtellenie de


Maurienne, sa charge de commissaire des extentes lui amenant la meilleure clientèle et les plus grosses affaires. Il n'y a presque pas de commune où l'on ne trouve des parchemins de Jean Balay. Pierre Balay, son père, était aussi notaire.

La plus grande partie du territoire de St-Julien appartenait au domaine direct du comte de Savoie. Quand Amédée VIII eût succédé à son père, le comte Rouge (Amédée VII), les hommes liges et les tenanciers durent renouveler leurs reconnaissances. Ceux de St-Julien s'assemblèrent, le 7 mars 1396, ici-même, dans la galerie et la place (in logia et plathea) qui étaient devant la maison du receveur d'extentes, lequel s'installa dans la galerie, accompagné du notaire Jean de Cornet, du diocèse de Turin, chargé de recevoir l'acte, et de trois témoins les notaires Antoine Buffard et Poncet Grobel, et Pierre Bol d'Albanne. Les reconnaissances remplissent une belle peau de 0,92 x 0,60 (1).

Lesconfessantsse présentèrent par groupes. Le premier fut composé de 72 chefs de fàmille, qui se reconnurent hommes liges du seigneur comte et jurèrent de le défendre envers et contre tous. Ensuite 32 autres chefs de famille se joignirent à eux et tous ensemble, comme feudataires du comte et au nom de toute la communauté, reconnurent tenir en albergement et emphytéose perpétuelle l* tous les communaux existants sur le territoire de St Julien 2' le droit de prendre, dans la forêt du comte située de l'autre côté de l'Arc, sur le territoire d'Orelle, le bois dont ils avaient besoin pour faire des échalas pour leurs vignes, des tonneaux (bocias), des cuves, des barils et les autres ustensiles nécessaires pour leur vin, mais avec interdiction expresse de vendre ce bois ou ces meubles aux étrangers. Pour le premier (1) Archives de i'evêcM.


chef, il était dû au comte 20 sols forts de servis annuel, un denier par sétorée de forêts pour le droit de les alberger; et le treizième du prix (<y~at~) en cas de vente pour le second, 10 sols forts de servis. Le trézain était aussi dû sur la vente des maisons depuis le rocher (balma) d'Echaillon jusqu'à Ruisseau-Sec. Celles qui étaient situées dans le bourg, entre le ruisseau et la croix, devaient le droit de toise (teysa). qui était de deux deniers forts par toise de façade les granges ne payaient rien. Disons tout de suite que huit deniers forts ou vieux faisaient un sol fort que dans cette même charte le prix d'une poule est fixé à quatre deniers forts qu'ainsi la valeur commerciale actuelle du denier fort de 1396 serait d'environ 50 cent. celle du sol fort de 4 fr. Enfin les propriétaires dans les divers mas de la commune firent la déclaration de ce que chacun deyait pour ses propriétés, en conformité des reconnaissances précédentes. Toutes les redevances dues au comte de Savoie ne sont pas en sols et deniers il y a du seigle, de l'avoine, des pois, du vin, des chapons et des poules. Quel serait, en monnaie et valeur commerciale actuelles, le chiffre total de ces redevances ? Des calculs assez minutieux m'ont donné la somme d'environ 1.200 fr. (1). Sans entrer dans de plus amples détails, j'ajoute que les servis et redevances se payaient à la St-André, la taille au mois d'août, la toise à Pâques.

M* Jean Ballay mourut longtemps avant l'année 1433 car à cette date ses fils Pierre, Jean et Guigues, ce dernier prêtre, avaient avec la commune, au sujet de sommes, que les premiers réclamaient et que la seconde affirmait avoir payées à leur père, un procès qui se termina par un arbitrage. Pierre Ballay (1) J'ai donné quelques détails dans Récits Mauriennais. série, p. 133.


prenait la qualité de noble il possédait un fief â Albiez-le-Jeune, plusieurs autres à Modane au sujet desquels on a des transactions avec les tenanciers dans les années 1459 et 1462.

On trouve encore un Pierre Balay, notaire à SaintJulien en 1520, mais il ne possédait pas cette maison. Depuislongtemps on n'apasdedate– elle avait passé, avec le nom même de Balay, sans doute par ,un mariage, à noble Raymond du Pont dit Balay qui y habitait. Antoine, son fils, n'eut qu'une fille, Jeanne, laquelle épousa Urbain de Bavoz et lui porta cette maison ainsi que des fiefs considérables à St-Julien, à St-Martin-la-Porte, à Modane, à Bramans et ailleurs.

Urbain de Bavoz était de Billième près d'Yenne. En 1519 il était châtelain de Maurienne. Il laissa trois enfants de Jeanne du Pont dite Balay Claude, Jean et Iolande. Claude eut la maison de St-Julien et ce fut là qu'eurent lieu en grand apparat, le 29 août 1540, le contrat de mariage et les fiançailles d'Iolande avec égrège Etienne Michaelis. Celui-ci n'était pas noble mais il pouvait être près de le devenir, puisqu'il était le notaire le plus considéré et le plus riche de la ville de St-Jean. Le contrat fut reçu par deux notaires Jean Lancellot deSt-Julien, et Laurent Baudry de St-Jean. Les témoins furent spectable seigneur Etienne de La Roche, juge de Maurienne pour le roi de France messires Antoine Gavit, substitut dn vicaire généra], Jean Loup et Jean de Gorrevod, tous quatre chanoines et protonotaires apostoliques et les nobles Louis, Jean, Claude et Amédée du Pont, Louis et Amédée Baptendier, Barjact et Pierre d'Arves.

La dot de la future épouse se composa de 400 florins légués par son père, 800 florins légués par sa mère, et 200 florins donnés par ses frères en supplé-


ment de légitime. En outre, ceux-ci promirent de lui fournir pour ses vêtements de noce 1° le jour du mariage, une robe de damas doublée de velours et une cotte de satin à bandes de velours, une robe de bon drap doublée de satin et une cotte d'estamet rouge à bandes de velours 2' un an après Noel, au moment du paiement du reste de la dot, une robe de camelot doublée de fourrures noires de Roumanie, une cotte de bon drap, à bandes de velours, de la couleur qu'il plaira à Iolande de choisir, des manches de damas et d'autres manches de satin et de soie.

De son côté, Etienne Michaelis, < voulant se conformer aux louables coutumes de la patrie de Maurienne et particulièrement de la cité de St-Jean, voulant aussi réjouir sa noble future épouse d'un don de sa libéralité, )) lui constitue en augment la somme de 463 florins et 4 deniers et lui promet, pour ses joyaux, celle de 200 florins.

Après le contrat eurent lieu les fiançailles en présence de la noble compagnie.

C'est le dernier épisode mémorable que je connaisse de l'histoire de la vieille maison. Je n'ai plus que quelques noms et quelques dates.

Claude de Bavoz, qui avait épousé noble Jeanne de Jordanne, de St-Martin-sur-La-Chambre, donna à Joffrey ou Geoffroy, son fils aine, ses fiefs de Billième, d'Oncieu et des Terraux, et partagea entre Jean et Jean-François ses fiefs de Maurienne et la maison de St-Julien.

Geoffroy devint avocat général en 1587, président de chambre au sénat de Savoie en 1600 et mourut en 1617.

Jean-François, capitaine d'une compagnie du régiment de la milice de Maurienne, fut pendant quelques années commandant du fort de St-Michel. et en


1598 lieutenant au fort de St-Jean. Il n'eut qu'une fille et un fils sourd-muet.

Jean demeura à St-Julien et s'y maria avec Bonne, fille du notaire Jean Modéré et de Catherine, fille du notaire Jean Lancellot. Pierre, son fils, servait en 1616 dans le régiment provincial de Maurienne,commandé par M. de Manuel. Il se retira à St-Julien et y mourut vers 1620. La succession de Jean et de Jean-François passa à la descendance de Geoffroy. C'était Prosper de Bavoz, juge-mage de Maurienne en 1622. La maison de St-Julien fut dès lors à peu près abandonnée. En 1693, Louis de Bavoz, seigneur des Terraux, vendit à noble Joseph d'Albert, jugemage de Maurienne, tout ce qu'il possédait à St-Julien maisons, fiefs, biens ruraux, patronage et autres droits.

J'ai déjà fait la biographie de cette famille d'Albert (1). En 1749 et 1750 Joseph, fils d'Antoine d'Albert, seigneur de Vimines, vendit à Jean-François de Livron de Chamoux les bâtiments, propriétés, droits féodaux, patronages, etc. situés à St Julien, Orelle et autres li-ux de la province de Maurienne, provenant de son père. Le 26 mars 1759 le même Jean-François de Livron, par acte passé en sa maison du Bettonet, revendit ces bâtiments, jardins, terres, vignes, montagnes et droits à Mathieu Donnet, bourgeois de St-Jean, pour la somme de 14.800 livres à payer à ses créanciers (2). Dix ans plus tard les fiefs étaient affranchis, la maison et les propriétés vendues à divers particuliers.

M. le chanoine Buttard relève le président et raconte l'histoire des édifices et des souvenirs religieux qui nous entourent.

(1) Travaux de la Société. 1' série, t. 6, p. 958.

(2) Archives del'tvêché.


EGLISE, CHAPELLE DE BALAY ET CURE DE ST-JULIEN.

L'église de St-Julien était anciennement un vicariat perpétuel dont le vénérable chapitre de la cathédrale était le curé primitif, en qualité de prieur, et les seconds semaniers du chapitre nommaient, après concours, tenu devant l'Evêque, un des prêtres concurrents jugé capable d'obtenir la dite cure. Le chapitre le présentait ensuite à Monseigneur pour en obtenir l'institution.

Mgr de Masin, visitant en 1708 l'église de St-Julien, y trouva outre le maître autel, cinq autres chapelles celle du Saint-Rosaire, celle de N.D, du Carme, celle de St-Joseph, celle de St-Nicolas et celle de N.-D. des Neiges, vulgairement appellée chapelle de Balay. Disons quelques mots de celleci et de son fondateur.

La chapelle de Balay était au fond de l'Eglise, du côté de l'Epitre, entièrement en dehors de la nef, avançant sur le cimetière et contre le clocher. Elle avait été fondée par noble Jean de Balay, notaire de St-Julien. Il était fils de Pierre, notaire aussi comme lui mais celui-ci était de plus commissaire des extentes du comte de Savoie et de l'évoque dans la châtellenie de Maurienne. A ce titre il avait une très grande clientèle et il dut réaliser de beaux bénéfices. On ne sait pas au juste la date de la fondation de la chapelle de Balay. On ne peut la placer que vers la fin du quatorzième ou au commencement du quinzième siècle. Car on sait par un procès que les enfants de Jean Balay eurent à soutenir contre la commune de St-Julien que leur père était mort longtemps avant l'année 1433. Le droit de patronage de la chapelle en question passa plus tard aux nobles


de Bavoz, par suite d'une alliance de famille. En 1620 Pierre de Bavoz, seigneur de Terreaux, fait acte de patronage de la chapelle de Balay. Le 12 février 1693, Louis de Bavoz vend à noble d'Albert, jugemage de Maurienne, tout ce qu'il possède à St-Julien y compris le droit du patronage de la dite chapelle. Celle-ci possédait au midi dè la maison curiale un chosal qui empêchait l'agrandissement de la cure. Noble R'' Antoine d'Albert, chanoine, le céda à la commune moyennant la concession à lui faite par elle de tous les droits des communiers dans St-Julien, c'est à dire tous les droits dont jouissaient les habitants de l'endroit, tels que droit d'affouage, de pâturage sur les communaux, etc., etc. La commune à son tour céda le chosal à la cure pour son agrandissement, car la maison euriale était bien restreinte; elle n'avait en 1708 qu'une cuisine, un poele à côté et deux petites chambres. Un décret épiscopal du 31 mai 1776 autorisa la démolition de la chapelle de Balay qui tombait en ruine et l'on put dès lors agrandir la cure.

Quant à l'église, elle fut entièrement démolie en 1850 et une autre nouvelle fut construite à sa place par les soins, le zèle et la générosité de son pasteur, RI Martin Dussuel, natif de Montvernier. La commune de son côté mit une grande bonne volonté pour coopérer à cette construction. Elle s'engagea à payer 850 fr. en argent et à fournir à pied d'œuvre tous les matériaux nécessaires à cette grande entreprise, en sorte que l'entrepreneur (1) n'eut que la main d'œuvre à sa charge et ces frais ne dépassèrent pas la somme de 13.017 fr. Elle fut consacrée par Mgr Vibert en 1852, le 5 octobre, et j'ai eu le bonheur, étant déjà prêtre, de prendre part à cette imposante cérémonie.

g(l) M. Ribatto Jean-Baptiste.


Le maître-autel a été fait par les Gilardi, en 1857, moyennant le prix de 3.276 fr. 50 qui a été payé comme suit: 1900 fr. provenant de M. le chanoine Gravier 2° 960 fr. par un don venant de M. le chanoine Dhumbert, 3' 416 fr. 50 par un don de M. Dussuel, curé de la paroisse. La chaire a aussi été faite par les frères Gilardi, elle a coûté 700 fr. qui ont été soldés en 1852 par la fabrique

CHAPELLE DE JÉSUS ET MARIE

Il y avait autrefois dans le cimetière, derrière le chevet de l'église actuelle, une chapelle sous le vocable de Jésus-Marie, ayant un tombeau couvert par une grande pierre cm~o~g., afin de pouvoir plus facilement la soulever quand on voudrait ensevelir un défunt dans ce tombeau. Cette chapelle fut construite et fondée en 1531 par Révérend Messire Jacques Voutier de St-Julien, qui en fut le premier recteur jusqu'en 1555.

Cette famille était surnommée, ainsi qu'on le voit dans plusieurs actes, les VoM~c~ de la tour de StJulien, probablement parce qu'alors quelqu'un d'entr'eux habitait dans la grande tour carrée qui se trouve au nord de la maison curiale.

Le dit R'* Jacques Voutier avait un frère nommé Jean et surnommé le Peintre, qui mourut avant lui et laissa un fils nommé Jean François do la Tour. Le 3 mai 1555, Rd Messire Jacques Voutier, se trouvant malade, fit venir près de lui le notaire Lancellot et lui dicta son testament. Les dispositions principales qu'il contient, et qui concernent la dite chapelle, sont les suivantes l'II donne à sa chapèlle de Jésus et Marie une maison avec ses places, jardin et appartenances, le tout joint ensemble, au bourg de St-Julien plus deux saffraniers, situés à Cotte Rousse; plus environ cinq fossorées de vignes,


lieu dit en Vigne Bordel, appelée la Varcinoz, et ce, moyennant quatre messes par semaine 2° il réserve pour lui, et, après lui, pour Messire Michel Voutier, son neveu, prêtre aussi, le droit de patronage de la dite chapelle et il substitue à ce dernier, après son décès, pour jouir du même droit, les enfants mâles de son autre neveu Voutier Jean-François, fils du dit Jean Voutier peintre, et ensuite les autres enfants des dits enfants par ligne et non par tête. Ledit fondateur mourut quelques jours après la date de son testament. Il fut enseveli dans la chapelle qu'il avait fait construire. Son neveu, R'' Michel Voutier, lui succéda dans le rectorat de la chapelle et mourut le 11 mai 1574, laissant à Mgr de Lambert, évéque de Maurienne, une somme de 1.500 florins qui fut probablement employée pour l'établissement du collège dit de Lambert.

Par plusieurs actes passés en 1695, 1701 et 1706, le droit de patronage en question passa à noble et Ra Antoine d'Albert, chanoine de la cathédrale' de St-Jean.

Plus tard, la chapelle de Jésus et Marie fut rasée pour l'agrandissement du cimetière.

A la fiu de cette lecture, M. l'abbé Roux a la délicate attention d'inviter conférenciers et auditeurs à prendre un rafràîchissement. En vain, M. le Président objecte que nous sommes trop nombre.ux et que nous ne pouvons accepter il faut se rendre aux instances réitérées de M. le curé, qui nous offre un délicieux vin blanc.

Après ce cordial très apprécié après les fatigues de la matinée, nous contournons l'église et nous nous trouvons devant l'antique prieuré, où est maintenant installée l'école libre des Sœurs de St-Joseph. Voici l'historique qu'en donne M. le chanoine Buttard


PRIEURÉ DE ST-JULIEN

L'origine du prieuré de St-Julien, comme celle des autres prieurés qui existaient dans notre vallée, se perd dans la nuit des temps. L'avocat Dupuis, dans un avis en droit qu'il donna, au sujet d'un procès qu'il était chargé de défendre, nous dit « L'on n'a pas de données positives sur l'origine de ce prieuré. Seulement on apprend dans les chroniques du temps qu'il ne fut d'abord qu'un couvent d'Augustins dépendant du prieuré de St-Jeoire. » Ce prieuré de StJeoire était un chapitre de chanoines réguliers de St-Augustin, fondé par les seigneurs de Chignin, à une date que M. de Foras ne peut indiquer, même approximativement le document le plus ancien qu'il mentionne est de l'année 1313.

De ce que le prieuré de St-Julien en dépendait, on pourrait conclure qu'il avait aussi été fondé par un 'membre de la famille de Chignin, établi ou possessionné en Maurienne.

Bernard de Chignin fut éveque de Maurienne de 1200 à 120G. En 1389, Jean .de Chignin, damoiseau, habitait à Pontamafreyd son fils, noble Henri de Chignin, y faisait son testament le 20 juillet 1421 et y fut enterré comme il l'avait demandé, au vas de ses ancêtres.

La seule chose certaine sur l'origine du prieuré de St-Julien, c'est qu'il fut fondé, ou réformé, ou donné aux Augustins par un éveque de Maurienne bien longtemps avant l'année 1184. Une bulle du pape Lucius III, du 16 octobre 1184, adressée à Mgr Lambert, nous le dit clairement: < Nous ordonnons, dit le pape, que vous et vos successeurs conserviez le droit dont vous avez joui jusqu'à présent, ainsi que vos prédécesseurs, de bénir les prieurs et les chanoi-


nes, et de recevoir leur profession, dans les prieurés d'Aiton, de St-Julien et de-N.-D. du Châtel, où vos prédécesseurs ont établi la règle de la vie religieuse. /? quibus religionis ordinem /MMdan?~Mt!<. )t En 1564 le duc Emmanuel-Philibert, étant rentré en possession du Chablais, obtint du pape Grégoire XIII que les bénéfices ecclésiastiques qui n'avaient pas été vendus par les Bernois, fussent unis à l'ordre des SS. Maurice et Lazare. Parmi ces bénéfices se trouvait l'abbaye de Filly, dont le revenu était de 600 ducats. L'ordre la céda à Thomas Bergérat, seigneur de Villard-le-Bas, en remboursement des sommes considérables qu'il avait dépensées, tant pour défendre les intérêts de l'ordre que pour soutenir les paroisses rétablies dans le Chablais, après les merveilleux résultats de l'apostolat de St. François de Sale et de son zélé coopérateur le P. Chérubin de Maurienne. D'autre part, par sa bulle du 15 septembre 1599, Clément VIII donna à la Ste-Maison de Thonon les prieurés de St-Jeoire, de Nantua et de Contamine, avec toutes leurs dépendances. Le prieuré de St-Julien était par conséquent compris dans cette cession. Le chapitre de la cathédrale de St-Jean, désirant en faire l'acquisition, envoya à Thonon les chanoines Pierre Pojet et Antoine Gros.

Les négociations ayant abouti, deux actes furent passés dans la Sainte-Maison le 4 octobre 1617. Par le premier Thomas Bergérat céda en albergement perpétuel a la Sainte-Maison et au chapitre d~ Maurienne, x chacun pour sa cote et portion des sommes par eux déboursées, les revenus, rentes, censes, fiefs directs, titres et droits de l'abbaye de Filly, diocèse de Genève. » Par le second, la Sainte-Maison céda au Chapitre les revenus et charges du prieuré de StJulien, en échange des droits qu'il venait d'acquérir sur l'abbaye de Filly la principale de ces charges,


énoncée dans l'acte, est l'entretien de deux prêtres et d'un vicaire perpétuel, ou curé. Cet échange fut approuvé par Philibert Milliet, évoque de Manrienne, à Turin le 12 novembre 1617, et par St. François de Sale à Annecy le 7 février 1620. Ce qui avait fait souhaiter au chapitre l'acquisition de ce prieuré, c'est qu'il possédait déjà à St-Julien un petit fief dit de la l'raverse et la cure. Le prieuré était beaucoup plus important. Le chapitre l'afferma dès lors à un viceprieur dont Mgr de Masin, dans sa visite pastorale du 8 juillet 1708, nous fait connaître les droits et les charges.

Il percevait à St-Julien la dîme du blé, une quarte par seize quartellées de terre dans la plaine, une quarte par trente-deux quartellées dans la montagne; la dîme du vin, un pot par fossorée des habitants de St-Julien et de Montdenis, trois pots de mou par fossorée des étrangers à ces deux communes cinq florins pour l'enterrement d'un chef de famille et les chandelles offertes, les offrandes faites dans l'église et aux chapelles les fruits de treize fossorées de vignes appelées Af~rt~; il avait encore la dime générale de St-Martin-de-la-Porte, de quatre bichets et demi par florins de taille.

Le prieur avait de nombreuses charges. Il devait annuellement au chapitre 800 florins, 30 quartes de seigle et cinq charges de vin au curé 30 florins au vicaire 24 ducatons au carillonneur 25 florins. Il sonnait l'angelus et fournissait les chandelles, les hosties, le vin, les burettes, l'encens, le cierge pascal, le sel, les cordes et courroies pour les cloches. Les jours de la Toussaint, de Noel et du JeudiSaint, il donnait un repas au curé, au vicaire, aux sindics, aux conseillers, aux procureurs des œuvres pies et au carillonneur. Depuis le premier lundi du Carême jusqu'à la veille du dimanche des Rameaux,


excepté les fêtes, le samedi et le dimanche, il donnait à tous les pauvres qui se présentaient un quartier de pain d'orge et d'avoine pesant quatre onces. Une autre aumône, également à tous les pauvres qui se présentaient, avait lieu le Jeudi-Saint elle se composait d'une écuellée de fèves cuites, d'une demilivre de pain et d'un gevelot de vin à chacun. Le prieur de St-Julien avait le droit de présentation à la cure de St-Martin-de-la-Porte.

En exécution de l'édit du 19 décembre 1771, tous les fiefs devant être affranchis, la commune de StJulien s'entendit avec le chapitre et par acte du 27 février 1789 les deux fiefs du prieuré et de la Traverse furent affranchis celui-ci moyennant 48 livres et celui-là pour la somme de 1328 livres 9 sols 8 deniers.

La maison du prieuré est à côté de l'église. Elle a été achetée par RI Dussuel et convertie en maison d'école.

Derrière le cimetière s'ouvre une ruelle qui va déboucher dans les champs. Nous nous y engageons et nous nous trouvons en face d'une maison à l'aspect antique, dont le délabrement garde des vestiges d'une grandeur depuis longtemps disparue. La porte est percée dans une tour engagée octogone à demi-occupée par un escalier tournant.

A quelques pas de là, à droite se dresse une tour carrée dont les ouvertures accusent le xvir siècle, mais dont la construction est plus ancienne. D'après la vieille mappe et le cadastre, les deux tours faisaient partie de la même maison; aujourd'hui entre les deux passe un sentier.

Evidemment, cette vastedemeure aappartenu à une famille importante. Laquelle ? M. le chanoine Truchet va nous le dire.


LA MAISON DU PONT (?) ET CHRISTIN J'ai cru autrefois, sur des renseignements incomplets, que cette maison pourrait être celle de Bavoz, en la possession de qui elle serait venue par le mariage d'Urbain de Bavoz avec Jeanne du Pont dit Ballay (1). Nous venons de voir queje m'étais trompé. Mais la branche principale des du Pont, les du Pont du Villaret, avait aussi une maison à St-Julien. Dans un testament qu'ilfiten 1525, Jean-François du Pont la mit dans le lot de son fils Claude. Il avaitalors huit enfants, nés de sa première femme, Claudine d'Arvillard. Plus tard, la seconde, Catherine de Morel, lui en ayant donné un neuvième, il procéda à une autre distribution de ses nombreux domaines, distribution qui m'est inconnue et qui, d'ailleurs, fut en peu d'années plusieurs fois modiGée par le décès de cohéritiers. Finalement il en resta deux, Louis et Urbain, qui l'un et l'autre, ne laissèrent que des filles, et je ne sais ce que devint la maison de St-Julien, certainement vendue par l'un des gendres de Louis et d'Urbain du Pont.

Une autre question se pose où était située cette maison des nobles du Pont à St-Julien. Aucun document ne l'indique mais, sans entrer dans de fastidieuses explications, il me semble au moins probable que c'est celle que nous avons devant nous. La tour carrée s'appelle communément tour Munuel comme il est hors de doute que la maison des Manuel était située au Costard, il faut conclure que par suite de partages et de ventes, après l'extinction des du Pont, cette partie de leur vaste maison a appartenu pendant quelque temps à une branche de la famille Manuel.

)1) Rectts Mauriennais, 2' série, p. 125 et p. 51.


Ce qui est certain, c'est qu'à l'époque de la formation du cadastre, vers 1730, la maison devant laquelle nous sommes appartenait à spectable JosephFrançois Christin, juge temporel de l'évêché (1). Il était né en 1671, à St-Julien, d'égrège Claude Christin, notaire, et de Marie Paule, fille de l'avocat Claude Bertrand de St-Jean. Les Bertrand étaient une des principales familles bourgeoises de la ville, à laquelle elle donna pendant plus de deux siècles des syndics, des juges de l'évëché, des procureurs fiscaux, des avocats, des notaires, des procureurs. Jacques Christin, père de Claude, avait épousé noble Antoinette de La Balme; il était aussi notaire et son étude parait avoir été bien fournie de clients,' malgré les nombreux collègues qu'il avait à St-Julien même, car il y a dans les archives de l'évëché un bon nombre d'actes d'acquisitions de propriétés faites par lui de 1595 à 1634. Claude accrut l'héritage paternel. En 1680, il était fermier du duc de Savoie rière la Mestralie de St-Michel. Devenu veuf enl675, il épousa Anne Marie, fille de noble Claude d'Avrieux et de Claudine Mareschal, ce qui, outre la dot, lui amena en 1693 un tiers de la succession de son beau-frère, Jacques François Joseph d'Avrieux, comprenant une partie des bâtiments et des propriétés de St-Martinde-La Porte et la tour de Villard-Jarrier. Il mourut en 1701 Anne-Marie d'Avrieux en 1708.

En 1624 Joseph François Christin, à l'âge de vingt trois ans, était docteur en droits et avocat au Sénat. Il épousa, le 27 juin à St-Julien, Marguerite fille du notaire Charles Emmanuel Platté de Turin les témoins furent noble Joseph d'Albert, juge mage de (1) Le 4 mars 1479, Benoît Christin, prêtre du diocèse de Maurienne, est témoin d'un acte passé à Rome, dans la maison du cardinald'Estouteville (Peillonnex, par l'abbé Gavard Acad. Salés., t. M, p. 65 et 337).


Maurienne, et Esprit de Pupet de St-Julien (1~. Marguerite fut héritière de son oncle, R'* Jacques Pierre Platté, chanoine du Chapitre de St-Jean. En 1697 Joseph François Christin était, depuis quelques années, juge temporel de l'évéché. En 1707 le prince Eugène de Savoie, en qualité d'abbé commendataire de St-Michel de la Cluse, le nomma, en outre, juge de la seigneurie de Lanslevillard, Bessans et Bonneval, qui appartenait à cette abbaye (2). Il acquit à tel point l'estime de M"' Valperga de Masin, que, faisant sa visite pastorale à St-Julien le 8 juillet 1708, le prélat logea avec sa suite chez son juge temporel il est vrai que le pauvre petit presbytère eut été bien empêché de le recevoir. Il mourut le 31 janvier 1736 à St-Julien, remplissant toujours ses fonctions de juge. Marguerite Flatté fut son héritière universelle elle prend cette qualité dans un contrat du 11 mars 1746, par lequel elle vend une vigne au chanoine Ennemond Vernaz. Les dix enfants dont j'ai vu la naissance dans les registres paroissiaux étaient-ils tous morts, même Joseph Ignace qui avait épousé en 1744 la veuve du notaire Joseph Dupré de St-Jean et est simplement qualifié d'/K?MO?~~?ou la mère, ce qui ne serait pas un cas unique, avait-elle, pour un motif quelconque, supplanté les enfants dans l'héritage du père? Je n'ai pas pensé, Messieurs, que cette menue question pût beaucoup vous intéresser. Je n'ai pas non plus poussé plus loin la recherche des propriétaires de ces vieilles tours.

(1) C'était aussi une famille de notaires, qui ne parait pas avoir eu de la noblesse autre chose que la particule. Julien de Pupet meurt en 1649 François son fils, marié à Antoinette de La Balme, en 1C34, quelques jours après sa femme En 1653 meurt Jean de Pupet, vice-châtelain de Maurienne en 1672, son nls François Gaspard, marié à Pernette Gagnères de St-Jean (Regist. paroiss.) (2) V. Travaux de la Société. 3' série, t. 2, 1' part., p. 50.


A l'extrémité du bourg la route se bifurque. Le chemin de gauche conduit à Claret et aux autres hameaux de St-Julien, puis à St-Martin-de-la Porte c'est l'ancienne route, l'ancienne voie romaine. Le chemin de droite va à travers les vignes rejoindre la route nationale. Sur celle-ci, a un quart d'heure du bourg, se trouvait jadis une chapelle, dont il ne reste qu'une partie du chœur et qui porte le nom tristement expressif de MaM~rg. Le peint de bifurcation s'appelle la Croix-Blanche il y a là une croix et une chapelle dédiée à Saint-Roch. C'est notre dernière station M. Buttard a la parole.

CHAPELLE DE'SAINT-ROCH A LA CROIX BLANCHE (ST-JULIEN)

La chapelle de St-Roch, située près du chemin tendant à St-Michel, lieu dit à la Croix-Blanche, a été construite, d'après la tradition locale, ensuite d'un vœu fait pour être préservé de toutes maladies contagieuses. On ne connaît pas la date de sa construction. Elle a été dotée par feu maître Jean Voutier, praticien de St-Julien, lequel, par acte du 16 juin 1674, Jean-François Col notaire, a donné à la dite chapelle le capital de 100 florins pour la rétribution de sept messes annuelles et perpétuelles. Le même bienfaiteur a pourvu la chapelle de tous les ornements nécessaires pour le Saint Sacrifice de la messe et ensuite, par autre acte du 13 novembre 1694, maître Odomard notaire, ledit Voutier a fait donation pure et simple à la dite chapelle de tous ses biens, meubles, immeubles, droits, noms et actions, maisonnements, vignes, terres, prés, vergers, avec tous ses acquits de censes et actes obligatoires dont l'inventaire a été mis au bas dudit acte, qui consistaient en dix fossorées de vignes, sept quartellées de terre,


treize quartellées de prés et des acquits de censes pour le principal de 1.140 florins.

Le premier recteur nommé par le fondateur fut Ra Jean-Pierre Layman. Il était tenu de célébrer annuellement une messe chaque semaine de l'année, une autre toutes les premières semaines de chaque mois et une grand'messe le jour de la fête de SaintRoch avec l'obligation de résider au présent lieu et d'assister aux offices paroissiaux, et, venant ledit recteur de manquer à la résidence, le Ra Curé de la paroisse avec le prieur, sous-prieur et procureur de la Confrérie du Saint Sacrement poM~'ro~~ nommer un autre prêtre approuvé par son supérieur pOMr satisfaire aux dites charges. (Ordonnances épiscopales de 1708). Aujourd'hui (1901) ladite chapelle n'a plus aucun bien fond, ni capital.

RI Martin Dussuel Curé de St-Julien a fait réparer la chapelle, en 1859 pour le prix de 1251 fr. 70 (1). Quant à la croix dressée sur une colonne de pierre de taille et qui se trouve au devant de la dite chapelle, elle s'y trouve déjà placée en 1393, ainsi qu'on le voit-dans une chat te de cette date signée par le notaire Jean Balay.

LA MALADIÈRE

St-Julien avait aussi anciennement une Maladière, située hors du bourg du côté de St-Martin et tout près d'une chapelle dédiée à Ste Marie-Magdelaine. Voici ce qu'en dit Mgr Valpergua de Masin dans le procès verbal de sa visite pastorale faite le 8 juillet 1708.

« Les bâtiments qui sont au devant de la chapelle (1) L'autel a été fait par les F"' Gilardi et a coûté 520 fr. qui ont été payés en partie par la fabrique et en partie par le curé.


« le grand chemin entre deux, sont destinés pour re« tirer ceux qui sont atteints de maladies contagieu« ses. La Maladière a de revenus annuels 102 no< rins et 9 sous provenant de six fossorées de vi< gnes et de plusieurs obligations.

« Ce revenu s'employe à des aumônes pendant « qu'il n'y a point de maladies contagieuses. <[ Le Rd Curé du lieu, l'officier local, les sindics et « deux conseillers de la communauté ont l'adminis« tration de la Maladière. On y fait célébrer annuel« lement une messe, moyennant la rétribution de « 18 sols. »

Cette maison avait été une véritable léproserie et au commencement du 16' siècle elle logeait encore des lépreux car nous lisons dans une charte du cardinal de Gorrevod, évoque de Maurienne, en date du 13 mars 1504 < Cette chapelle de Ste Magdelaine « est proche de la maison où habitent les pauvres « lépreux de ce lieu. C'est pourquoi nous désirons « qu'elle soit visitée par les fidèles et que des aumô« nes plus abondantes affluent et soient distribuées « aux pauvres atteints de la lèpre qui habitent dans « cette maison ». Le cardinal accorde des.indulgences à ceux qui visiteront la chapelle aux principales fêtes de l'année. La charte est adressée à R'' et religieux Messire Jacques Voutier de la paroisse de StJulien aux prières duquel elle a été accordée elle se trouve encore aujourd'hui dans les archives de la Cure. Dans un régistre des pies causes de la paroisse de Termignon on voit qu'en 1509 un nommé Jean fils de Jean Varrocti, lépreux, se trouvant à la léproserie de St-Julien, y fit son testament qui fut reçu parle notaire Louis Sesterii le 14 avril de la dite année. Il veut qu'après son décès on fasse à Termignon un sévèlement jusqu'à concurrence de dix florins et qu'on y fasse aussi une aumône en sel de demi livre 7


par personne dudit lieu. Ces dispositions ne purent avoir lieu parce que, depuis la date dudit testament, 'le pauvre lépreux consuma tous ses avoirs et mourut à la Maladière de St-Julien, ne laissant absolument rien après lui. A la place occupée autrefois par la maison des lépreux Rd Martin Dussuel a fait ériger une croix fixée sur une colonne en pierre de taille. Les ruines de la Maladière n'offrant rien d'intéressant, au rapport de M. Buttard, nous nous abstenons d'aller les visiter.

M. l'abbé Roux nous introduit dans la chapelle de Saint Roch et nous admirons, sur le devant de l'autel, un tableau sur ardoise représentant la Visitation de Notre-Dame, œuvre d'un peintre Mauriennais. Au bas du tableau, dans un angle, on lit « Claude Exartier f. f. (1) 1710 et dans l'autre angle < Laurentius Dufour pingebat 1710. Laurent, ou Laurent-Guillaume Dufour était petit fils de Pierre, fils de Pierre, neveu de Laurent et de Gabriel Dufour, tous peintres (2). En 1710 il habitait chez son oncle Gabriel à St-Michel. Il ne faut pas le confondre avec son autre oncle Laurent, peintre du duc de Savoie, mort à Turin en 1679. Pour ne rien négliger, ajoutons que le donateur du tableau, Claude Exartier, de St-Julien, mourut au mois de mai 1712, à l'âge de 83 ans.

Comme l'année dernière à Epierre, M. Villet, ingénieur des Mines, a eu l'excellente pensée de compléter notre excursion par une étude géologique et industrielle.

GÉOLOGIE ET INDUSTRIE

Il m'a paru intéressant de donner quelques rensei(1) Fecit /:eW.

(2) V. Travaux de la Soct<'<< 1' série, t. 4, p. 06 et t. 5, p. 93.


gnements sur la nature des terrains qui composent le sol de ce bourg, et des matières industrielles qui y existent.

Nous ne parlerons pas de l'exploitation des ardoises ou phyllades, qui a déjà été décrite dans notre bulletin (1), mais d'une manière générale, de la géologie de ce versant de la vallée de l'Arc.

Le bourg de St-Julien est situé à 667m au-dessus du niveau de la mer, il est bâti sur le terrain tertiaire inférieur (groupe nummulitique), série puissante de conglomérats,.de grès et de schistes ardoisiers, ayant àsa base un calcaire blanchâtre cristallin à nummulites. Au Sud, de Villarclément au ravin du Claret jusqu'à la rivière, on est sur des alluvions interglaciaires t'est d'ailleurs dans ce terrain composé de boues à cailloux striés et de blocs erratiques, que depuis une époque lointaine l'Arc s'est creusé un lit. Plus loin, à l'Est, en allant vers St-Martin-la-Porte, on reconnaît les éboulis et dépôts meubles du grand cône de déjection qui continue à augmenter à chaque instant.

Les assises inférieures du tertiaire commencent au Pont d'Arc (2), et sont surtout formées de grès à (1) 6°' volume, 6°" bulletin, p. 401.

(2) En face, sur le flanc de la montagne, à une altitude assez élevée, existe une source intermittente elle doit provenir des eaux d'infiltration passant au travers de bancs calcaires et qui se réunissent dans des grottes ou géodes formées à l'intérieur, dans des roches de même nature ces eaux se saturent de carbonate de chaux. Toutes les fois qu'elles viennent sortir à l'air libre, pour ensuite suivre la pente rapide de la montagne, l'acide carbonique en excès se dégage et le calcaire est projeté à droite et à gauche du petit lit que nous voyons, en donnant naissance à un tuf; les eaux incrustent les rares plantes qui croissent autour, entourent le < schistes, cailloux, etc., et déposent également et successivement des couches minces de carbonate.

Dans la formation de ces tufs calcaires, le rôle des végétaux ne se borne pas à fournir des surfaces d'évaporation, mais encore à intervenir directement dans la précipitation du calcaire par leur affinité pour l'acide carbonique.


grains quartzeux et de conglomérats plus ou moins grossiers. Au-dessus, viennent des alternances de grès fins avec des bancs ardoisiers et des schistes argilo-calcaires plus on avance vers St-Julien, plus les ardoises sont développées et l'extraction active. Dans le torrent du Bourg, qui descend de MontDenis, on voit la coupe d'un grand escarpement, dans laquelle affleurent des bancs de schistes fissiles, l'inclinaison est plus forte et va en augmentant assez rapidement à mesure que l'on avance à l'Est. On retrouve alors les conglomérats de Villarclément, ce qui indique que les deux parties se correspondent sous la vallée.

Enfin, à partir du hameau du Claret, on voit se succéder des assises calcaires très puissantes qui forment la berge droite du grand ravin du même nom.

Sur la rive opposée de l'Arc, existe le gisement de nummulites reconnu en 1859, en dessous de Montricher, à un kilomètre en amont du Bochet, dans les grès verdâtres et calcaires blancs intercallés. Il est donc probable et même certain que ces fossiles sont au niveau du hameau du Claret, car M. Pillet en a trouvé près de cet endroit dans des blocs calcaires paraissant provenir des éboulements de roches en place, et qu'ils sont masqués par des débris c'est pourquoi, ce géologue avait indiqué dans la coupe qu'il avait produite lors de la réunion extraordinaire de la Société géologique de France, à St-Jeande-Maurienne, du 1" au 10 septembre 1861, la coucheànummulites associée, comme à Montricher,aux derniers bancs de grès grossiers et de conglomérats, et en contact immédiat avec les calcaires compacts de la rive droite du ravin du Claret, appartenant au terrain jurassique (Lias).


Immédiatement après, se trouve un puissant gisement de gypse correspondant à celui de St-Félix sur l'autre rive de l'Arc. Au-dessus, des dolomies ou calcaires magnésiens (carbonate de chaux et de magnésie), avec des cargneules (1), renfermant des ocres, puis une assise de schistes argileux rouges, formant le terrain du Trias, et enfin la grande masse des calcaires noirâtres (Lias).

Le gisement des ocres (2) est à une assez grande hauteur dans l'escarpement de la rive gauche du ravin du Claret ils remplissent des poches ou nids irréguliers dans les cargneules supperposées à la masse gypseuse. M. Pillet avait fait remarquer que la position de ces nids d'oxyde de fer correspondait à celle du fer oligiste de Mont-Pascal.

Ces ocres paraissent représenter ici un mélange intime d'argile et de calcaire avec de l'oxyde de fer provenant des pyrites de fer en décomposition ou peut être du fer oligiste. Ils sont anhydres ou hydratés, c'est-à-dire rouges ou jaunes cette dernière couleur devient comme la première par la chaleur produisant la déshydratation.

Ce gisement a été exploité en 18H1 par M. Guillemin, puis par M. Pey il est en inactivité depuis 25 ans environ.

(1) Dolomies caverneuses et cloisonnées, rudes au toucher, à aspect scoriacé, associé parfois au gypse et à l'anhydrite. (2) Dépôts ferrugineux susceptibles d'être emplo>és comme matières colorantes et contenant généralement moins de 15 à 20 0/0 d'oxyde de fer Argiles ferrugineuses.


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RÉCAPITULATION

St-Julien a produit 218.608 milliers d'ardoises Villargondran produit. 85.008 –Montricher a produit 86.945

Mont-Denis a produit 10.280 valant 13.408.423 fr.

La Chambre a produit 10.730 Ste-Marie-de-Cuines a produit. 9.690 St-Etienne-de-Cuines a produit 595 St-Alban-des-Villards a produit 495 St-Colan-des-Villards a produit 49.510

valant 2.204.625 fr. »

II y aurait à ajouter à ces 471.861 mil-

liers d'ardoises

1° Les schistes pour toitures appelés Lo-

zes (1), dans le pays, 1.000 tonnes par an

à 6 fr. 80 la tonne, environ 272.000 fr. 2° Les plaques d'ardoises de 0,015 à 0,02

d'épaisseur, pour tableaux quadrillés colo-

riés ou non, tables, cheminées, isolants

électriques, etc. 80 mètres carrés par an,

à 5 fr. le mètre carré (2), environ. 16.000 fr. Total 15.901.048 fr. »

A propos de la conférence de M. Villet, M. le chanoine Truchet signale les faits suivants. Le 24 octobre 1650, les syndics de Chambéry écrivent à ceux de St-Jean pour les prier « de traicter avec quelques (1) Les lozes sont des ardoises grossières servant à recouvrir les chalets des montagnes et en 'grande partie les habitations de la Haute-Maurienne. Elles se vendent 1 fr. 50 la toise carrée de 5 pieds 1/2, soit 0 fr. 46 le mètre carré l'épaisseur moyenne étant de 0-025 et la densité de 2,700, un mètre peee 67 kilog. 500 et il en faut 2.25 poui couvrir un mètre carré. Des ardoises ordinaires de 6 à 7 millimètres fixées à l'aide de crochets, résisteraient aux grands vents les énormes charpentes nécessaires seraient diminuées la neige glisserait facilement et, ce qui n'est pas à dédaigner, on donnerait de l'élégance.

(2) Ce qui représente 52 fr. 93 la tonne de schiste, qui transformée en tables quadrillées, atteint 140 fr.


tnulletiers pour le port des ardoises nécessaires pour le couvert de l'église de sainct Légier (1). » Déjà deux siècles auparavant, en 1430, le duc de Savoie, Amédée VIII, faisant restaurer le château d'Annecy, on envoya des gens à St-Julien en Maurienne pour acheter des ardoises (losas). Le clerc Jean Béchier et Jean Raiat, serviteur ( familiaris) de la curie de St-Julien, furent chargés de les choisir et de les recevoir. Puis, quand les ardoises furent arrivés à Annecy, on renvoya les mêmes messagers porter l'argent nécessaire pour payer les ouvriers qui les avaient faites (2).

La partie archéologique et historique du programme étant remplie, nous nous acheminons vers le restaurant de la Croix Blanche, où nous attend un excellent menu qui fait honneur au bon goût de nos commissaires MM. Arnaud et Bonnet, non moins qu'au talent culinaire de M"" Bertholin. Nous nous apprêtions à le savourer, quand M. le chanoine Truchet, comme apéritif, mit sur le tapis la question de la participation de notre Société au Congrès des Sociétés savantes de la Savoie, vu que les deux Sociétés d'Annecy chargées de l'organisation avaient fait droit à nos justes réclamations et modifié le programme. L'assemblée, peu encline à la discussion, surtout en pareille circonstance, se hâta de répondre affirmativement et de passer à l'ordre du jour, c'est-àdire aux « hors d'oeuvre préhistoriques », aux « poulardes bouillies « aux pâtés à la gelée du Grand Perron i, et autres articles d'un menu à allure archéologique, mais en réalité très moderne. On y fait honneur, ainsi qu'au « picolo de St-Julien, chanté au (1; Délibér. du conseil de St-Jean,

(2) Max Bruchet archiviste de la Haute-Savoie, Etude archéol. sur le chdteau d'Annecy, p. 25 et 89.


xvi* siècle par notre compatriote Nicolas Martin (1). Rien de mieux pour délier les langues. Aussi la conversation va bon train, émaillée de joyeux propos et d'heureuses saillies, reprenant par intervalle la note grave, quand, par exemple, un de nos vétérans, ouvrant le trésor de ses souvenirs, nous conte une anecdote du bon vieux temps ou que l'association des idées ramène l'esprit sur une des conférences entendues dans la matinée.

Paulo majora canamus. C'est l'heure des discours. M. le chanoine Truchet remercie M. d'Arcollières d'avoir fait un long voyage pour prendre part à notre excursion et de nous avoir apporté les sympathies de l'Académie de Savoie qui, comme une sœur aînée, suit avec intérêt les progrès de la Société d'histoire et d'archéologie de Maurienne, dont elle a encouragé les débuts; il souhaite une longue prospérité à ses membres, qu'il convie à célébrer dans cinq ans les noces d'or de la Société il termine en remerciant M. le maire et M. le curé de l'aimable accueil qu'ils ont fait à leurs visiteurs.

M. d'Arcollières lui répond en exprimant la satisfaction qu'il éprouve à assister à notre excursion, où il a appris, dit-il, beaucoup de choses intéressantes et où il a trouvé la plus aimable compagnie il est heureax d'être l'interprète de l'Académie de Savoie qui, en effet, suit d'un regard attentif et bienveillant les travaux de sa sœur cadette de Maurienne il félicite celle-ci de la contribution qu'elle a apportée à l'histoire de la Savoie, et boit à la prospérité de la Société et de son distingué président.

M. Florimond Truchet, vice-président, se fait un devoir de proclamer que l'honneur de nos succès est dû tout entier à l'initiative et au zèle communicatif de M. le chanoine Truchet, qui, il faut l'espérer, conti(1) -Noels et chansons, édit. de Willem, 1888, p. 94.


nuera longtemps à être l'âme de notre Société. Après un toast de M. l'avocat Mugnier, remerciant la Société du bon accueil qui lui a été fait, à lui, nouveau venu dans la terre de Maurienne, où il s'est trouvé d'emblée en pays connu, dans une réunion d'amis M. l'abbé Gorré, professeur de seconde au petit Séminaire, emprunte le langage des Muses pour chanter « l'Archéologie Mauriennaise. » L'ARCHÉOLOGIE MAURIENNAISE

Triomphante aujourd'hui, Dame Archéologie A la robe de parchemin,

A pu voir de ses preux l'indomptable énergie Pas à pas suivre son chemin.

Fée au charme innocent, pour payer tant de zèle, Par un mystérieux trésor,

Elle a, sur les débris que le temps amoncelle Promené sa baguette d'or.

Soudain le castel, fier d'une nouvelle gloire A relevé ses murs croulants,

L'hospice des lépreux nous répète l'histoire De ses bienfaiteurs vigilants.

Le vieux temple déroule autour de la nef sombre Les ogives de ses arceaux,

l'évêque-seigneur de son trône dénombre Ses fidèles et ses vassaux.

Du torrent vagabond la course mugissante S'écarte d'un lit trop borné

Pour admirer bientôt la main qui lui présente La digue au rempart obstiné.

Aux appels redoublés de ces beffrois gothiques S'empressent nobles et bourgeois,

Pour jurer, sauf maintien des franchises antiques, Obéissance aux jeunes rois,

Ou, saintement jaloux des monts héréditaires


Courir, ceints du glaive, au danger,

Afin de nous laisser, à nous leurs fils, des terres Libres de tout joug étranger.

Parfois, du manuscrit fleuri d'enluminures, Le moine quittant les travaux,

Va, rude pionnier, des claustrales tenures Féconder les guérets nouveaux,

Tandis qu'autour de lui, l'artisan du village, Qu'attire à son tour l'idéal,

Des saints qu'il a priés fait revivre l'image Dans le drame paroissial.

Ces pieux souvenirs dont l'ample théorie Renaît dans nos doctes labeurs,

Aimons-les, car ils sont la petite patrie Dont le nom palpite en nos cœurs,

Le pays de Maurienne, où les fils de la France Citoyens, prêtres, magistrats,

Comme en cet heureux jour, fête de la Science, Savent encor unir leurs bras i

EXCURSION A L'ÉCHAiLLON, LE 1er JUILLET 1902

C'est un des plus beaux sites de la Maurienne que la Société d'histoire et d'archéologie visitait le 1" juillet 1902, à 20 minutes de St-Jean, sur la rive droite de l'Arc dont la jonction avec l'Arvan dessine à ce point une presqu'île plantée de hauts peupliers abrité contre les vents du nord par la montagne sur les flancs de laquelle serpentent les derniers tronçons d'une voie romaine orné de villas dont la blancheur se détache vivement d'un tapis de verdure, le territoire de l'Echaillon avec son établissement thermal embryonnaire, est la promenade classique, la grande attraction de notre ville. Depuis plusieurs


siècles, on caresse l'espérance d'y voir naître une ville d'eau avec de luxueux hôtels et une affluence considérable d'étrangers, comme Salins et Brides situés de l'autre côté de la chaîne de montagnes. En attendant que la fortune, si capricieuse dans la distribution de ses faveurs aux villes comme aux individus, vienne réaliser ces rêves, on a construit un modeste établissement, bien propre et bien confortable, se composant de huit cabines et d'une salle de douches, avec, à côté un hôtel coquet, qui a été inauguré le 8 juin et qui ne manquera pas de prospérer aux mains de l'intelligent et sympathique gérant M. Tronel.

Malgré la proximité et le charme de ce petit coin de terre, beaucoup de raisons nous faisaient craindre que l'excursion de cette année n'eût pas le succès des précédentes. C'était d'abord la longue maladie de notre cher et dévoué président, M. le cnanoine Truchet, qui nous exposait non seulement à être privés de sa personne et de l'entrain qu'il sait communiquer à toute réunion qu'il préside, mais encore de la contribution pour me servir d'un terme très impropre qu'il apporte aux lectures faites dans cette circonstance de sorte que nous n'aurions été que de vulgaires touristes. De plus, une coincidence aussi douloureuse qu'imprévue, la mort de Mgr Rosset, évêque de Maurienne, décédé le 8 juin, nous obligeait à renvoyer à une date ultérieure la réunion qui avait d'abord été fixée au 10 de ce mois et l'on sait qu'une fête contremandée, c'est une fête manquée. La réalité ne justifia point les craintes que nous avions pu concevoir. L'état de santé de notre Président s'améliora d'une manière notable, et lui permit non-seulement de prendre part à l'excursion, mais même d'en préparer toute la partie historique. D'un autre côté, la plupart de ceux qui s'étaient fait ins-


crire pour le 10 juin maintinrent leur adhésion pour le 1" juillet, deuxième date choisie. Les empêchements de la dernière heure retinrent quelques-uns de nos confrères qui étaient attendus, entre autres M. le général Borson et M. d'Arcollières, qui dans les deux dernières excursions avaient apporté les sympathies de l'Académie de Savoie à sa sœur cadette de Maurienne. Malgré ces absences vivement regrettées, la caravane excursionniste se composait de 28 membres, dont voici les noms M. le chanoine Truchet, président M. Florimond Truchet, maire de St-Jean, vice-président M. Arnaud, greffier au tribunal, bibliothécaire M. Alexandre Bonnet, trésorier MM. les chanoines Buttard et Perret M. Demaison, archipretre curé de Modane M. Albert, archiprêtrecuré de Fontcouverte M. Rivet, archiprêtre-curé de St-Etienne-fle-Cuines MM. Philibert et Joseph Vulliermet, imprimeurs Villet, ingénieur des mines Gravier, Fodéré et Grange, docteurs en médecine Jorio, banquier à Modane Anselme, conducteur des ponts et chaussées Pascal, instituteur en retraite Gravier François, pharmacien M. l'abbé Mottard, vicaire à Lanslevillard; MM. Gorré, Pachoud et Gros, professeurs au petit Séminaire enfin deux amis de la Société, qui avaient demandé à se joindre à nous et qui, je l'espère, auront, fortifié leur vo«ation archéologique M. l'abbé Taravel, curé de St-André, et M. Mugnier, avocat à St-Jeande-Maurienne.

A 9 heures du matin, tout le monde est à l'Echaillon. On s'installe dans la vaste et fraîche tonnelle qui avoisine l'hôtel, et les lectures commencent. Du vaste programme qui comprenait les digues de l'Arc, la voie romaine, la plaine de Longefan, l'établissement thermal, on développe surtout le dernier point. A l'aide de documents tirés des archives municipa-


les, M. le chanoine Truchet avait composé un long et remarquable mémoire, qui, remontant à l'origine des bains, en conduit l'histoire jusqu'à nos jours, signalant toutes les tentatives qui ont été faites pour utiliser et populariser notre source thermale. On écoute avec une attention bien marquée les diverses parties de ce mémoire, qui paraîtra dans le prochain volume des « Travaux de la Société », actuellement sous presse. En vue d'une plus large publicité, il en sera fait un tirage à part, à un grand nombre d'exemplaires, qui seront déposés chez le gérant des bains et les libraires de la ville.

A 10 heures, la lecture est interrompue. Nous profitons de ce moment de répit pour nous rendre à l'aimable invitation de M. Léon Roche, banquier, qui nous avait offert un apéritif dans sa villa. Par groupes de deux à quatre, joyeux comme des écoliers en rupture de classe, nous nous acheminons vers la maison hospitalière, où nous accédons par un raidillon pénible, « de tous les côtés au soleil exposé ». Mais nous sommes bien dédommagés de cette courte gymnastique. Mmc Roche, MM. Roche père et fils, nous reçoivent avec la plus charmante courtoisie et nous offrent divers rafraichissements, auxquels nous ne manquons pas de faire honneur. Au nom de ses collègues, M. l'abbé Gros, secrétaire, remercie MM. Léon et Louis Roche de l'aimable accueil fait aux membres de la Société d'histoire qui, tout en appréciant à sa valeur, surtout par une chaleur tropicale, le délicieux vin blanc qui leur a été offert, sont avant tout sensibles au témoignage d'estime et de sympathie qu'ils ont reçu. Il les prie de vouloir bien, à leur tour, accepter l'invitation que leur fait la Société de passer le reste de la journée avec nous, regrettant de ne pouvoir faire la même politesse à M"' Roche, à qui l'assistance» à un banquet d'archéologues pour-


rait valoir la réputation peu enviable de « femme savante ». MM. Roche acceptent avec la meilleure grâce et nous accompagnent aux Bains, où nous sommes de retour à 11 h. 1/4. Sans perdre un instant, nous reprenons les lectures, qui se continuent jusqu'à midi.

La parole est aux cordons bleus. Grâce au zèle et au bon goût de nos deux commissaires, MM. Bonnet et Fodéré, tout était admirablement organisé ordonnance parfaite, menu varié et alléchant, service rapide. Si M. et M™ Tronel continuent à bien faire les choses comme au 1" juillet, nous ne doutons pas du succès toujours croissant de leur nouvel hôtel, et nous sommes persuadés que les voyageurs qui auront quelques heures disponibles en profiteront pour aller goûter la cuisine du Vatel de l'Echaillon. Dire que la plus franche cordialité ne cessa de ré. gner pendant le repas est une chose inutile pour ceux qui connaissent l'esprit qui préside aux réunions de la Société d'Histoire. Aussi les conversations, tantôt graves, tantôt enjouées, marchèrent bon train jusqu'au moment où elles cédèrent le pas à l'éloquence des toasts. M. le chanoine Truchet en ouvre la série. L'expression de joie qui rayonne sur sa figure, la verve et l'esprit de ses paroles montrent que cette journée n'en déplaise aux trois docteurs qui assistaient au banquet lui a fait plus de bien que les remèdes de la Faculté. Il commence par dire qu'il est heureux d'avoir pu assister à notre banquet, mais qu'il regrette de n'avoir pu accompagner les autres membres à la villa de M. Roche, à qui il offre ses plus vifs remerciments pour l'honneur fait à la Société; il termine en portant aussi la santé des doyens, MM. Paul Buttard et Philibert Vulliermet. M. Léon Roche répond qu'il a été d'autant plus flatté de l'invitation qui lui a été adressée, qu'il n'est qu'un profane dans


une Société d'Archéologie qu'il a vivement admiré la fraternité qui unit tous les membres de la Société, malgré la diversité des opinions, dans un commun dévoûment à la science et à la patrie mauriennaise. Il boit à la prospérité toujours plus grande de la So= ciété d'Histoire.

Prenant la balle au bond, M. Florimond TrLchet constate avec plaisir et orgueil la prospérité de notre Société, qui s'affirme en ce moment par le grand nombre des membres qui ont pris part à l'excursion, par les lectures de la matinée, par le volume qui va bientôt sortir des presses de M. Vulliermet, par les travaux qui sont sur le métier il attribue cette prospérité au zèle, à la direction intelligente et féconde de notre dévoué président, M. le chanoine Truchet, qu'il souhaite de voir longtemps encore à notre tête. Sur la proposition de M. l'abbé Gros, on acclame M. le chanoine Truchet « président perpétuel ». C'est trais heures. Nous quittons la salle du banquet saturés d'éloquence et de chaleur. Des groupes se forment partout où règne un peu de fraicheur, si bienvenue dans cette journée, la plus chaude que nous ayons eue. Plus bienvenue encore la surprise nouvelle que nous procure M. Roche, vraiment en coquetterie avec la science. Au dessert, il nous a fait déguster un délicieux Echaillon 1869. Maintenant le royal Moet et Chandon pétille dans nos verres et scelle nos adieux. Avant la séparation, un photographe amateur (1) fixe, avec une perfection rare même chez un homme du métier, le souvenir de cette excellente journée.

(1) M. Camille Truchet, fils de M. le Maire d* S-Jean.


ECHAILLON

VOIE ROMAINE ET EAUX THERMALES Abalneis de Eschallione usque ad balmam de Vilario Clementis, depuis les bains de l'Echaillon, c'est à dire de l'escalier, situés au bas de l'escalier, jusqu'au rocher de Villard-Clément, (village de Clément) telle est l'étendue qu'une charte du 17 juin '1344 (1) donne à la chavannerie de l'Echaillon. En largeur elle allait, comme aujourd'hui, du pied de la montagne à la rivière d'Arc mais à cette époque l'Arc avait son lit ordinaire beaucoup plus haut dans la plaine des Plans.

J'ai déjà parlé de cette charte (2). Mais je demande la permission de répéter ici que la chavannerie de l'Echaillon dépendait du domaine direct des comtes de Savoie et que dans la charte en question les propriétaires reconnaissent devoir au comte Amédée VI les laods et vends, la clame, l'échute, le domaine du fief et la cavalcade.

Il y avait donc ici, en 1344, un établissement de bains. A quelques pas derrière, grimpait, taillé dans la montagne, l'escalier (scalio) qui avait donné à la chavannerie son nom et qui aboutissait à cette entaille que vous voyez là-haut dans l'arête du contrefort. C'était la voie romaine que nous avons déja eu plusieurs fois l'occasion de signaler dans notre excursion annuelle.

Du pied de l'escalier jusqu'à la balme de VillardClément, la voie s'allongeait à travers les champs et es prairies. Nous en avons la preuve dans une charte du 2 septembre 1321, que j'ai aussi mentionnée à (1) Acad. de Savoie, Chartes du dioc. de Maur., 1891, p. 195. (2) Trav. de la Société. 2" série, t. 2, 1' part., p. 177.


l'endroit cité. Humbert de la Salle, châtelain de Maurienne, albergeant aux propriétaires de la chavannerie le droit de creuser des canaux et d'y amener l'eau de l'Arc, pour arroser leurs prés, pose la condition formelle qu'en traversant la route, ces canaux ne la détérioreront ni ne l'endommageront en aucune façon. Nous avons appris dans nos précédentes exeursions que cette partie de la route a été emportée par l'Arc dans les vingt dernières années du XVe siècle» lorsque, chassée des Plans par la digue due aux largesses du cardinal d'Estouteville, la rivière, jusque là vagabonde, fut contrainte de se confiner le long du pied de la montagne. Nous savons aussi que la construction de cette route est attribuée à Cneius Domitius iEnobarbus l'an 125 avant Jésus-Christ mais il est peut-être bon de mettre ici le texte de Guichenon (1).

« La sixième voie militaire des Romains, dit-il, est celle du Monsenis et de la Maurienne, laquelle doit être plus moderne que les autres, puisqu'elle n'est point mentionnée dans les anciens itinéraires elle conduisait [depuis Suse jusqu'à Montmélian, où se rencontrait celle qui va du petit St-Bernard à Vienne en Dauphiné sinon que ce fut la voie que Cn. Domitius iEnobarbus fit faire l'an 628 de la fondation de Rome, sous le consulat de M. Plautius Hypsœus et de M. Flaccus, laquelle depuis Vienne allait jusqu'en Provence. Mais je n'en ose rien assurer, bien qu'il soit certain que ce Domitius ayant vaincu les peuples de Savoie et de Dauphiné (que l'histoire appelle du seul nom d'Allobroges) crut de ne pouvoir laisser de meilleures marques de sa victoire qu'en y faisant faire ce chemin à la mode d'Italie. »

Cela n'est pas bien précis. Ce qui est certain, c'est qu'avant l'ère chrétienne deux voies conduisaient du (1) Rist. généal. t. 1, p. 28.


Piémont en Maurienne l'une venait de Suse, traversait le Petit-Montcenis et descendait à Bramans l'autre partait de Turin, suivait la vallée de Lans et arrivait à Termignon par la montagne d'Avérolle, Bessans et Lanslevillard (1). Celle-ci, croit-on, était plus ancienne elle est encore bien marquée dans la montagne de Bessans par les larges pavés qui la couvraient. De Termignon ces deux routes n'en faisaient qu'une, qui ne quittait plus le côté droit de l'Arc (2). Mais nous voilà loin de l'Echaillon. Revenons-y sans autre discussion.

Les bains de l'Echaillon, dont nous ne pouvons, par un document positif, constater l'existence avant l'année 1344, n'auraient-ils pas eu une origine contemporaine de la construction de la route ? « L'histoire de nos thermes, dit M. le comte de Loche parlant des thermes d'Aix (3), ne peut, jusqu'à preuve du contraire, remonter au-delà de l'époque où le proconsul Cneius iEnobarbus vainquit définitivement les Allobroges (10 août 121 avant Jésus-Christ), au confluent du Rhône et de l'Isère. Il est naturel de penser qu'avec le peuple vainqueur pénétrèrent aussi dans nos montagnes la civilisation romaine et particulièrement ce goût pour les bains alors si répandu en Italie. »

Cet antique établissement n'avait pas capté toutes les eaux thermales des griffons se ramifiaient dans tous les sens et allaient sourdre çà et là assez loin dans la campagne. Nous en avons la preuve dans le nom de Chaudanes, dans les chartes Caldanœ, les (1) V. Ducis, Qutst. Archéol. et histor., p. 167 et suiv. (2) M. Palluel, dans son Annuaire statistique. pour l'an XIII (p. 248), parle de ces deux routes. 11 ajoute à propos de la seconde: « C'est cette route que suivit César. Elle est encore aujourd'hui tracée et même praticable. une partie est tracée dans le roc vif en forme d'escalier. »

(3) Mém. de l'Acad. de Savoie, 4* série, t. Vil, p. 348,


Eaux-Chaudes, donné jusqu'à une certaine distance aux champs qui s'étendent en face le long de cette partie de la rive gauche actuelle de la rivière. Maintenant encore, d'après les affirmations de M. F. Truchet, maire de Saint-Jean-de-Maurienne, consignées dans le rapport de MM. Kilian et Révil dont nous parlerons tout à l'heure, « il existe une série de griffons d'eau chaude dans le lit même de l'Arc. » Ceux qui s'étendaient plus loin ont naturellement été interceptés par la rivière.

La destruction des bains accompagna ou suivit à court terme, et par la même cause celle de la voie romaine. L'une et l'autre étaient complètes en 1575 et probablement depuis longtemps.

C'est alors que Jacques Peletier, du Mans, écrivit son poème sur la Savoie. Voici ce qu'il dit des eaux de l'Echaillon

Encor'se voit la fontaine salée,

En Eschalon, sur l'Arcq, franche vallée Qui de Salins sa source doit tenir,

Et souz les rochz jusqu'en ce lieu venir. Là les brebiz, qui la salure sentent, Pour la sucer bien souvent se présentent Mais l'Arcq, qui pend tousiours sur ce costé, A le signal du sel tout presqu'osté.

Les eaux de l'Echaillon restèrent encore pendant plus d'un siècle complètement oubliées, sauf des brebis à cause de la salure.

II

Vers l'année 1685 un jeune médecin vint s'établir à St-Jean-de-Maurienne. Il se nommait Dominique Favre et était né à Bramans en 1656. C'était un esprit vif, ami des recherches, nullement disposé à s'enliser dans les vieilles formules thérapeutiques, sou-


vent baroques, où se confinaient la plupart des médecins de son temps. Il fut le premier dont les eaux de l'Echaillon attirèrent l'attention. Mais donnons-lui encore tout d'abord quelques lignes de biographie. Spectable Dominique Favre, docteur en médecine, est un des bienfaiteurs de notre pays et ses descendants occupent une place d'honneur dans notre histoire au XVIII* siècle.

Pour lui, il ne parait pas être jamais sorti des travaux de sa profession je n'ai pas trouvé son nom dans les registres des délibérations du conseil municipal, fort incomplets à la vérité, et sans l'auteur, un piémontais, d'une brochure à laquelle je ferai tout à l'heure de larges emprunts, tout ce que nous savons de lui se réduirait à ceci le 13 janvier 1687, il épousa honorable Marie-Antoinette Savoie et mourut le 4 août 1726 sa femme le suivit dix jours après. Ils laissaient trois fils. Antoine, né en 1689, épousa Marie Pellère il fut aussi médecin et père de Joseph Ignace, docteur en droits, juge-corrier et commun (1750), et pendant quelque temps sous-délégué à l'intendance de Maurienne. La femme de Joseph Ignace Favre fut Claudine fille de Mathieu Donnet, de St-Jean (1751). Antoinette, leur fille, épousa en (1772) l'avocat Joseph Sancet, de Chambéry. Le second fils de Dominique Favre, Joseph, devint chanoine de la cathédrale et mourut en 1770. Charles, le troisième, né en 1695, marié à Marie Opinel, puis à Antoinette Saussaz, s'adonna à la peinture et fut élève de Gabriel Dufour, de St-Michel. Il existe de lui, dans plusieurs églises et maisons de St-Jean, des tableaux de médiocre valeur, et quelques portraits un peu meilleurs. Sa mort est inscrite en l'année 1744, dans les registres paroissiaux de St-Jean. Je reviens aux eaux de l'Echaillon et à leur révélateur, le médecin Favre,


En 1822, J.-A. Giobert, membre de plusieurs Académies, a publié à Turin, chez la veuve Pomba, une brochure sous ce titre «Des eaux thermales et acidules de l'Echaillon en Maurienne. » Il y a là un résumé en stylepompeux, qui sent le terroir, de l'histoire de l'Echaillon pendant les deux derniers siècles. Je le copie textuellement.

« La connaissance de leurs bons effets dans les maladies, dit-il, la véritable époque de leur renommée, qui fut bientôt étendue, soit en Savoie, soit en Piémont, ne remonte pas encore à un siècle et demi. On la doit à un médecin de St-Jean, M. Favre, qui commença à en faire des essais en 1696, en éprouva des succès merveilleux, et les mit fort en vogue bien au-delà de la Maurienne et de la Savoie. Du commencement du siècle suivant on en exportait en Piémont et autres pays éloignés on avait appris que leur vertu n'était point affaiblie par le transport, et on en éprouvait partout des eftets salutaires marquans. C'est à cette époque que, très apparemment par ordre de la Cour, M. Fantoni, médecin du Roi et professeur de médecine à l'Université Royale de Turin, fut chargé de les visiter et en fit une analyse aussi bien faite qu'il était possible de la faire en ce temps là.

t Jusques-là cependant il n'était question de ces eaux que pour un usage en boisson. On ne trouve nulle part qu'on les ait essayées en bains. Peut-être on n'en a pas formé le projet parce que l'approche des sources était en ce temps-là très difficile. Ce n'est que peu avant l'année 1740 que l'on commença à les employer en bains c'est du moins l'époque où le roi Charles (1) a fait construire à ses trais pour le service public le réservoir qui existe maintenant à différents compartiments pour bains ce prince en (1) Charles-Emmanuel III, roi de Sardaigne (1730-1773).


avait ordonné un nouvel examen, dont il avait chargé son médecin le docteur Bianchi, professeur à l'Université Royale de Turin. C'est apparemment à la suite et en conséquence de cet examen fait par le professeur Bianchi que le roi Charles en a fait luimême usage pendant l'année 1740 avec tout le succès qu'on espérait. Ces renseignements se trouvent consignés dans une dissertation dédiée au roi Charles, qui n'a pas été imprimée. Cet écrit de M. Borelli, exerçant la médecine à St-Jean, est daté de 1741 c'est une espèce d'analyse et de traité médical de ces eaux (1).

< L'institution de l'Académie Royale des Sciences (de Turin), qui de sa naissance se proposa l'examen de toutes les eaux minérales de l'Etat, nous a fourni aussi quelques faits sur ces eaux. Nous devons à Bonvoisin de savoir que c'est encore à la munificence royale et au zèle de M. de Saint-Réal, alors intendant de la Maurienne, que l'on doit le beau pont de l'Arc, que le Roi y a fait construire pour faciliter aux habitans en toutes saisons l'usage des eaux de ces sources. Au professeur Bonvoisin la médecine doit d'avoir appris la première fois que ces eaux occupent une place parmi les acidules ce que nous n'avions appris ni de Fantoni, ni de Bianchi, ni de Borelli.

« Enfin la Maurienne sera reconnaissante au zèleet aux soins de M. de Fernex, vice-intendant de la province, et de M. Deschamps, syndic de la ville à la protection éclairée de MM. le chevalier Roget de Cholex, régent le ministère de l'intérieur, et le comte (1) Spectable Noé Borrelly, protomédecin, est mort le 9 avril 1750, à l'âge de 53 ans. Son traité, dont les archives de la ville possèdent une copie signée C. Petit, parle, sans autres détails, des réparations auxquelles on avait travaillé de nouveau par ordre du roi de Sardaigne, pour mettre les sources à l'abri des irruptions de la rivière.


de Salmonr, gouverneur général de la Savoie, et en dernier résultat à la toute-puissante et inépuisable munificence de cette Auguste Maison, dont la Maurienne a été le berceau, de l'édifice médical plus important qu'elle voit s'élever pour la plus grande prospérité de la Savoie. »

Les dithyrambes du bon docteur piémontais auraient beaucoup gagné à être appuyés de quelques faits plus précis, avec dates et chiffres. J'ai essayé de combler ces lacunes, à l'aide principalement des délibérations du conseil municipal de St-Jean. Voici ma récolte

Le chevalier Jacques-Alexis Vichard de St-Réal, qui fut l'un des membres les plus distingués de l'Académie de Turin et est une des gloires scientifiques de la Savoie (1), annonce aux nobles syndics et au conseil de St-Jean sa nomination à l'intendance de la province de Maurienne par lettre du 27novembrel779. En 1780 on ne sait où sont les sources et il n'y a pas de pont sur l'Arc. Dans une séance du 21 mars, à laquelle assiste M. de Saint-Réal, le conseil charge les trois syndics François-Hyacinthe de Mareschal de Luciane, Claude Rivol et J.-B. Buttard d'adresser un placet au roi et de lui exposer « l'urgence des réparations à faire et augmentation de travaux contre les torrents d'Arvan et de Bonrieu et recherche d'une partie des sources des eaux minérales de l'Echailion et les réparations des bassins qui existent encore en grande partie on suppliera Sa Majesté d'accélérer ses déterminations sur ces trois objets. »

Mais on ne se hâtait pas plus alors qu'aujourd'hui. En 1783 la ville fait faire une digue en aval du pont d'Arvan. Dans une séance du 20 octobre, les entrepreneurs exposent qu'ils construisent un pont sur l'Arc pour transporter les pierres dont ils ont besoin; (1) Oubliée par Jules Philippe. V. Grillet, Dictionn. t. 3, p. 262.


mais que ce pont, d'ailleurs trop peu solide pour être conservé, sera enlevé après la construction de la digue. Si le conseille veut, il le feront assez solide pour être permanent et établiront des chaussées, « pour faciliter à la ville la jouissance de ses fonds, si l'on souhaitait les moyens de recourir aux eaux salutaires de l'Echaillon, éloignées seulement de quelques toises de la chaussée qui soutiendrait la culée du pont part de l'Echaillon. n Le conseil accepte la proposition « tant pour le bien de la ville que celui de toute la province, et même des étrangers et décide de s'en rapporter à ce qui sera arbitré par le seigneur chevalier de Saint-Réal, intendant de cette province, si zélé pour le bien public, en le priant de vouloir bien proportionner la somme qu'il voudra cotiser sur la ville « aux petites facultés d'icelle. »

L'intendant fixa la dépense à dix-huit cents livres, qu'il divisa en trois mandats successifs de six cents livres chacun. Le conseil trouva la somme trop forte, « eu égard aux dettes considérables dont elle est surchargée et aux dépenses qu'elle est journellement dans le cas de faire pour se garantir des irruptions des torrents dont elle est environnée, » et le 19 juin 1784 il pria l'intendant de retirer le troisième mandat, ce qui lui fut accordé (1).

Le pont fut construit puis brûlé au mois d'octobre 1793 « par l'effet de la guerre ou de la malveillance (2). »

M. de Saint-Réal avait, paraît-il de grands projets sur l'Echaillon mais, au mois de mai 1789, il reçut sa nomination à l'intendance d'Aoste et personne ne s'occupa plus des vieux thermes abandonnés. Du reste, les évènements qui ne tardèrent pas à éclater, donnèrent un autre cours aux préoccupations et aux (1) Délib. du cons. munie, du 23 décembre 1812.

$ Délib. du conseil municipal du 80 mai 1812.


pauvres finances de la ville.

Palluel, secrétaire général de la préfecture du Mont-Blanc, dans son Annuaire statistique de l'an XIII, où l'on trouve tant de renseignements intéressants, n'a que ce mot (3° part., p. 173) « On trouve aussi des eaux minérales ferrugineuses à Chaillon, près la ville de St-Jean. »

Cependant, à cette époque même, quelqu'un, que la Maurienne doit mettre au nombre de ses meilleurs administrateurs, cherchait à reprendre les projets de M. de Saint-Réal. C'était le sous-préfet, M. Bellemin. Ces eaux, dit Grillet dans une note de son Dictionnaire (loc. cit.), ayant été recouvertes par un éboulement de terrain, il les a fait rechercher de nouveau dans les fouilles que l'on y a faites, on a trouvé, à dix pieds de profondeur, un ancien bassin en pierre, ayant sept a huit pieds de longueur sur quatre de profondeur. »

Le 3 mai, 1809, il écrivit au maire, M. Jean François Boch avoué, pour inviter le conseil « à voter l'emploi d'une somme de 1.200 fr. pour concourir au rétablissement du bassin des eaux thermales de l'Echaillon et à la construction d'un pont sur l'Arc pour y communiquer. » Le conseil répondit que, les revenus de la ville étantdéjà insuffisants pourcouvrir les dépenses urgentes qu'il était obligé de faire, il lui était impossible de destiner aucun fonds à cet objet. III

Le 20 novembre 1814, le chevalier Roget de Cholex, nommé intendant de Maurienne par le roi de Sardaigne Victor Emmanuel 1er, installe la nouvelle municipalité. Elle se compose, comme celle d'avant la Révolution, de trois syndics et de seize conseillers. Les syndics sont MM. le chevalier Georges


Maximilien Ducol, François Rogès, procureur, et Charles Joseph Truchet, notaire.

Au mois d'avril 1816, M. de Fernex remplace M. Roget de Cholex à l'intendance.

Le 23 juillet de cette même année, la municipalité prend la délibération suivante.

« M. le premier syndic observe au conseil la nécessité et l'avantage que retirerait la ville, et même la province, si on était assez heureux que de parvenir au rétablissement des eaux de l'Echaillon. « Ces eaux, dont l'analyse a déjà été faite par de célèbres médecins, présentent à peu près les mêmes effets que celles d'Aix. Les cures merveilleuses qu'elles ont produites et qui sont généralement connues, sont un témoignage bien certain de leurs propriétés.

« Nos ancêtres, qui en ont connu les précieux effets, y avaient déjà fait construire un bassin où l'on pouvait prendre les bains, et un réservoir particulier pour les boire. Elles étaient bien connues de l'Auguste Maison de Savoye, puisque chaque année le souverain en envoyait chercher.

« Cette précieuse découverte ayant été négligée par le laps des temps et plus encore pendant une partie de la Révolution, la source en était presque perdue par les éboulements survenus.

« Cependant en 1811 il fut déjà question de faire les dépenses nécessaires pour parvenir à en faire la découverte et à les rétablir de manière à présenter son avantage à toute la province. Il s'agissait en principe de la construction d'un pont en bois, pour avoir le moyen de s'y rendre même en voiture. Tout fut arrêté et convenu, et même l'hospice civil de cette ville souscrivit pour une somme de mille francs, M. le sous-préfet s'étant chargé de faire fournir par les communes les bois nécessaires pour la reconstruc-


tion du pont qui existait avant la Révolution. « Le conseil, vivement pénétré de la nécessité de rétablir ces eaux et de l'avantage qui peut en résulter principalement pour la classe indigente, a délibéré de supplier M. l'Intendant de prendre en considération cet objet et de le soumettre même, s'il le juge convenable, au pied du trône de Sa Majesté, à son retour en cette ville (1), afin que par un effet de ses bontés paternelles, il lui plaise de favoriser la ville de St-Jean et la Maurienne d'un établissement qui présente de grandes ressources pour toute la Société ».

Mais en cette année 1816 des pluies continuelles détruisent les récoltes. Il s'en suit, l'année suivante, une disette affreuse et une épidémie qui fait de nombreuses victimes et qui est connue dans nos traditions sous le nom de petechia. En outre, la commune d'Hermillon réclamant depuis longtemps la propriété non seulement de la plaine de Longefan, mais encore des eaux de l'Echaillon, la ville lui a intenté un procès, dont il faut attendre l'issue.

Le 12 mars 1818, M. Ducol donne lecture au conseil d'une lettre dans laquelle M. Fernex lui annonce que, le 27 février dernier, il a rendu un jugement qui renferme, entre autres clauses en faveur de la ville, la cession par Hermillon « du territoire et des dépendances des eaux thermales de l'Echaillon, appartenant à la dite commune (2). »

Le conseil charge les syndics de porter ses bien sincères remerciements à M. l'Intendant, c dont l'affection n'a jamais discontinué pour tout ce qui peut tendre au bonheur de la province. Puis M. Ducol (1) Le roi avait passé quelques jours auparavant, se rendant à Chambéry.

(2) Le 15 janvier, le conseil avait délibéré d'acheter « toute la localité et dépendances qui environnent les eaux thermales d'Echaillon. »


prend la parole. Puisque, dit-il, le sol où sont situées les eaux est enfin, sans conteste, la propriété de la ville, elle ne doit rien épargner pour créer un établissement capable de recevoir, avec toutes les commodités possibles, non seulement les habitants de la province, mais les étrangers que la renommée de ces eaux ne tardera pas à attirer. « La ville et ses environs en ont principalement reconnu les précieux effets l'année dernière, où une maladie contagieus ae jeté le deuil dans presque toutes les familles. » Il termine en mettant sous les yeux du conseil le plan et le devis des travaux à exécuter, dressés par l'architecte Gaspard.

Le conseil, partageant les sentiments du premier syndic, approuve le plan de M. Gaspard et décide qu'en outie des réparations qu'il comporte, on fera une cheminée à chacun des cabinets opposés des bains, trois bassins particuliers soit réservoirs en pierres de taille, plusieurs autres bassins à l'usage du public, tous munis de caniveaux et de tuyaux en plomb pour l'écoulement des eaux.

Mais au mois de juin l'Arc, grossi par la fonte précipitée des neiges et des glaces, emporte le pont provisoire. Le 18 juillet, le conseil, sur la proposition du premier syndic, vote la construction d'un pont « assez solide pour résister à l'impétuosité de la crue des eaux et charge M. Gaspard d'en faire le plan. Trois motifs, a expliqué M. Ducol, exigent cette construction définitive 1° assurer l'accès des eaux thermales, dont l'efficacité vient encore d'être démontrée par la guérison d'un individu atteint de la gravelle et réduit à la dernière exirémité, malgré tous les remèdes de l'art 2° remplir l'obligation imposée à la ville par le jugement du 27 février de fournir à la commune d'Hermillon, par une dérivation des eaux d'Arvan, le moyen de mettre en cul-


ture la portion qui lui appartient de la plaine de Longefan, ce dont elle pourra profiter elle-même plus tard pour la partie qui lui a été attribuée 3° prendre à l'Echaillon les pierres nécessaires à la réparation urgente de la digue d'Arvan jusqu'à l'Arc. L'adjudication des travaux de construction du pont et du canal auquel il sert d'appui a lieu le 16 octobre 1818, d'après les plans de M. Sognoz. Le 20 février 1819, le conseil leur substitue, pour le canal, le plan de M. Gaspard, un peu plus coûteux, mais donnant une construction plus solide son exécution coûtera 1.511 livr. 86CM. La digue de l'Echaillon est aahevée et coûte 800 liv.

Le 25 novembre 1819, le conseil, sur la proposition du syndic, considérant que les ressources de la ville ne lui permettent pas de construire le bâtiment des eaux thermales de l'Echaillon, d'après le plan de M. Gaspard, décide d'émettre des actions de 50 livr. La ville payera l'intérêt et complètera la somme, s'il est nécessaire. Il ne parait pas que cette combinaison ait été mise à exécution.

Depuis le mois de juillet 1818 la municipalité da St-Jean a reçu une autre organisation. Il n'y a plus qu'un syndic. M. Jean-Baptiste Falcoz, pourvu de cette charge par billet royal du 14 juillet, est remplacé le 9 janvier 1821 par M. Louis-Marie Deschamps, notaire, pour les années 1821 et 1822. Le 17 juillet suivant, le syndic fait part au conseil que des ingénieurs, envoyés par le gouvernement pour constater la valeur des eaux thermales du duché, doivent passer en cette ville. Il serait le cas de leur faire connaître « l'utilité et les prodiges journaliers des eaux de l'Echaillon, dans l'espérance que le gouvernement voudra bien concourir à la dépense nécessaire pour en faire profiter les étrangers, les modiques ressources de la ville ne pouvant y suffire. »


Le conseil nomme une commission de cinq membres.

C'est au mois d'août de cette année que le docteur Giobert, professeur de chimie à l'université de Turin, s'arrête à St-Jean, peut-être avec les ingénieurs, pour étudier les eaux de l'Echaillon. Il écrit ensuite à l'Intendant « qu'il a fait un rapport abrégé de ses opérations à M. le Régent chargé du ministère des affaires internes, le plus avantageusement qu'il lui a été possible. Le Régent a accuelli favorablement sa relation. Il conseille de supplier S. E. le Gouverneur du duché de vouloir bien favoriser la ville dans les démarches qu'elle est dans le cas de faire auprès du Gouvernement, pour qu'il lui plaise de concourir aux dépenses que la ville se propose de faire pour cet établissement. »

Le conseil, à qui M. Fernex s'empresse de transmettre cette lettre, laisse au syndic le soin d'écrire au gouverneur.

M. Deschamps étant allé à Turin, au mois de novembre suivant, pour présenter au nouveau roi Charles Félix les hommages de respect et de fidélité dela ville et de la province de Maurienne, profite de l'occasion pour entretenir le ministre de l'intérieur des deux affaires qui préoccupaient en ce moment la municipalité et même toute la population, le rétablissement de l'évêché (1) et les eaux thermales de l'Echaillon. C'était M. Roget de Cholex. « II m'a répondu, dit M. Deschamps au conseil réuni le 22 novembre, qu'il fera toujours avec plaisir tout ce qui dépendra de lui pour la province de Maurienne et pour la ville de St-Jean en particulier. Quant aux (1) La municipalité entreprit dès 1815 des démarches pour obtenir le rétablissement de l'évêché. Le registre contient de fréquentes délibérations à ce sujet et il est à peine besoin de dire que la première motion fut faite par M. Ducol.


eaux thermales de l'Echaillon, il m'a dit qu'il ordonnerait à M. l'ingénieur Brunati de nous expédier au plus tôt le plan des travaux à y effectuer et qu'ensuite de ce plan, la ville, voyant le montant des dépenses, pourra lui adresser une demande pour obtenir quelques secours du gouvernement (1). » MM. Giobert et Brunati promettent aussi d'envoyer incessamment l'analyse des eaux et le plan des constructions.

Mais dans le langage officiel de tous les temps, et même souvent dans l'autre, incessamment comporte beaucoup de marge. Enfin le 31 mai 1822, M. Giobert écrit que son ouvrage (32 pages) est imprimé et chez le relieur et que sous peu de jours la ville recevra les exemplaires qui lui sont destinés. A la lettre est jointe la note des frais d'impression, s'élevant à la somme de 133 fr. Quant à son travail, M. Giobert s'en réfère à la sagesse du conseil car, dit-il noblement, « ce n'est point pour de l'argent que je m'intéresse à vos succès, mais bien pour le bonheur de l'humanité, de la Savoye et de votre province. » Le conseil, qui ne veut pas être en reste de noblesse et de générosité, prie le désintéressé professeur d'accepter, en sus de la somme de 133 fr., celle de 500 fr., « faible tribu de sa reconnaissance. » La reconnaissance doit être d'autant plus grande, que le professeur ajoute « qu'il ne doute point que cet essai ne produise beaucoup d'effet et qu'il le fera connaître à tous les médecins des plus grandes villes. »

Au mois de septembre le syndic reçoit le plan des réparations et constructions à faire à l'Echaillon, (1) Le 26 ootobre, le conseil avait chargé ses députés, MM. Deschamps et Borrelli, celui-ci natif de St-Jean et habitant Turin, de solliciter le concours du roi pour l'établissement de l'Echaillon, en lui exposant que ses ancêtres faisaient u «âge de ces eaux et qu'ils avaient fait construire ces bassins dont il restait encore des ves tiges.


dressé par M. Brunati, ingénieur hydraulique. Celuici ne porte ses honoraires qu'à la somme de 429 fr., sur laquelle il impute celle de 280 fr., que M. Deschamps lui a comptée lors de son passage à St-Jean, pour frais de séjour et de transport sur les lieux. Cependant le conseil, comprenant qu'avant tout il fallait empêcher que les eaux de l'Arc se mélangeassent aux eaux thermales, « surtout, dit la délibération, dans le moment où la ville a déjà fait des sacrifices pour les accréditer, » avait, au mois de mars dernier, chargé l'ingénieur Molinati de dresser le devis du creusement dans le rocher d'un canal par où celles-ci s'écouleraient.

Au mois d'avril un fâcheux évènement se produit, le départ de M. Fernex nommé à l'intendance du duché d'Aoste (1). « J'aurais désiré, dit-il dans sa lettre d'adieu, voir perfectionner avant mon départ l'établissement des bains mais l'absence ne m'empêchera point de prendre intérêt à tout ce qui vous concerne et je me ferai un devoir de rappeler cette importante aftaire à S. E. le Ministre de l'Intérieur. » Le conseil s'empresse de lui envoyer, avec une lettre collective, une députation chargée de lui exprimer encore de vive voix son profond regret et sa vive reconnaissance pour les services qu'il n'a cessé de rendre à la ville (2).

Le 3 mai, le conseil adopte le plan de M. Molinati pour l'isolement des eaux thermales. Le devis s'élève à 3.500 livres.

Le 15 juillet, le conseil, considérant que les eaux de l'Echaillon, utiles pour certaines maladies, peuvent être nuisibles pour d'autres, ordonne de mettre, à la porte de l'établissement provisoire créé par M. Joseph Courtois, une affiche interdisant l'usage de (1) La Maurienne n'était qu'une vice-intendance.

(2) Son successeur fut M. Rosset.


ces eaux, soit en bains, soit en boisson, sans l'ordonnance d'un médfcin.

Cet établissement se composait d'une petite maison servant d'habitation au tenancier des eaux qui y avait un débit de boissons, et d'une construction en planches, contenant quelques robinets et quatre baignoires. Pour l'écoulement des eaux, la ville mit en adjudication, le 7 novembre 1822, la construction d'un canal, qui monta à 4.853 liv. 75 cent. Ce travail absorba toutes les ressources de la ville, sans cesse talonnée par l'entretien des fontaines et des digues de l'Arc, du Pix, de Bonrieu et d'Arvan. Cependant les dépenses déjà considérables faites à l'Echaillon rendaient toujours plus indispensable et plus urgente l'exécution des plans de M. Molinati pour le captage et l'isolement des eaux thermales, et de M. Brunati pour la construction d'un établissement où les étrangers trouvassent des logements et tous les soins convenables. Le 14 janvier 1823, M. Deschamps convoqua le conseil redoublé. Le conseil ordinaire était composé de douze membres, sans compter le syndic pour les affaires importantes on lui adjoignait un nombre égal d'autres conseillers. A l'unanimité il vota les mesures suivantes inscription au budget de 1823 d'une somme de deux mille livres demande d'autorisation de vendre la plaine de Longefan s'il est nécessaire, demande d'autorisation d'émettre des actions et de contracter un emprunt.

Quelle opposition cette délibération rencontra-t-elle, je ne sais mais il n'en est plus question dans les registres de la municipalité.

IV

Je continue mon exploration des registres des déli-


bérations du conseil municipal.

Le 30 juin 1824, l'intendant, M. Rosset, assiste à la séance. Il lit un état des réparations dont il est urgent de s'occuper. En premier lieu il mit la digue de l'Echaillon qui a été mal faite et qu'il faut redresser, sous peine de rendre inutiles les sommes considérables, plus de 18.000 fr., que la ville a déjà dépensées pour cet établissement digue, pont, canal d'écoulement, etc. Viennent ensuite l'achat de pompes à incendie la réparation du palais épiscopal, l'évêché venant d'être rétabli; celle de la cathédrale, pour laquelle le roi Charles Félix a donné 3.000 fr. Il propose de faire un emprunt de 20.000 fr. qui est, séance tenante, voté par le conseil.

On reprend une à une les mesures qui avaient été décidées en bloc le 14 janvier 1823. Le 28 novembre 1824, M. Deschamps rappelle l'indispensable nécessité de construire l'établissement thermal de l'Echaillon. Pour cela et pour d'autres dépenses extraordinaires, le conseil demande à l'autorité supérieure l'autorisation d'aliéner, par lots et aux enchères, la part de la plaine da Longefan qui a été définitivement attribuée a la ville par la transaction du 16 août dernier.

Au mois de mars 1825, l'entrepreneur Cuco, avec lequel la ville aura toute une série de procès, commence enfin, d'après les plans de M. Molinati, la construction du canal d'écoulement des eaux thermales, adjugée depuis trois ans (1).

Le budget de 1826 porte 3.000 fr. pour l'établissement de l'Echaillon; 2.400 fr. ont déjà été inscrits au budget de 1825, mais n'ont pas été dépensés. Celui de 1828 n'a que 300 fr. Celui de 1829 porte 600 fr. et la décision que pareille inscription aura lieu chaque (1) Travaux et procès ne sont pas encore terminée au mois de juillet 1835.


année désormais. M. Ducol a été réinstallé syndic le 15 mars 1826.

Je mets ces menus détails pour montrer que depuis 1815 la municipalité de St-Jean n'a pas un seul instant perdu de vue l'établissement de l'Echaillon. Mais les tourniquets administratifs tournaient difficilement, munis de crocs où les affaires importantes demeuraient empêtrées.

Enfin le 5 juin 1829 le conseil délègue le syndic et MM. Rogès et Deschamps pour assister à la vente aux enchères de la plaine de Longefan, qui a lieu par actes des 3 et 4 septembre suivant, Tronel notaire, et produit la somme de 15.000 fr. Mais à cette époque même une aftaire plus importante pour la ville obligea la municipalité à renvoyer à plus tard la construction de l'établissement de l'Echaillon. Depuis 1615 la route passait en dehors de la ville par Ramassot. Sur les instances de M. Ducol, d'accord avec le conseil, un billet royal du 29 novembre 1829 autorisa, au lieu des rectifications de détail qui avaient été décidées, son transfert dans l'intérieur de la ville, ce qui amena le percement de la rue Neuve et la construction des portiques. Ce fut pour la ville une dépense qui, évaluée d'abord à 80.000 fr., s'éleva à 100.000 (1). Il fallut bien y consacrer les 15.000 fr. de la vente de Longefan (2). C'était pour la ville une rénovation, dont la rectification de la route fournissait une occasion qui ne se représenterait plus. Saluons, avant de le voir disparaître définitivement de l'administration de la ville, la mémoire de (1) Délib. du 18 juin 1830 et du 2 juin 1832.

(2) Le reste de la somme se décompose ainsi souscription dans la ville, 15.000 fr. fonds ordinaires de la ville et vente de quelques parcelles de biens communaux, 10.000 fr. emprunt d'abord fixé à 40.000 fr., puis porté à 60.000. V. portiques délib. du 30 janv. 1834 souscripteurs et fête d'inauguration délib. du 8 décembre 1832,


celui dont tant d'oeuvres de transformation et de progrès rappellent l'énergique initiative, le dévouement sans mesure, la sage gestion des deniers publics il suffit de mentionner l'Echaillon, le rétablissement de l'évêché, la rue Neuve et les portiques, la promenade des Platanes. (1).

M. Ducol fut de nouveau remplacé, au mois de février 1833, par M. Deschamps. Le moment de reprendre l'œuvre de l'Echaillon semblait approcher, et nous savons déjà combien M. Deschamps l'avait à cœur (2).

Le 31 août 1834, a lieu une séance solennelle du conseil redoublé, sous la présidence du vice-intendant, M. le chevalier Frédéric d'Alexandry. « Le but de la réunion, dit le procès-verbal, est de délibérer sur les moyens de pouvoir réaliser le projet, depuis si longtemps conçu, pour la' construction d'un établissement de bains, afin d'utiliser la source d'eaux thermales que la ville possède à l'Echaillon ». Dans un discours, trop long pour que je puisse le reproduire, le syndic rappelle l'efficacité des eaux, constatée par l'expérience et par les écrits de plusieurs médecins, entre autres de M. Borrelli, notre compatriote, en 1741 les projets formés à diverses reprises les circonstances qui en ont empêché l'exécution et qui maintenant ont épuisé les ressources de la ville, au point de la réduire pour de longues années à l'impuissance d'exécuter elle-même cette entreprise, qui peut être pour la ville, pour la pro.vince même, une source de prospérités.

Une province voisine (la Tarentaise), moins favorisée que la Maurienne par sa situation topographique, a vu, grâce au zèle patriotique de ses habitants, (1) M. Ducol est décédé à St-Jean-de-Maurienne le 20 janvier 1854.

(2) Décédé le 19 octobre 1838.


surgir dans le coin le plus agreste de son territoire des thermes jusqu'ici ignorés et aujourd'hui fréquentés par une foule d'étrangers. Ne pouvons-nous pas nous procurer les mêmes moyens et « dans une ville animée du plus vif dévouement pour l'intérêl public trouver à composer une société d'actionnaires pour réaliser les fonds nécessaires à cette entreprise? v. M. Deschamps compte, en outre, sur les secours du gouvernement et la libéralité du roi Charles- Albert. Il termine en priant le conseil de délibérer sur le projet d'association dont voici les statuts

« Art. 1er. Il sera ouvert à l'hôtel de ville une souscription pour la fondation d'une société qui concourra par une mise de fonds aux frais de constructruction d'un établissement thermal pour les eaux de l'Echaillon.

« Art. 2. Les actions seront de 250 liv. Elles seront indivisibles avec solidarité pour le payement dans le cas où plusieurs personnes concourraient pour en former une.

« Art. 3. Le produit de l'établissement mis à loyer ou administré en régie sera reversible sur les actionnaires en proportion de leur mise de fonds, par un dividende qui sera établi chaque année. t Art. 4. Lorsque les souscripteurs seront en nombre suffisant, ils se réuniront à la diligence du conseil de ville pour former parmi eux un conseil d'administration et un secrétaire.

« Art. 5. Ce conseil fixera les époques de payement des actions, déterminera la forme des coupons de créance il procèdera à la fixation du local où sera fondé l'établissement, à l'adoption du plan de construction dont il surveillera l'exécution. Il aura l'administration de l'établissement et fera tous règlements y relatifs, ainsi que pour la gestion du fonds de la société, »


Les propositions du syndic sont adoptées avec enthousiasme on souscrit séance tenante ving-quatre actions on décide que la ville se chargera des dépenses accessoires et l'intendant promet d'user de toute son influence auprès du gouvernement et dans la province.

Le 12 décembre suivant, l'intendant écrit au syndic « que Sa Majesté, à qui la souscription établie pour fonder l'établissement des eaux thermales de l'Echaillon a été présentée, a daigné par un trait de sa munificence royale faire don en faveur de cet établissement de la somme de trois mille livres ». Le conseil exprime sa reconnaissance et l'espoir que la souscription, formée en vertu de la délibération du 31 août, recevra la sanction royale. Il décide ensuite de faire reprendre immédiatement les travaux de la digue en face des eaux thermales, dont Garbolino Jean a eu l'adjudication le 11 avril 1825. Garbolino, qui est présent, promet de commencer le 15 et de découvrir gratuitement toutes les sources thermales qui peuvent exister derrière la digue. Mais il ne s'est pas engagé à faire des fouilles. Aussi le 19 février 1835, le conseil, voulant, sur la proposition du nouveau syndic, M. Dupraz Jacques-Antoine, protomédecin, nommé par billet royal du 10 janvier pour les années 1835 et 1836, profiter de l'éloignement de la rivière et des barrages établis pour la construction de la digue, prie M. d'Alexandry de disposer pour ces fouilles de la somme de 1.500 fr. à prendre sur celle que ie roi a donnée, la position financière de la ville ne lui permettant pas de prendre cette dépense à sa charge.

La société par actions, formée le 31 août 1834, continue à recueillir des souscriptions, mais ce ne sont que des promesses, elles n'auront leur effet qu'après l'autorisation royale, qui ne vient pas. En 1837, M. le


docteur Antoine Mottard, médecin, qui fixé depuis quelques années dans sa ville natale, commence à lui donner des preuves de ce dévouement qui ne se démentira pas pendant plus d'un demi siècle et auquel la Société d'histoire et d'Archéologie doit son existence, écrit dans son Annuaire (p. 20) à propos de l'Echaillon « Le don de Sa Majesté et les souscriptions personnelles formant un capital d'environ 40.000 fr. (1), cette somme n'est-elle pas déjà plus que suffisante pour commencer? Ignore-t-on que bien des personnes attendent, pour souscrire, de voir mettre la main à l'œuvre? » Pendant cette année 1837, dit-il, 210 étrangers ont fréquenté les bains, savoir savoisiens 175, français 20, italiens 15. Il ajoute cette note « M. l'intendant chevalier d'Alexandry a adressé un mémoire à S. E. le Ministre des Finances, afin d'obtenir pour la province l'autorisation de s'imposer la somme de 10.000 liv. à titre d'actions, que le congrès provincial a votées pour cet objet et dont elle retirerait les rentes proportionnées aux bénéfices. Cette demande, si utile à notre plan et qui charge si peu les contribuables, sera accueillie avec empressement par S. E. Nous l'espérons et l'attendons tous. »

Tout le monde fut trompé. Le Ministre des finances répondit par une défense « de proposer dorénavant des allocations de fonds sur le budget provincial et sur celui de la ville pour l'établissement des bains de l'Echaillon. »

Le congrès provincial, qui comprenait les avantages que retirerait la province de la création d'un établissement thermal à l'Echaillon par la Société des actionnaires de 1834, puisque le bon plaisir ministériel ne permettait ni à la province, ni même à la ville propriétaire, d'y contribuer, s'assemble le 3 septem;1) On verra que ce chiffre était alors exagéré.


bre 1838 et nomme parmi ces actionnaires une commission composée de MM. Anselme sénateur, Dupraz médecin, baron Brunet et Grange trésorier de de la province, « pour proposer à la ville les conditions propres à garantir les intérêts des actionnaires. » Il n'était plus possible de reprendre l'affaire à un autre point de vue.

La commission propose les conditions suivantes 1° abandon pur et simple à la société des sources et de l'esplanade depuis le pont de l'Echaillon jusqu'au sommet de la digue 2° versement dans la caisse de la Société des 3.000 ir. donnés par le roi 3° achèvement par la ville du canal de dégorgement des eaux et de la jetée en amont de la digue 4° faculté pour la ville de racheter le local des eaux et les établissements qui auront été construits, en amortissant quatre actions chaque année à partir de la mise en exercice de l'établissement. Les travaux commenceront, suivant les plans et devis arrêtés de concert avec la ville, aussitôt que la société sera légalement constituée et que les actions souscrites atteindront la somme de 30.000 fr.

Convoqué le 30 du même mois, M. Laymond Laurent-Victor, procureur, avait succédé à M. Dupraz le 30 janvier, le conseil accepte ces propositions, exigeant seulement l'établissement d'un tube contenant un filet d'eau suffisant pour que le public en puisse user gratuitement en boisson et il supplie le roi d'accorder à la Société son autorisation sous les conditions précitées.

Mais il faut passer par les tourniquets compliqués du ministère de l'intérieur. Le ministre, pour « établir sur des bases régulières la société proposée et mettre à couvert les intérêts de la ville, » veut avoir sous les yeux 1° les statuts projetés de la Société 2° le nom et la responsabilité de, ses membres 3* le


montant des dépenses et le plan de l'établissement 4° la preuve certaine que les souscripteurs fourniront les fonds nécessaires, ou tout au moins que l'encaissement aux époques qui seront fixées est assuré. Pour l'abandon consenti par la ville il faut l'expertise de la valeur des sources et de l'esplanade 2° du montant des travaux à faire pour l'achèvement de la digue et du canal d'écoulement des eaux, et la ville doit dire avec quels fonds elle entend faire face à ces dépenses.

Le 11 décembre 1838, le conseil renvoie les quatre premiers chefs à la société des eaux. Pour le surplus, il confie les expertises à MM. Louis-Marie Roche et Gaspard neveu, et déclare que les travaux dont il se charge seront payés sur le produit des octrois. Il fallut quelque temps pour satisfaire aux exigences de la prudence ministérielle. Enfin le dossier est complet statuts de la Société constituée par acte du 25 septembre 1839, Savoye notaire, sous le nom de Société des Eaux Thermales de l'Echaillon rapports divers des experts, etc. etc. les charges assumées par la ville se réduisent à 2.000 fr., la digue ayant été achevée en 1838. Le 24 octobre 1839, le syndic, M. Fay Jean-Pierre, avocat, assemble le conseil. Après une série de considérants historiques, philantropiques, médicaux, économiques, dans lesquels on a bien soin de ne pas oublier ce que les Princes de la Maison de Savoie ont fait pour l'Echaillon, on prie M. l'Intendant « d'interposer sa médiation pour l'obtention de Royales Patentes en autorisation du contrat et de ses annexes, dont la présente fera partie. »

L'affaire marche. Neuf mois après, le 11 juin 1840, lettre ministérielle demandant des explications sur uu article de l'acte de Société pour devenir propriétaire de l'établissement, la ville devra-t-elle rem-


bourser les actions intégralement, au montant de 250 fr. l'une, lors même que les constructions n'auraient pas exigé le versement de toute la somme ? Le conseil s'empresse de répondre que, d'après les statuts, les actions ne devant être délivrées qu'après leur payement intégral, la ville n'est pas tenue de les éteindre auparavant.

Le 26 octobre, nouvelle lettre ministérielle le congrès permanent des ponts et chaussées est d'avis que l'on suive le plan dressé par M. Brunati en 1822 que l'on substitue des plafonds aux voûtes, des teppes aux murs de refend et que l'on n'exécute actuellement le projet qu'en partie, de manière à ne pas dépasser le chiffre de 33.000 fr. Le conseil accepte tout, demandant seulement que l'on accélère la conclusion de l'affaire

Le 6 septembre 1842, en conformité d'une dépêche ministérielle, le conseil accepte le nouveau plan et le devis dressés par le chevalier Brunati, souscrit dix actions, le ministre l'ayant déclaré convenable, et, pour éviter des difficultés à propos du remboursement, demande que le montant des actions ne puisse dépasser 50.000 fr., sauf autorisation spéciale après consentement de la ville.

Tout semble donc bien réglé. Conclusion le 22 décembre 1842, le conseil reçoit notification « de la dépêche ministérielle du 9 du dit mois, relative au projet d'établissement des eaux thermales de l'Echaillon, dont le contenu porte en résumé le rejet de la demande en autorisation de la ville pour l'acquisition de dix actions et le rachat de celles des souscripteurs. » La dépêche suggère gracieusement « de sonder l'intention des souscripteurs pour maintenir la société sans la charge de rachat, moyennant le payement d'une redevance annuelle modérée et à la charge de fournir gratis les eaux aux pauvres. »


Le conseil répond que les actionnaires renoncent à l'entreprise sans le rachat des actions « qu'un avenir plus heureux pouvant s'ouvrir », il convient de faire produire intérêt aux 3.000 fr. donnés par le roi et que la ville, devant contracter un emprunt pour payer une dette, s'en chargerait.

L'intendant général veut connaitre « les motifs d'urgence d'acquitter les dettes de la ville à l'aide de cette somme et les ressources qu'elle aurait pour la rétablir à sa destination (22 février 1843). » Le conseil s'empresse de proposer un autre emploi, l'achat et l'amélioration des trois baraques et de l'ameublement de l'établissement provisoire formé en 1818 par M. Joseph Courtois, acheté ensuite par M. Antoine Dellozcour, puis par Ambroise Bérard qui a créé un petit jardin. Les baraques se composent d'une petite écurie en bois, d'un logement en partie en maçonnerie, d'une construction en bois pour les bains avec cabinet pour douches. Cet établissement, amélioré, serait confié à un fermier. Je ne trouve aucune réponse.

Le 3 mars 1844, le conseil, pour garantir de la prescription le droit de propriété de la ville sur les eaux thermales et les terrains adjacents, impose à Bérard une redevance annuelle de 20 fr. Il est découragé et, dans une délibération du 26 novembre 1844, il dit « que toutes les tentatives de former un établissement ont été infructueuses et que l'on ne doit pas mieux espérer de l'avenir. » Sans doute, car le mauvais vouloir du ministère de Turin est manifeste et rien ne permet d'entrevoir 1860.

V

Des tentatives de résurrection des vieux projets ont lieu de temps en temps. Le 30 août 1849, 10


M. BlaiseRobbino, négociant à St-Jean, propose d'acquérir les sources des eaux thermales à certaines conditions. Le conseil nomme une commission composée de MM. les docteurs Dupraz et Mottard et Hybord, juge du mandement. Leur rapport est favorable[eh principe la ville, aprôs autorisation, cédera les sources et les terrains adjacents elle aura la faculté de rachat pendant trente ans, en restituant la valeur des constructions qui seront faites suivant un plan arrêté de concert il y aura un robinet pour le public et un cabinet pour les pauvres l'établissement sera ouvert dans deux ans. Mais le 18 septembre on discute les conditions de détail et l'on ne peut s'entendre.

Le 10 juin 1851, M. le chevalier Mathieu Bonafous signe un acte dans lequel il propose la formation d'une société anonyme sous le nom de Société des eaux thermales de l'Echaillon, au capital de 20.000 livres divisé en cent actions. M. Bonafous s'engage à en prendre cinquante la ville en prendrait dix avec la somme donnée par le roi Charles Félix, dont le reste serait employé au rechargement de la digue la société fera construire les édifices nécessaires et après quarante ans la ville deviendra propriétaire des bâtiments et du mobilier.

La Société se constitue immédiatement et nomme un conseil d'administration provisoire. Ce sont MM. Folliet intendant, Fay syndic, Mottard médecin et Falcoz architecte. Quarante quatre actions sont souscrites dans l'année.

Le 13 décembre, le conseil municipal exprime sa reconnaissance à M. Bonafous pour ce nouveau bienfait (1), et adhère à l'acte du 10 juin. Il charge le con(1) Un des ancêtres de M. Mathieu Bonafous avait commencé à St-Jean l'établissement d'une manufacture pour corder et filer les bourres de soie (Trav. de la Soc., série, t. 3, 1. part p. 84). Lui-mime avait doté la Tille d'une bibliothèque et d'un jardin ex-


seil délégué d'intervenir au contrat définitif de société, de consentir « à toutes les modifications qui seraient faites aux statuts par les actionnaires et de faire tous actes qu'il écherra pour conduire à sa fin une entreprise qui est depuis longtemps l'objet des sollicitudes des habitants de la ville. » II espère que la sanction royale sera accordée, parce que la ville n'assume aucune charge qui grève son budget Mais M. Bonafous meurt quelques mois après. C'est un malheur irréparable. Son frère, M. Alphonse Bonafous, serait tout disposé à exécuter ses engagements mais il a un cohéritier qui ne répond pas aux lettres de M. Folliet. Ou a un moment la pensée de demander l'autorisation de recourir à la justice (Délib. du 12 mai 1853), mais on l'abandonne. Le 7 décembre 1854, le syndic, M. Fay, soumet au conseil un projet de statuts d'une nouvelle société dont l'objet est « de pratiquer à ses frais les travaux nécessaires pour réunir dans des réservoirs les sources thermales de l'Echaillon et les garantir de tout mélange avec les eaux de la rivière d'Arc. Elle aura la jouissance des terrains appartenant àla ville, exploitera les eaux à son profit et sera dissoute après vingthuit ans. Elle sera remboursée de ses dépenses, si dans ce laps de temps il vient à se créer une autre société, au capital d'au moins 30.000 fr., qui se charge de la construction d'un établissement balnéaire.

La société se constitue par acte sous seing privé du 14 février i855. Le 3 mars l'intendant, M. le comte de Faverges, transmet au syndic l'approbation de la délibération par laquelle la ville a cédé, à la société pour vingt-huit ans, les eaux et les emplacements périmental qui a dû céder une place au groupe scolaire. En témoignage de reconnaissance, le conseil lui décerna en 1850 des lettres de bourgeoisie et fit faire à sa mémoire, le 21 avril 1852, un service solennel.


environnants. Le 3 juin 1857, M. Jean Deschamps, procureur, président du conseil d'administration de la société, en conformité de la délibération du 7 décembre 1854, présente au conseil municipal le compte des travaux exécutés aux thermes dé l'Echaillon il s'élève à 13.298 fr. 70 cent. Le 3 octobre 1863, Ducruez notaire, la société achète les constructions appartenant à Ambroise Bérard et consorts. Le petit établissement marche tout petitement. En juillet 1881, on travaille à rétablir la prise d'eau qui doit mettre en mouvement la roue hydraulique des bains. Il ne reste jamais rien pour les actionnaires et ils ne sont pas contents. M. Deschamps donne sa démission de membre de la commission des travaux. Le 27 août 1882, ensuite d'une décision du conseil, il écrit au maire, M. F. Truchet, que la Société Deschamps etC'e considère comme expiré à son échéance, le 1" mars 1883, le bail des eaux thermales de l'Echaillon consenti par la ville, sous réserve des droits acquis.

En prévision de la dissolution inévitable de la société, la ville avait déjà commencé à prendre les mesures nécessaires pour obtenir l'autorisation d'exploiter les eaux, soit directement par elle-même, soit par un concessionnaire, s'il s'en présentait offrant des conditions convenables. J'analyse succinctement les pièces de cette partie toute récente de l'histoire de nos thermes.

Décembre 1880. Epuisement des bassins des eaux pour l'étude géologique que fait M. Lévy, ingénieur des Mines, et pour l'analyse officielle confiée à l'Académie de Médecine. Envoi des eaux. On commet la faute grave de l'expédier dans des bonbonnes, au lieu de la mettre dans des bouteilles I Février 1881. Nouvel envoi, en bouteilles cette fois, à M. Carnot, ingénieur des Mines et directeur


des essais au laboratoire de l'Ecole des Mines. L'analyse des eaux a lieu au mois de septembre suivant. Mars 1885. MM. F. Truchet, maire, et Delarue, conducteur des Ponts et Chaussées, procèdent de nouveau à l'épuisement des bassins. On accusait l'opération précédente d'être entachée de quelque menue irrégularité et il importait de prémunir contre tout soupçon d'impureté les eaux qui allaient être soumises à un nouvel examen. Le maire surveille minutieusement la mise en bouteille, le bouchage, etc. etc., et adresse l'envoi au Ministre du Commerce.

Août 1885. Avis favorable de l'Académie de Médecine à la demande de la municipalité de St-Jean d'exploiter les sources de l'Echaillon appartenant à la ville. L'Académie nous apprend que le débit total est de 5 litr. 9 par seconde, soit 500 mètres cubes en 24 heures que l'eau est bien captée qu'à l'analyse elle donne pour un litre

Bicarbonate de chaux 0 gr. 624 de magnésie 0 gr. 030

de fer. 0 gr. 018

Chlorure de sodium. 3 gr. 400 Sulfate de chaux 0 gr. 792 Sulfate de magnésie. 0 gr. 040 Alcalins 0 gr. 230 Silice 0 gr. 040 Total. 5 gr. 174

Acide carbonique libre en petite quantité. 3 septembre 1885. Arrêté du ministre du Commerce Legrand autorisant l'exploitation et la vente de l'eau minérale de l'Echaillon.

Une manque plus qu'un établissement de bains et un hôtel convenables. Il faudrait bien aussi à cette esplanade nue, ravinée, un peu de nivellement, de


sable, de verdure et d'ombre à ces rocs à pic, sauvages, là où il serait possible d'utiliser ou de mettre un peu de terre, quelques morceaux de vêtement piqués d'arbustes et de guirlandes. Patience 1 Tout pourra venir avec le temps.

25 avril 1893. Traité entre la ville et Joseph Pitavino, négociant à Paris La ville cède pour quatre-vingt-dix ans les terrains, les constructions, les sources et tous ses droits quelconques. Dans les deux premières années, Pitavino opèrera le captage et l'isolement complets des sources dans les cinq années suivantes, il construira un établissement thermal d'une valeur minimum de cent mille francs. A l'échéance du terme convenu, tout deviendra la propriété de la ville. Pitavino recueille des souscriptions pour la formation d'une société.

L'opération la plus importante et la plus pressante pour l'exécution du traité, c'est le captage des eaux et leur isolement de toute infiltration de celles de l'Arc. Pitavino s'adresse à MM. Edouard Lippmann et C de Paris qui racontent ainsi leurs travaux dans un rapport du 3 juillet 1895, lorsque leur suffisance était déjà contestée par la municipalité « Jusqu'en juillet 1893, la source coulait à travers les alluvions de l'Arc dans une chambre maçonnée de forme elliptique. On avait bien cherché primitivement à en faire le captage mais gêné par le volume d'eau débité par la source et par les infiltrations du torrent, on avait dû abandonner l'espoir de descendre les murs de la chambre directement sur le rocher et, après des essais coûteux, on s'est décidé à bâtir sur les alluvions. Ce travail n'a donné aucun résultat appréciable, car il n'a pu supprimer les infiltrations d'eau douce. Çn juillet et août. il a été fait un sondage traversant les alluvions sur 2m45 d'épaisseur et'allant prendre le contact direct du rocher,


à la surface duquel coule l'eau minérale. Ce forage a été tubé par deux tuyaux en tôle concentriques ayant respectivement 210 et 165" de diamètres intérieurs, dans l'intervalle desquels on a coulé, pour amener l'étanchéité des parois, un béton de ciment, x Le tube central est percé de trous à sa partie inférieure et s'élève à quelques centimètres au-dessus de l'eau de la citerne.

Avril 1894. La ville demande à la municipalité d'Hermillon de louer à Pitavino la partie 'inférieure de la montagne toute nue au pied de laquelle est placée l'esplanade des eaux. On y ferait quelques travaux de protection et d'agrément. Refus, sous prétexte que les maigres pàturages desséchés qui sont au-dessus du précipice à pic, sont indispensables aux habitants du hameau de Mont-André. Espérons que plus tard un accord pourra se faire, avantageux aux deux communes.

Le système de captage et d'isolement des eaux thermales employé par M. Lippmann a le mérite d'une grande simplicité mais comme celles-ci, au lieu de sourdre par un trou du rocher, auquel le tuyau s'adapterait, coulent sur la surface, il le dit lui-même, il est clair que ce tuyau n'en réveille qu'une petite partie, tant que les trous ne seront pas obstrués, et que les clauses du traité du 25 avril 1893 ne sont pas remplies.

Naturellement la ville réclame et, quand les deux ans sont écoulés, exige la résiliation du traité. Pitavino refuse et déclare qu'il épuisera toutes les juridictions. La situation se complique. Une autre société en formation, représentée par M. Cudet, capitaine de gendarmerie en retraite, et un eomité provisoire, demande à être substituée à Pitavino on la laisse d'abord s'entendre avec lui. Au mois de décembre 1895 une convention est signée entre MM.


Cudet et Pitavino. La municipalité y souscrit le 14 mars 1~96 les clauses sont les mêmes que celles du traité avec Pitavino.

Mais la société meurt avant d'être complètement née et la ville se retrouve en face de Pitavino qui reprend son traité. On emmanche un procès qui peut durer longtemps quel magnifique défilé, en perspective, de procédures, de requêtes, d'enquêtes, de rapports, d'incidents, de jugements, d'appels, etc., etc. 1 Le défilé commence. Le 1 décembre 1898, le tribunal de St-Jean confie à trois experts MM. Kilian, professeur de géologie à Grenoble Badoureau, ingénieur en chef des Mines, et Révil, pharmacien-géologue, tous deux de Chambéry, la mission de voir si Pitavino a fait tous les travaux de captage auxquels il était tenu. Ordonnance dont je me félicite personnellement, car je lui dois de trouver dans le rapport de MM. Kilian et Révil un complément scientifique dont je vais enrichir mon histoire et que j'aurais été incapable de lui donner

Quant au procès, il dut attendre le rapport des experts et, en l'attendant, il mourut, ce qui fut très sage de sa part. Le 17 février 1900, la ville et Pitavino signent une transaction. Pitavino renonce à la concession les travaux exécutés, les installations faites, le matériel apporté par lui, restent la propriété de la ville, à l'exception de cinq caisses non déballées et d'une pierre ronde servant de table. Le résultat plus que maigre obtenu des sociétés à vastes projets, à concessions à long terme et à courte vie que nous avons vues se succéder depuis 1834, n'est pas pour inspirer l'illusion d'en attendre encore une. On accepte une combinaison plus simple, plus pratique, plus avantageuse aux finances de la \ille qui assure et améliore l'état présent de l'Echaillon, sans préjudice à de plus hautes visées pour l'avenir.


Le 6 décembre 1901, la ville loue, pour neuf ans à partir du 1" février 1902, à M. Joseph Tronel les terrains, constructions, sources et droits quelconques, le matériel et le mobilier existant, baignoires, pompes, etc. M. Tronel payera à la ville une location annuelle de neuf cents francs il couvrira le canal d'amenée des eaux de l'Arc, construira une balustrade en fer le long de la digue, fera les réparations utiles aux bâtiments, bassins et conduits des eaux il pourra, s'il en est besoin, après autorisation du cons eil municipal, reconstruire le bâtiment servant d'habitation et de café.

Déjà une amélioration importante vient d'être achevée. A la place de la barraque en planches, premier germe de l'établissement thermal rêvé depuis près d'un siècle et qui dans sa pauvreté a rendu bien des services, la ville a construit, sous l'intelligente direction d'un employé des Ponts et Chaussées, M. Dubettier, un édifice, non pas luxueux, mais convenable, solide, d'agréable aspect, comprenant une salle de douches et huit cabinets de bains, proprets, meublés de baignoires,'de robinets, et de tout ce qui est nécessaire aux baigneurs. Dans le corridor est placé un robinet d'eau thermale potable.

De son côté, M. Tronel n'a pas perdu de temps. En quelques mois, l'esplanade a été nettoyée, nivelée, sablée la route qui la borde le long de la rivière, a été rectifiée, élargie, garnie d'une grille en fer légère et au moment où j'écris cette histoire (mai 1902), pour préparer les éléments scientifiques de la visite que la Société d'Histoire et d'Archéologie fera prochainement à l'Echaillon, il met la dernière main, aussi sur les plans de M. Dubettier et sur l'empacement de la vieille maisonnette Courtois, à une vaste et jolie salle à manger, flanquée et surmontée de


quelques chambres et d'une cuisine. La ville, qui à l'expiration du bail deviendra propriétaire, est intervenue dans la construction par une subvention pécuniaire. En attendant mieux, les hôtels de la gare sont tout près et ceux de la ville eut des voitures comme café et comme restaurant, l'établissement Tronel répond à toutes les exigences.

VI

Le 3 juillet 1901, MM. Kilian et Révil adressent à M. Truchet, maire de St-Jean-de-Maurienne, leur « Rapport sur les sources minérales de l'Echaillon près St<Jean-de-Maurienne, et sur les dispositions à prendre pour leur captage (1). » Il comprend cinq chapitres I* Situation géologique, je vais le reproduire textuellement et je suis sûr qu'il intéressera vivement les géologues qui visiteront nos thermes 11° historique, nécessairement très succinct III' Nature de l'eau de l'Echaillon, je le reproduirai plus loin, ainsi que le IV' Etat actuel des sources V Méthode rationnelle de captage et de protection, à quoi mes lecteurs et moi n'avons rien à voir, cela regarde l'administration et. les finances, comme MM. Kilian et Révil l'insinuent eux-mêmes discrètement.

« La colline au pied de laquelle se trouvent les sources de l'Echaillon présente une structure assez compliquée et porte la trace de plissements et d'étirements énergiques dus aux efforts orogéniques. < En effet, en face du pont qui traverse l'Arc, près de la gare de St-Jean-de-Maurienne, et lorsqu'on se dirige vers l'Echaillon en remontant la rive droite de (1) Ce rapport a été publié dans l'Indicateur de la Maurienne, M"' des 17, 24 et 31 août 190t.


l'Arc, on rencontre successivement

11° Gneiss amphibolique et granite gneissique passant vers le haut et sans limite précise à une sorte de grès arkosique laminé (1); c'est dans ces roches, non loin de l'apparition de la bande n' 2 b que sourdent, des fissures du granite, les sources thermales de l'Echaillon

« 2' Mince bande d'arkose à éléments granitiques (probablement du trias intérieur)

« 2° bis. Minre bande synclinale de calcaires bleuâtres à patine rousse (calcaire capucin) en gros bancs étirés et au point d'affecter, vers le haut de l'escarpement, une disposition en chapelet au milieu des schistes cristallins. Cette bande s'amincit jusqu'à n'avoir plus que 5 à 6 centimètres d'épaisseur et ne tarde pas à disparaître vers le haut du promontoire c'est une sorte de « coin » calcaire. Ces calcaires, probablement triasiques, sont accompagnés de schistes noirs liasiques

« 3° Granite gneissique. Au pied de l'escarpement, dans les alluvions, on a signalé à ce niveau un deuxième point d'émergence d'eau minérale, jadis captée par les ducs de Savoie

« 4° Bande de dolomies à patine capucin et de calcaires du lias (belmnites sp. pgK~cW~Ms). Cette intercalation synclinale avait été décrite par Lory dès 1860 elle a été exploitée pour la fabrication de la chaux on peut la suivre vers le nord en montant sur les rochers on voit alors s'y intercaler des schistes noirs du lias supérieur puis la bande se termine en pointe au milieu des schistes cristallins. On y remarque des calcaires compacts bleuâtres à la surface desquels s'aperçoivent quelques coupes de pentacrines. Ils appartiennent au lias inférieur. Des grès (1) Faisant légèrement effervescence avec les acides (acide chlory, drique).


brunâtres recouvrent les roches cristallines au haut de l'abrupt en prenant un peu de recul, on les voit se recourber d'une façon très accusée et dessiner, à l'est de la bande de lias, pli anticlinal très net. Cette constatation, qui avait échappé à nos devanciers, permet de conclure que les gneiss, granites et arkoses forment, dans le promontoire de l'Echaillon, sur une étendue relativement restreinte, deux synclinaux et deux anticlinaux, et qu'ils renferment dans leurs replis des lambeaux de calcaire capucin (trias supérieur) et de calcaire liasique. Ces intercalations avaient induit en erreur notre regretté maître Ch. Lory et l'avaient porté à considérer cette multiple série comme une suite unique de couches se succédant en ordre ascendant

« 5° Gneiss granitique et michaschistes passant insensiblement au n° 6. On peut les étudier près d'un four à chaux (1) établi au pied de la petite falaise rocheuse (3* point d'émergence de ~M< minérale)

t 6° Roche schisteuse verdâtre, d'aspect satiné (exploité dans une carrière). L'examen microscopique a montré que cette roche a la composition du granite c'est un granite laminé, les strates inclinent de 50' vers le sud-est

« 6' bis. Vers le haut, cette roche passe à une sorte d'arkose qu'il est fort difficile de distinguer à l'œil nu du granite laminé. Cette arkose représente sans doute la base du trias

7° Schistes liasiques noirs avec cristaux de pyrite faisant effervescence avec les acides, exploités comme mauvaises ardoises dans le jardin d'une propriété voisine. On voit dans ces schistes un banc lenticulaire de calcaire cristallin, fort analogue au calcaire liasique des Etroits du Ciex, en Tarentaise (1) Dans lequel on calcinait les calcaires de la bande 4.


« 8° Schistes luisants et dolomies probablement triasiques avec bancs silicieux. On peut voir, en avançant vers l'est; ces schistes et dolomies associés à du gypse (débouché du vallon de Montandré). C'est à cette place de la coupe que s'intercale, vers le village de Montandré, une masse anticlinale de quartzites

« 9° Gypses de l'Echaillon. Les premières couches que l'on voit affleurer ensuite sur la rive gauche du ravin de Montandré consistent en grès quartzeux jaunâtres, qui forment le noyau de l'anticlinal triasique succédant au synclinal précédent. Les gypses superposés aux grès présentent un développement considérable sur sa branche est et afûeurent jusqu'au ravin situé à l'est du hameau de l'Echaillon. Ils sont surmontés en ce point par quelques bancs de cargneules et par des schistes argileux, qui sont assez constants à la partie supérieure de cette bande triasique. Viennent ensuite les schistes argilo-calcaires du lias.

« Le contact du jurassique et du trias ne s'observe pas d'une façon bien claire et l'on ne voit nettement, entre l'Echaillon et le pont de Villarclément, que les couches schisteuses en petits lits et fortement ravinées du lias. Elles ne sont fossilifères que dans leurs dernières assises, où ont été signalées des ~gK.~cr!nes, des belemnites et quelques ammonites peu déterminables.

« La succession qu'on vient de lire nous montre donc comme accident remarquable la présence d'une étroite bande synclinale de lias, non encore signalée, à côté d'un autre synclinal, connu depuis 1860, dans les granites gneissiques de l'Echaillon. Cette bande très étirée « en chapelet comprend, outre des schistes noirs de l'infralias et du lias, quelques bancs de dolomie triasique à patine roussâtre.


II. Lorsqu'on s'éloigne de l'Arc et que l'on monte vers la chapelle St-André, il est facile de s'assurer que la masse des terrains cristallins dans lesquels s'intercalent localement les coins calcaires n°2et 4 va s'enfoncer sous la série sédimentaire de Montandré (suite vers le nord-est des n°' 6 et 9 de la coupe), constituée comme suit au-dessus et sur le chemin d'Hermillon à Montandré

< 1° Arkose et grès gris brunâtres quartziteux (Chapelle St-André) formant la base du trias, visibles en-dessous du chemin d'Hermillon, près de la chapelle St-André

« 2' < Calcaire capucin t bleuâtre à l'intérieur, à patine roussâtre cette assise, qui est parfois assez difficile à séparer des calcaires liasiques, manque en plusieurs points et le lias repose alors directement sur le cristallin sous forme de brèche à fragments de granite et morceaux du gneiss sous-jacent, noyaux de calcaire gris, fragments de calcaire capucin, dans un ciment de calcaire gris identique au calcaire liasique ordinaire

« 3' Calcaires en dalles et schistes noirs du lias, continuant ceux de la carrière d'ardoises de l'Echaillon

x 4* Schistes phylliteux luisants, dolomies et bancs siliceux du trias, revenant par un plifaille (anticlinal) sous le lias. Ils forment la suite de la bande n' 8 observable à l'entrée du ravin de Montandré, près de l'Echaillon, et supportent des gypses < 5° Gypses (Montandré, Champessuit) surmontées de schistes bariolés, continuation de ceux de l'Echaillon

< 6' Lias

< 7° Brèches et grès éogènes des pâturages de Montdenis.

< Ajoutons qu'un petit replat entre Montandré et


Hermillon est occupé par des dépôts morainiques recouvrant les gypses au-dessous de Champessuit. < Au pied du promontoire que nous venons de décrire et dont nous venons d'exposer la structure dans tous ses détails, sourd donc en plusieurs filets, dont la plupart se mélangent dans les alluvions à l'eau de l'Arc, une source thermale d'une température qui atteignait jadis environ 43° centigrades et dans laquelle l'analyse a révélé la présence des sulfates de soude, de magnésie et de chaux, des chlorures et iodures de sodium et de magnésium (1). L'eau de l'Echaillon sort des fentes des arkoses et du granite au voisinage d'un petit synclinal liasique. « Son origine paraît être la suivante

« Résultant d'infiltrations météoriques, elle s'est minéralisée en traversant les grandes masses gypseuses, légèrement salifères, qui affleurent au-dessus de Montandré et de Champessuit, elle a pénétré en profondeur par des fissures des roches cristallines, où elle a acquis sa thermalité (voir plus loin). « Cette eau a remonté dans les fentes du granite et s'épanche en un point bas, c'est à dire à peu près au niveau de l'Arc, comme le fait, plus en aval, la source de Pontamafrey. »

VII

Giobert qui, on s'en souvient, visita les eaux de l'Echaillon en 1821, dit au. sujet des sources <[ Elles étaient au nombre de deux au temps de Favre, qui assigna à chacune un nom. La supérieure a été nommée la Caroline, l'inférieure la Vittoria. Maintenant les sources sont au nombre de deux ou trois encaissées dans un réservoir commun construit en (1) Charles Calloud Rapport sur la collection des eaux minérales de la Savoie, Chambéry, imprimerie Puthod, 1855.


pierres de taille d'une épaisseur énorme. « Les eaux jaillissent de bas en haut des fentes d'un grand rocher granitique, et en très grande quantité, dont l'excédent à la capacité du réservoir va se jeter dans la rivière au moyen d'un tuyau et d'un canal de décharge. C'est par ce tuyau qu'on a pu déterminer au moins par approximation la quantité qu'elles en fournissent. Cette quantité d'eau est de sixbrentes de Piémont, soit trois cent bouteilles en trois minutes et trente-quatre secondes.

« Un fluide aériforme. jaillit en même temps des fentes de ce même rocher, et des bulles nombreuses de gaz agitent l'eau sans cesse et viennent crever à sa surface.

« La température des eaux est d'e 31 à 32 degrés, échelle de Réaumur. »

MM. Kilian et Révil, mieux outillés par les progrès si considérables que les sciences physiques ont accomplis depuis 1821, décrivent ainsi la nature de l'eau de l'Eehaillon et l'état actuel des sources « Les eaux de l'Echaillon appartiennent à la catégorie des sources salines thermales qui sont très fréquentes dans les Alpes françaises et dont les principales sont, en allant du sud au nord Monestier-deBriançon, la Motte, Uriage, Allevard, Brides, SalinsMoûtiers, Bonneval (près de Bourg-St-Maurice), StGervais, etc. Ces diverses sources sont également en relation avec les terrains triasiques.

« D'après une analyse effectuée à l'Ecole supérieure des Mines de Paris, en 1881, et reproduite dans l'ouvrage de MM. Jacquot et Willm, sur les eaux minérales de France (1894), les eaux de l'Echaillon auraient la composition suivante (1)

(1) On remarquera que cette analyse ne fait pas mention des iodures mentionnés par Calloud. Il conviendrait donc de procéder à une nouvelle analyse pour confirmer l'existence de ces sels, si importants au point de vue médical.


Acide carbonique des'bicarbonates. 0 gr. 4272 – libre 0 gr. 0881

Bicarbonate de calcium 0 gr. 6379 – magnésium 0 gr. 0460 – ferreux 0 gr. 0106 Chlorure de sodium 3 gr. 6071 potassium. 0 gr. 0275 Sulfate de calcium 0 gr. 8447 – magnésium 0 gr. 3351 – sodium. 0 gr. 2206 Silice. 0 gr. 0425 Matières organiques. traces. 5 gr. 7720

Poids du résidu fixe. 5 gr. 5600

« Ces eaux peuvent être classées au point de vue de leur thermalité, à côté de celles de St-Gervais (Haute-Savoie), Ussat, Châtel-Guyon, Eaux-Chaudes, Eaux-Bonne, Lamalou, etc.

« Le degré indiqué par les divers auteurs qui s'en sont occupés (Jacquot et Willm 30° de Launay 32°) est trop faible. Il résulte, en effet, d'une note qui nous a été remise par M. le Maire de St-Jean-deMaurienne, que leur température, le 20 juin 1901, après deux heures de non fonctionnement de la pompe, était à dix heures du matin, de 34°4 dans le réservoir de distribution et de 34°2 aux robinets des baignoires. Cette température n'étant pas prise au griffon doit être plus faible que celle de l'eau thermale au sortir de la roche.

« Au point de vue de leur composition chimique, ce sont des sources thermo-minérales salines on peut les placer à côté des eaux de Bourbonne (HauteLoire), Albans, La Bourboule, Uriage, etc. elles sont à la fois chlorurées sodiques et magnésiennes. <: Nos observations, grandement iacilitées par les H


dispositions qu'a bien voulu prendre M. le Maire de St-Jean-de-Maurienne, l'éminent M. Truchet, pour rendre accessibles les griffons de la source, qu'avaient complètement cachés les travaux de captage antérieurs, peuvent se résumer comme suit

c Les sources thermales de l'Echaillon sourdent un peu au-dessous (à environ 4 m. en contrebas) de la rivière de l'Arc (en temps de crue), au pied d'une falaise rocheuse.

x L'origine de ces sources est, comme nous l'avons dit plus haut, la suivante les eaux ayant traversé les couches triasiques (ce qui est le cas de nombreuses sources alpines, Uriage, Allevard, Salins, Brides, etc.,) pénètrent en profondeur, grâce aux pentes produites par les dislocations, et y acquièrent une certaine température. Circulant avec une faible vitesse, dans une multitude de fissures étroites, elles s'échauffent progressivement et arrivent en un point avec une température peu différente de la roche en ce point (1). Grâce à la pression hydrostatique des eaux froides plus denses, descendantes, elles effectuent une montée plus rapide par la voie facile qui leur est offerte par le contact des roches cristallines et sédimentaires, ainsi que par les diaclases du granite qui s'y rattachent. Elles ne peuvent monter plus haut que la surface hydrostatique et s'écoulent alors au point bas, c'est à dire dans le thalweg de l'Arc. Mais la surface hydrostatique s'élève dans l'intérieur du massit et on peut aller y chercher les eaux par des puits et des galeries.

< Quant à la minéralisation, elle a son origine, comme c'est le cas pour toutes les sources précitées, (1) Il est de constatation classique qu'il y a accroissement de température du sol en profondeur et le degré géothermique d'un point est le nombre de métres dont il faut s'enfoncer pour observer un accroissement d'un degré. Le nombre est en général d'environ 30 m.


dans la bande de terrain triasique gypsifère et très légèrement salifère (Montandré, Champessuit) que les eaux d'infiltration ont traversées avant d'arriver en profondeur.

« Elles sourdent manifestement des diaclases (fissures) des schistes cristallins (granite gneissique et schisteux) d'où elles gagnent les alluvions de l'Arc dans lesquelles leur composition se modifie légèrement et où elles ont fait l'objet de plusieurs captages anciens.

< Ces eaux, arrivées dans les graviers (alluvions) de la rivière, se mélangent en effet à celles de l'Arc ety perdent en partie leur thermalité. C'est le cas pour les points d'émergence anciens situés en amont du petit établissement récemment aménagé par la ville de St-Jean et notamment pour le point où l'on reconnaît encore des travaux remontant à l'époque des ducs de Savoie.

« Trois points situés dans les souterrains de l'établissement permettent d'observer nettement l'eau thermale à la sortie de la roche en place c'est le point t situé à quelques centimètres du point où elles vont disparaître sous les alluvions ce sont également les points qui montrent nettement des griffons dans la roche en outre, la source Foderé, plus ferrugineuse que les autres, a été captée, dit-on, dans la roche cristalline, mais le griffon lui-même n'est pas visible à cause des travaux de captage en ciment qui en 'rendent l'accès impossible. Les autres griffons situés dans la partie sud du souterrain, sont établis dans les alluvions et ne recueillent que des eaux mélangées avec les eaux de l'Arc, tel est le cas notamment pour le captage établi par le sieur Pitavino.

< D'après les affirmations de M. le Maire, il existe une série d'autres griffons d'eau chaude dans le lit même de l'Arc. Les grinons situés dans la roche


fournissent de l'eau thermale à la température de 34° à 40° (1), tandis que ceux qui sont situés dans les alluvions n'accusent qu'une température bien inférieure.

t Les nombreux griffons de l'Echaillon ne sont que des ramifications d'une fente principale (probablement à la limite des terrains primitif et sédimentaire). Il faudra recouper ces massifs en profondeur par des travaux si l'on veut faire un captage utile. « Ajoutons que tous les griffons précités et toutes les anciennes sources sont placées au voisinage du contact des roches granito-gneissiques et des bandes sédimentaires. En outre, ceux des griffons qui ne proviennent pas d'infiltrations dans les alluvions et qui sont dans la roche cristalline en place sont situés dans le voisinage d'une grande fissure (diaclase) des schistes granito-gneissiques, visible à l'extérieur, dans les escarpements qui dominent l'emplacement de l'établissement.

c Tous ces griffons sont à 4 m. environ au-dessous du niveau de l'Arc, dans deux souterrains établis dans les sous-sols de l'établissement et dont on avait épuisé l'eau au moyen d'une pompe, lors de notre visite.

« D'après M. Dubettier, conducteur des travaux, on a pu constater que les eaux qui viennent dans le grand bassin ne s'élèvent pas indéfiniment. « Quand elles arrivent à un niveau de 5 m. 50 environ en dessus du fonds du bassin visité le jour des opérations, elles s'arrêtent, et un déversoir qu'on (1) Le thermomètre dont on s'est servi le jour de la descente dans tes bassins n'est pas exact. D'après M. Dubettier, il y a lieu d'ajouter 10 à 12° à toutes tes constatations qui ont été faites au moyen de cet instrument.

En effet, placé au soleil avec un autre thermomètre ordinaire mais exact, ce dernier accusait 36° alors que celui en question n'en montrait que 24 à 25. Pour les chiffres indiqués ci-dessus, nous avons tenu compte de ces rectifications.



avait cru nécessaire de faire ouvrir pour leur écoulement n'a pas été atteint par les eaux et a pu par conséquent être bouché.

« Il en est de même pour les eaux du petit bassin voisin du grand et qui entoure la source Fodéré. Mais là les eaux ne s'élèvent pas aussi haut que dans le grand bassin. Leur nappe supérieure est à 1 m. environ en contrebas de celle des eaux du grand bassin. « Ces faits s'expliquent tout naturellement par la surcharge que forme sur les griffons l'eau thermale retenue dans les bassins ils montrent que pour obtenir un débit satisfaisant, il conviendra, dans les travaux futurs, d'éviter une pareille charge sur les griffons.

< Faisons observer que les eaux de l'Arc pénètrent par des fissures de la muraille dans ces souterrains au moment des hautes eaux, ce que nous avons pu nettement constater, car nos observations ont été effectuées au moment où les eaux de la rivière avaient attelât, par suite de la fonte des neiges, un niveau assez élevé.

Au cours de l'excursion du 1" juillet 1902 à l'Echaillon, M. Villet, ingénieur, a fait lecture des notes suivantes, qui éclairent et complètent, en plusieurs points, le remarquable rapport de MM. Kilian et Révil. Ces notes sont le résultat des observations qu'il a faites en donnant, à plusieurs reprises, son concours dévoué, soit à ces messieurs, soit à M. le Maire. Il a en même temps fait passer sous les yeux de la Société les plans qui sont intercalés ici et qui facilitent l'intelligence de tout ce mémoire.

« En 1883, les bassins ont été vidés complètement, nous avons pu reconnaître en restant plusieurs heures au fond de la chambre principale, avec M. Tru-


chet, maire de St-Jean, que les maçonneries étaient élevées moitié sur la roche granitique crevassée et moitié sur les alluvions de la rivière d'Arc. Les griffons étaient très visibles dans le massif et dans les schistes argileux dans ces derniers l'eau de l'Arc pénétrait également diminuant ainsi la thermalité ordinaire qui s'abaissait à 29 degrés.

« De cette visite très soigneuse, on avait déjà conclu que, pour faire un captage, il était nécessaire de tracer une galerie horizontale partant du massif extérieur à 3 ou 4 mètres au dessus du sol, derrière l'éta.blissement actuel, en lui donnant la direction sensiblement nord-est, qui est celle d'une grande fissure bien nette. Cette galerie de 15 à 20 mètres environ, aurait pu n'atteindre que des eaux ferrugineuses provenant de la décomposition des pyrites de fer contenues dans le granite, mais à ce moment, on aurait pu la continuer en se dirigeant nettement vers l'Est pour recouper les deux bandes de calcaire du Lias, pincées dans le terrain cristallin c'est en effet sur une distance de cent mètres, de M. en N. que les eaux thermales sourdent en aval du sol extérieur. « Quelques années plus tard, l'exploitation de l'établissement ayant été accordée à M. Pitavino, ce concessionnaire fit exécuter en 1894, non pas un captage, mais un simple sondage dans la chambre principale, celle du Sud sondage partant, d'après les explications de l'entrepreneur des travaux, de l'affleurement de la roche granitique et s'enfonçant verticalement sur deux mètres, profondeur jugée suffisante puisque les eaux sourdent de ce forage qui a été garni de deux tubes concentriques dont l'intervalle est rempli de ciment. Pour éviter les infiltrations des eaux de l'Arc par les alluvions, on les a recouvertes jusqu'au niveau de l'entrée du tube, d'un fort radier en ciment prompt. On affirme que le son-


dage est arrêté dans la roche.

« Ces eaux ont repris peu à peu leur thermalité qui atteint aujourd'hui trente-quatre degrés, mais il est bien certain qu'elles n'ont pas la même composition que celle donnée en 1881, par une analyse faite à l'Ecole des Mines elles nous paraissent aujourd'hui essentiellement magnésiennes.

« Nous allons donner simplement l'explication de la coupe des terrains, qui est annexée aux quelques lignes qui précèdent.

« TERRAIN JURASSIQUE (Lias).

< L. Les eaux de pluie et a fortiori celles provenant de la fonte lente des neiges, s'infiltrent facilement dans ces schistes, la plupart du temps feuilletés et brisés il en résulte que par des crevasses naturelles, elles viennent traverser toute la partie gypseuse G et se minéraliser d'une manière spéciale. Dans ce terrain, elles prennent de la chaux que l'on retrouve dans l'analyse comme bicarbonate, et des pyrites de fer qu'elles dissolvent à l'état de sulfate. 1. Lias pincé dans le cristallin, composé d'un calcaire plus ou moins hydraulique et de bandes de dolomie, carbonate double de chaux et de magnésie, désignée sous le nom de calcaire capucin, à cause de la ressemblance de la couleur extérieure de cette roche avec celle de la robe portée par les moines de cet ordre.

« Dans ce terrain les eaux se minéralisent en carbonate double de chaux et de magnésie (sel beaucoup plus soluble que les carbonates ordinaires), et en présence des sulfates de fer, on comprendra qu'il en résulte la formation d'un sulfate de chaux et d'un sulfate de magnésie.

< Il y a lieu de remarquer que la dolomie ou chaux


carbonatée magnésifère, fait effervescence seulement à chaud avec les acides à froid elle se dissout lentement dans l'acide azotique sans dégagement sensible d'acide carbonique.

« TERRAIN DU TRIAS (gypse et quartzite). « G. Gypse ou sulfate de chaux. Les eaux extérieures n'éprouvent aucune difficulté à pénétrer à cause de la solubilité de la roche et des crevasses qui existent depuis la formation. Elles se saturent de sulfate de chaux et de chlorure de sodium ce dernier existe dans tous les bancs ou amas gypseux, en rognons ou autrement, comme le démontre l'eau salée de Pontamafrey. Ici, l'on peut être certain que les amas sont importants, car dans l'analyse de 1881, la minéralisation en chlorure de sodium représente les deux tiers de la quantité totale des résidus.

« Le chlorure de potassium accompagne toujours le sel marin.

« Q. Quartzite et dolomie. Dans les quartzites et le terrain cristallin, les crevasses existent ce sont elles qui conduisent les eaux à l'Echaillon, où elles sourdent dans la partie crevassée de la roche et dans les alluvions du lit de l'Arc, en formant les griflons dont nous avons déjà parlé. Elles sourdent aussi dans les deux parties inférieures du Lias. Le quartzite cède encore aux eaux, des sels d& chaux et de magnésie, et de la silice.

« TERRAIN CRISTALLIN

« C'. Gneiss et granite souvent talqueux. Ces rochers ne fournissent que pyrites ou sulfures de fpr et de la silice.

< Dans la formation gypseuse, en même temps que le chlorure de sodium, se trouve forcément du carbo-


nate de soude, qui, en présence d'un excès de sulfate de fer provenant des sulfures en grande quantité contenus dans le terrain cristallin, donne naissance à du sulfate de soude que l'on retrouve dans l'analyse, ainsi que du protoxyde de fer.

< TERRAIN MODERNE

< A. Alluvions et graviers de la rivière d'Arc. « a. Boues glaciaires et blocs erratiques.

« Nous pensons que les eaux de pluie et que le produit de la fusion des neiges qui recouvrent les sommets jusqu'à deux mille mètres, s'infiltrent dans les crevasses des roches, s'échaunent et devraient avoir, à l'Echaillon, une température de quarante degrés.

« Il n'y a rien d'étonnant à ce que les sources jaillissent comme si elles étaient pressées de bas en haut par une forte pression, car la roche cristalline est massive à la surface.

<[ Le rapport dressé par MM. Kilian et Révil, et remis ces temps derniers à la municipalité de St-Jean, contient tous les autres renseignements que l'on peut désirer. M. Kilian, professeur à la Faculté de Grenoble, est non seulement un savant distingué, mais un maître en géologie. M. Révil, s'occupe depuis de longues années, avec un véritable dévouement, de la constitution de nos Alpes

Je finis sur une question bien plus intéressante pour la clientèle des thermes que les notions d'histoire, de géologie et de chimie. Giobert lui consacre tout un chapitre De l'efficacité médicale de l'eau de l'Echaillon. Il constate d'abord d'une manière générale qu'étant une eau naturelle alcalino-néphrétique,


elle doit être laxative, dissolvante, d'une grande vertu contre les concrétions calculeuses formées par les acides uriques et phosphoriques, et par suite contre les maladies artritiques.

« Favre, dit-il, qui le premier les mit en vogue, les proclamait comme spécifique contre toutes les maladies Mais Fantoni a mis des bornes à ces exagérations, très excusables chez celui qui le premier a répandu l'usage de ces eaux en boisson, et il a dressé, en latin comme il convenait, un catalogue respectable des infirmités humaines auxquelles s'applique la vertu médicale de ces eaux. Elles sont purgatives (1) elles excitent l'appétit elles rendent de la couleur au visage elles fortifient elles activent la circulation du &ang et des humeurs elles débarrassent les glandes et les intestins elles combattent efficacement l'hypocondrie, le catarrhe du poumon, la chlorose, etc., etc. Il ne s'agit que des eaux prises en boisson les gens de l'art jugeront de leurs effets administrées en bains.

Les médecins de St-Jean sont, comme de juste, d'accord avec Fantoni. M. J.-B. Falcoz, qui exerce avec distinction la médecine depuis dix-sept ans, a communiqué à M. Giobert ses observations. Il y a vu trois guérisons de la jaunisse de nombreuses guérisons de goitres, de tumeurs glandeuses, de scrofules, de dartres, de fièvres intermittentes, de rhumatismes chroniques, d'embarras gastriques. « Heureux, s'écriait en terminant le docteur Falcoz, si mes observations peuvent convaincre que l'usage intérieur et extérieur des eaux thermales de l'Echaillon est utile dans plusieurs maladies 1 J'aurai par là contribué au soulagement de l'humanité. x Mais < depuis lors, disent MM. Kilian et Révil, à la suite de secousses seismiques et surtout par suite (~ Alvum movere solent t?KM!t'Mte~Me per vias MftMce «Mdere.


d'un captage maladroit, qui n'a pu empêcher leur mélange avec les eaux d'infiltration de l'Arc et n'a pas suffisamment isolé les griffons de la source, les eaux de l'Echaillon ont perdu une partie de leur thermalité et de leur minéralisation. On exploite en ce moment pour les bains des niets d'eau captés en grande partie dans les alluvions et fortement dilués par les infiltrations de l'Arc, surtout au moment des crues de cette rivière. »

Pour que nous ayons le droit de répéter le souhait du bon docteur Falcoz, il n'est pas nécessaire que nous attendions que l'on ait pu rendre aux eaux de l'Echaillon toute la vertu qu'elles possédaient avant que, pour de justes raisons, on leur ait imposé, au xv siècle, le voisinage permanent de l'Arc, ni même toute celle qu'elles avaient avant les secousses seismiques et le captage maladroit du xix". Il leur en reste suffisamment pour pouvoir contribuer encore au soulagement de l'humanité.


Les nobles de La Balme de Montvernier

Si du pont d'Hermillon on regarde les bords déchiquetés du plateau que se partagent les communes du Châtel et de Montvernier, on les voit comme coupés en deux parties presque égales par trois édifices d'un style et d'un âge bien diSérents A l'entrée du plateau, sur un mamelon abrupte et aride qui domine Hermillon et le bassin de St-Jean, la tour du Châtel

Au milieu, sur l'à pic au pied duquel Pontamafrey étend ses vignes et ses maisons, la tour du Villaret

Au fond, au sommet des lacets qui montent de Pontamafrey à Montvernier, une chapelle toute neuve et toute blanche, de style ogival.

Nous avons fait l'histoire des deux tours dans les deux bulletins de notre précédent volume (2). De la chapelle même il n'y a qu'un mot à dire elle est dédiée à la S' Vierge sous le vocable de l'Immaculée Conception et a été bâtie en 1863 sur l'emplacement et avec des matériaux de la maison-forte de La Balme. La famille noble à laquelle celle-ci (1) V. séances des 7 janvier, 4 février et 4 mars 1901.

(2) I* part., p. 202 et 227.

MÉMOIRES

1

et leurs fiefs (1)

I

LE CHATEAU


appartenait apparaît dans nos chartes au milieu du XIII' siècle mais il y a lieu de croire qu'elle était déjà installée sur ce rocher depuis longtemps, peutêtre depuis le XI' siècle et qu'elle en avait tiré son nom. Balma, dit Mgr Billiet, signifie rocher, grotte dans le rocher.

Ses armes étaient De gueules à la fasce d'or acco~pa~t chef d'Mt e étoile de même et d'un oiseau d'argent en pointe (1).

De l'antique manoir il ne reste que des tas de pierres amoncelées, quelques débris de maçonnerie le long de l'arête du rocher et, derrière la chapelle, une cave dont l'entrée est bouchée. D'autres caves existaient tout à côté, mais les voûtes ont été abattues. Peut-être formaient-elles dans l'origine une excavation naturelle utilisée par les constructeurs du château.

Autant que permet d'en juger la configuration du terrain, une haute muraille se dressait le long de l'arête du iccher; le donjon occupait l'emplacement de la chapelle actuelle la chapelle était à droite, séparée du donjon par le grand portail la cour s'étendait derrière les bâtiments dans l'espace vide de décombres au fond duquel le rocher se relève à pic, couronné de quelques sapins rabougris. Les jardins étaient plus loin, à droite, le long du gentil petit sentier qui du château va, entre.vignes et prairies, déboucher devant l'église. Si J'en en croit la tradition, le curé devait attendre, pour commencer les offices, l'arrivée du seigneur, ou de ses gens si le seigneur était absent.

Les bâtiments et leurs dépendances occupaient à peu près deux hectares de terrain. Maintenant cet ;1) Ce sont les armes données dans l'Armorial de M. de Foras. M. F. Truchet assure qu'elles sont fausses; il a vu sur un terrier: de. au lion de.


espace est couvert de vignes. Sur l'emplacement de la maison-forte on s'est contenté d'amonceler les pierres l'on a planté les ceps dans les intervalles et fait grimper des treilles sur les amoncellements, sans se préoccuper des élévations et des dépressions du terrain.

La date de la destruction de la maison-forte de La Balme n'est pas connue. Tout ce que l'on sait, c'est qu'elle fut occupée par Lesdiguières au mois de juin 1597 et reprise, en mars 1598, par Don Amédée de Savoie. Peut-être le commencement de sa ruine datet-il de cette époque.

Les nobles de La Balme possédèrent d'abord deux maisons à St-Jean-de-Maurienne dans la rue Bonrieu. L'une était située à droite de l'entrée du chemin qui a été ouvert en 1882 pour donner une issue du côté du Clapey. On y voit encore une tour carrée et la plus grande partie des bâtiments, dont plusieurs pièces ont conservé des restes de peintures murales, des solives de planchers à consoles sculptées, etc. le mur de façade et le portail en tuf à plein cintre ont été reculés en 1897 pour l'alignement de la rue. L'autre maison est plus haut, à droite et près du débouché du chemin qui descend de Jarrier: il n'en reste qu'une partie de la tour qui a servi de cage d'escalier et qui est percée de petits jours en forme de croix grecques.

En 1580, la première de ces maisons appartenait à Pierre de La Balme,fils de Philippe et d'Humberte des Costes la seconde, à Jean-Louis de La Balme, fils de Michel et de Jacquemine, fille de Simon Riond écuyer de S' Marie de Cuines. Pierre avait épousé Jeanne d'Avrieux; Jean-Louis, Claudine d'Arves (1). On verra que ce n'est pas la maison de la rue Bon(1) Documents des archives communales de St-Jean-de-Maurienne. Minutes du notaire Jean Marquet. acte du 14 juin 15&1-


rieu qu'habitait en 1646 Jean François de La Balme, le dernier du nom, fils d'Humbert et d'Anne Rembaud, petit-fils de Pierre et de Jeanne d'Avrieux mais la maison du sommet de la rue de l'Orme, qu'il laissa à son héritier et qui par une succession d'héritages appartient maintenant à M. Florimond Truchet.

La maison de la rue Bonrieu lui appartenait-elle aussi ou était-elle sortie de sa famille, ainsi que celle qu'avait possédée Jean-Louis de La Balme? Je l'ignore.

II

LES CHATELAINS

Jene veux point faire la généalogie de la famille de La Balme. M. le comte de Foras l'a mise dans son ~t )'~oW~ A~o&~Mïrg de Savoie et il déclare l'avoir tirée, en grande partie, des papiers des nobles d'Avrieux, héritiers des de La Balme, qui lui ont été communiqués par M. Florimond Truchet. Mais ces titres, en ce qui concerne les de la Balme, sont nécessairement très incomplets, les dates font souvent défaut et deux filiations, notamment, indiquées dans des pièces postérieures, ne sont, dit M. de Foras, appuyées sur aucune preuve. Des renseignements, jetés parmi des broutilles étrangères au but qu'il se proposail, ont pu échapper à son attention. En outre, notre savant et scrupuleux-généalogiste n'a pas pu touiller nos archives, surtout celles de la cure et de la mairie de Montvernier.

Aussi les premiers noms sont-ils surmontés du point d'interrogation et ce n'est que quand il arrive à Martin de La Balme, mort vers 1515, qu'il croit pouvoir écrire: < A partir de celui-ci la filiation de12


vient authentique

Déjà, dans mon livre sur )S~ïM-A~MW6~<? a~XVT'~cJc (p. 317), j'ai pu, d'après des documents des archives de M. F. Truchet, affirmer que Martin était fils de Catherin qu'il avait trois frères Jean, Michel et Jacques que Catherin testa le 9 avril 1477 et Martin le 10 juin 1515.

J'ai maintenant, avec la preuve que, comme le marque M. de Foras sans oser l'assurer, Catherin était fils d'Antoine, de nombreux renseignements sur cette famille, une des plus anciennes et pendant plusieurs siècles une des plus importantes familles nobles de la Maurienne.

Voici d'abord un assez grand nombre de chartes qui complètent, et rectifient en quelques points, les données fournies par M. de Foras. Celles qui n'auront pas d'autre indication appartiennent aux archives de la cure de Montvernier.

Le 26 décembre 1233, dans le jardin du prieuré de La Chambre, le chevalier Aimon de La Balme est l'un des témoins d'un acte par lequel le comte de Savoie Amédée IV confirme les donations que ses prédécesseurs ont faites aux chanoines de la cathédrale de St-Jean (1).

D'après Pingon, cet Aimon de La Balme avait, avec Aimé et Richard de La Chambre, accompagné le comte Thomas 1" à la Croisade qui aboutit à la prise de Constantinople en 1204 mais Guichenon (2) ne croit pas que Thomas ait pris part à cette expédition. On peut du moins retenir ;de là qu'Aimon de La Balme était un des principaux vassaux du comte de Savoie.

Le dimanche après la fête de S. Jean Baptiste de l'année 1304, devant la maison de feu Aimon de (1) CAartM du fHoc~e. p. 69.

(2) jEfm. F~Mia! t. 1, p. 246.


Cuine au Noiret, hameau de Montvernier, le notaire Jean de l'Orme (de Ulmo) reçoit les reconnaissances des droits féodaux que Jean de La Balme possède dans ce village.

Le jour de la fête de l'Exaltation de la S° Croix de l'année 1311, Guillaume des Cours de Montvernier fait son testament dans une maison qu'il tient de Richard de La Balme. Les témoins sont messire Jacques, curé de Montvernier, que l'on trouve encore, le 4 des calendes de mars 1321, témoin au testament de Jean Dupré Johannet et Hugonet, fils naturels de Hugues de La Balme. Le 15 janvier 1312, Richard de La Balme, damoiseau, reçoit une reconnaissance de deux de ses tenanciers de Montvernier. Le 19 juin 1315, Hugues et André de La Balme, damoiseaux, figurent dans une transaction entre les habitants de Montvernier et le juge de Maurienne et de Tarentaise qui les poursuivait pour avoir, sans son autorisation, tenu une assemblée, nommé des gardes forestiers et fait divers autres actes pour lesquels cette autorisation était nécessaire (1).

Un tout petit parchemin des archives de l'évéché contient la donation d'un jardinet (cM~~M~, faite le 24 février 1344 à l'église paroissiale de Montvernier par Aimon, fils de défunt André de la Balme, damoiseau. Le notaire Jean Varnier de Montvernier, qui reçoit l'acte dans son propre jardin, a soin de noter que l'année est bissextile et que ce jour est le second sixième des calendes de mars.

Le jardinet est situé au-dessous de la maison d'Hugues de La Balme, damoiseau. La propriété en a été acquise par le père du donateur et les droits féodaux, aussi cédés à l'église, proviennent d'nn échange fait entre le damoiseau Guillaume du Pont et les frères Jean, André et Emydon de La Balme, aussi ;1) V. Travaux de la Société. 3' oérie, t. 2, 2' part.


damoiseaux. Aimon investit le curé, messire Jean Roux,'ën lui remettant la plume du notaire, selon la coutume du pays, à la charge qu'à perpétuité une lampe soit suspendue et allumée devant un tableau de la Ste Vierge, qui existe dans l'église de Montvernier.

Je retrouve Aimon de La Balme, le 28 août de l'année suivante, témoin à un acte passé dans l'église de Montvernier.

17 février 1359. Messire Aimon de La Balme, curé de Montvernier, donne à bail à Anselme Dupré, pour une quarte de froment chaque année, les droits de tache qu'il possède sur une terre du dit Dupré. Fait au cimetière de Montvernier, Hugues de Platéa notaire.

3 août 1381. Testament d'Antoine feu Antoine de La Balme, damoiseau, de Montvernier. Il sera enterré dans le cimetière de Montvernier, avec l'assistance du curé et de cinq autres prêtres, dont chacun recevra deux deniers tournois. Il lègue une quarte de noix chaque année pour la lampe qui est appendue devant l'autel des saints Côme et Damien, dans l'église paroissiale, et il hypothèque pour cela ses maisons, jardin, prés et terres situés à Plaine-Ville de Montvernier entre deux chemins publics. Héritière universelle Béatrix, sa mère, à défaut Jean, son frère. Fait à Montvernier dans la maison du testateur et de son frère. Un des témoins est Michel de La Balme.

19 mars 1398. Hugues et Pierre de La Balme font un~ reconnaissance en faveur du comte de Savoie. Il est dit dans l'acte que les frères Antoine, André et Richard de La Balme possèdent, en indivision avec le comte, la moitié de la raserie de Montvernier. Ces trois derniers étaient fils de Richard de La Balme, d'après une charte du 12 décembre 1401, par


laquelle Antoine affranchit plusieurs habitants de Montvernier de certains droits de tache.

23 avril 1407. Pierre, fils de feu Hugues de La Balme, damoiseau, est témoin à un contrat. 5 avril 1419. Noble Pierre Canton, mistral de La Chambre, fait quittance à noble Antoine de La Balme, de Montvernier, de cinq sols forts de plaid payés à Urbain de La Chambre, au nom des tenanciers du mas des Abonels, à raison de la mort de Jean de La Chambre, son père. Le notaire est Pierre Lardier de La Chambre les témoins, messire Jean Alpin vicaire de La Chambre, et le damoiseau Rolin de Condon, bourgeois de La Chambre.

6 mars 1438. Dans la maison-forte du Villaret appartenant à noble François du Pont et dans sa chapelle de saint Jean l'Evangéliste, testament de Claude feu Hugues de La Balme de Pontamafrey. Son héritier est son frère Pierre et, par substitution et fidéi-commis, Jean, Antoine et Catherin de La Balme de Montvernier, dont le degré de parenté avec le testateur n'est pas marqué. Parmi les témoins sont Jean Queynier, curé de Pontamafrey et chapelain de la cathédrale de St-Jean, nobles Pierre Saurage et Nicod du Mont de St-Jean.

Messire Pierre de La Balme est un des sept chanoines de la cathédrale qui, le 7 novembre 1447, font rédiger par le notaire Gabriel Vallin l'attestation relative à l'inondation du torrent de Bonrieu qui a ravagé une grande partie de la ville et de ses environs (1). III

Le fief de La Balme.

Les fiefs possédés par les nobles de La Balme, et dontj'ai vu des reconnaissances à dater du milieu du (1) Travaux de la Société. 2' série, 2' vol., 1" part., p. 180.


XV* siècle, s'étendaient sur les communes de SaintAvre, Pontamafrey, Montpascal, Montvernier, Le Châtel et Hermillon. Au XVI* siècle, je trouve encore un fief à Beaune, reconnu en 1535 en faveur de Jean de La Balme, fils de feu Martin, de Montvernier.

Les reconnaissances générales, soigneusement faites par le notaire commissaire des extentes à chaque avènement d'un nouveau seigneur, prenaient d'ordinaire plusieurs années. Le commissaire réunissait les tenanciers par groupes, il étudiait les précédentes reconnaissances et les actes établissant les mutations de propriétés testaments, partages, ventes, échanges, donations, que chacun était tenu de produire pour qu'il pût fixer la part qui lui revenait dans les servis, cens, etc., ce qui nécessitait des calculs infiTiis. Comme il ne voulait pas négliger son étude de notaire, il prenait son temps.

Cela forme d'énormes volumes in-folio et il y en a bien une vingtaine tant à Montpascal qu'à Montvernier, la plupart, à Montvernier surtout, incomplets, déchirés, plusieurs sans date. Je dois la communication des uns et des autres à notre confrère M. l'abbé Rechu, d'abord curé de Montpascal, maintenant de Montvernier. Essayer de faire concorder ces reconnaissances successives et d'additionner ces innombrables et minuscules redevances serait un travail de bénédictin et le résultat ne le vaut pas. Je me suis contenté de prendre quelques notes.

Le plus ancien terrier de Montpascal contient les reconnaissances faites en faveur de noble Catherin (Ca'helimus), fils et héritier universel de noble Antoine de La Balme de Montvernier, et reçues par son commissaire d'extentes, M* François Delacombe (Decomba), notaire, natif de Cognin près Chambéry et habitant du bourg de La Chambre. Il comprend


385 feuillets, mais les 179 premiers manquent. Ces feuillets devaient être remplis par les confessions des tenanciers de Montvernier; car nous avons successivement celles de Montpascal, de Pontamatrey, d'Hermillon soit de la chavanerie de Mont-André, et de Saint-Avre.

Les reconnaissances de Montpascal commencent par un acte du 10 mars 1467 et finissent le 26 mai 1470. Elles sont écrites, le plus grand nombre à la Balme, dans la maison-forte du dit noble Catherin les autres, à La Chambre dans l'étude du commissaire, à Pontamafrey, dans le cimetière de Montvernier. Parmi les témoins on trouve, le 2 avril 1467 noble Jean de Cuine l'ancien, et le 21 février 1470 noble Richard dn Pont, propriétaire d'une maison à Pontamafrey.

Les tenanciers sont au nombre de 49, dont 47 habitent à Montpascal, parmi lesquels le curé, messire Antoine Montaz, natif de la commune même. Un des deux étrangers est Jean de Merderel d'Hermillon il n'est pas qualifié de noble. Le nombre total des parcelles dépendant du fief de Catherin de La Balme est de 343, ce qui montre combien la propriété était déjà divisée à cette époque.

Ces reconnaissances et celles des autres communes nous font connaître la valeur, très variable, du droit de plaid, c'est-à-dire de mutation, dû tant à la mort du seigneur qu'à celle du tenancier à Montpascal il était généralement de quatre fois le servis annuel ailleurs il n'était que du triple ou du double de ce droit. A Pontamafrey, Catherin de La Balme n'avait que neuf tenanciers possédant quinze parcelles. Deux seulement habitaient cette commune cinq étaient des Cuines, un de La Chambre et un de St-Colomban-des-Villards. Le principal est vénérable et religieux frère messire Jacques Reymond, prieur de la.


maison et'de l'hôpital de Pont-Renard. » Une forêt est divisée entre Béatrix de Malles, veuve de noble Philippe du Puits de Coise, et le fils de noble Jean dé Cuine l'ancien, du chef de Jeannette sa mère, fille d'Antoine de La Balme et, par sa mère, petite fille de la dite Béatrix. Les actes sont faits à Pontamafrey et à La Chambre. Parmi les témoins figurent noble Hugues de La Balme (10 mai 1467), et Barthélemy Morel, curé de Pontamafrey (l"'juin 1467). A St-Avre, Catherin de La Balme a cinq tenanciers possédant chacun une parcelle qui dépend de son fief. Il a, en outre, deux hommes liges qui ne lui doivent que la fidélité personnelle. Les reconnaissances sont reçues à La Chambre. A signaler au nombre des témoins les frères Nicod et Pierre Caron, tailleurs de pierres (~~OHt~. Peut-être exploitaientils les carrières d'ardoises de La Chambre. Le fief de Mont-André, territoire d'Hermillon, provenait de noble Humbert de Malles, de qui il avait passé à Laurent de Mont-André et à Jean Martin, puis à Marguerite, femme du notaire Antoine Gardon d'Hermillon, et à Humbert Martin ceux-ci l'avaient vendu à Antoine de La Balme, père de Catherin. Il se composait de 65 parcelles mêlées à des propriétés relevant d'un autre fief et possédées par 18 tenanciers, dont 15 étaient d'Hermillon. La plupart de ces reconnaissances sont passées à Hermillon. Quand elles furent terminées, les tenanciers s'assemblèrent dans un pressoir (in ~'7!~H sive torculari), pour les résumer dans une reconnaissance générale. La somme des servis dus par tous se trouva monter à cinq sols forts neufs. Le plaid dû sur la totalité était de la moitié du servis, soit de deux sols et. dix deniers forts.

Il y a, à la suite, quelques reconnaissances pour des parcelles de vignes situées à Hermillon et le ter-


rier se termine par une reconnaissance de noble Jean Don de St-Michel. Elle est faite le 10 avril 1473, à St-Jean-de-Maurienne dans la cuisine des héritiers de Pierre Vibert, en son vivant boucher à l'enseigne de l'Ecu de France (1), et a pour objet une vigne de trois fossorées et demie située à St-Michel. Le servis est de trois deniers et une obole. On sait que le denier était le douzième du sol et l'obole, la moitié du denier.

Cette redevance ne ruinait pas le propriétaire. Du reste, tous les servis de ce volume sont à l'avenant. Ainsi une maison à Pontamafrey doit un denier fort une demi-sétorée de pré, la moitié du même denier. Il y a même des parcelles qui ne doivent aucun servis, mais seulement les laods et vends, en cas de vente.

Les reconnaissances reçues parle notaire François Delacombe pour Catherin de La Balme, furent renouvelées de 1502 à 1515 en faveur de ses fils et à la requête de leur commissaire. Ce terrier est complet il est en latin, comme tous ceux de ce temps, et commence ainsi x Jésus Suivent les reconnaissances de nobles Jean, Michel, Jacques et Martin, fils et héritiers universels de noble Catherin de La Balme de Montvernier, reçues par moi Jacques Porte de la paroisse d'Avrieux, habitant de la cité de Maurienne, notaire public et commissaire à ce député illustrissime prince et seigneur notre seigneur Philibert, huitième duc de Savoie, régnant et révérendissime père en Jésus-Christ et seigneur le seigneur Louis de Gorrevod étant, par la grâce de Dieu et du Siège apostolique, évoque de Maurienne Les reconnaissances sont faites en faveur des quatre frères jusqu'au mois de février 15u&, puis Jean (1) Rue Grenette. On voit sur le portail le millésime de 1576, V. S<<tM-~e' au X1~7'~c!e, p. 12.


disparaît, Martin n'est plus nommé que dans un acte du 20 novembre 1505 et, jusqu'en 1515, date des dernières reconnaissances consenties par des tenanciers de St-Avre, les actes sont faits en faveur de Michel et de Jacques. Le 23 septembre 1512, Martin est témoin de deux reconnaissances passées à ses deux frères, l'une à Mont-Brunal, hameau de Montvernier, l'autre dans sa propre maison-forte de La Balme celle-ci est de messire Jean Tondut, curé de Montvernier (1). M. de Foras cite un document duquel il conste qu'il vivait encore en 152i. On peut conclure de là que, dans des arrangements avec ses frères Michel et Jacques, Martin leur avait cédé sa part du fief de La Balme, en se réservant la maison-forte.

Le terrier contient 55 confessions de Montvernier, 57 de Montpascal, 13 du Villaret, hameau du Châtel, 4 de Pontamafrey, 10 de St-Avre et 7 d'Hermillon. Six de ces dernières concernent des vignes aux Belluards la septième est la reconnaissance commune des tenanciers de Mont-André, assemblés, le 12 mai 1503, à Hermillon, dans la cour de la maison de la veuve du notaire Pierre Parmier, au nombre de vingt-un, dont plusieurs sont représentés par des procureurs. Le servis dû par la chavanerie tout entière est toujours de cinq sols forts neufs, payables à la St-André, et le plaid de deux sols et dix deniers forts. On note à part une terre de trois quartellées, qui doit une quarte de seigle mais seulement quand elle produit du blé.

Deux noms seulement de tenanciers à citer encore messire Pierre Dumont dit Billet, prieur et recteur de la maison et de l'hôpital de Pont-Renard, et messire Aimon Mugnier, curé de Montpascal. Celui-ci (1) Noble Martin de La Balme était notaire. Le 14 juillet 15M' il recevait une transaction entre la commune de Montvernier et une veuve Fornier au sujet d'une place à Montbruaal (Archives de la cure de Montvernier),


habitait à St-Jean dans la maison de la chapelle de St-Jacques, dont il cumulait sans doute le bénéfice avec celui de sa cure. Je suppose qu'il avait confié la desserte de sa paroisse à messire Philibert Dufresne, natif de Montpascal, où il habitait et où il fit sa re'connaissance pour ses biens patrimoniaux. Parmi les témoins il suffit de noter le 18 février 1503, noble Jean-Léon Tibière ( Tt&<?W~ de St-Jean le 12 mai de la même année, messire Jean Cugniet, curé d'Hermillon le 20 décembre 1505, noble Pierre Sallière d'Albiez-le-Jeune.

Pour recevoir les reconnaissances, M'Jacques Porte se transporta quelquefois, les premières années, dans les paroisses les plus éloignées et je le trouve instrumentant à Montvernier sur le cimetière, à Montpascal dans la maison de messire Philibert Dufresne ou in plathea ante furnum, sur la place devant le four. Il reçut à Hermillon et à Pontamafrey les déclarations des tenanciers de ces deux paroisses et c'est dans cette dernière localité qu'il convoqua ensuite les retardataires il écrivait les actes dans le grand chemin, selon la coutume, ou à côté de la maison qui appartenait alors à noble Jacques, fils de Jacques du Pont, et plus souvent dans l'auberge que tenaient les héritiers d'Antoine Dufresne. Les plus négligents furent contraints de se rendre à St-Jean et leurs reconnaissances sont stipulées, tantôt dans la rue publique, tantôt dans la maison de noble Jacques Long ou dans celle de noble Urbain du Mollard, que le notaire habitait.

Cette maison ne pouvait être la maison-forte du Mollard, le notaire ne l'eût pas désignée d'une manière aussi peu révérencieuse. C'était la maison de la Cloche (domus de Campana).

Elle est située au fond d'une rue qui a pris d'elle son nom au XVI* siècle rue de la Sonnerie-Vieille,


maintenant rue de l'Ancien Hôtel-de-Ville. Les bâtiments ont été reconstruits et il ne reste de l'antique maison de la Cloche qu'une tour ronde, dont la géographie de Joanne dit: « ancien hôtel des monnaies des Evêques. » C'est possible, mais je ne connais pas de preuve de cette assertion. Son vieux nom semble indiquer qu'elle a servi de beffroi. En 1442 Urbain du Mollard, aïeul de celui qui logeait le notaire Porte, louait cette maison à Pierre Panerel, vicaire général du cardinal de Varembon. Au XVP siècle elle fut acquise par le juge corrier Boname Baptendier, qui fit peindre ses armoiries dans les voûtes de la tour, où on les voit encore (1). Au XVII' elle appartint à Claude des Flammes qui avait été maître-d'hôtel de Mgr. Philibert Millet (1591-1619) et qui mit sur sa porte une pierre armoriée, qui y a été replacée dans la reconstruction de la maison (2). Claude des Flammes avait épousé. Marie Dominique Gagnères de St-Jean-de-Maurienne il mourut sans postérité le 4 avril 1646.

La cité, comme l'on disait alors, acquit cette maison et elle servit d'hôtel-de-ville pendant deux siècles.

Pour revenir aux reconnaissances de M' Jacques Porte, j'ignore où étaient situées les boutiques devant lesquelles, conformément à l'usage, il installait ses protocoles et son écritoire, pour recevoir les déclarations des tenanciers et sans doute aussi les actes de (1) P. de sinople au pal d'ttf.~eMt chargé d'un lion de sable. (2) P. coupé en chefde.. à l'aigle issant de. e~'pot~e de. à la bande de. chargée de trois étoiles à cinq f<t de. Dans un mur moderne, du côté de la nouvelle rue des Ecoles, est enchâssée une pierre écornée portant les armoiries de Mgr. Charles Bobba (16191636) Ecartelé, au 1 et 4 à l'aigle couronnée et éployée de. au 2 et 3 à un chien passant langué et portant une croix de. chargé en a MM de Bobba qui est de. à deux rencontres de gueules mises en pal. La maison de la Cloche avait peut-être apparte!e~ MMe~ e~ ~M~. La maison de la Cloche avait peut-être appartenu à Mgr Bobba.


ses clients, la boutique de l'artisan (faber) Jean Tabel, la pharmacie de M' Jean Masson proche du carré de Révère) (prope ~Ma~'Mm Reverelli), et le magasin du drapier Monin Romanet. Mais je soupçonne que c'était au Pointet dn Bourg, qui était le lieu du marché et le centre du commerce de la ville. Romanet possédait à Hermillon deux pièces de vigne mesurant ensemble cinq fossorées et relevant du fief de La Balme, il devait de ce chef un servis de cinq deniers forts, un peu plus d'un demi sol. C'était, paraît-il, un homme important ou un ami du notaire Porte car le 15 février 1505 celui-ci alla recevoir sa confession sur la banche de sa propre boutique. J'ai dit qu'en 1472 deux habitants de St-Avre ne devaient aucun servis pour leurs biens, mais étaient seulement les hommes liges de Catherin de La Balme et lui devaient la fidélité et l'hommage personnel. Ils se nommaient Michel Salomon et Antoine Varnier dit Bachillier. En 1503 le second a disparu mais le premier a laissé deux fils, dont je traduis la reconnaissance d'hommage. Ils déclarent, « conformément aux reconnaissances antérieures, qu'eux et leurs enfants nés et à naître, et tous leurs descendants jusqu'à l'infini, sont, veulent et doivent être hommes liges de nobles Michel, Jacques et Martin de La Balme et des leurs, les servir quand il en sera le cas, défendre leur honneur et leurs intérêts, les préserver de tout dommage autant qu'ils le pourront, faire et accomplir tout ce qu'un vrai et fidèle homme lige est tenu de faire et accomplir pour son seigneur et qui est contenu dans la vieille et dans la nouvelle formule de fidélité. »

En 1534, les fiefs de La Balme, à St-Avre, Pontamafray, Montvernier, Le Chàtel et Hermillon étaient réunis entre les mains de Jean Louis, fils mineur de Michel de La Balme, qui venait de mourir, après


avoir acquis d'abord les parts de Jean et de Martin, puis celle de Jacques par la cession que lui en avait faite Jeannette, veuve de celui-ci et tutrice de ses fils "Pierre Ambroise et Jacques. Françoise, veuve de Michel, habitait à St-Michel avec son fils. Elle fit faire les recconnaissances par le notaire Michel Doyl dit Broncin. La première est du 15 novembre 1534, la dernière du 11 février 1539.

Ce terrier est compl'et c'est un des mieux conservés de ceux de la mairie de Montvernier et c'est le titre qui m'a fourni les faits qui précèdent. La reconnaissance doit comprendre les servis, cens,-dîmes taches, plaids, muages, laods, vends, tailles, hommes, hommages, fiefs, domaines de fiefs et autres droits qui appartiennent à noble Jean-François de La Balme. Inutile d'en faire l'addition, le volume a plus d'un millier de pages je me contente de compter les confessants. Il y en a 67 à Montvernier, parmi lesquels maître (magister), Nicolas d'Entremont (de 7)t~M!OM<t& un simple charpentier venu de Villarembert avec le nom d'une des plus grandes familles de la Savoie, messire Ambroise Durieu, chapelain de Montvernier. 74 à Montpascal ;13 au Villaret; 22 à Hermillon pour la chavannerie de Mont-André, dont l'un est noble Bon Amédée Baptendier de SaintJean et 6 pour les vignes des Belluards 7 à Pontamafrey, entre lesquels je relève les noms des notaires François et Pierre Gavons, de noble Catherine, fille de feu noble Richard de Cuine, veuve du notaire Michel Brun de La Chambre, de messire Pierre feu Jean Dumont dit Billet .prieur du prieuré et de l'hôpital de Pont-Renard paroisse de Ste-Mariede-Cuines enfin 9 à St-Avre.


IV

Le fief des Rossets.

Outre le fief dont je viens de parler, on trouve encore, au XV siècle, les nobles de La Balme possesseurs d'une partie d'un autre fief ou ensemble de droits féodaux sur des portions du territoire des mêmes communes de Montpascal, de Montvernier, de Pontamafrey, du Châtel et d'Hermillon. Il parait qu'avant cette époque ce fief appartenait aussi tout entier aux nobles de La Balme. Mais le mariage d'une Amédée de La Balme avec un noble Rosset de Montmélian en fit passer la moitié à celui-ci et ses fils en furent investis en 1423 (1). Le fief est souvent appelé depuis lors fief des Rossets.

Claude feu Hugues de La Balme qui en possédait le quart, le légua à François du Pont par son testament du 6 mars 1438, dont j'ai parlé précédemment. Les de La Balme n'en eurent donc plus qu'un quart. Le fief resta indivis et les reconnaissances sont communes à tous les possesseurs.

En 1454,, le curé de Montvernier messire Laurent Berthet, qui était un des tenanciers de ce fief, fit sa reconnaissance, en faveur de Jacques et Pierre Rosset frères pour une moitié, Hugues de La Balme d'Aiguebelle pour un quart, et François du Pont, comme héritier de Claude de La Balme, pour l'autre quart. En 1458, on constata que les tenanciers avaient négligé de payer les servis, laods, etc. L'échute fut déclarée mais François du Pont les convoqua, le 26 juin dans la cour située derrière sa maison-forte du Villaret et fit grâce, moyennant le payement des sommes portées dans les reconnaissances.

Ea 1474, la part des Rosset est divisée entre Jean (1) Armorial et Nobiliaire. De La Balme.


feu Pierre Rosset, Pierre l'ancien, Pierre le jeune et Girard Rosset, Honoré et Louis Rosset. Claude Gonrard, successeur de Berthet dans la cure de Montvernier, où il est représenté par un vicaire nommé Louis Tacunet, fait sa reconnaissance dans la maison que les nobles Rosset possèdent à Pontamafrey. En 1498, il est remplacé par Claude de La Rochette. En 1496 commence une reconnaissance générale, dont deux volumineux terriers sont à Montvernier et à Montpascal. Le premier est incomplet. Une table générale m'apprend que les tenanciers de Montpascal sont au nombre de 56, ceux du Châtel et d'Hermillon au nombre de 35, et ceux de Beaune au nombre de 33, parmi-lesquels nobles François et Jean Don dé St-Michel. Les tenanciers de Pontamafrey ne sont pas marqués dans cette table.

Le terrier de Montpascal est complet. Il commence ainsi, je traduis

« Suivent les reconnaissances de noble Hugues de La Balme d'Aiguebelle pour un quart, de nobles Honoré et Louis Rosset pour un quart, Pierre et Jean Rosset pour un quart, et de nobles Jean-François et Amédée du Pont pour l'autre part du fief indivis eutr'eux, reçues par moi Jacques Porte notaire public et commissaire à ce député comme s'en suit. Et premièrement à Montpascal. J)

Au commencement du premier acte, daté de l'an 1496 depuis la salutaire naissance de N. S. JésusChrist, indiction 14', le 13 du mois de juin, le notaire Porte, après avoir expliqué pourquoi l'écriture est nécessaire à la conservation des choses humaines (1), nous apprend que Hugues était fils de feu noble Pierre (1) Cum actus hominum vetustas deleat mentesque ipsorum paulatim subnitret obltvio condecens ideo est ut negotia AoWtKMW scripturarum custodie commtctantur ad eo quod preterita tanquam presentia cttMeaMtMr..StMc est quod.


de La Balme d'Aiguebelle, Honoré et Louis de feu noble et spectable Jacques Rosset docteur en droits, Pierre et Jean de feu noble Pierre Rosset de Montmélian, et Amédée de feu noble et spectable Pierre du Pont, docteur en droits, du Villaret paroisse de N. D. du Châtel d'Hermillon. De Jean-François du Pont il n'est plus question ni dans cet acte ni dans les suivants. Il était cependant aussi fils de Pierre du Pont du Villaret et son nom ne peut pas s'être glissé par inadvertance dans le titre de ce terrier. Sans chercher à éclaircir ce mystère, je vais glaner quelques notes dans mon registre de 179 feuillets. La plupart des tenanciers du fief de La Balme le sont du fief des Rossets pour d'autres propriétés plusieurs en ont encore qui relèvent du duc de Savoie.

Je retrouve ici les mêmes servis minuscules, dont le calcul et le paiement ne devaient pas être faciles. Trois propriétaires devaient ensemble deux pots et une pichelette de vin ils ont affranchi la moitié de cette redevance, de quoi ils produisent la quittance, en sorte qu'ils ne doivent plus entr'eux trois chaque année qu'un pot et un truchon. Un grand nombre de servis ont été ainsi affranchis partiellement. Le mas des Anselmes doit deux chapons au Caréma (in eurnisprivio) un autre doit, au mois d'avril, un mouton et un chapon c'est l'affaire des propriétaires de se partager cette dette proportionnellement à l'étendue de leurs propriétés. Et puisque je parle de mas, il y en a deux dont les noms ont piqué ma curiosité le mas' de messire Guignes (massum doMtp~t Guigonis), le mas du vieux repas (massum ~cWspraMtMt) (1).

(1) J'ai trouvé l'explication du premier dans une donation faite le 1" avril 1274 à l'église de Montvernier par Guillaume, fils de Pierre du Pont, qui avait reçu ce mas comme dot de sa femme, fille de messire Guiiues de La Rochette.


Il y a desservis en pois et en fèves, dont on semait, paraît-il, une grande quantité, des taches en gerbes (tachia in gerbis). C'était une redevance qui ne frappait que les terres en produit elle se payait en gerbes et le seigneur devait la faire percevoir sur le champ même.

Il restait encore à Montpascal cinq hommes-liges et ils dépendaient du fief des Rossets. Ils font leur reconnaissance d'hommage dans la forme que j'ai donnée plus haut, en stipulant bien que chacun des quatre seigneurs n'a droit qu'au quart de l'hommage. Comment s'y prenait-on, au besoin, pour le partager, c'est ce que j'ignore. La même clause est soigneusement insérée dans chaque acte pour les servis, les taches, le plaid, etc. mais ici le partage était plus facile, au moins pour les redevances en nature.

Ce qui ne fut pas non plus facile pour le commissaire d'extentes, ce fut d'amener les tenanciers à faire leurs reconnaissances. Comme pour le fief de La Balme, il se rendit d'abord un certain nombre de fois à Montpascal, conduisant avec lui le notaire Michel Deschamps de Montvernier puis il n'alla plus qu'à Montvernier, à Hermillon, ou à Pontamafrey enfin il les attendit à St-Jean.

Les dernières reconnaissances nous apportent des renseignements qui ont encore manqués à notre savant généalogiste.

Jusqu'au 8 juillet 1497 les actes sont faits en faveur de Hugues de La-Balme d'Aiguebelle, Honoré et Louis Rosset, Pierre et Jean Rosset et Amédée du Pont. Le premier acte postérieur à cette date est du 16 novembre 1499. Hugues de La Balme y est remplacé par « Jean de La Balme de Montvernier, héritier universel de noble Hugues de La Balme d'Aiguebelle, en qualité de propriétaire, et noble Pernette


de La Balme, sœur du dit Hugues comme usufruitière » et au lieu d'Amédée du Pont seul, il y a c nobles Jacques, Philibert, Jean François et Amédée, fils de feu Pierre du Pont du Villaret. » Rien dans la teneur de cet acte n'explique pourquoi les quatre frères y figurent plutôt que dans les actes précédents. On peut toujours en conclure que le quart du fief leur appartenait encore en commun. S'ils se le partageaient, il fallait bien des additions pour que chacun pût recevoir une mesure de blé ou de fèves, un denier ou même une obole.

Jean de La Balme de Montvernier ne pouvait être que le fils aîné de Catherin, que nous avons vu disparaître en 1505.

Il n'y a plus qu'une reconnaissance, c'est celle du curé de Montpascal, Aimon Mugnier. Il réside toujours à St-Jean, mais il a décidément un vicaire en titre à Montpascal, qui se nomme Michel Janin et est témoin dans une reconnaissance. Celle de messire Mugnier est du 12 août 1500 et le notaire Porte l'a honorée d'une solennité particulière. L'acte est passé sur la place du palais épiscopal, en présence de vénérables messires Désiré Morel, licencié en droit canonique, Jacques Blondel, chancelier de l'éveché, Juvénal de Frésays, chapelain, et Jean Vial notaire. Mugnier y renouvelle les reconnaissances faites par son prédécesseur Antoine Montaz pour quelques pièces de terre et de pré appartenant à son église et dépendant du fief des Rossets, Aux quelques deniers et oboles dont elles sont débitrices chaque année s'ajoute une portion, non désignée, de deux chapons dus pour le mas des Anselmes. Le renouvellement des reconnaissances du fief des Rossets eut lieu, ou du moins fut commencé en 1538, car on a déjà vu que cette opération se prolongeait d'ordinaire pendant plusieurs années. Le premier


acte est du 13 février c'est le seul qui porte une date. Le notaire Michel Doyl dit Broncin, de S-Michel, commence par exposer, en un style encore plus dithyrambique que celui du notaire Porte, la nécessité de consigner par écrit les conventions qui se font entre les hommes et les malheurs effroyables qui ne manquent pas d'éclater quand elles ne sont pas rédigées en forme par des personnes authentiques, c'est à dire par des notaires. D'où il conclut la sagesse dont on fait preuve les propriétaires actuels de ce fief, en le chargeant de recevoir leurs extentes et les reconnaissances des servis, maréchaussées, taches, dîmes, hommages et autres tributs qui le composent.

Ces propriétaires si bien avisés sont noble Philippe de La Balme, fils de feu Martin de La Balme (1) de Montvernier, habitant à St-Jean-de Maurienne, pour une moitié du fief noble Simen Rosset, fils et héritier universel d'Honoré Rosset de Montmélian, pour un quart et noble Jean du Pont, fils de feu Jean-François du Pont, seigneur du château du Villaret, pour l'autre quart.

Le registre qui m'a été communiqué n'est qu'une copie, un extrait du grand livre original (extractum grossi libri), dontje e n'ai pas trouvé les autres parties on a supprimé les longues formules de la fin des actes et même, sauf pour les premiers, celles du commencement et les dates. Le titre marque qu'à l'épo(1) Martin de La Balme donna au Chapitre de la cathédrale une rente de cinq Sonna pour la fondation d'un obit qui fut Ëxé au 23 juillet il y avait messe au maître-autel de l'église Notre-Dame, procession et absoute à la porte du chœur de cette ég)ise. distribution à laquelle participaient les Innocents (enfants de choeur). 11 fit encore plus tard un legs de dix nonns à cette ég)ise. L'obituaire qui me fournit cette note ne donne aucune date. La porte du chœur devait être du côté de l'épître et donner dans le passage que l'on a laissé clore du côté de l'évangile il y avait la sacristie. C'est donc là que fut enterré Martin de La Balme.


que où il fut fait, les possesseurs du fief étaient Antoine, fils de Martin de La Balme, du chef de Simon Rosset, pour un quart Pierre et Boniface, fils de feu Philippe de La Balme, pour la moitié, et Jean du Pont, pour le dernier quart.

L'extrait comprend, sous le titre de Montpascal, 59 reconnaissances, dont sept, faites par des hommes liges, sont précédées de la formule d'hommage personnel et suivies d'une trentaine de déclarations supplémentaires pour des propriétés oubliées ou acquises depuis la rédaction de l'acte principal. Suivent, sous le titre de Notre-Dame du Chatel, 44 déclarations, dont sept sont d'Hermillon.

Rien à tirer de ce terrier écourté, sauf deux noms. Messire Claude Maret a succédé à Aimon Mugnier dans la cure de Montpascal il y réside et renouvelle la reconnaissance faite par ses prédécesseurs. Parmi les tenanciers d'Hermillon on lit le nom de noble Jean, fils de Jean-François du Pont.

Inutile de dire que rien n'est changé quant à la nature et] à la valeur des servis, taches, etc. Beaucoup de ces redevances se sont encore iractionnées, comme les propriétés, et réduites en des quantités pour ainsi dire impalpables.

Une remarque qui n'est pas sans importance et qui s'applique aussi à d'autres communes de nos montagnes. Les gens de Montpascal n'étaient pas encore piqués de la tarentule de l'émigration. Ceux que leurs propriétés n'occupaient pas suffisamment ou qui avaient d'autres goûts, apprenaient un métier. J'en trouve même de fixés à La Chambre ou à St-Jean, comme tailleurs de pierres, maçons, charpentiers, cordonniers. C'était une ressource plus sûre et plus saine que celles que leurs descendants vont chercher dans les fabriques et les omnibus de Paris et de Lyon. D'autre part, le pays, se suffisant à lui-même,


n'était pas livré aux étrangers et condamné à voir le plus clair de son argent passer la frontière. Je reviens à mes terriers j'en ai encore une demidouzaine, tous écrits en français, depuis l'ordonnance du roi François 1" maintenue par le duc EmmanuelPhilibert. Quoiqu'ils soient de respectable grosseur, ils n'ajouteront pas grand'chose à ma collection de notes, l'addition des quartellées, des fractions de modures, d'oboles et de pictes n'entrant pas dans mon dessein. Ce peu il faut le recueillir tout de même, car c'est de petits traits que se composent l'histoire et surtout la physionomie d'une localité et d'une époque.

Le premier est l'extrait, en ce qui concerne la paroisse de Montpascal, du livre des reconnaissances du fief de La Balme, reçues en 1569 par M* Humbert Colombet, de St-Michel, notaire à St-Jean-de-Maurienne. Le fief appartenait alors à Pierre, fils de Philippe de La Balme, pour les trois quarts, et à Pierre Ambrois, fils de Jacques de La Balme, pour un quart. Le terrier comprend 406 feuillets et 81 déclarations, renouvelant les reconnaissances faites en faveur de Jean-Louis de La Balme.

Les deux dernières datent des années 1574 et 1580. Ce sont celles de messires Bernard Garet, prieur de Pont Renard et Philippe Perret, chanoine, de la cathédrale et successeur de Philibert Germain Dufresne dans la cure de Montpascal, où un vicaire le remplaçait.

Un des mas de Montpascal portait le nom de Razarie, la 7)'<!2~We de Montpascal j'avais déjà rencontré ce nom dans les reconnaissances antérieures et c'est là que les terreins étaient signalés comme dépendant du domaine direct des princes de Savoie. Il y avait aussi la .R<M6tW~ de Montvernier. Ce nom avait évidemment une signification, com-


me le massum dompni Guigonis et le massum Veteris Prandii. Je l'ai demandée au petit Glossaire de Mgr Billiet et au grand Glossaire de Ducange. Le premier ne contient pas ce mot le second dit seulement que Raseria, Raserium, ~a~WMm signifie tantôt une mesure de blé, tantôt une étendue de champ ensemencée avec cette mesure.

Quoiqu'il en soit, en 1571, la raserie de Montpascal appartenait en indivision au duc de Savoie pour une moitié, à Pierre, fils de Philippe de La Balme et Jacques et Louis, fils d'Antoine de La Balme, pour l'autre moitié. Le renouvellement des reconnaissances fut confié au notaire Guyonnet, qui, le 27 mai, se transporta à Montpascal et assembla les tenanciers sur la place devant le four pour la rédaction de l'acte général et des déclarations de chacun. Un des quatre témoins fut messire Laurent Buttard. vicaire de la paroisse les trois autres étaient de Montaimon. Les tenanciers sont au nombre de 51, parmi lesquels le curé, Philippe Perret. Les redevances annuelles ont été affranchies et il ne reste dû aux seigneurs que les laods et vends, la clame, l'échutte et les droits résultant du fief direct, comme la juridiction civile et criminelle, etc. L'acte final dit que la raserie est située au mas du Fraignoz et qu'elle contient environ trente sétorées de terre et neuf granges.

Les reconnaissances de la raserie de Montvernier avaient été faites le 8 avril de la même année. Elle aussi ne devait plus que les laods et vends, etc. Elle comprenait environ douze sétorées de terre et une maison. Les tenanciers étaient au nombre de 48; parmi lesquels il convient de citer les notaires Louis Thibaud, de Montvernier, et Mathieu d'Avrieux, de St-Jean, et messire Jean-Jacques Rapin, curé de Montvernier. Comme à Montpascal, la moitié de la


raserie relevait du duc de Savoie (1). L'autre moitié dépendait de Pierre feu Philippe de La Balme, Pierre Ambrois feu Jacques de La Balme, Louis feu Jean-François du Pont, Jacques et Louis feu Antoine de La Balme, ces derniers ayant succédé à Simon et Gaspard Rosset.

Le terrier de 1571 que j'ai entre les mains n'est pas la minute du notaire Guyonnet, mais une copie faite en 1638 par le notaire Jean-Baptiste Pétel, en vertu d'une commission du juge-mage Pierre de Tignac, seigneur du Villaret, ce qui me ramène au fief des Rossets.

Fils de Reymond de Tignac, petit fils de Françoisde Tignac, seigneur de Bron et baron de Rybens, et de Jeanne, une des six filles d'Urbain du Pont, le dernier de ce nom, Pierre de Tignac tenait du chef de sa grand-mère le château du Villaret et la portion du fief des Rossets, à Montvernier et à Montpascal, que Jean du Pont possédait en 1538.

Le 29 décembre 1621, à Montpascal, M'Jean Bonivard, notaire de Montvernier (2), commença le renouvellement des reconnaissances de ce fief, au nom d'Humbert, fils et héritier universel de Pierre de La Balme, de la cité de Maurienne, pour les trois quarts, et de Pierre de Tignac du Villaret, pour l'autre quart.

Le notaire fait d'abord un exposé succinct de l'origine des droits des deux seigneurs actuels. Pierre de La Balme possédait l* un quart provenant d'Hugues de La Balme d'Aiguebelle 2° un quart provenant de Pierre et Jean Rosset, parvenus à Philippe son père et sur lequel il avait acquis les droits de son (1) V. sur des reconnaissances d'un nef, à Montpascal, relevant directement du duc de Savoie, Récits Mauriennais, 1* série, p. 272. (2) Le notaire Jean Bonivard avait épousé Angèle, fille de Louis de LaBalme. Humberte, sœur d'Angèle, était mariée à un simple cultivateur, aussi de Montvernier, nommé Jacques Crosaz.


frère Boniface par acte du 20 juillet 1560 3° un quart, qui avait appartenu à Honoré et Louis Rosset; puis à Simon Rosset, acquis par Antoine de La Balme, de Françoise de Verdon, fille de Simon Rosset. Le dernier quart était arrivé à Pierre de Tignac par Amédée, Jean et Uibain du Pont.

Quand, j'aurai ajouta que les parcelles déclarées, numérotées à la marge, sont au nombre de 599 et les confessions de 82, dont un certain nombre faites collectivement parles membres d'une même famille, vivant ensemble que les redevances sont toujours les mêmes et que, notamment, le mas des Anselmes doit toujours les deux chapons annuels que je n'ai plus trouvé aucune trace de servitude personnelle que les reconnaissances furent terminées le 2 juillet 1624 et que le notaire Gabriel Bonivard, fils de Jean, par ordre du juge-mage, en fit une copie en 1643, j'aurai, je crois, tiré de ce terrier de 520 feuillets tout ce qu'il contient de quelque peu utile. En 1651, Pierre de Tignac vendit sa part du fief des Rossets à Jean-François de La Balme. Il nous faut revenir à 1621. En même temps que les reconnaissances du fief alors improprement dit des Rossets, Humbert de La Balme fit renouveler celles du fief de La Balme, réuni tout entier dans ses mains. Le notaire Bonivard exécuta simultanément les deux opérations, sur deux registres différents, tantôt à Montpascal, tantôt dans sa maison de Montvernier. Le terrier de La Balme n'offre absolument rien à noter, sauf que les tenanciers sont au nombre de 74. Mais, par ignorance sans doute ou par inadvertance, le notaire exigea des reconnaissances pour des droits de tache qu'Antoine, fils de Richard de La Balme, avait affranchis en 1401. En 1648, JeanFrançois de La Balme fit poursuivre les prétendus débiteurs devant le Sénat. Ceux-ci parvinrent à avoir


la preuve de l'affranchissement ils recoururent au duc Charles Emmanuel II qui, par un ordre du 12 janvier 1649, enjoignit au Sénat de faire une enquête et, s'il y avait lieu, d'annuler les reconnaissances, comme il les annulait et cassait lui-même, et de faire bonne justice.

Cependant Jean-François de La Balme n'avait pas d'enfants. Le 17 juin 1646, dans sa maison de la rue de l'Orme, paroisse Saint-Christophe, il fit son testament devant le notaire Jacques Roi. Il est inscrit tout au long en tête d'un énorme volume des archives de la cure de Montvernier, contenant des reconnaissances, des affranchissements et d'autres pièces relatives au fief de La Balme. Le testateur veut que treize pauvres assistent à sa sépulture chacun d'eux portera un flambeau du poids de deux livres et on lui donnera une paire de souliers et trois aunes de drap du pays. Il lègue 1° au chapitre de la cathédrale 300 florins pour un obit à perpétuité 2° au curé de Saint Christophe, sa paroisse, 500 florins, portant intérêt au cinq pour cent jusqu'au paiement du capital, pour une messe chaque semaine aussi à perpétuité; 3° à la confrérie du Saint Sacrement, dont il était membre, la même somme sous la même charge 4° aux pauvres de l'hôpital de Notre-Dame de la Miséricorde, situé dans la rue Bonrieu, 500 florins sans conditions; 5' à Dominique Gagnères, veuve de noble Claude des Flammes, une propriété située à Gondran, territoire de la ville de Saint-Jean. Enfin il institue son héritier universel noble Jean-François d'Avrieux, conseiller de Son Altesse Royale, corrier et juge commun de la cité de Manrienne et de son ressort.

Jean-François de La Balme mourut en 1659. J'ai fini avec les gros terriers de Montpascal et de Montvernier et je les ai renvoyés à leurs gites, avec


les autres dossiers qui m'avaient été gracieusement communiqués. Je souhaite qu'ils y soient conservés à l'abri de l'humidité, des rats et des autres destrucreurs qui ont ouvert tant d'irréparables brèches dans notre histoire. Ce sont des monuments authentiques d'un ordre de choses qui n'est pas à regretter, mais qu'il ne faut pas non plus maltraiter systématiquement. Un amateur d'études comparées ferait un travail curieux, en prenant une étendue de terrein déterminée et en mettant en regard les charges portées dans le vieux terrier et celles inscrites au cadastre moderne. Seulement, pour tirer une conclusion équitable, il faudrait tenir compte de beaucoup de choses d'une appréciation difficile.

V

Notes sur les de La Balme.

Les archives de l'évêché, celles de la cure de Montvernier, celles de M. le comte d'Arves m'ont encore fourni sur les nobles de La Balme un certain nombre de notes, que je n'ai pu intercaler parmi mes gros terriers et auxquelles je fais place ici, avant de suivre le fief de Montvernier chez son nouveau propriétaire. En dehors de l'histoire de cette famille, elle donne sur l'histoire du pays quelques renseignements qu'il m'a paru bon de recueillir.

Le 2 septembre 1539, Amédée Costerg, syndic des hommes royaux de Montvernier, la Savoie était depuis trois ans occupée par François I", fit assigner devant Michel Cœur, juge de Maurienne et de Tarentaise, qui devait tenir les assises à Pontamafrey le 9 du même mois, Jeanne, veuve de Jacques de La Balme, en qualité de tutrice de ses enfants, et Pierre Ambroise son fils aîné. La cause du procès


était le refus que faisait la veuve de contribuer aux tailles extraordinaires imposées pour fournitures aux troupes, contributions de guerre, etc., sauf comme le faisaient ou le feraient les autres nobles, tous engagés en des procès de même nature (1). Celui-ci donna lieu, selon la coutume à de nombreux renvois je doute qu'il ait eu une solution particulière. Les minutes du notaire Jean Marquet, de St-Jeande-Maurienne, me fournissent quelques notes utiles sur les nobles de La Balme.

Le 23 juin 1551, Claude Humillie et sa femme, demoiselle Antoinette, fille de feu Jacques de La Balme, écuyer de Montvernier, achètent un champ dans cette commune. Antoinette avait une sœur nommée Jacquemine et deux frères Pierre Ambrois et Jacques. Ceux-ci font partage de la succession paternelle le 25 novembre 1551, en présence de leurs parents messire Jacques Guigoz, prêtre, leur oncle, Michel de La Balme, écuyer et Claude Humillie. Le 18 avril 1559, Jacques feu Jacques de La Balme, de Montvernier, vend en albergement à Michel, fils de Martin de La Balme, diverses propriétés, entr'autres une maison située à Montbrunal, avec tour, grange et étable, provenue de son père. Les confins sont dessous, le verger (verdier) de Pierre Ambrois de La Balme, frère du vendeur dessus, le chemin public. Montbrunal est le hameau le plus élevé de Montvernier, près du col qui domine le pont de la Magdeleine le chemin suit à peu près le tracé de la voie romaine secondaire, de l'actus, qui se raccordait à la voie principale, la via, d'pn côté à Hermillon, de l'autre à Saint-Avre. Les conditions de l'albergemelit sont que Michel paiera cinquante florins d'introges et trente florins de cense annuelle, à la Saint-André, jusqu'à ce qu'il ait acquitté le capital de six cents flo(1) V. St-Jean-de-M°™ au XVI' siécle, p. 187.


rins en une ou en deux fois (1).

A la même époque, noble Claude de La Balme, de la cité de St-Jean-de-Maurienne, habitait à Pontamafrey. Ayant, en 1557, acheté .des propriétés d'un tenancier du comte de La Chambre, il avait souscrit, pour les laods et vends, un billet de six florins en faveur de maître Bon Gabriel Gaurre, châtelain de Pontamafrey. La veuve de celui-ci lui fait quittance le 20 mars 1559.

Dans l'ordonnance rendue, en 1589, par Mgr de Lambert, évêque de Maurienne, et par Urbain du Pont, seigneur de Myans, délégué par le duc de Savoie Charles Emmanuel I", pour aviser à la défense des passages des montagnes de la Maurienne contre les entreprises des bandes calvinistes de Lesdiguières, on lit ceci (2)

« Pour la garde du passaige de Pontamafrey, au fond de la vallée, sont estés constitués nobles Jacques et Louys de La Balme frères et aussy pour jeter au besoingt quelque garnison dans leur maisonforte battant sur le dict Pontamafrey et située sur le roch de Montvarnier.

« En tous lesquels passaiges et en tout le reste de la province, principalement en la cité de Sainct Jehan, est constitué capitaine par sa dicte Altesse le dict seigneur Urbain Dupont, seigneur de Myans, lequel a prins pour lieutenant noble Pierre de La Balme, qui a beaucoup pratiqué les guerres, et noble Boname du Mollard pour son enseigne de la milice. » La Maurienne ne fut envahie par Lesdiguières que huit ans plus tard.

il) En 1551 Michel de La Balme était marié à Jacquemine, fille de feu Simon Riond, écuyer, de Sainte-Mane-de-Cuine'i, où elle avait des propriétés à Bonvoisin (Minutes du notaire Jean Marquet. (2) M. Angley a reproduit cette pièce, Hist. du dioc. p. 314.


Jacques (1) et Louis de La Balme étaient fils d'Antoine, frère de Philippe père de Pierre. Il résulte de cette ordonnance qu'en 1589 ils étaient propriétaires de la maison-forte de Montvernier. Nous avons vu qu'une grande partie au moins des droits féodaux qui en dépendaient était divisée entre leurs cousins. En 1601, Humbert de La Balme, fils de Pierre et père de Jean-François, servait dans les troupes du duc Charles-Emmanuel Ier avec le grade'de lieutenant. Bernard de La Balme, son cousin, dont' l'ascendance n'est pas conçue, y servait aussi comme enseigne. Bernard ne paraît plus dans mes documents que comme témoin à un acte de l'année 1613. Pour Humbert, le registre des délibérations du conseil de St-Jean nous apprend, à la date du 14 août 1626, qu'il était prieur de la confrérie du Saint-Esprit pour la noblesse et qu'en cette qualité il nomma, selon la coutume, un des gardes-vignes. Le 18 octobre 1619, il fut élu par le conseil capitaine de la compagnie de milice de l'étape de St Jean. On le trouve encore le 27 janvier 1622 recevant une reconnaissance à Montvernier.

Le rôle de cotisation de la noblesse de St-Jean pour l'année 1602 contient les noms de Gasbamel fils de Jean-Louis de La Balme, de Jacques et de Louis dont j'ai parlé ci-dessus. Gasbamel, héritier de Claudine d'Arves, sa mère, était propriétaire de la Cour d'Arves (2), au sommet de la rue Bourieu. En 1598, du temps de contagion pullulant, il loua cette maison et le verger qui l'entoure à la ville pour retirer les pauvres et les étrangers. Le prix convenu était de 60 florins. En 1602 il envoya à la ville une sommation pour être payé, mais celle-ci ne s'exécuta qu'en 1608 (1) Une délibération du conseil de St-Jean du 6 mars 1606 nous apprend que Jacques était vivant à cette date et père de teu damoiselle Henriette de La Balme, veuve de Mo François Tévenin. (2) Travaux de la Société. 2" série, t. 2, part., p. 75.


après un jugement du corrier (1).

En 1604, le procureur fiscal et patrimonial de l'évêché, Me Jacques Bertrand, fit assigner, par le ministère de Claude Meisseillier, commissaire épiscopal, les nobles de la ville de St-Jean à comparaître devant spectable Claude Duverney, juge ordinaire de l'évêché, pour entendre déclarer l'échute ef la commise, parce qu'ils n'avaient pas fait la reconnaissance des fiefs qu'ils tenaient de l'évêché et des droits de plaids, muages et revestitures dont ils étaient débiteurs, ni prêté à l'évêque, Mgr. Philibert Milliet, l'hommage lige et noble et le serment de fidélité. Les nobles nommés dans la requête sont Louis de La Balme, tuteur d'Humbert et Anne, enfants de feu Pierre de La Balme (2) Amé du Mollard, Amé des Costes de Babylone Jules des Costes Gasparde et Aimée, filles de feu Pierre Salière d'Arves Jacques Rapin, comme procureur de Pompée, son frère Pierre Balthazard Portier Anne des Costes, tutrice de Pierre des Costes, son fils Philibert de Chabert, comme mari de Jeanne Baptendier, héritière de Michel Truchet.

Le procès traîna en longueur, selon la coutume. Les nobles prétendaient ne devoir l'hommage lige et la fidélité qu'au duc de Savoie. L'évêque, obligé, disait-il, de défendre les droits de son siège, répondait en exhibant les reconnaissances et les procèsverbaux des serments prêtés par les ancêtres des nobles; il reconnaissait qu'en vertu du traité d'association de 1327 le duc de Savoie avait droit au même serment d'hommage et de fidélité. Condamnés par le juge de l'évêché en 1G07, les nobles en appelèrent au Sénat et adressèrent une supplique à Charles(1) Délibérât, du conseil de ville.

(2) Humbert de La Balme épousa Anne Rambaud, dont la sépulture est inscrite à la date du 24 mai 1631.


Emmanuel, le suppliant de t défendre son droit et les maintenir soubs sa seule obéissance et fidélité. » Débouter l'évêque était difficile, endroit. On laissa l'affaire indécise et elle se réveilla à plusieurs reprises sous les successeurs de Mgr. Philibert Milliet, jusqu'en 1768, où le cardinal de Martimana céda ses droits de souveraineté au roi de Sardaigne et affranchit tous les droits féodaux.

Le 1" avril 1618, le conseil général de la ville de St-Jean s'assembla dans la maison de ville, l'ancien Ecu de France, rue Grenette, sous la présidence des magistrats, c'est à dire des représentants des deux souverains, le vicaire général Amé Milliet et le juge corrier Jacques Albert d'Avrieux. Au mois de février, à la suite des grandes pluies, le torrent de Bonrieu avait rompu ses digues et était descendu dans la rue qui porte son nom les dégâts étaient considérables, des maisons étaient en ruine, même au Pointet du Bourg (1) et devaient être abattues. Des éboulements avaient couvert les prises d'eau des fontaines. Il fallait donc imposer des quartiers de tailles aux trois états de la cité. Mais la noblesse n'avait pas de syndic elle devait préalablement en élire un. Cinq nobles seulement se présentèrent Jacques Rapin docteur en droits, Jacques de La Balme, Louis de Ruffy, Gasbamel de La Balme ec Pierre André Sauvage. Le père de ce dernier, Georges Sauvage, avait été sénateur au Sénat de Savoie.

L'élection fut renvoyée à une autre séance et, à la requête des syndics de la bourgeoisie qui protestèrent contre le retard apporté au service public, les deux procureurs fiscaux adressèrent une sommation à tous les nobles de la Terre Commune, particulièrement à ceux qui sont nommés ci-dessus et aux (1) Commencement de la rue du Collège, ancienne place du marché.


suivants Claude Ducol avocat fiscal de la province, Claude de Châteaumartin, Bernard de La Balme frère de Jacques, Aimé des Costes seigneur de SaintMarcellin, Michel Martin, Jean-François d'Humbert juge-mage, et Claude des Flammes. Pour parer à toute éventualité, le juge-mage nomma d'office ce dernier syndic de la noblesse.

Le 17 du même mois, mardi de Pâques, nouvelle assemblée du conseil général. Les nobles ne furent qu'au nombre de quatre Jacques et Gasbamel de La Balme, Balthazard Baptendier et Louis de Ruffy. Nouvelle protestation du tiers-état. Sauvage, qui arriva sur ces entrefaites, déclara, pour dégager sa responsabilité, qu'il adhérait à la nomination faite par le juge-mage. Mais quelques jours après, Gasbamel de La Balme alla devant le secrétaire de politique de la ville, le notaire Claude Sambuis, protester contre cette nomination et donner son vote Louis de Ruffy. Enfin les nobles s'assemblèrent, Claude des Flammes resta leur syndic et l'on put voter les quartiers de tailles, non sans discussions entre les trois ordres de la cité, selon la coutume.

Pour rendre justice aux nobles, il faut reconnaître que les bourgeois n'étaient pas plus exacts qu'eux à se rendre aux assemblées du conseil général. Seulement, comme ils étaient beaucoup plus nombreux, il était plus facile de trouver une majorité, vraie ou supposée.

Le 20 avril 1640, Pétremand de La Balme, fils de Gasbamel et frère de Michel, curé d'Hermillon (1), assista à une assemblée de la noblesse de St-Jean, qui décida de concourir, dans la même proportion que le clergé et le tiers-état, « aux tournes et réparations de Bonrieu ». Assistaient encore à cette assemblée spectable Claude Rapin avocat et syndic de la (1) Mort à St-Jean en 1645.


noblesse, spectable Pierre de Tignac, seigneur du Villaret et juge-mage, spectable Jacques Rapin, spectable Pierre Martin d'Arve, spectable Jacques Sibué Ducol et Claude d'Avrieux.

Pétremand de La Balme avait épousé Jeanne Canal, bourgeoise de St-Jean sa sépulture eut lieu le 9 août 1651. M. de Foras leur donne cinq enfants dont quatre, trois filles et un garçon, paraissent être morts en bas âge. Marie, née en 1640, épousa l'avocat Louis Bertrand.

A ces cinq enfants il faut probablement ajouter Gaspard, dont l'Armorial ne parle pas et dont je n'ai pas trouvé l'ascendance d'une manière certaine. Il devint curé de Presle et official de La Rochette le diocèse de Maurienne était divisé en trois officialités St-Jean, Aiguebelle et La Rochette. Le 21 juin 1679, m.essire Gabriel de La Balme donna à bail divers immeubles appartenant à sa cure de Presle. Il mourut avant l'année 1718, laissant l'usufruit de ses biens à Marie de La Balme et la propriété àl'évêque, Mgr. Valperga de Masin, pour aider à l'établissement d'un grand séminaire. Je ne connais pas la valeur de son héritage mais je vois dans une délibération du conseil de la ville, du 23 avril 1718, que les biens dont Mgr. de Masin avait pris possession et qui jusqu' alors avaient été exempts de la taille, comme biens de noble d'ancienne race, furent imposés de « 8 sols 8 deniers, 9 douzains 11 douzième de douzain et 10 douzièmes d'autre douzain. » L'avocat Louis Bertrand était fils de spectable Claude Bertrand qui mourut en 1052, et petit fils de Jacques Bertrand, procureur fiscal de l'évêché, mort en 1655. Simon, frère de Claude, avait épousé en 1646 Anatolie fille de noble Claude de Faucherans, du comté de Bourgogne, et Mgr. Paul Milliet leur avait donné lui-même la bénédiction nuptiale dans sa


chapelle St-Michel.: sa sépulture est inscrite au 5 mai 1654. Cette famille Bertrand occupe une place importante dans l'histoire de la bourgeoisie de StJean au XVII' et au XVIII' siècles.

Louis Bertrand et Marie de La Balme n'eurent pas d'enfants. Le premier mourut en 1681. Sa femme lui survécut jusqu'au 17 janvier 1726 et avec elle s'éteignit le vieux nom de La Balme de Montvernier. Elle fut enterrée dans le tombeau de ses ancêtres, sous l'autel de la confrérie de S. Joseph en l'église paroissiale Notre-Dame. Elie était âgée de quatre-vingts ans. Par son testament du 29 février 1684, le chanoine Jean Borrel avait aussi institué usufruitière la veuve de l'avocat Louis Bertrand et héritier le futur grand séminaire, dont l'érection avait été autorisée par lettre à cachet du duc de Savoie Victor Amédée II, en date du 24 janvier 1688. Mais il parait qu'il s'était fait illusion sur sa fortune car on voit dans un document des archives de l'évê«hé que le revenu suffisait à peine à l'acquittement de la messe quotidienne qu'il avait fondée. Marie de La Balme donna son héritage pour la même institution. Mgr. de Masin prit l'administration des trois petites hoiries et fit lui-même la donation plus importante de 40.000 florins. Le grand séminaire fut ouvert solennellement au mois d'août 1735, dans la maison de Tibéri qui avait appartenu aux nobles Tibière (Tiberii), au sommet de la rue Bonrieu.

Des donations de Gaspard de La Balme, de Marie de La Balme, du chanoine Borrel, de Mgr. de Masin et des autres bienfaiteurs du séminaire avant 1792, rien n'a échappé à la Révolution, sauf la maison du sommet de la rue de l'Orme, où il avait été transféré en 1758.


VI

D'Avrieux et Dupré.

L'héritier du dernier des nobles de La Balme descendait de Mathieu Davrieux (Deaprili), natif de Lanslebourg, notaire, procureur, secrétaire de l'évêché et l'un des principaux bourgeois de St-Jean dans la seconde moitié du XVIe siècle (1).

Jacques Albert, son troisième fils, épousa Claudine des Costes, devint conseiller de S. A., corrier et juge commun de la cité de St-Jean, et mourut le 8 décembre 1627. Il porte dans plusieurs titres la qualification de noble.

Cependant ce ne fut que le 11 juillet 1629 que des lettres-patentes de noblesse furent accordées à JeanFrançois, un de ses fils, qui lui avait succédé en sa charge de corrier. C'est lui qui fut l'héritier de JeanFrançois de La Balme. Il épousa 1° Jeanne Duverney (2), qui mourut en 1646 2* en 1647 Dominique Gagnéres, veuve de noble Claude des Flammes, que nous avons vue recevoir un legs de JeanFrançois de La Balme 3' en 1652 Angéline-Marie, fille d'Antoine Pis, noble piémontais, qui lui survécut.

Etienne-François naquit en 1657. En 1677 il épousa à Rumilly-sous-Cornillon Hélène, fille de Gilbert de La Forest comte de Divonne dans le pays de Gex. C'était un brillant mariage la dot était considérable pour ce temps, 15.000 florins, robes et trousseau. Naturellement, Etienne-François d'Avrieux l'hypothéqua sur ses propriétés et ses fiefs il se fixa à Divonne.

(1) V. St-Jean-de-Maurienne au XVI' siècle, p. 276 et 351. (2) Sœur du chanoine Pierre Duv ney, vicaire général, qui fit héritiers les pauvres de S W«an.


Le 31 janvier 1699, se trouvant à St-Jean < il affranchit perpétuellement. messire Pierre Deschamps, curé en l'église parroichiale de St-Christophe. honorable Louis Deschamps maistre apothicaire et bourgeois de la cité, Michel, Joseph et les enfants de feu Jean-Louis Deschamps. tous les susnommés enfants de feu Philippe Deschamps de la paroisse de Montvarnier. de l'escheute et tous les droits qui lui sont aequis en vertu des reconnaissances par le décès de Rd messire Anthoyne Deschamps leur frère. »

Les propriétés grevées de ces droits féodaux dépendaient du fief des Rossets elles sont mentionnées. dans les reconnaissances de 1496, 1623, 1650 et 1651. Le prix de, l'affranchissement jusqu'à ce jour est de 600 florins. Expresse réserve est faite des servis, laods et vends qui pourront être dus à l'avenir. L'acte est fait dans la maison de noble JeanBaptiste Colafre, au sommet de la rue Beauregard, par le notaire Jacques Tardy-Thosallet.

Etienne François d'Avrieux paraît être mort la même année à Divonne. Un des actes contenus dans le livre d'où j'ai tiré le testament de Jean-François de La Balme fournit les renseignements suivants. Etienne-François d'Avrieux fit son testament le 15 mai 1699, donnant son héritage, non pas à son fils Victor Amédée, mais à sa femme, qui relâcha le fief de La Balme à l'héritier naturel lorsque, le 6 avril 1725, il fit son contrat de mariage avec noble Marie-Anne Desponts de Briançon. Quant au reste de la succession d'Etienne-François d'Avrieux, mon titre n'en parle pas et le livre ne contient pas ce contrat de mariage.

Mais dans cet intervalle Hélène avait affranchi le plus grand nombre des tenanciers du fief de La Balme des hommages, servis, laods et autres droits


dont leurs biens étaient grevés, les actes remplissent une grande partie de mon gros livre en sorte que, quand Victor Amédée en fut remis en possession, le fief était réduit à peu de chose. Ce peu était même à peu près sans valeur car les titres n'avaient pas été renouvelés et il y avait plus de vingt ans que les tenanciers ne payaient rien. Enfin un édit de l'année 1730 prescrivit pour ces rénovations de nombreuses et coûteuses formalités.

Se trouvant dans l'impossibilité de faire toutes ces dépenses, Victor Amédée d'Avrieux vendit, le 10 juin 1733, le fief de La Balme, pour la somme de 700 livres, à Joseph Vincent, commissaire d'extentes à Chambéry. La commune de Montpascal s'affranchit pour le prix de mille livres, quelques affranchissements eurent encore lieu et Joseph Vincent finit par vendre le reste, pour 200 livres, à Me Simon Joseph, fils de feu M' Louis Dupré, notaire et procureur à St-Jean-de-Maurienne. L'acte est du 9 avril 1742. En 1745, Dupré fit faire les reconnaissances nécessaires. Entête du registre il ajoute à ses titres de notaire et de procureur ceux de « châtelain royal tant de la paroisse de Montvernier que de celles de Pontamafrey, Notre-Dame du Châtel et Montpascal, liquidateur approuvé du balliage, procureur fiscal et patrimonial de l'évêché de Maurienne, du marquisat de La Chambre, de la comté des Cuines et Villards, de celle des Urtières, du mandement de Bessans et Lanslevillard et de la seigneurie de la Chaudane. » Beaucoup de titres et de charges qui ne le conduisirent pas à la fortune.

Simon Joseph Dupré était natif de Montvernier. Un de ses frères devint secrétaire, puis ministre de l'infant don Philippe duc de Parme, et je trouve des lettres qu'il signe Dupré de La Balme. Peut-être avait-il acheté la maison-forte ou ses ruines. La mai-


son Dupré domine le village de l'église. Haute et vaste, elle accuse un passé de grandeur bourgeoise ses dépendances confinaient avec celles de la maison-forte.

A l'époque où il fit faire les reconnaissances, Dupré avait déjà affranchi plusieurs de ses peu nombreux tenanciers. On trouve un de ces actes dans les minutes du notaire Humbert Rambaud pour l'année 1744. Le chanoine Ennemond Vernaz, de St-Jean, avait acheté de M. de Saint-Réal diverses propriétés à Montvernier, dépendantes du fief de La Balme et des Rossets « une varcinée de terre à la Croix au Planchamp, trois quartellées de terre taschive à la Croix des Rameaux, une sétérie de terre taschive à l'Hullion, une pièce de pré à la Plaine-Ville de Montvernier, et le tiers de deux fossorées de terre à la Thovasse ». M' Dupré affranchit les droits féodaux qui frappaient ces propriétés, pour la somme de 140 livres de Savoie, dont 70 pour les laods et vends de l'acquisition faite du seigneur de Saint-Réal mais il se réserva un servis annuel d'un denier, plus les laods et vends en cas de vente. Ce n'était donc pas un affranchissement complet c'était une quittance pour le passé et une réduction de la quotité des droits pour l'avenir.

Cette réserve de droits féodaux révèle peut-être la secrète ambition du notaire d'arriver peu à peu à la noblesse, comme.l'avaient fait les notaires Rapin, Davrieux, Dalbert et d'autres.

Son père avait été lui-même feudataire du fief de La Balme pour divers hommages, servis, taches, etc. Hélène de La Forest l'en avait affranchi le 15 avril 1713 pour la somme de cent florins. Comme l'exercice d'aucune juridiction n'était attaché au fief de La Balme, il pouvait, d'après les Royales Constitutions, être possédé par des roturiers.


Néanmoins, en 1745, Dupré fit solliciter des lettres d'habilitation du roi, de qui il relevait en arrière-fief. Mais la Savoie était alors occupée par les troupes espagnoles. On lui répondit de Turin « Que le roi ne voudrait asseurément pas s'ingérer à donner des ordres ou des grâces dans un pays où il ne commandait pas actuellement et qu'outre cela il restait à savoir si les personnes non nobles sont admises en Savoye à posséder des fiefs sans juridiction, ainsi qu'elles le sont en Piémont, car il sait qu'il y a en Savoye beaucoup d'usages et de lois différentes. que cependant si l'acte était fait, on pensait que le roi ne ferait pas difficulté de l'approuver lorsqu'il serait rentré dans la possession de son pays. » Profitant de ces sous-entendus, Dupré s'adressa à l'infant Don Philippe qui, par patentes données à Nice le 4 avril 1745, lui accorda et à ses descendants nés et à naître en légitime mariage la capacité et habilitation à tenir et posséder à perpétuité les fiefs de La Balme et Rosset situés rière la paroisse de Montvernier et ses dépendances. »

Là-dessus Dupré fit faire une partie des reconnaissances. Mais le notaire les écrivit « sur du grand papier marqué de protocolle », au lieu du < papier marqué à procès ». En .outre, Dupré avait négligé de faire entériner la patente au Sénat. Double cas de nullité qui nécessita une seconde supplique à Don Philippe et de nouvelles lettres de convalidation datées de Chambéry le 21 janvier 1748. M" Simon Joseph Dupré mourut le 16 avril 1762. Peut-être avait-il déjà affranchi tous les droits féodaux qui constituaient ce reste des fiefs de La Balme car il n'en est pas fait mention dans les papiers de ses deux fils, que j'ai retrouvés dans les archives de l'évêché. Du reste, en 1768, un édit royal prescrivit l'affranchissement de tous les droits


féodaux.

Deux notes pour terminer ce mémoire.

Simon Joseph Dupré laissa beaucou p de dettes et deux fils, dont l'un, devenu prêtre et bénéficier de la cathédrale, disparut en 1793, et l'autre alla mourir dans un hôpital à Marseille.

Victor-Amédée d'Avrieux laissa deux filles, Catherine-Thérèse et Anne-Charlotte. La première épousa égrège Jean-Etienne, fils d'égrège Ignace Gravier la seconde, égrège Jacques, fils d'égrège Pierre-Antoine Salomon, tous deux de St-Jean-de-Maurienne.

NOTE

Les excursions à St-Julien en 1901 et à l'Echaillon en 1902 ayant pris dans ce bulletin plus de place que l'on ne pouvait prévoir, nous renvoyons au suivant les mémoires 2 et 3 Le fort de St-Jean-de-Maurienne, par M. le chanoine Truchet, et Lettres du Thibet, de M. l'abbé Léard, dont l'insertion a été annoncée dans le compte-rendu des séances du 6 mai et du 4 novembre 1901 (p. 18 et 19). >

MÉMOIRES

4

Lanslevillard pendant la Révolution (1). Jusqu'au jour où le travail gigantesque de la percée du Fréjus eût été terminé, le voyageur se rendant en Italie, passait par la Haute-Maurienne. Il devait remonter, pendant de longues heures, la rive (1) V. séances des 2 décembre 1901, 6 janvier et 3 férrier 1902.


de l'Arc qui, réduit, pendant l'hiver, à un très petit volume d'eau, se grossit pendant la belle saison de la fonte des neiges et roule avec impétuosité ses ondes fougueuses au travers des étroites vallées et des gorges profondes de la Haute-Maurienne. Enfin le voyageur arrivait à Lanslebourg, et, de là, prenant la droite, il suivait une route assez rapide, serpentant au milieu d'une magnifique forêt. Si, le long de cette route qui le conduisait au col du Mont-Cenis, il regardait au fond de la vallée, vers le levant, il apercevait resserré entre des montagnes couvertes d'arbres ou de prairies, placé là comme en un berceau, un petit village appelé Lanslevillard, dominé par son clocher et son antique église. Nous ne parlerons pas de Lanslevillard dans des temps bien anciens nous ferons le récit des faits qui se sont passés dans cette petite commune, il y a un peu plus d'un siècle seulement, pendant les sombres jours de la Révolution française.

Le document principal dont nous nous servirons, est un manuscrit rédigé très peu de temps après les évènements, par un habitant de Lanslevillard dont nous ignorons le nom. Les citations entre guillemets qui se rencontreront dans le cours de ce petit travail, seront des extraits de ce manuscrit. Nous nous servirons aussi d'autres documents qui nous ont été aimablement communiqués par diverses personnes. 1792.

Le 14 juillet 1789, la Ré v olution française éclatait comme un coup de foudre qui eut son retentissement dans l'Europe entière. Depuis longtemps Victor Amédée III de Savoie redoutait l'invasion de ses Etats. Aussi il avait fait approvisionner tous ses magasins de munitions et fait passer en Savoie douze


mille hommes. Mais ses troupes reculèrent devant les forces françaises qui le 22 septembre 1792 entraient à Chambéry, et les Piémontais durent alors se retrancher en grande partie sur le Mont-Cenis pour empêcher une descente en Piémont.

Bientôt après leur entrée en Savoie les Français arrivèrent jusqu'à Lanslevillard. C'était le 6 octobre 1792. Quels furent les sentiments des habitants de cette commune? Nos manuscrits ne le disent pas mais il est à supposer que les habitants ne virent pas arriver sans crainte les troupes françaises. « Toutefois, dit le Chroniqueur dont nous avons parlé tout à l'heure, les Français ne firent aucun mal et retournèrent le même jour à Lanslebourg pour y établir leur quartier. » Le lendemain il fut ordonné à la commune de Lanslevillard, de fournir une certaine quantité de foin et d'avoine, ce qui fut exécuté aussitôt.

Comme on le sait, ce fut avant la fin de cette même année 1792 que la Savoie fut officiellement incorporée à la France. Les communes furent invitées à envoyer un député chacune à Chambéry pour voter ou non l'incorporation à la France. « Le résultat de cette assemblée fut que la Savoie se déclara soustraite à l'obéissance de S. M. le roi de Sardaigne, après avoir été soumise et fidelle pendant plus de huit siècles sans interruption, sauf torsemment en temps de guerre. » L'assemblée demandait l'union de la Savoie à la France son vœu fut confirmé le 25 novembre de la même année par la Convention et notre antique Savoie prit le nom d'Allobrogie qui bientôt dut faire place à celui de département du MontBlanc. La nouvelle de cette convocation à Chambéry ne parvint point aux communes de Lanslevillard, Bessans et Bonneval, qui par conséquent ne furent point représentées à l'Assemblée.


Vers la fin du mois de novembre il fut ordonné d'organiser en chaque commune une nouvelle Municipalité composée d'un maire, d'un procureur de commune ainsi que d'officiers municipaux et d'adjoints suivant le nombre des habitants. On se conforma à Lanslevillard, le 3 décembre, à l'ordre reçu et on procéda dans la salle de l'école à l'élection d'un Maire, d'un procureur de commune, de deux officiers municipaux, de deux adjoints et d'un secrétaire. C'est ainsi que disparaissait l'ancienne administration composée d'un syndic et de plusieurs conseillers.

1793.

Vers la fin de janvier de l'année 1793, il fut ordonné de modifier les élections faites dans le mois de décembre précédent. Le Maire fut changé les officiei s municipaux furent réélus et on nomma huit adjoints au lieu de deux, qui prirent le titre de notables et le nom de procureur de commune fut remplacé par celui d'agent national.

Jusqu'alors la paisible population de Lanslevillard, n'avait peut-être vu en tous ces évènements qu'un changement de Gouvernement. Mais l'esprit qui animait la Révolution française ne tarda pas à se montrer tel qu'il était. Le 8 février 1793, l'administration centrale du département communiquait aux communes le fameux décret ordonnant à tous les prêtres de prêter le serment civique qui eut été mieux qualifié du titre d'hérétique et schismatique. « Dans le cas de refus de la part des dits prêtres, ajoutait le décret, ils devaient sortir, dans l'espace de quinze jours du territoire de la République, sous peine d'être réputés réfractaires, poursuivis comme tels et conduits dans la Guyane française. »


A cette triste époque, deux excellents prêtres dont nous sommes heureux de rappeler le souvenir se trouvaient à Lanslevillard. C'étaient Messieurs Combet et Turbil. Le premier, Rd Esprit Combet, natif de St-André, avait été nommé à la cure de Lanslevillard en 1763. Il avait été jusqu'alors prêtre d'honneur de Mgr. Filippa de Martiniana. C'était un homme d'une haute intelligence, d'une grande énergie et d'un esprit vraiment sacerdotal. Il a laissé en manuscrit une histoire des Evèques de Maurienne et de nombreux documents. L'autre prêtre de résidence à Lanslevillard était Rd Benoît-Joseph Turbil né à Lanslevillard même, en 1764. Ordonné prêtre le 21 septembre 1787 par Mgr. de Brichanteau, il fut nommé le 13 janvier 1790 vicaire-régent dans son pays natal. Il avait un oncle Rd Benoît-Joseph Turbil, qui était professeur de Rhétorique au collège Lambertin de Saint-Jean-de-Maurienne, lorsqu'éclata la Révolution (1).

MM. Combet et Turbil « examinèrent avec soin, nous dit notre Chroniqueur, le contenu du décret » puis, à l'imitation de la presque totalité du clergé français, préférèrent l'exil à la prestation du serment. Aussi, le 24 février, munis de passeports qui leur furent délivrés par la municipalité, ils durent dire unbien triste adieu à cette chère paroisse de Lanslevillard qu'ils avaient tous deux, depuis plusieurs années, cultivée de leurs sueurs et édifiée par leuis vertus, et ils allèrent chercher un asile en Piémont. La persécution religieuse commençait c'était la guerre déclarée à tout ce qui avait été jusqu'alors l'objet de la vénération des peuples. La manicipalité voulut soustraire à des profanations, à des vols sacrilèges, les objets consacrés au culte divin. Tout ce qu'il y avait dans la sacristie de plus précieux fut (1) V. Travaux de la Société d'hist. série, t. 2, 1" part., p. 4b-


enfermé dans un coffre qui fut caché chez un nommé Pierre-Joseph Filliol. Aussi, lorsque le district de Saint-Jean-de-Maurienne réclama l'inventaire de tous les meubles et immeubles affectés au culte, la municipalité ne fit paraître dans cet inventaire que les biens de la Cure et du Vicariat.

Privée de prêtres, la religieuse population de Lanslevillard ne voulut pas cesser néanmoins de rendre à Dieu un culte public. Chaque dimanche, à l'heure de la Grand'Messe, on s'assemblait dans l'église et là on chantait les sept psaumes de la Pénitence, ainsi que les Litanies des Saints ou celles du Saint Nom de Jésus. Deux ou trois dimanches se passèrent ainsi. Mais bientôt un prêtre arrivait dans la commune c'était l'abbé Angleys, natif de Lanslevillard. Lui aussi avait refusé la prestation du serment civique. Sa première intention était de ne point s'arrêter dans sa paroisse natale, d'y saluer ses parents et de passer en Piémont. Il changea ensuite d'avis. Pendant quelque temps il célébra la Messe en secret dans des chapelles, et bientôt il se hasarda à la célébrer dans l'èglise même, ce qu'il continua jusqu'à la fin du Carême. Il fit les offices de la semaine sainte, entendit les confessions le dimanche et lundi de Pâque furent célébrés comme à l'ordinaire. L'abbé Angleys et ses compatriotes, nous dit notre Chroniqueur, espéraient que le décret de prestation du serment s'oublierait mais bientôt arriva l'ordre de rechercher avec soin tous les prêtres non assermentés pour les déporter ensuite. Ce fut alors que l'abbé Angleys, se voyant dans l'impossibilité de continuer son ministère à Lanslevillard, s'enfuit précipitamment en Piémont, ainsi qu'un autre prêtre jusqu'alors caché à Bessans. On continua néammoins à s'assembler dans l'église, tous les dimanches.

Vers la fête de Pâques, la municipalité avait reçu


l'ordre de se réunir afinde nommer des délégués qui, avec le titre d'électeurs, iraient à Chambéry élire des députés à la Convention, ainsi que les autorités administratives et un évoque constitutionnel pour toute la Savoie. Nous ignorons quels furent les électeurs désignés par la municipalité de Lanslevillard. L'évêque choisi fut, comme on le sait, le citoyen Panisset.

Nous avons vu que les troupes françaises avaient établi, l'année précédente, une garnison à Lanslebourg. Le 8 mai 1793, chaque particulier de Lanslevillard dut fournir à cette garnison deux draps et deux couvertures. Au même temps parut un arrêt J de l'administration départementale ordonnant à la commune de Lanslevillard, de faire partir de suite six jeunes hommes « à la fin de voler au secours de la patrie. »

Le fait suivant va nous montrer avec quel enthousiasme cet ordre fut accueilli.

Le 21 mai à Lanslevillard arrivèrent une centaine de soldats français, commandés par un nommé Savoye, de Saint-Jean. Croyant que cette petite troupe venait faire exécuter l'arrêté de l'administration départementale, les jeunes gens de la commune s'enfuirent de tous les côtés. « Trois d'entre eux, dit notre Chroniqueur, se virent suivis jusqu'un peu en dehors du village, par quelques soldats, qui 'probablement ne comprenaient pas le motif de cette fuite. Alors ils prirent leurs sabots à la main pour courir plus vite. » Ils s'engagèrent dans la gorge sauvage et profonde où l'Arc, entre Bessans et Lanslevillard, roule ses eaux à grand bruit et ils allèrent se cacher dans cette première commune. Ce jour là donc, 21 mai, les soldats entourèrent la maison de François-Joseph Turbil, ex-châtelain, pour lors juge de paix. Ce Turbil était le père du vicaire-régent. Il ne se trouvait pas


chez lui lorsque les Français cernèrent sa maison, Informé de ce qui se passait et « n'ayant rien à se reprocher, il vint voir ce que c'était. Alors les soldats se saisirent de sa personne, le frappèrent et l'emmenèrent en prison à Grenoble. Deux mois plus tard, Turbil fut mis en liberté. Il passa alors à Lanslevillard et se rendit ensuite en Piémont. Pourquoi cette petite troupe était-elle venue à Lanslevillard ? Etait-ce pour se saisir de Turbil, soupçonné de trahison 1 II nous semble plutôt que, venus dans cette commune pour y faire une simple reconnaissance, les soldats apprirent qu'il s'y trouvait un homme dont le crime était d'avoir été châtelain et que saisis d'un beau zèle, ils ne trouvèrent rien de mieux que de s'en emparer. Cette hypothèse nous parait confirmée par l'attitude de Turbil qui, sûr de lui-même, se présenta aux soldats avec la confiance qu'inspire l'innocence.

Comme nous l'avons dit, les troupes piémontaises s'étaient retranchées en grande partie au Mont-Cenis. Voyant Bessans et Lanslevillard dépourvus de toute garnison française, elles résolurent de s'emparer de ces deux communes. Au mois de juillet, un détachement, sous le commandement du baron de la Tour, vint s'établir à Bessans. Le 28 du même mois, une compagnie de grenadiers vint, à son tour, se fixer à Lanslevillard d'autres soldats encore descendirent du Mont-Cenis et établirent des corps de garde dans les montagnes de cette commune aux lieux nommés Chantelouve et le Chardonnet. Ces troupes obligèrent les gens du pays à leur procurer du bois et de la paille et à faire la patrouille avec elles. Un soir, le dix août, deux patrouilles piémontaises se prirent l'une l'autre pour l'ennemi et se tirèrent, plusieurs coups de feu. Les Français, entendant au loin la fusillade, abandonnèrent les postes qu'ils occupaient


du côté de Lanslebourg. Mais, le surlendemain, six cents d'entre eux, conduits par un nommé Ratel, de Modane, arrivèrent par surprise jusqu'au corps de garde que les Piémontais avaient établi à la montagne du Chardonnet ils délogèrent les Piémontais et firent prisonnier un officier qu'ils avaient blessé. Un caporal piémontais fit, dans sa fuite, une chute dans laquelle il trouva la mort.

Les Français s'en retournaient vainqueurs à Lanslebourg, lorsque les jeunes gens de Lanslevillard demandèrent à des soldats piémontais de s'unir à eux. Ensemble ils remontèrent au Chardonnet, puis à un lieu nommé Chailoup et de là ils tirèrent sur les Français qui étaient au bas de la montagne. Ces jeunes gens et les soldats piémontais firent de plus, à dessein, des signaux avec leurs chapeaux comme pour appeler une armée qui aurait été cachée dans une autre partie de la montagne. Ignorant donc quelles forces leur étaient opposées, les Français n'essayèrent pas de résister et battirent en retraite, en emmenant avec eux tout ce qu'ils avaient pu trouver dans les chalets vaches, brebis, beurre, meubles. Quant aux troupes piémontaises campées à Bessans, elles passèrent le Mont-Iseran et firent en Tarentaise une trentaine de prisonniers irançais, parmi lesquels se trouvaient deux officiers. Enhardies par ces divers succès, elles attaquèrent vigoureusement les Français et les repoussèrent jusqu'à Argentine.

On crut alors que tout était terminé, que l'ancien gouvernement allait reprendre sa place et que la tempête anti-religieuse était à tout jamais calmée. Beaucoup de prêtres rentrèrent dans leurs paroisses. Le vicaire revint à Lanslevillard le 2 août. Ra Combet, lui aussi, eut le bonheur de revoir sa chère paroisse. A son tour, Mgr. de Brichanteau rentra dans le dioil


cèse. Il passa à Lanslevillard et, comme il le fit à Bessans, à Bonneval et en plusieurs autres paroisses, il fit chanter le Te Deum en actions de grâces il monta ensuite en chaire, prononça une courte allocution sur la grandeur des miséricordes de Dieu et donna la Bénédiction du Saint-Sacrement. Tout semblait pacifié, lorsque le deux octobre arriva la nouvelle de l'incendie du village de Valmeinier par les troupes françaises, qui, quelques jours après, entraient dans la Haute-Maurienne. Le marquis de Cordon, commandant des troupes piémontaises, envoya à Lanslevillard] un ordre par lequel il enjoignait à tous ceux qui le pourraient, de prendre les armes et de se joindre à lui pour s'opposer à l'ennemi. Avant de faire exécuter cet ordre, le syndic et le conseil qui avaient repris leur place, allèrent trouver le marquis de Cordon et lui dirent en substance « Nous n'avons rien à vous refuser, pourvu toutefois que vous ne nous abandonniez pas. Si l'ennemi nous trouve les armes à la main, nous serons tous fusillés. Je ne puis rien vous promettre, répondit le marquis il faut que je fasse promptement reculer l'artillerie et il me faut des hommes pour cet effet. s « Les conseillers, dit ici notre chroniqueur, voyant que bientôt la commune allait retomber aux mains des Français, se dégoùtèrent de servir les Piémontais et ne leur donnèrent plus aucun secours. » Ces derniers cependant obligèrent les habitants de Lanslevillard à transporter leurs canons jusque sur le Mont-Cenis.

La prochaine arrivée des Français était fort redoutée on s'attendait à une sévère vengeance de la part de ceux qui avaient dû reculer devant la petite armée des jeunes gens de la commune, unis à quelques soldats piémontais. Plusieurs s'enfuirent en Piémont ou dans les montagnes, mais tous ne le pouvaient pas. -A


Que fallait-il faire? Voici ce qui fut décidé la commune envoya au général français qui avait établi ses quartiers d'hiver à Termignon deux députés qui lui offrirent les services des habitants de Lanslevillard. L'offre fut acceptée. Ainsi la commune rentrait sous la domination française. La municipalité remplaça le syndic et son conseil Rd Combet repartit pour l'exil et le vicaire demeura caché jusqu'au 12 novembre, jour auquel il alla de nouveau chercher un asile en Italie, en compagnie de son père qui revenait des prisons de Grenoble.

Ici se place une anecdote assez piquante. Le jour de la Toussaint la municipalité reçut d'un nommé Salomon, de Saint-Jean, ancien trésorier royal, pour lors commissaire du département, une lettre invitant les municipaux « à aller conférer avec lui, à Termignon, aux fins de faire l'avantage de la République sans surcharger les communes. » Les trois municipaux, délégués à cet effet allèrent donc à Termignon pour conférer avec le citoyen Salomon. Ils entrèrent chez lui sans aucune défiance. Salomon ne leur adressa que quelques paroles et passa ensuite dans une chambre voisine, d'où bientôt sortirent des soldats qui se saisirent des municipaux, les conduisirent à Sollières et les enfermèrent dans une chapelle. Les trois délégués étaient là depuis quelques heures, fort étonnés de cette manière de conférer sur les intérêts de la République, lorsque la porte s'ouvrit. C'était le citoyen Salomon qui entrait. « Ah 1 vous voici, mes b. d'aristocrates, leur dit l'aimable commissaire c'est avec le marquis de C«rdon que vous correspondez. A moi la peine Il me faut l'argenterie de votre église ou. je vous fais conduire en prison à Chambéry j'ai le pouvoir de vous faire guillotiner. L'argenterie, répondirent les municipaux, n'est plus en notre pouvoir notre curé l'a fait passer


en Piémont -Je sais, répliqua Salomon, que l'abbé Turbil a dit aujourd'hui la messe. Je donnerais bien cinq cents livres à qui me l'amènerait. Qui de vous va me prendre cette argenterie? » Craignant les menaces de Salomon, un des municipaux s'offrit à aller prendre les quelques vases sacrés qui pouvaient être restés dans la commune, après l'expédition faite en Italie par Rd Combet, des calices de l'église paroissiale. Arrivé à Lanslevillard, le municipal fit demander à'R" Turbil le calice qui était en sa possession. Il fit également demander celui dont se servait Rd Manuel, curé de Saint-André, qui se trouvait alors dans la commune il était caché chez ses parents dans une montagne de Lanslevillard appelée l'At celle-Neuve. Ces calices, ainsi que leurs patènes, furent livrés sans difficulté à notre malheureux délégué. Celui-ci alla de suite les remettre à Salomon. L'intègre citoyen les prit, les tourna de côté et d'autre et dit d'un air un peu désappointé, en frappant du doigt les pieds de ces calices « Ceci n'est pas d'argent 1 » Ainsi se terminait la conférence sur les intérêts de la République et immédiatement les trois municipaux étaient remis en liberté. L'honorable commissaire en agit de même avec la municipalité de Lanslebourg. La municipalité de Bessans, avertie à temps, députa quelques-uns de ses membres pour persuader l'ex-trésorier royal que dans leur commune on n'avait pas d'intelligences àvec les Piémontais. Et pour cela les délégués n'eurent qu'à lui offrir quelques louis d'or. Par ce moyen la municipalité ne fut pas obligée de livrer les vases sacrés qui pouvaient se trouver à Bessans, et elle évita. la conférence.

Vers la fin de l'année 1793, arriva à Lanslevillard le fameux décret d'Albitte, représentant du peuple, ordonnant de ne laisser dans chaque commune qu'une cloche pour servirde timbre à l'horloge, et de trans-


porter les autres à la plus proche fonderie. Ce décret fut suivi d'un autre ordonnant une levée générale dans toute la République de ceux qui, étant célibataires ou veufs sans enfants, seraient âgés de 18 ans à 25 ans accomplis. Ce décret ne reçut pas d'exécution dans la Haute-Maurienne. Roqua, chef de la demibrigade qui était à Termignon pressa l'exécution de l'arrêté d'Albitte. Alors la municipalité exposa qu'elle n'avait pas de moyens de transport, que la matière des cloches était trop pesante pour être portée à dos d'homme. et bref, pour donner à ces raisons plus de force, on joignit à l'adresse de Roqua. quelques fromages On resta en paix jusqu'au 13 décembre. En ce jour arrivèrent de grand matin deux cents soldats commandés par le citoyen Nérès. Ils visitèrent les maisons de Lanslevillard où il devait y avoir, disaientils, des fromages destinés aux Piémontais Ces fromages qui appartenaient à des gens de Bessans, furent trouvés, mis « sur des bêtes asines » et transportés à Termignon. En même temps des soldats montèrent au clocher, précipitèrent les cloches sur la place de l'Eglise et les conduisirent également à Termignon.

Terminons ce que nous avons à dire sur l'année 1793 par la reproduction in extenso d'une lettre que la municipalité reçut vers ce temps. « Aux citoyens maires et officiers municipaux de Lanslebourg, Bessans, Bonneval et Lanslevillard. En conformité des ordres reçus, citoyens maires et officiers municipaux, de proclamer la nouvelle de la prise de l'infâme ville de Toulon, j'ai un vrai plaisir de vous annoncer cette nouvelle. Rien ne résiste aux forces de la République. Après deux jours et deux nuits de combat, les Anglais ont évacué cette ville rebelle il y a eu sans doute quantité de prisonniers, puisqu'on nous mande que les généraux des troupes de tous les despotes


sont conduits à Vienne, département de l'Ardèche, cidevant Dauphiné.

Cella va et ça ira 1 Salut et fraternité. Vive la République 1 LAROQUE i" chef de bataillon.

1794.

Ce fut au milieu de la tristesse générale que commença l'année 1794. Elle derait avoir des jours plus orageux encore que ceux de l'année précédente. Comme nous l'avons dit, la municipalité avait en 1793, caché les linges et ornements de la sacristie le curé avait emporté en Italie les vases sacrés. Cependant restaient encore dans l'église de nombreux tableaux ainsi que la châsse contenant le corps de S. Landry. Ce saint, né à Bonneval ou à Lanslevillard, fit profession de la vie religieuse dans le monastère de la Novalaise, sous la règle de Saint Benoit (XI' siècle) et fut chargé de la desserte de Lanslevillard et de Bessans. La tradition rapporte qu'étant tombé ou ayant été jeté dans l'Arc, son «orps s'arrêta à Lanslevillard où le saint est toujours en grande vénération (1).

Sur la fin de janvier 1794, on apprit à Lanslevillard les dévastations sacrilèges accomplies par les Français dans différentes églises. Aussi deux municipaux s'enfermèrent-ils un soir dans l'église. Ils descendirent les plus beaux tableaux au nombre de trente et, la nuit suivante, ils les transportèrent au village de c l'Adroit dans la maison de Joseph Claraz. La châsse de Saint Landry fut à son tour transportée secrètement dans une grange située en un lieu nommé La Roche. L'église était donc dépouillée de ses ornements, mais l'assiduité des fidèles à se ren(1) V. l'abbé Truchet, Hist. haçiol. du diqc. de Maur., p. 203.


dre aux prières dont nous avons parlé, n'était pas moins grande. « Leur piété, fait observer notre Chroniqueur, semblait même se fortifier. » A cette époque un prêtre caché à Bessans y célébrait dans l'église, et bien des habitants de Lanslevillard allaient assister à sa Messe, le dimanche, malgré la difficulté des chemins.

A partir de cette époque, les évènements se précipitèrent. Le 6 avril, dimanche de la Passion, la population sortait de l'église où on venait de chanter les Laudes, lorsqu'elle vit les Français tenter de s'emparer du Mont-Cenis.

L'entreprise ne réussit pas. Il fallut battre en retraite. Pendant ce temps, les habitants de Lanslevillard suivaient les opérations avec un intérêt facile à comprendre et l'échec des troupes françaises fut loin de les contrister. Cependant un soldat français, feignant une indisposition, était resté près d'eux et put se rendre facilement compte du peu d'attachement qu'ils avaient pour la République, sous la domination de laquelle ils ne trouvaient pas la liberté promise.

Vers ce temps, parut l'ordre de démolir les clochers jusqu'au niveau des maisons. Ces clochers, en effet, personne n'en doute, étaient en opposition flagrante avec l'égalité qui devait régner désormais. En beaucoup d'endroits, les clochers furent démolis « plus ou moins, suivant le patriotisme des communes. Mais les municipaux de Lanslevillard espéraient que ce décret, comme certains autres, resterait pour leur commune purement à l'état de lettremorte. Aussi ils ne s'étaient pas empressés de le faire exécuter. Cependant il arriva un ordre sévère de mettre en adjudication le travail de démolition du clocher. Voici comment le décret fut exécuté. Laissons la parole à l'auteur de notre manuscrit « On


choisit le samedi-saint pour adjuger le travail. On pensaitquece jour-là tout le monde aurait jeûné et que, ne sortant de l'église qu'à midi (ces assemblées n'étaient pas présidées par des prêtres), personne ne s'arrêterait pour soumissionner un parti de cette espèce et que tous aimeraient mieux aller dine. L'affaire réussit parfaitement bien. La première mise était à mille francs. On eut beau crier personne ne s'arrêta pour miser. et par ce moyen, nous avons gardé notre clocher. »

Nous arrivons à l'épisode le plus douloureux des jours de la Révolution à Lanslevillard. La fête de Pâques qui, en cette année, tombait le 20 avril, n'avait plus été annoncée, comme les années précédentes, par les joyeux refrains des cloches et la grande fête de l'allégresse chrétienne s'était passée au milieu de bien des tristesses et des angoisses. Nous sommes à onze heures du soir. Tous les habitants prennent leur repos, lorsque tout à coup ils sont réveillés par un grand bruit ce sont plus de mille soldats qui se répandent dans les rues du village. Bientôt ils frappent aux portes à coups de crosse de fusil. Il faut se lever et aller leur ouvrir en tremblant. Les soldats entrent dans les maisons au grand effroi des habitants. « Allons, disent-ils, il faut partir de suite, en emmenant vos bestiaux et vos meubles dans une demi-heure Lanslevillard flambera 1 » A c«tte terrible nouvelle, on n'entend plus que cris et que sanglots. Les mères n'ont pas le temps de vêtir leurs enfants. Les soldats se saisissent de toutes les personnes qui ne peuvent s'échapper, et ils les emmènent suivies de leurs bestiaux, à une heure du matin.

Lorsque les derniers soldats furent partis, quelques hommes les suivirent de loin et, arrivés près de Lanslebourg, ils purent entendre les soldats enfoncer


les portes à coups de massue Lanslebourg éprouvait le même malheur que Lanslevillard. Ces arrestations se firent en exécution de l'arrêté du représentant du peuple Gaston en date du 30 germinal. Les prisonniers furent conduits au fort de Barreaux, leurs compatriotes ignorèrent pendant quelque temps le lieu de leur déportation c ils ne savaient pas plus de nouvelles d'eux que s'ils étaient partis pour l'autre monde. »

Le lundi de Pâques, tous ceux des habitants de Lanslevillard qui avaient échappé aux mains des soldats, allèrent se cacher les uns dans les montagnes, les autres à Bessans. Le nombre de ceux qui avaient été saisis et emmenés, était de plus de cent, hommes, femmes et enfants. Deux cent cinquantetrois bêtes à cornes avaient été emmenées avec eux. L'excitation parmi ceux qui avaient échappé, était à son comble Je dimanche suivant, les jeunes gens se firent donner des armes aux Piémontais, et sans comprendre l'inutilité d'une pareille attaque, ils allèrent jusqu'à Lanslebourg dont les habitants avaient été déportés en bien plus grand nombre que ceux de Lanslevillard. Là, ces soldats improvisés s'avisèrent de tirer sur une patrouille qui prit la fuite mais, à leur tour, ils durent fuir devant une troupe de plus de mille hommes qui les poursuivit jusqu'à Lanslevillard.

Cependant la situation de ceux qui n'avaient pas été déportés, devenait intenable. Alors quelques municipaux de Lanslebourg et de Lanslevillard se réunirent et résolurent d'adresser une requête aux administrateurs du département mais personne ne voulait se charger d'aller remettre cette requête. Enfin quelqu'un, dont le nom nous est inconnu, se dévoua. Nous donnons une copie intégrale du message.


« Liberté. Egalité.

« Aux citoyens administrateurs du département du Mont-Blanc.

Citoyens,

Les membres municipaux et notables des communes de Lanslebourg et Lanslevillard, après la triste délapidation martiale qu'ils viennent d'essuyer, se persuadent avec une espèce de raison morale qu'ils ne peuvent employer plus utilement les instants de leur malheureuse existenee qu'en les consacrant à exposer, sous son vrai point de vue, le tableau littéral de la désolation qui a été exercée sur ces deux communes et, certes, si la fraternité n'est pas un mot vague, dénué de signification et employé au hasard, elle réclame à nos obligations cet acte qui la caractérise.

« En effet, on ne saurait sans attendrir les individus les plus insensibles représenter la déplorable soirée du 1" floréal, où les défenseurs de la liberté se sont laissé emporter à une fureur plus que martiale, car il est hors des bornes ordinaires de voir les maisons saccagées, les pères enlevés à leurs enfants, les enfants arrachés des bras de leurs mères éplorées, l'époux privé de son épouse, l'épouse errante sans époux. On est d'autant plus attendri par cette scène affligeante qu'on ignore absolument quels en sont les motifs. On ne sait comment et de quel crime de lèse-nation ces deux communes peuvent s'être rendues coupables pour mériter un traitement qu'un être insensible hésiterait d'employer contre ses plus funestes ennemis.

« Cependant d'après le vœu général pour notre réunion à la République française, on ne peut nous regarder comme membres proscrits, sans violer les grands principes qui servent de base à la République


et la morale républicaine est trop humaine pour autoriser pareille tyrannie.

« Si ces deux communes s'étaient montrées rebelles et qu'on pût citer pour leur condamnation des faits authentiques, on serait moins surpris de ce traitement et il paraitrait même autorisé par les lois de la guerre mais, depuis l'aurore de la liberté gallicane dans le Mont-Blanc, on a vu tous les individus de ces deux communes se porter avec empressement à toutes les démarches qui pouvaient l'affermir et faire tous les actes qui prouvent, jusqu'à l'évidence, combien ils en étaient sectateurs. Pour fournir à cette assertion une' preuve majeure, l'on ne craint pas d'avancer que jamais l'on n'a différé d'un instant de mettre à exécution tous les ordres émanés de tribunaux quelconques, que l'on s'est toujours empressé de porter vendre jusqu'à Termignon les modestes fruits de laitage qu'on arrache à une longue industrie que l'on a subvenu à toutes les exactions en foin, paille et bois en un mot qu'on a fait avec la plus scrupuleuse exactitude tous les actes qui peuvent prouver le vrai civisme.

« Mais supposons qu'il se fût trouvé dans ces deux communes quelques particuliers dévoués à l'aristocratie, le général peut-il légalement être rendu victime des mauvais procédés du particulier? Non, car il est de principe que les fautes sont personnelles et conséquemment l'on ne peut avec justice punir que les coupables.

« Par tous ces motifs qui sont établis sur une base d'autant plus véridique que l'exposé est prouvé par le fait, les municipaux et notables de ces deux communes recourent donc à ce qu'il plaise au département de jeter un regard favorable sur les tristes victimes de ces hostilités et faire rendre à leur pays natal les pères, fils, mères et tous ceux qui dans ce mo-


ment de rage ont été enlevés par la troupe qui garde les foyers de la Haute-Maurienne en même temps qu'on leur restitue les effets qui peuvent encore se retrouver l'on demande en outre qu'il soit envoyé aux défenseurs de notre liberté des itératives invitations à ne plus molester les particuliers qui restent qu'il soit licite à ceux-ci de rentrer au moins paisiblement dans leurs foyers, sans se voir plus longtemps obligés d'errer çà et là comme des êtres sauvages. Tous ces particuliers ainsi réhabilités ne cesseront avec les sentiments de la, plus cordiale gratitude de travailler de tout leur pouvoir à faire naitre l'occasion de manifester leur civisme et leur éternel dévouement à la République. »

Celui qui s'était chargé de cette requête, arriva à Termignon là il la remit au commandant de la garnison, croyons-nous. La requête fut de Termignon expédiée « on ne sait et elle n'eut aucune suite. Quant eu porteur de la supplique, il fut saisi et conduit à Barreaux, où il retrouva ses compatriotes. Bessans et Bonneval étaient menac6s d'un malheur semblable à celui qu'éprouvèrent Lanslevillard et Lanslebourg, « mais ces deux premières communes envoyèrent des députés à Ratel qui pour lors dirigeait toute l'armée et à quelque autre chef. Ces députés leur firent cadeau de plusieurs rouleaux de louis et ainsi Bessans et Bonneval furent épargnés. Le 7 mai, de grand matin, des soldats revinrent à Lanislevillard. Cette fois ils étaient au nombre de trois mille et ils venaient apporter de nouveau la désolation dans cette malheureuse commune. Ils pillèrent tout ce qu'ils purent trouver et ils établirent des corps de garde tout autour de la commune. Depuis le col du Mont-Cenis, les Piémontais tirèrent sur eux plusieurs obus, ce qui, selon l'expression des Français, ne servait qu'à les tenir réveillés.


Vers trois heures du soir on rassembla tous les habitants, excepté les malades, dans l'église qui était toute remplie de la fumée d'un grand feu allumé dans le vestibule. Trois heures après, le commandant de la troupe donna ordre de faire partir ces pauvres gens. A cette nouvelle, l'église retentit de leurs cris et de leurs pleurs. On prit leurs noms, on les fit ensuite sortir et mettre deux à deux. Le capitaine recommanda alors à ses soldats de percer de leurs baïonnettes le prisonnier qui s'écarterait des rangs, et de faire feu sur celui qui s'éloignerait de plus de vingt pas. On se mit donc en marche et, par moquequerie, les soldats disaient aux prisonniers qu'ils les menaient en Vendée. La pluie, la faiblesse des femmes et des enfants ne permirent pas d'arriver à Termignon avant onze heures. A minuit on fit entrer ces pauvres gens dans une grange et on distribua à chacun un morceau de pain. Alors un général, dont le nom ne nous est pas connu, vint dans la grange où étaient réunis les prisonniers. Il leur parla avec bonté et douceur et leur dit, entre autres choses, qu'ils resteraient là jusqu'à nouvel ordre et que la municipalité prendrait soin d'eux. 4 On doit louer, dit notre Chroniqueur, les habitants de Termignon qui se sont montrés bien charitables envers ces malheureux. Quant au général, il leur faisait distribuer du pain. » Avant les deux déportations successives que nous venons de raconter, la population de Lanslevillard était de quatre cent quarante âmes de ce nombre une centaine furent conduits à Barreaux, cent autres à Termignon. Une dizaine continuèrent, après ces deux déportations, à habiter à Lanslevillard c'étaient des vieillards et des malades. Quant aux autres, ils s'enfuirent à Bessans ou dans le Piémont. Ces rigueurs envers les communes de Lanslebourg et Lanslevillard nous semblent avoir été motivées par la crainte


qu'avaient les Français que les habitants de ces deux communes ne communiquassent avec les Piémontais. Cependant les divers documents qui nous ont été transmis ne nous disent absolument pas que les habitants de Lanslebourg et Lanslevillard aient eu des intelligences avec les Piémontais depuis le retour des troupes françaises vers la fin de 1793. Les Français n'avaient pas renoncé à s'emparer du Mont-Cenis. Le 14 mai ils en vinrent à bout. repoussèrent les ennemis qui s'enfuirent jusqu'à Suse et firent cinq cents prisonniers. Quelques jours après, les habitants de Lanslevillard, qui avaient été emmenés à Termignon. revinrent. Un nommé Cosme Damien Turbil, dit Boulagnin, qui avait pris la fuite quelque temps auparavant, revint aussi. La châsse de Saint Landry, on s'en souvient, avait été cachée à la Roche puis on l'avait crue plus en sûreté chez ce C. D. Turbil on l'y avait transportée. Un des premiers soins de Turbil fut donc de voir si la châsse déposée quelques mois auparavant dans son bûcher et mise sous un tas de planches, n'avait pas été découverte. Hélas 1 elle n'y était plus, mais les ossements du saint curé se trouvaient là épars Turbil les recueillit et les garda dans sa maison. On sut plus tard qu'un soldat avait brisé la chàsse et dispersé les reliques. Les troupes commirent bien d'autres dévastations. Les intéressantes peintures de la chapelle de Saint Sébastien furent en partie détériorées les tableaux de l'église qui avaient été cachés, furent trouvés et brûlés les livres, les ornements de l'église eurent le même sort. Il n'y eut pas jusqu'à la porte du cimetière et au cercueil qui servait au transport des cadavres, qui ne fussent livrés aux flammes. Cependant le coffre qui avait été déposé chez Pierre Filliol échappa aux investigations des Français. Un matin, les soldats mirent le feu à la maison de


Jean Michel Turbil qui se trouvait au fort de Barreaux. Alors tous ceux des habitants de Lanslevillard qui se trouvaient cachés dans les montagnes accoururent pour défendre leurs maisons contre l'incendie. De retour à leur village, ils ne s'en éloignèrent plus et ce fut ainsi qu'une grande partie de la population reprit possession de ses foyers. La plupart de ces pauvres gens n'avaient rien à manger la misère était peinte sur leurs visages et la vermine les dévorait. > Leurs meubles et leur linge avaient été déposés dans l'église mais tout cela enlevé par les soldats « disparaissait comme du bois au feu ». Les habitants résolurent de mettre fin à ce pillage. Chacun alla reconnaître les meubles qui lui appartenaient, les menbles non reconnus furent transportés dans une maison particulière. Quant au linge, on le divisa entre tous, présents et absents. Chaque habitant eut ainsi deux couvertures et un drap de plus, les hommes eurent trois chemises, et les femmes et les enfants en eurent quatre.

Pendant ce temps, les déportés à Barreaux étaient, eux aussi, attaqués par la maladie et la vermine. Il était absolument nécessaire de sortir de cette captivité. Deux d'entre-eux furent autorisés à aller trouver Albitte, qui était à Briançon mais, pour entrer dans la ville, il fallait une passe-port qu'ils n'avaient pu obtenir nulle part. Que faire? Voici le curieux stratagème qu'ils employèrent. Une sentinelle gardait la porte de la ville. Les deux envoyés s'approchèrent d'elle et se mirent à jouer au palais. La sentinelle qui vint relever la première crut que ces hommes étaient des gens de la ville sortis pour jouer. Mais peu à peu nos joueurs s'avancent près de la porte et là un d'entre eux frappe son compagnon d'un violent coup de poing et s'enfuit dans la ville. L'autre, feignant vouloir se venger, le poursuit, et


ainsi les deux amis entrent dans Briançon. Leur mission réussit pleinement. Ils obtinrent, par le moyen du domestique d'Albitte, qu'ils connaissaient, un arrêté favorable par lequel on devait élargir tous leurs compatriotes, leur rendre leurs meubles et leurs bestiaux ou le prix équivalent de ce qui aurait été vendu. Ce fut le 10 juillet que les pauvres exilés revirent, après bien des souffrances physiques et morales, leur village tant aimé. Quelle ne fut pas leur joie 1 Parmi eux, seule une petite fille de huit ans avait succombé pendant la captivité. Quant à ceux qui étaient réfugiés en Piémont, ils eurent beaucoup à souffrir, plusieurs y moururent les autres voulurent à tout prix revenir au village où ils avaient laissé leur cœur, et ils y revinrent-en effet en suivant, dans les montagnes, des chemins périlleux qui n'étaient point gardés.

D'après l'ordre d'Albitte, l'administration du district nomma les citoyens Etienne Tournaz, juge de paix du canton de Modane, et Joseph Ansermier pour faire un rapport sur les pertes éprouvées par la commune de Lanslevillard lors de la translation au fort de Barreaux, « afin que chaque habitant, lisons-nous dans le dossier contenant les procès-verbaux de ces pertes, puisse recevoir la juste indemnité que la bienfaisance de la Convention Nationale leur accorde. » La municipalité nomma de son côté pour experts Pierre-François Bernard et Jean-Baptiste Filliol. Les procès-verbaux rédigés par cette commission nous donnent une idée de l'état lamentable dans lequel se trouvaient les bâtiments de Lanslevillard portes brisées, barreaux des fenêtres arrachés, planchers détruits, provisions pillées. Ajoutez à cela les châlets des montagnes en majeure partie renversés c'était une véritable désolation. La commission d'expertise évalua les dégâts à la somme de trois cent


vingt-huit mille sept cents livres. Deux députés furent envoyés à la Convention qui, en date du 21 prairial an III, décida qu'il serait payé aux Communes de Lanslebourg et Lanslevillard « à titre de secours et indemnité provisoire, sur leurs pertes causées par les précautions et moyens de défense du territoire de la République contre les Piémontais, la somme de cent mille livres. »

Vers la fin novembre, le district nomma une autre municipalité. Puis un bataillon de trois cents hommes, commandé par un nommé Barberoux, vint établir son quartier d'hiver à Lanslevillard où on logea quatre hommes par maison. Or la population désirait ardemment s'assembler de nouveau dans l'église pour y faire des prières publiques sans la participation d'aucun prêtre. Barberoux à qui préalablement on avait fait quelque cadeau, déféra au vœu des habitants. On mit donc l'église en ordre, autant qu'on le put, et les fêtes de Noel furent célébrées avec bonheur.

1795.

Un des derniers faits qui eurent lieu pendant la malheureuse année 1794, fut, on l'a vu, l'autorisation accordée aux habitants de Lanslevillard de reprendre leurs offices publics. Mais le premier jour de l'an 1795 parut un arrêté de Gauthier, représentant du peuple, défendant de s'assembler dans les églises. D'ailleurs les soldats profitaient de l'ouverture de l'église paroissiale pour y commettre des irrévérences. Il fallut donc cesser les offices publics. Le 21 janvier deuxième anniversaire de la mort de l'iiifortuné Louis XVI, le dernier des tyrans, comme disaient alors les révolutionnaires zélés, on dut célébrer dans la commune la fête de la souveraineté du l«


peuple. Sur l'ordre de Barberoux, les municipaux s'assemblèrent à la maison commune et se ceignirent de leurs écharpes. La troupe en armes alla les prendre et, tambour battant, tous marchant au pas, on se dirigea vers cette petite place, où se trouve encore anjourd'hui une fontaine. Là s'élevait un arbre de la liberté dressé par la troupe, c'est-à-dire une pièce de bois surmontée « d'une chandelle en fer blanc de l'église. » Au-dessus trônait un bonnet rouge. Là nos bons municipaux « durent faire rondeau autour du dit arbre en chantant des chansons marseillaises. Les jeunes gens chantèrent à leur tour. Puis on distribua de l'eau-de-vie aux dépens de la commune et la fête n'eut d'autres cérémonies que celles-là. »

Après nous avoir ainsi fait le récit de la fête du 21 janvier, notre bon Chroniqueur nous parle des assignats. A la fin de janvier, dit-il, les assignats ne valaient plus que le dix pour cent de leur valeur, quoique la loi punit de mort quiconque n'aurait pas reçu les assignats selon la valeur qu'ils portaient inscrite, et ordonnât de raser la maison des contrevenants. En ce temps c'étaient les débiteurs qui poursuivaient leurs créanciers pour leur faire recevoir le montant de leurs créances. A Lanslevillard, les débiteurs de la commune se présentèrent pour payer en assignats, intérêts et capitaux. Mais les municipaux qui ne se souciaient guère de s'embarrasser d'assignats, répondaient qu'on ne connaissait aucun titre actuellement existant qui constatât ces dûs. Les débiteurs insistèrent et firent si bien qu'ils obligèrent les municipaux à recevoir les intérêts de trois ans, mais ces derniers eurent alors recours à une nouvelle ruse. Ils firent des reçus dans lesquels ils déclaraient tout simplement avoir accepté des assignats en dépôt. Cela, on le comprend, ne contentait


pas les débiteurs ils eurent recours au juge de paix qui décida que le versement du papier-monnaie devait être considéré comme une libération des intérêts échus.

On se souvient que le 12 novembre 1793 le vicaire, Rd Turbil, avait dû de nouveau chercher ;un asile en Italie. L'année suivante, il vint, au commencement du Carême, passer quelques jours à Lanslevillard, d'où il fit passer en Piémont deux bannières et quelques ornements sacerdotaux mais il ne s'arrêta pas. En Italie, il vécut tantôt dans un lieu, tantôt dans un autre. Il nous dit dans ses notes conservées par ses parents, qu'il fut à Turin où son oncle RI BenoitJoseph Turbil, le professeur de réthorique, mourut le 17 janvier 1794 à Asti, au couvent de la Novalaise à Suze où, il passa deux mois avec son père. 11 fut même nommé chapelain dans le village de Quasseul. Mais toujours désireux de revenir au pays natal pour y prodiguer son zèle à ses compatriotes, R" Turbil quitta sa chapellenie le 18 mars 1795, traversa les montagnes et arriva le lendemain au village le plus élevé de Bessans, à l'Avérole. Mais il avait tellement souffert du froid que ses deux pieds étaient gelés. Descendu du village de l'Avérole, il passa un mois à Bessans, puis rentra à Lanslevillard, qu'il n'abandonna plus. Beaucoup reçurent avec joie ce pauvre prêtre déguisé en paysan. Mais le poison des nouvelles doctrines avait pénétré dans l'esprit de quelques-uns qui sont désignés par le Chroniqueur par ces mots un peu naifs « ceux qui s'étaient abandonnés au patriotisme. Or ceux-ci virent le retour de l'abbé Turbil avec une indifférence marquée. Quant à ce bon prêtre, dès qu'il fut arrivé, il s'adonna à la visite des malades et fit tout le bien que sa situation permettait. On ne savait où le loger, car des soldats habitaient dans toutes les maisons.


Le curé, RI Combet, apprit la présence de son vicaire à Lanslevillard au moment où il s'apprêtait à profiter de l'accalmie qui s'était produite, pour revenir au milieu de ses chers paroissiens. Craignant de leur être inutile et même de leur être à charge, il adressa à la municipalité la lettre suivante, toute pleine d'affection et de délicatesse; « Messieurs et très chers paroissiens, Sous le règne du Terrorisme je n'ai osé vous écrire, ni satisfaire mon ardent désir de vous aller offrir mon ministère, pour ne pas exposer au danger ceux qui auraient reçu mes lettres ou recélé ma personne mais je n'eus pas plutôt appris que le modérantisme avait pris le dessus et que la liberté des cultes avait été décrétée, que je me proposai d'aller vous rejoindre sitôt que la montagne l'aurait permis lorsque j'appris par des voies indirectes que M. l'abbé Turbil était allé vous offrir son ministère. Pour lors j'ai cru devoir différer mon voyage jusqu'à ce que lui-même ou quelque autre me fit savoir que ma présence ne serait pas inutile d'autant que je prévoyais bien que vous ne seriez pas en état d'entretenir deux prêtres et que je ne voulais pas préjudicier à celui qui m'avait devancé. « Cependant comme il pourrait arriver qu'eu égard aux courses que M. l'abbé Turbil sera obligé de faire dans les autres paroisses, ou pour bien d'autres raisons, il ne pût vous suffire je m'empresse de vous faire savoir que je suis disposé à vous aller rejoindre, sitôt que vous m'aurez fait part de vos sentiments et appris que je puis vous être de quelque utilité, surtout si vous pouviez m'obtenir la permission de passer par le Mont-Cenis, n'étant guère plus en état de passer par les autres montagnes. C'est pourquoi j'espère que vous voudrez bien m'honorer d'un mot de réponse, pour que je sache à quoi me déterminer et obtenir ou non la permission de partir.


Quant à mon entretien, je ne demanderai rien dans les circonstances Dieu y pourvoira et je ferai comme les apôtres à qui il était dit Manducate quœ apponuntur vobis Mangez ce que l'on vous présentera. « Au reste, que j'aille ou non, je vous exhorte à vous ressouvenir de la doctrine que je vous ai toujours prêchée sur l'obligation d'obéir aux puissances constituées et surtout d'éviter toute trahison. Dans ces sentiments, j'ai l'honneur de me dire avec un parfait dévouement, Messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur. Esprit Combet, curé. Verceil chez S. E. (1) le 29 juin 1795. »

Nous ignorons quelle fut la réponse de la municipalité.

Dans sa lettre Rd Combet dit que la liberté des cultes avait été décrétée. Il fait allusion à un décret émané du Directoire, permettant le libre exercice du culte, dans l'enceinte des églises seulement, pourvu toutefois qu'aucun prêtre non assermenté n'y prit part. On put ainsi s'assembler à l'église et y porter les corps des défunts. « Depuis plus d'une année on portait les morts directement de la maison au cimetière sur une civière, et on récitait furtivement lu Miserere et le De profundis. »

Le Directoire qui venait de succéder à la Convention, paraissait définitivement entré dans une voie de tolérance. L'abbé Turbil en profita pour réconcilier l'église souillée par tant d'irrévérences et y chanta la messe pendant quelques dimanches. Mais la politique de pacification, le Directoire l'abandonna bientôt. A la fin d'octobre parut une loi destituant tous les fonctionnaires publics ayant des parents émigrés. D'après cette loi, le maire de Lanslevillard fut destitué comme ayant des parents de sa femme à l'étranger. Bientôt on remplaça la municipalité par un (1) Le cardinal de Martiniana.


agent et un adjoint seulement pour chaque commune la réunion des agents et des adjoints forma l'administration du district. Cette administration avait à sa tète un président et un commissaire du Directoire. Ce dernier dépendait du commissaire départemental-, qui à son tour dépendait immédiatement du Directoire. Ce rouage administratif portait au loin, avec une efficacité incontestable, l'esprit qui animait le gouvernement.

Rd Turbil dut s'abstenir de célébrer publiquement. D'ailleurs, en décembre deux cents soldats vinrent à Lanslevillard remplacer le bataillon commandé par Barberoux, qui avait quitté la commune deux mois environ auparavant. Force fut aux habitants de fournir le logement à ces soldats ainsi que tout ce qu'ils réclamaient. Il fallut même tous les deux jours aller chercher leurs vivres à Lanslebourg et ce fut au milieu de ces embarras continuels que se termina l'année 1795.

1796.

Notre Chroniqueur ne nous raconte aucun fait remarquable concernant l'histoire locale pendant l'année 1796. Il nous fait cependant le récit de la petite anecdote suivante. Des chefs de brigade, citoyens d'une intégrité notoire, furent pris dans les premiers mois de l'année 1796, d'un très beau zèle pour l'exécution de la loi du 23 août 1793, ordonnant une levée générale de troupes. Nos chefs de brigade arrivèrent donc un soir à Lanslevillard vers minuit. Là ils prirent quelques soldats avec eux et montèrent à Bessans, où ils arrivèrent de très grand matin. A cette nouvelle, les jeunes gens s'enfuirent à peine vêtus. La plupart passèrent en Piémont par les montagnes. Un très petit nombre d'entre eux furent arrêtés. Les


incorpora-t-on à l'armée suivant la loi du 23 août 1793 ? Pas le moins du monde. « Ils s'en tirèrent à force cadeaux. »

Ce fut, comme on le sait, le 15 mai 1796 que la Savoie fut cédée à la France par le roi de SardaigneCette nouvelle fut, on le comprend, accueillie à Lanslevillard avec peine. En effet, la population de cette commune n'avait pas eu à s'applaudir de la domination française, et qui pourrait l'en blâmer ? Elle était sincèrement attachée à ses princes. Mais, lorsque, en 1860, les circonstances ne furent plus les mêmes, la nouvelle de la seconde annexion de la Savoie à la France fut reçue à Lanslevillard avec joie.

Pendant l'année 1796, plusieurs mariages eurent lieu en secret. Depuis le mois de novembre 1792jusqu'au mois de février 1796, il n'y en avait pas eu dans cette commune.

Vers la fin de cette même année, Rd Combet rentra dans la paroisse au moyen d'un passe-port délivré par la municipalité et portant qu'il était instituteur de la jeunesse, ce qui n'était point faux. Mais le presbytère, où de nombreux soldats avaient été logés, n'était plus habitable. Le bon curé dut prendre pension et demeurer chez un nommé Jean-Baptiste Demaison.

1797.

On se souvient que les reliques de Saint-Landry se trouvaient chez Cosme Damien Turbil, qui les avait soigneusement recueillies après leur profanation. Le 30 avril 1797, Rd Combet fit appeler le chirurgien Claraz de Termignon, qui reconnut le corps de Saint Landry. Sous la dictée du chirurgien, le curé écrivit le nom de tous les ossements retrouvés


et fit un procès-verbal de tout ce qui s'était passé au sujet du saint corps pendant ces tristes années. Une copie de ce procès-verbal fut envoyé au Grand-Vicaire une autre copie resta auprès des précieux ossements qui furent enfermés dans un coffre dont Turbil resta dépositaire.

A l'époque dont nous parlons, les habitants de Lanslevillard devaient loger les troupes qui passaient continuellement en Italie et transporter à Modane les blessés qui en revenaient. Malgré toutes ces occupations, ils jouissaient d'un certain calme. Depuis le mois de mai le curé et le vicaire célébraient à l'église tous les offices. En juillet, suivant la coutume du pays, coutume qui subsiste encore, le curé alla dans les montagnes de l'Adroit et de l'Arcelle-Neuve, y dire la messe dans les chapelles construites auprès des chalets. Ce calme ne devait pas durer. Le coup d'état du 18 fructidor (24 août 1797) amena une seconde Terreur. « La philosophie enragea, ratifia toutes les lois qui condamnaient les prêtres à la déportation et à la mort, et ceux qui leur auraient donné asile à deux ans de fer. » Le troisième dimanche de septembre, la messe fut célébrée à l'église, mais avant l'heure de vêpres, arrivèrent ces tristes nouvelles. La bénédiction du Saint-Sacrement ne fut point donnée. Le curé dut se retirer à Saint-André, sa paroisse natale, où pendant longtemps il fut obligé d'errer même pendant l'hiver, de montagnes en montagnes, souvent poursuivi, nous raconte-t-il, comme une bête fauve. Quant à l'abbé Turbil, il se cacha à Lanslevillard.

L'esprit de religion qui animait les habitants de cette paroisse, ne les abandonna point en ces nouveaux orages. Les offices publics célébrés sans prêtres furent rétablis. A Lanslevillard, comme en plusieurs paroisses, les choristes chantaient, dans ces


pieuses assemblées, l'Introït, le Graduel, le Sanctus, tout comme on le fait aux messes chantées. Ils lisaient même l'Epitre et l'Evangile.

Quelques personnes d'une foi peu éclairée regardèrent ces cérémonies comme étant la vépitable célébration de la messe. Aussi les supérieurs ecclésiastiques les désapprouvèrent et invitèrent les fidèles à dire d'autres prières. « Mais plusieurs dirent que de tels offices étaient trop tristes, qu'on était maître de chanter ce que l'on voulait, mais après de mûres considérations, on suivit l'avis des supérieurs. » 1798.

La guerre d'Italie se termina en 1797. En janvier 1798, Bonaparte revenait victorieux. Notre Chroniqueur n'a pas oublié de nous apprendre qu'à son passage à Lanslebourg il fit distribuer « un demi-pot de vin » aux soldats qui l'accompagnaient. L'arrivée de l'illustre général à Lanslebourg avait été précédée par de nombreux convois de livres, de tableaux, de statues, de toutes sortes d'objets artitisques qui allaient enrichir les musées du Louvre.

Les soldats français revenant d'Italie portaient à leurs casques ou chapeaux une branche de laurier. Un jour deux jeunes gens de Lanslevillard allèrent à Termignon. Le long de la route, ils trouvèrent quelques feuilles de laurier et, sans plus y réfléchir les mirent sur la tête des ânes qu'ils conduisaient. Leur étourderie faillit avoir de graves conséquences. A leur retour, ils rencontrèrent des soldats qui, voyant les ânes porter aussi des lauriers, s'en irritèrent. « Ils demandèrent en colère aux jeunes gens si c'étaient les ânes qui avaient gagné ces lauriers et peu s'en fallut qu'ils ne leur fissent un mauvais parti. ) »


1799.

Au mois d'avril 1799, un grand nombre de jeunes soldats français durent passer en Italie. Une vingtaine d'hommes de Lanslevillard reçurent l'ordre d'accompagner ces jeunes gens jusqu'à Suze. Arrivés dans cette petite ville, ils eurent la triste consolation d'y rencontrer S. S. 1p Pape Pie VI que l'on emmenait prisonnier par la plus inique des injustices. Ces braves gens purent approcher le Souverain Pontife qui leur donna sa bénédiction. Puis, quoique atteint de paralysie du côté gauche, le vénérable vieillard dut passer le Mont-Genèvre alors couvert d'une grande quantité de neige. Comme on le sait, Pie VI fut conduit à Briançon, de.là à Grenoble. Enfin au mois d'août suivant, à Valence, celui que l'impiété ou l'ignorance appelait le dernier des papes, consommait son doulourèux martyre.

Pendant la première moitié de l'année 1799, les habitants de Lanslevillard durent loger des soldats et procurer aux troupes de nombreuses fournitures Les plus valides durent même aller les uns au delà du Mont-Cenis, à la Grand'Croix, y construire des redoutes les autres, en plus petit nombre, furent chargés de transmettre la correspondance à Briançon, Saint-Jean, Moûtiers, etc. Ce fut dans le courant de la même année qu'on rétablit les divers impôts qui n'avaient pas été perçus depuis 1792.

La nouvelle persécution que le Directoire souleva en 1797 avait obligé, comme nous l'avons noté, l'abbé Turbil à se cacher. Il fut donc, raconte-t-il dans ses notes, tantôt dans les montagnes, tantôt à Lanslevillard, demandant l'hospitalité un jour dans nne maison, une autre jour dans une autre, et cela pendant plus de trois années consécutives. Le 24 novembre 1799, il dut même aller chercher un asile


dans un trou de rocher, près du chemin qui conduit de Lanslevillard à Bessans, sur la rive gauche de l'Arc. Ce lut de cette retraite qu'il vit emmener MM. Boniface et Péraz, prêtres natifs de Bessans, et M. Cullet, curé de Jarrier, qui avaient été saisis à Bessans. Ces prêtres furent conduits jusqu'à Saint-Michel, où ils furent remis en liberté, mediantibus illis, écrit RI Combet dans son coutumier. L'abbé Turbil avait pour compagnon d'infortune l'abbé Claraz, frère du chirurgien. Or, vers la fin novembre, un dimanche matin, à trois heures, deux brigades de gendarmes arrivèrent à Lanslevillard et entourèrent la maison du vicaire ainsi que celle où l'abbé Claraz avait passé la nuit. Les deux prêtres ne pouvaient se cacher dans les maisons où ils se trouvaient, ils eussent été infailliblement découverts. Le père et la sœur de l'abbé Turbil pratiquèrent avec peine une ouverture dans la muraille de la grange ainsi l'abbé put gagner le toit des maisons voisines et s'échapper. L'abbé Claraz usa d'un semblable moyen. Lorsque le jour fût arrivé, les gendarmes assistés de l'agent et de son adjoint qui tous deux tremblaient, écrit l'abbé Turbil, de trouver ces pauvres prêtres, les gendarmes, dis-je, visitèrent « très scrupuleusement < les deux maisons. mais il était trop tard. Nous ne savons pas ce que devint ensuite l'abbé Claraz. L'abbé Turbil ne fut point découragé par tant de souffrances il continua d'exercer avec zèle le saint ministère et, les dimanches, il célébrait la messe de binne heure « et on s'empressait de venir y assister. » 1800.

Notre Chroniqueur ne nous signale rien de bien remarquable concernant l'histoire locale pendant cette année. Il nous fait un triste tableau de l'état


lamentable dans lequel se trouvaient les troupes en garnison à Lanslevillard. Ces pauvres soldats ne recevaient pas de solde ils étaient mal habillés, mal nourris, et « plusieurs d'iceux demandaient la charité.

Nous avons parlé des poursuites exercées l'année précédente contre R'' Turbil. Vers le commencement de l'année 1800 il s'échappa de nouveau des mains de ses ennemis dans les circonstances suivantes. Déguisé en paysan, il alla à Lanslebourg, avec plusieurs autres, y payer ses contributions. Il était chez le percepteur Charles Bouvier, lorsqu'un gendarme entre. Ce dernier regarde avec attention l'abbé Turbil et ne tarde pas à sortir. Bientôt un des contribuables qui sont là, sort lui aussi. Il rencontre le gendarme qui l'accoste et lui dit: « Citoyen, n'est-ce pas l'abbé Turbil, celui qui est habillé de telle et telle manière? 2 Oui, répond timidement le paysan. Immédiatement le zélé gendarme rentre chez le percepteur et dit à l'abbé « Suivez-moi, au nom de la loi. » Craignant de compromettre Bouvier, tous ceux qui sont témoins de cette arrestation n'osent s'y opposer, et le prêtre est conduit dans la maison d'un nommé Pierre-Antoine Gravier et y est enfermé, Puis, sans perdre de temps, le gendarme envoie avertir ses collègues descendus à Termignon. Pendant ce temps, les amis de l'abbé Turbil courent chez le commandant de place < qu'ils savent n'être pas des plus ardents contre la religion », ils lui racontent le fait .qui vient de se passer, lui disent leur intention de délivrer le vicaire et le conjurent de ne pas se montrer pour n'être pas obligé de prêter main-forte au gendarme. Aussitôt tous les habitants de Lanslebourg s'attroupent et une femme que notre gendarme connaît, se présente tenant une bouteille de vin et des verres sur une assiette, à la porte de la chambre où l'abbé


est enfermé, ainsi que le gendarme probablement en devoir d'interroger le prisonnier. La femme frappe. « Perdu, dit-elle, c'est le nom du citoyen gendarme Perdu, ouvrez, je veux vous faire boire un coup. » Perdu regarde par le trou de la serrure, ne voit que cette femme et lui ouvre. Mais une foule fait invasion dans la chambre les femmes sont en tête, les hommes suivent « un peu masqués ». Désespoir du citoyen Perdu 1 Il serre étroitement l'abbé et crie à tue-tête Force à la loi 1 Force à la loi 1 » On n'obéit point à ses injonctions. On fond sur lui, une lutte déi-espérée s'engage bientôt le gendarme n'a plus dans les mains qu'une partie du vêtement de l'abbé Turbil qui prend au plus tôt le chemin des montagnes de l'Adroit, à Lanslevillard, où il va éfléchir aux graves inconvénients de payer ses contributiens.

Ici notre aimable Chroniqueur dont nous avons suivi pas à pas le manuscrit, si bien que notre travail est le sien, nous annonce avec bonheur, que la persécution se calme. « Depuis, dit-il, que le Directoire, cette machine philosophique, est tombé, le Modérantisme a pris le dessus. » Alors R'' Combet revint dans sa chère et bien-aimée paroisse, mais il dut encore se cacher par intervalle c'est lui-même qui nous l'apprend dans son Coutumier et il ne put célébrer publiquement dans l'église qu'en 1802. Les jours d'orage et de douleur avaient fui. Les excellents prêtres dont nous avons eu le plaisir d'entretenir le lecteur de ce modeste travail, achevèrent paisiblement leur vie dans la paroisse de Lanslevillard qui, après toutes les ruines amoncelées par la Révolution, réclamait leur zèle et leur dévouement. R'' Esprit Combet rendit son âme à Dieu en l'année 1814. R" Benoît-Joseph Turbil, qui depuis 1790 était son aide dans l'accomplissement de ses devoirs de


pasteur, lui succéda. Il administra la paroisse jusqu'au 27 mai 1817, jour où il obtint sa retraite avec peine. Depuis lors R'' Turbil reprit ses humbles fonctions de vicaire. Il mourut le 24 septembre 1839. Il fut prêtre pendant cinquante-deux ans, et il consacra quarante-neuf années de son sacerdoce à faire du bien à ses compatriotes un des successeurs de ce bon prêtre à la cure de Lanslevillard nous atteste dans le Coutumier qu'il a écrit, que son travail a été fructueux.


MÉMOIRES

Les redevances féodales de Lanslevillard et la dîme. Acte d'affranchissement (1).

Du milieu du quatorzième siècle à la Révolution Lanslevillard forma, avec Bessans et Bonneval, une petite seigneurie appartenant à l'abbaye bénédictine de St-Michel de la Cluse en Piémont. Situé dans un cul-de-sac à l'extrémité de la vallée, administré par un châtelain, un mistral et un juge qui était ordinairement représenté par un lieutenant, jouissant de franchises particulières, ce territoire avait sa physionomie à part et ajoutait une variété de plus à la multiplicité bigarrée des juridictions qui se partageaient la Maurienne.

Plusieurs liasses de documents, émigrés je ne sais quand ni comment des archives de Lanslevillard à celles du département, m'ont fourni quelques renseignements inédits sur cette seigneurie, dont nos publications se sont déjà bien des fois occupées (2). Chapitre I". Les servis féodaux.

En 1357, Rodolphe de Montbel, abbé de St-Michel, avait échangé le château et le mandement de Tournon contre le domaine de Lanslevillard et Bessans, plus rapproché du monastère. Mais dans ce territoire se trouvait enclavé un fief appartenant aux no(1) V. séances du 5 mai et du 2 juin 1902.

(2) Travaux de la Soc., 1" série, 3' vol. 2' série, tom. m, 1" partie.


bles du Pent. Un siècle après l'abbaye en fit aussi l'acquisition. Par acte du 27 novembre 1456, noble François du Pont du Villaret cède à Guillaume de Varax, abbé de St-Michel, les cens, revenus, servis, plaids, laods et vends, taches, dîmes, tous les droits de fief et le fief qu'il possède dans le territoire et la paroisse de Lanslevillard. Cette vente est consentie au prix de six cents florins d'or, petit poids, monnaie de Savoie, dont le vendeur donne quittance. Cet acte est reçu par noble Benoît Cabre, notaire, et copie authentique en fut faite par Pierre Fay (Faeti), notaire, de St-Jean-d'Arve.

En 1471, ce fief fut revendu par l'abbaye de StMichel à la communauté de Lanslevillard. Voici le motif de cette aliénation il est indiqué dans une lettre de Jean de Varax, éveque de Belley et abbé commendataire, datée de Rome le 27 avril 1470, et adressée à ses chers et vénérables trères Guicherd, Seyturier, aumônier du couvent de St-Michel, Vincent de Saint-Amour, prieur de Bagnolo dans le diocèse de Verceil, Jean ,Brun, prieur de La Chambre dans le diocèse de Maurienne, et noble Philippe Seyturier, chàtelain de St-Ambroise. Considérant qu'un incendie a fortement endommagé le monastère de StMichel qu'un pan de mur est tombé et que tont l'édifice menace ruine que de grandes sommes sont nécessaires pour réparer les bâtiments du monastère perché sur le faite d'un monticule, ce qui rend difficile le transport des matériaux que l'abbaye n'a pas de ressources par ailleurs que le fief acquis des du Pont à Lanslevillard est d'un maigre revenu il donne aux quatre personnages susnommés la procuration de vendre tous les biens immeubles et tous les droits du fief que nome François du Pont a cédé à Guillaume de Varax, prédécesseur de Jean de Varax dans la commende de St-Michel, et d'en aifecter


le prix à la restauration du monastère. Les procureurs cédèrent le fief des du Pont à la communauté de Lanslevillard pour le prix de sept cent cinquante florins d'or petit poids, en se réservant le servis d'unsol fort chaque année et six livres de cire à chaque changement d'abbé. Cette vente, dont l'acte fut reçu par Jean Perret de Tréfort du diocèse de Lyon et Pierre Blanchet de St-Ambroise au diocèse de Turin, le 18 janvier 1471, fut approuvée par une bulle du Pape Sixte-Quint, donnée à Rome le 8 des ides d'octobre 1472, la deuxième année de son pontificat. Cette bulle est un exemple de cette belle écriture de la chancellerie romaine, mais elle est en partie lacérée un amateur lui a enlevé son sceau de plomb et sa cordette de <hanvre.

Ces deux acquisitions mettaient tout le territoire de Lanslevillard sous le domaine et lajuridiction des abbés de St-Michel. Mais quels étaient les droits de ces derniers sur les hommes et les biens de leur seigneurie ? Plusieurs actes de reconnaissance, où les redevances féodales sont énumérées une à une, permettent de répondre d'une manière précise à cette question. La première de ces reconnaissances est de 1380 mais elle est plutôt une simple prestation d'hommage, se bornant à déclarer que les abbés ont sur les hommes de Lanslevillard le mère et mixte empire et l'omnimode juridiction haute et basse que tous les biens meubles et immeubles sont un fief de l'abbaye de St-Michel. La deuxième est de 1514; elle fut reçue par Jean de Oricula de Caramancia(l), notaire, receveur général des reconnaissances et des extentes du monastère de St-Michel, délégué par Urbain de Myolans, evéque de Valence et de Die, de plus abbé commendataire la troisième, de 1524, (1) Probablement Caraman dans le département de Haute-Garonne.


fut reçue par Antoine Ferrery au nom de Boniface Ferrery, cardinal-prêtre de la sainte Eglise romaine du titre des saints Nérée et Achille, évêque d'Ivrée, abbé commendataire de St-Michel et seigneur temporel de Giaveno, Saint-Ambroise, Bessans et Lanslevillard la quatrième, du 4 août 1534, fut reçue par de Sappis, notaire, en faveur de Philibert, evèque d'Ivrée.

Cette dernière, qui répète toutes les autres, couvre un rotulus de deux mètres de longueur sur trentedeux centimètres de largeur. En abordant ce volumineux document, j'éprouvais un sentiment de pitié pour les feudataires soumis à une série interminable de redevances spoliatrices et vexatoires 1 Mais j'eus bien vite constaté que, débarrassée du verbiage des formules usitées, cette reconnaissance se réduit à quelques servis de peu d'importance, et que les manants de Lanslevillard n'étaient pas taillables et corvéables à volonté. Ces servis ont peu varié avec le temps. Ainsi, au moment de l'échange de Tournon contre Lanslevillard, les revenus féodaux de cette dernière paroisse étaient de 27 setiers et 1 émine de seigle, et, en argent, de 8 livres, 5 sols, 3 deniers. En 1534, la redevance pécuniaire était la même, excepté le servis d'un sol de plus sur le fief provenant de noble François du Pont. Quant à la redevance en seigle, elle était alors de 31 setiers 1/2. On trouvera à peu près les mêmes quantités avec leur détail dans ]a reconnaissance suivante, que je transcris intégralement, parce qu'elle nous fait connaitre exacte-' ment les obligations de Lanslevillard envers les seigneurs abbés de St-Michel, et parce que c'est à elle que les parties s'en rétérèrent dans un long procès que nous raconterons plus loin.

L'an mil six cent trente-huit, et le douzième mois, au lieu de Lanslevillard, du diocèse de Maurienne,


dans la maison de M" Jean-Baptiste Gras, notaire ducal et lieutenant du sieur juge ordinaire des mandements de Bessans e!. Lanslevillard, par devant le moult illustre seigneur Jacques Beraud, docteur ès droits, conseiller et advocat patrimonial du fiscal général de Monseigneur le Sérénissime prince cardinal de Savoie rière son comté de Barcelone et sur ce spécialement délégué de sa dite Altesse, et avec l'assistance et intervention du mesme Jean-Baptiste Gras, lieutenant du juge, du capitaine Jean Gras, pris d'office pour Monseigneur, illec présents et assistants, sont été personnellement; constitués honnêtes Jean Damez et Bernard Platon sindics, Mathieu Alisand, Herculaix Chevallier, Sébastien Platon, JeanBaptiste à feu Jean Turbil et François Damez, conseilliers, lesquels, tant en leurs propres noms qu'au général de la communauté du présent lieu, son mandement et dépendances, constant de leur procuration par acte reçu par ledit Mo Jean-Baptiste Gras, sous le jourd'hui, auquel au besoin sera deue relation, ayant préalablement trestous prêté le jurement en tel cas requis, les escritures corporellement touchées ès mains dudit Seigneur délégué, ont dit, déclaré, confessé, comme par vertu du présent, disent déclarent et confessent, que de tout temps immémorial et pour ce qu'ils en ont appris de leurs prédécesseurs, le présent lieu de Lanslevillard et son mandement fut et est de l'ancien patrimoine de l'abbaye de Saint Michel de la Cluse et de l'Etoile et qu'en cette conformité les illustrissimes abbés d'icelle en sont été reconnus pour seigneurs temporels plus que Monseigneur le prince Maurice, cardinal de Savoye, comme abbé depuis plusieurs années de ladite abbaye, a été par eux reconnu, ainsi qu'ils le reconnaissent, pour leur seigneur temporel, et qu'en cette qualité il est en ce dit lieu, la première connaissance et juris-


diction en toutes causes civiles et criminelles, laquelle jurisdiction est exercée sur le lieu par ledit chatelain et le seigneur juge, qui doit être docteur' lesquels juge et chatelain sont députés de temps en temps par lesdits seigneurs abbés, et les procès doivent être par eux instruits et jugés chacun en son rang sur le lieu, sans que les habitants puissent être par eux distraits en la dite première instance, soit au civil ou au criminel, hors le dit lieu, mais bien est tenu ledit seigneur juge rendre les jugements et sentences sur ledit lieu et en l'assise annuelle qu'il y doit faire, et les appellations sont puis après dévolues en dernier ressort et immédiatement au souverain Sénat de ce pays séant à Chambéry, et ainsi s'est vu toujours observé (1) plus, que Monseigneur abbé a et lui appartiennent toutes les peines, confisques et amendes pécuniaires que sont adjugés par lesdits sieurs juge et chatelain, et sur les appellations de leurs jugements par ledit souverain Sénat contre le présent lieu en général ou les habitants d'icelui en particulier, ensemble une troisième portion des bans champêtres, comme des bois et autres semblables plus, que Monseigneur abbé a et lui appartiennent les émoluments, revenus et rentes des secrétairies civile et criminelle des dits sieurs juge et châtelain, lesquelles s'arrentent de temps en temps et sont présentement exercées depuis environ douze années par moi Jean Manuel, notaire soussigné, en vertu d'arrentement fait par M" Jean-Baptiste Gras et JeanBaptiste Fodéré, pour sept ducatons chaque année plus, que Monseigneur abbé a et lui appartient au présent lieu en tout son terroir les droits de pêche, (1) Dans une reconnaissance de 1300, il est dit que les abbés de St-Michel possèdent à Lanslevillard l'omnimode juridiction, haute et basse, excepté le dernier châtiment, qui est réservé au vicomte de Maurienne.


chasse pour les marmottes et toutes autres sortes de poisson et venaison, sans qu'aucun autre puisse en user sans sa permission ou celle de ses officiers plus, que la communauté du présent lieu en général est tenue d'expédier annuellement, à chaque fête de St-André, à mon dit seigneur abbé ou ses rentiers la quantité de trente-un setiers et demi, quatre quartes chaque setier, de seigle bonne et recevable, mesure du présent lieu, et c'est à considération des taxes et maréchaussée pour les mas de Chanat, Bonelle, Consuis et autres, la septième portion du blé dû à raison des essarts et de la taille. Plus ont reconnu et confessé que Monseigneur a, doit avoir et prendre sur ladite communauté quatorze livres fortes, huit sols trois deniers en tout, tant pour quelque quantité de terre jusqu'au Mont Cenis, pour les mas de Bonzelle et autres, pour sa part de la taille pour la Chenevière vulgairement nommée de Bessans, pour l'usage des bois, eaux, fontaines, torrents et autres devoirs, en tout comme est exprimé par autres reconnaissances jà cy-devant faites par ladite communauté qu'ils nous ont présentées en parchemin, la première d'icelles en date de l'année mil cinq cent vingt et le dix-huitième novembre reçue et signée par M. Antoine de Ferreriis notaire, autre de l'année mil cinq cent et quatorze et le douzième mai reçue et signée par Jean de Oricula, et autre de l'année mil cinq cent trente-quatre et le quatrième août reçue et signée par M" Jean de Sappis, notaire. Plus ont dit et confessé qu'ils sont tenus envers mondit Seigneur l'abbé au droit de cavalcade personnelle comme est amplement porté par les précédentes reconnaissances cy devant désignées. Plus ont dit et confessé que Monseigneur l'abbé doit avoir et lui doivent être payées ès mains de ses fermiers cinq sols fort par les héritiers successeurs de ceux qui meurent audit lieu sans enfants et une fois


tant seulement et avant que de sortir le corps du mort de sa maison, avant que de le porter ensevelir. Plus ont reconnu, confessé et révélé que ladite communauté s'est obligée de payer à chacun abbé de ladite abbaye, jour de sa première entrée et prise de possession d'icelle, une fois tant seulement, à considération de l'investiture, six livres de cire. Pour regard des moulins et autres éguiers qu'ils ont tant le long de la rivière d'Arc qu'autre part, ont dit et assuré n'être tenus à aucune reconnaissance ni payement de cens et prestations annuelles pour en avoir obtenu exemption des antécesseurs illustrissimes abbés, dont feront foi au besoin aubsi bien que des autres reconnaissances précédentes cy devant désignées, et autres biens, rentes, revenus, régalies et devoirs, ont dit ne savoir que mondit Seigneur abbé aye audit lieu, moins que pour les ci-dessus consignés, ils sont tenus ne payer aucunes charges locales ni autres, ordinaires ni extra-ordinaires, protestant les sus nommés sindics et conseilliers au nom que dessus, que s'il leur venait à notice que mondit Seigneur l'abbé y eut d'autres biens, droits, rentes et revenus et autres devoirs, qu'ils en feront incontinent la due consignation et reconnaissance, et qu'ils renoveront la présente en la forme plus ample ainsi que raisonnablement seront obligés toutes les fois qu'ils en seront requis. Pareillement ont protesté que s'ils avaient consigné et reconnu ci-dessus biens, droits, revenus que ne dussent être, que le tout soit quant à ce chef pour non fait, tellement que leur soit toujours permis et loisible d'ajouter ou diminuer, de quoi tout le sieur capitaine Gras pour les droits et raisons de mondit Seigneur le Sérénissime prince cardinal abbé a requis acte, comme aussi les dits sindics, en instrument public qu'a été fait et publié au lieu que dessus. Signé MANUEL.


Chapitre II. La Dîme.

Pour avoir une idée complète des charges qui pesaient sur Lanslevillard, il faut ajouter aux redevances féodales la dîme, dont Rd Esprit Combet parle ainsi, au 1" chapitre de son Coutumier de Lanslevillard.

« Avant de commencer à décrire les biens de la cure du présent lieu consistant tout en prés qu'en terres soit champs, il faut remarquer que le curé de Lanslevillard percevait autrefois probablement toute la dîme provenant des dits biens mais comme les bénédictins ont gouverné pendant longtemps cette cure, étant monastériés à La Novalaise dans le 10', 11' et commencement du 12' siècle .selon quelques uns, ils se sont emparés du droit de percevoir les dites dîmes droit auquel ils n'ont point renoncé en quittant le régime de ladite cure, comme ils l'auraient dû faire, n'ayant jamais été primitifs curés, mais seulement curés subsidiaires et provisionnels, comme il en couste parle Dictionnaire universel composé par les R. R. P. P. Richard et Giraud, dominicains, et la tradition commune de ce pays, où il est tenu pour certain que les bén'édictins, ayant été appelés au secours du clergé et s'étant chargés de régir les cures de la Maurienne, ont perçu la dîme que les curés séculiers, leurs prédécesseurs, étaient en coutume de percevoir ensuite, étant devenus moins nombreux, au lieu de renoncer au droit accoutumé en renonçant aux dites cures, ils ont fait des conventions avec des prêtres mercenaires qu'ils mettaient à leur place, moyennant une somme dont ils se contentaient, et moyennant laquelle les dits bénédictins se sont réservé la dîme, sauf un quart d'icelle qu'ils cédaient aux curés en concurrence de la dite somme. Dans la suite, comme la dîme n'était pas fixe à cause


de la diversité des saisons et différence des territoires ensemencés, et que d'ailleurs il leur en coûtait pour venir percevoir ladite dîme sur les champs, ce qui causait de grands murmures et de grandes querelles, ils ont transigé avec la présente paroisse et celles des environs on trouve une de ces transactions faite en l'année 1379, entre le R'' P. Ruffin et la paroisse de Lanslevillard à laquelle a assisté Ra Bouchevin pour lors curé dudit lieu, pour faire terminer sa part de la dîme, et elle fut fixée à la quatrième partie des blés seulement, outre deux setiers que ledit R. P. Ruffin, prieur du monastère de S. Pierre de Novalaise a promis lui donner annuellement, mais que, je ne sais par ,quelle raison, on n'a jamais payé (1). Laissons donc l'antiquité, et venons au présent.

Les R. P. Feuillants qui depuis longtemps ont succédé aux bénédictins audit monastère de la Novalaise. et contre lesquels je plaide actuellement pour avoir ma portion congrue à défaut de la dîme dont le droit est un peu obscur et difficile à prouver quoique non moins certain, les R. P. Feuillants, disje, perçoivent de la présente paroisse à titre de dîme 79 quartes blé seigle, et deux livres dix sols qu'ils laissent au secrétaire pour faire le cotet ils viennent percevoir la dîme dans la maison de la communauté où les particuliers la payent en l'assistance de Messieurs les syndics et conseillers, qui sont payés par lesdits R. P. décimateurs. Le curé perçoit aussi son quart de la dime, c'est-à-dire 26 quartes 1/2 mais jusqu'à présent il n'a jamais perçu les deux sestiers portés par la susdite transaction du 3 octobre 1379. »

Trente-un setiers de seigle, soit cent vingt-quatre (1) J'en ai trouvé une autre de l'année 1382 portant qu'on devait pour dîme un sestiar chaque feu et six agneaux (note de Combet)


quartes, avec quatorze livres huit sols trois deniers, pour les redevances féodales cent vingt-six cartes de seigle pour la dîme voilà l'ensemble des charges exigées annuellement de la communauté de Lanslevillard les obligations éventuelles, telles que le servis de deux livres de cire à chaque changement d'abbé, sont insignifiantes. Ces charges sont loin d'atteindre au chiffre des impôts que paie actuellement cette commune. Seulement, les droits féodaux prêtaient flanc à la critique, moins par leur élévation que par le mode vexatoire de perception et leur caractère souvent mal défini. On payait annuellement les redevances, mais au bout de quelque temps on en avait oublié les titres et la nature. Cette indétermination était une mine à chicanes et procès.

Chapitre III. Les Procès.

RI Combet nous apprend qu'il plaidait contre les Feuillants de la Novalaise pour obtenir sa portion congrue. Mais ceux-ci avaient eu, quelques années auparavant, avec la communauté un procès au sujet des réparations à faire au cœur de l'église, procès dont le dossier ne comprend pas moins de cent cinquante-sept feuillets. En leur qualité de décimateurs, percevant les trois-quarts de .la dime, d'après leur propre aveu, ils avaient été condamnés à payer leur quote-part des frais de réparation, par arrêt du Sénat en date du 7 janvier 1750. La dime, en effet, avait pour but de pourvoir à l'entretien des églises ot tenait lieu du budget des cultes, qui n'existait pas encore.

Un autre procès s'éleva, en 1767, entre la communauté de Lanslevillard et l'abbaye de St-Michel. Voici à quelle occasion. Par une délibération du 27 septembre 1766, le Sénat, à raison de la trop grande


cherté du blé, avait laissé aux débiteurs de servis féodaux la liberté de les payer en argent, suivant le prix fixé par ladite délibération. Les redevances que Lanslevillard payait aux abbés de la Cluse étaientelles servis ou bien dîmes, et, à ce dernier titre, non visées par l'arrêt du Sénat? Cette question donna lieu à un grand procès qui se plaida à trois instances devant le juge de la seigneurie de Bessans et Lanslevillard, devant le juge-mage de Maurienne et devant le Sénat de Savoie.

Les tenanciers de Lanslevillard s'attendaient à bénéficier de la déclaration du Sénat. Mais Jean-An-. toine Anselmet, de la paroisse de Bonneval, fermier des droits féodaux du seigneur abbé de St-Michel, autrement dit de l'Etoile, leur objecta que les redevances de Lanslevillard n'étaient pas servis, mais dîmes et payables en nature, car celles-ci n'étaient point comprises dans la déclaration sénatoriale. N'ayant pu résoudre la question avant l'échéance du payement, c'est-à-eire le 30 novembre, les syndics et conseillers de Lanslevillard, au nom des tenanciers, convinrent avec le sieur Anselmet (c'est du moins ce qu'ils affirmèrent) de mettre les cent vingt-six cartes de blé en dépôt chez un nommé Michel Rion jusqu'à ce qu'on se fût éclairci sur ce point. Pendant le délai de six mois après l'échéance du payement,que le Sénat avait accordé pour profiter de son arrêt, les syndics de Laeslevillard sommèrent plusieurs fois le sieur Anselmet d'accepter le payement en argent. Enfin, le 28 février 1767, ils l'assignèrent devant le juge du mandeme' t, Bertrand. Il y eut plusieurs audiences. Dans celle du 15 mai, Auselmet, laissant de côté cette fois la question de la nature de la redevance, déclara que la livraison du blé était faite, qu'il était payé et n'avait pas de payement à recevoir. Sans permettre aux syndics de faire la preuve du dépôt, le


juge les débouta des conclusions par eux prises contre le sieur Anselmet.

La communauté interjeta appel devaut le jugemage de Maurienne, demandant à prouver que la délivrance du grain avait été faite à titre de dépôt et à surseoir au paiement jusqu'à ce qu'on fût lixé sur la nature de la redevance. Dans l'audience du 6 juin, tout en maintenant subsidiairement les conclusions précédentes, Claraz, procureur des syndics de Lanslevillard, invoqua la nullité de la sentence du 15 mai, disant qu'elle avait été rendue par le juge du seigneur temporel du lieu à l'égard de ses sujets à raison de ses droits seigneuriaux. L'intimé opposa qu'elle avait été prononcée entre lui, Anselmet, et les vassaux du seigneur; qu'il ne s'agissait nullement des droits seigneuriaux, mais de ses intérêts propres, parce que c'était à lui en qualité de férmier qu'appartenaient les redevances. Il demanda un renvoi pour consulter. Dans l'audience du 13 juin suivant le juge mage, Claude-Marie de Mongenis, déclara qu'il avait été mal jugé par le juge du mandement qu'il aurait dû résoudre la question préjudicielle, à savoir si la redevance des trente-un setiers et demi revêt le caractère de dime ou de servis que, les' charges et les immunités affectant l'une et l'autre redevance étant bien din'érenies, il ne s'agit pas uniquement des intérêts du fermier, mais encore des droits du seigneur il ordonne au dit Anselmet de décider s'il maintient ou non l'allégation apportée dans la première instance que les trente-un setiers et demi sont dûs à titre de dime.

Comprenant que cette position était peu sûre, Anselmet dit qu'il renonçait à cette exception et demanda que les appelants établissent la vérité du dépôt.

Le 5 décembre, nouvelle audience dans laquelle


défilèrent une demi-douzaine de témoins, parmi lesquels le curé, Esprit Combet. De leurs dépositions il résulte que c'est bien à titre de dépôt et en réservant leurs droits que les tenanciers avaient remise le bij chez Michel Rion. Un des témoins produits par l'intimé raconta qu'étant allé en compagnie d'Anselmet chez le cabaretier Demaison qui préparait le souper que le fermier du seigneur devait donner en pareil jour selon la coutume, Anselmet avait dit au cabaretier de cesser ses préparatifs, ne voulant pas donner à souper au conseil qui ne lui avait pas livré le seigle. A ces dépositions Anselmet se borna à objecter qu'elles étaient suspectes, parce que les témoins étaient tous de Lanslevillard et que tous « y compris le curé t, possédaient des biens-fonds soumis aux redevances.

Le jugement fut rendu le 12 janvier 1768. Le jugemage prononce qu'Anselmet, en sa qualité de fermier du seigneur abbé, devra, pour le payement de la redevance en seigle pour l'année 1766, se contenter du prix modéré et fixé par l'arrêt du Sénat (1) il le condamne à tous les dépens tant de la première que de la seconde instance.

Ces dépens, s'élevaient à 255 livres 12 sols. C'était une somme bien supérieure à la chose en litige car, si l'on considère la différence entre la valeur commerciale du seigle dans l'année 1766 avec le prix fixé par le Sénat, cette différence n'excédait pas, d'après lo calcul d'Esprit Combet, 13 ou 14 écus d'or de 7 livres 10 sols pièce. Elle était même bien supérieure à la valeur totale du seigle, puisque les trente-un setiers et demi, au prix fort de trente-deux sols la (U Ce prix était de 17 sols la quarte. Le juge-mage avait, par une sentence provisionnelle, accordé aux syndics de Lan'devUtard' moyennant caution. la main-levée du dépôt. Le blé déposé fut vendu aux en<hères à Lanslevillard au prix de 1 livre 13 sol* 6 deniers la quarte


quarte, n'auraient rapporté que deux cents livres six sols.

On avait fait beaucoup de bruit pour rien, et c'est bien le cas de dire que le jeu ne valait pas la chandelle. Mais où s'arrête la manie des procès ? Anselmet, qui en était atteint, fit appel au Sénat de la sentence du juge-mage, par acte du 18 janvier. Il prit pour procureur M° Laurent Pralet. Lanslevillard passa procuration à son curé, R** Esprit Combet, lequel fit plusieurs séjours à Chambéry pour défendre les intérêts de la communauté et choisit pour procureur ou avoué M° Buisson.

Au Sénat, le procès entra dans une phase nouvelle. Dans le~deux premières instances, le différend n'avait porté que sur le genre de paiement de la redevance, le fermier voulant être payé en nature. Ici l'objet du litige change, et le champ s'élargit. Anselmet demande que l'on prononce sur la nature de la redevance, dime ou servis, afin d'échapper aux taxations de prix que le Sénat pourrait faire à l'avenir dans des cas semblables à celui de l'année 1766. Cette position mettait en cause, non plus seulement le fermier, mais aussi le seigneur abbé, dont les droits et les charges étaient différents, suivant qu'il était créancier féodal ou décimateur. C'est ce que décida an arrêt du Sénat du ICjailtet 1768. L'abbé, qui était alors S. E. le cardinal Cavalchini résidant à Rome, donna une procuration générale au comte Zenone, habitant la ville de Turin.

Pour établir que la redevance des trente-un setiers et demi n'était pas un servis, Anselmet produisait la reconnaissance du 12 mai 1638, où il n'est point fait mention des servis. Si le mot ne s'y trouve pas, répondaient les tenanciers de Lanslevillard, la redevance n'en est pas moins nettement caractérisée comme servis, car tout ce qui se paye annuellement à


raison d'un fonds, à titre de devoir seigneurial, s'appelle servis. Or la reconnaissance susdite déclare que c'est en considération des taxes et maréchaussée pour les mas spécifiés, des essarts et de la taille, que la communauté paye annuellement les trente-un setiers. D'ailleurs, si la reconnaissance de 1638 pouvait laisser subsister quelque doute, nous en avons de plus anciennes, une entre autres de 1380, affirmant l'omnimode juridiction des abbés de la Cluse sur les hommes de Lanslsvillard et qualifiant expressément de servis la redevance des setiers de blé. Il est bien vrai que Lanslevillard ne paye ni laods ni vends pour les ventes, échanges et aliénations mais cette objection ne prouve rien contre notre assertion si nous sommes exempts de cette servitude féodale, c'est que nous nous en sommes affranchis. Enfin l'arrêt du Sénàt, en 1750, au sujet du différend entre le curé de Lanslevillard et les Feuillants de la Novalaise, dit qu'il n'y a pas dans la dite paroisse d'autre décimateur que les deux parties.

Avant de décider la question de la nature de la redevance qui intéressait de R'"°* abbé de l'Etoile, le Sénat rendit un arrêté provisionnel, en date du 16 juillet 1768, condamnant Anselmet aux dépens de la première instance dès la sentence du 15 mai 1767 inclusivement, et à ceux de la seconde. Quant à ceux de l'instance actuellement poursuivie, ils étaient réservés jusqu'à la solution définitive. Ces derniers frais, uniquement pour la part de Lanslevillard, atteignirent le chiffre de 136 livres 4 sols 4 deniers. La part d'Anselmet ne devait pas être moindre. Qui paya les frais ? Quelle fut l'issue du procès ? Mes documents s'arrêtent juste sur cette question. Quoi qu'il en soit, Perrin Dandin avait depuis longtemps grugé l'huître, objet du litige, c'est-à-dire la différence entre la valeur commerciale des 126 quartes de seigle et 1< tMif du Sénat.


Chapitre IV.

ASiranchissement des droits seigneuriaux. Comme on vient de le voir, les droits féodaux sur Lanslevillard rapportaient peu à l'abbaye de la Cluse et leur perception était une source de tracasseries pour les tenanciers. Il était à désirer qu'un accord mit fin à ces redevances antiques, souvent mal définies, d'une rentrée difficile. Cet accord fut conclu en 1785. L'acte suivant, que je transcris intégralement, nous en fait connaître les préliminaires et les conditions.

« L'an mil sept cent huitante-cinq et le dixième may, à St-Jean-de-Maurienne et dans le palais épiscopal, étant ainsi que le Rdmo Seigneur abbé de StMichel dp la Cluse dit de l'Etoile possède rière la communauté de Lanslevillard en Maurienne diverses rentes consistantes en servis et redevances et autres droits et devoirs seigneriaux portés par acte de reconnaissance des douze may mille six cent trentehuit, M* Jean Manuel notaire, et autres reconnaissances plus anciennes, les sindics et conbeilliers de la dite communauté ainsi que les habitants et possédants fonds rière icelle, dans les vues de jouir de l'édit de S. M. du dix-neuf décembre mille sept cent septante-un, ont délibéré, par assemblée générale du dix-huit février mille sept cent septante-un, de s'affranchir envers le R''°" Seigneur abbé de l'Etoile des servis et redevances ci-devant, la dite délibération reçue par Mo Garinot, secrétaire du dit lieu de Lanslevillard et constitué par icelle Joseph-François Turbil chàtelain du dit lieu, François feu Jean-Michel Bernard aussi du dit lieu de Lanslevillard, pour leurs procureurs, en leur conférant le pouvoir spécial de traiter, accorder, transiger pour l'affranchissement des dits servis et redevances, ou autrement de le


pourvoir par devant tous tribunaux compétents en conséquence de leur députation ils se sont adressés au Seigneur Intendant de la province et lui ont proposé de traiter l'amiable entre les parties, et à ces fins ayant eu l'honneur d'en écrire à son Eminence Monseigneur Sigismond-Hyacinthe Gerdil, abbé et commendataire perpétuel de l'abbaye de St-Michel la de Cluse, cardinal de la Ste Eglise romaine, résident à Rome, ce dernier pour concourir aux vues des dits députés de Lanslevillard, par procuration du onze avril mille sept cent quatre-vingt-deux (1), Morà chancelier et légalisé par le Seigneur Louis-Dominique Digne, consul de la cour de France à Rome, a constitué pour son procureur général et spécial Monseigneur riilusf" et R"°" Charles-Joseph-Compans de Brichanteau, évêque de Maurienne et prince d'Aiguebelle, à l'eflet de traiter et convenir des laods, cens, fruits, plaids et autres droits de cette nature, auxquels les biens et habitants de Lanslevillard, Bessans et Bonneval pourraient être assujettis pour les droits des fiefs ou emphitéoses envers la dite abbaye, lui donnant à ces fins tous pouvoirs requis et nécessaires pour en affranchir les dits habitants ainsi que leurs biens pour les sommes ou annualités qu'il conviendra, d'en passer les actes et contrats nécessaires tout comme pourrait faire sa dite Eminence en la dite qualité d'abbé. En suite de cette procuration spéciale Monseigneur l'évoque en Maurienne a fait dresser l'état des servis, droits et devoirs seigneriaux dépendants de l'abbaye de la Cluse rière la communauté de Lanslevillard, par M' Chammorand commissaire en date du vingt-deux avril dernier, après quoi les députés et Sa Grandeur s'étant abouchés et ayant fait entre eux amiablemeht l'estime des dits (t) Voir le texte de cette procuration. Trav. dtht Soc., 2* série, t. m, 1" partie, p. 29.


droits, les députés de la communauté de Lanslevillard ont offert pour l'extinction d'iceux la somme capitale de deux mille huit cents seize livres six sols, sur laquelle offre sa Grandeur aurait fait quelques observations tendantes à établir son insuffisance, et les parties s'en étant remises pour ce regard au Seigneur Intendant de la province, il en a fait refaire l'estime par le dit commissaire Chammorand et aurait porté les dits députés de Lanslevillard à. offrir à sa Grandeur la somme capitale de trois mille livres pour l'affranchissement, de tous les droits portés par les dits états et reconnaissances qui ont été mûrement examinés entre les parties, ce qui a été accepté par S. G., et il en a été passé contrat comme s'ensuit. Pour ce est-il que l'an, jour, lieu et heure que ci-devant, par devant moi notaire soussigné et en l'assistance du Seigneur chevalier Jacques-Alexis Vichard de Saint-Réal, Intendant de cette province, et en présence des témoins ci-après nommés, s'est personnellement établi et constitué S. G. Monseigneur l'musf" et R"°' Charles-Joseph Compans de Brichanteau, évêque de Maurienne et prince d'Aiguebelle, fils de feu Seigneur comte François-Antoine Compans de Brichanteau, natif de la ville de Turin, lequel en qualité de procureur spécial de S. E. M°\ l'Illustmd et R" Sigismond-Hyacinthe Gerdil, cardinal et abbé commendataire perpétuel de St-Michel de la Cluse et pour les causes énoncées en la narration du présent qui fait corps avec la dispositive, a libéré et affranchit ainsi que par le présent il affranchit et libère purement et simplement tous les communiers habitants et possédants fonds de la communauté de Lanslevillard en Maurienne, à l'acceptation de François-Joseph fils de feu Dominique Turbil, châtelain de Lanslevillard, de François à feu JeanMichel Bernard, tous deux natifs et habitants dudit K


lieu de Lanslevillard, députés et procureurs de la communauté de Lanslevillard ainsi que par acte énonce en la narrative du présent, de tous droits, servis, cens, redevances et devoirs seigneriaux que le Rdmo Seigneur abbé de St-Michel de la Cluse possède rière la dite communauté de Lanslevillard, en quoi qu'ils consistent ou puissent consister, portés par terriers, grosses, transactions et reconnaissances tant cogitées qu'à excogiter, sous la réserve seulement de la juridiction qu'il a comme Seigneur temporel de Lanslevillard et des droits annexés à la dite juridiction, tous autres généralement quelconques se trouvant compris dans l'affranchissement du présent, sans aucune réserve ni exception, voulants et entendants les parties que tous les habitants et possédants biens dans la dite paroisse ne puissent être recherchés à l'avenir pour cause des dits fiefs affranchis, et c'est pour et moyennant la somme capitale de trois mille livres payable immédiatement après l'approbation du présent et jusqu'alors avec intérêt au quatre pour cent, s'astreignants en outre les dits députés de la communauté de Lanslevillard à poursuivre et obtenir la dite approbation à leurs frais, le payement du quatorzième envers le royal domaine, si aucun en est dû, restant à la charge du R' Seigneur abbé et moyennant l'exécution des engagements pris cidessus. S. G. en sa qualité s'oblige à remettre à la communauté de Lanslevillard tous les titres qui concernent les dits fiefs, et s'astreint à la garantie de toutes prétentions que pourraient avoir toutes autres personnes sur iceux et se soumet à toute éviction à forme du droit, et le tout a été ainsi convenu sous l'obligation et et constitution savoir de la part de S. G. de tous les biens présents et futurs de la dite abbaye de St-Michel de la Cluse, et de la part des dits députés de Lanslevillard de tous ceux de la com-


munauté et aux peines respectives de tous dépens, dommages, intérêts De quoi acte dont j'ai remis note, qui est aux frais de la communauté, fait et prononcé en présence de R** Etienne feu Pierre Séchai des RR~ Seigneurs chanoines de cette cathédrale, natif et habitant de cette ville, et de Claude feu François Belleville, natif d'Aiton, habitant aussi en cette ville, témoins requis. Tabellion quarante-cinq sols. Signés sur la minute Charles-Joseph, évêque de Maurienne, François Turbil, François Bernard, Séchai, Belleville, et par Monsieur de St-Réal et moi notaire.

Jean GILBERT.

Le lecteur aura remarqué que, dans l'acte susdit, l'abbé de St-Michel de la Cluse se réserve c la juridiction qu'il a comme seigneur temporel de Lanslevillard et les droits annexés à la dite juridiction. » En quelle année la souveraineté sur ce pays a-t-elle passé au roi de Sardaigne ? Je n'ai aucun renseignement qui me permette de répondre à cette question (1).

A côté des devoirs et des servis féodaux, il y avait à Lanslevillard, comme presque partout, des franchises, qui accordaient à la communauté des privilèges et une assez grande autonomie. Je ne connais pas le détail de ces franchises ni la date de leur concession. Elles étaient anciennes, car, en 1588, Urbain de Miolans évêque de Valence et de Die et abbé commendataire de St-Michel de la Cluse, approuvait et confirmait tous les privilèges et toutes les immunités accordées par ses prédécesseurs. A en juger par celles (1) M. le chanoine Truchet a donné la date de 1770. (Trav. de la Soc. 2' série, t. 111. 1" partie. p. 29). Il a été induit en erreur par la source qu'il a consultée.


dont jouissaient les habitants de Bes~ans (1), soumis à la même juridiction, ces franchises devraient être très libérales.

(!)Trav.de)aSoc.l"série,voI.p.I9t.


Tableau des membres de la Société reçus du 7 janvier 1901 au2juinl902 V Nécrologie VI Compte-rendu des séances, janvier 1901, juin 1902 1 Le fief de Courbefort 2 Les nobles de Chignin de Pontamafrev 4 M. Charles Brunet, avocat 8 Ecrivains de forme en Maurienne 11 Rapin-Thoyras, par Haoul de Cazenove 11 La route du Mont-Cenis, par Derrieu. 12 Les mines de St-Georges-d'Hurtières, par Bozérian. 12 Documents sur Lanslevillard et Bessans. 13 Le pont de la Magdelaine 16 Histoire d'Aix-les-Bains, par le comte de Loche 20 Peillonnex, par l'abbé Gavard 20 Histoire de la Maison de Seyssel, par le comte Marc de Seyssel-Cressieu 20 lin moulin à Saint-Julien en 1326 28 Maisons de Saint Jean incendiées en 1397 31 l'n testament à Saint-André en 1357 33 Les deux mestralies et les carces de Pontamafrey. 37 Les Enfants de la iiïe de Saint-Jean en 1613 41 Excursion àSaint-Ju!ienle4 juin 1901 46 La Maison-Blanche. 47 La Garde. 52 La Maladière 55 La route Le pon) – Les digues La voie romaine 63 La maison et le fief Manuel 66 L'hôpital. 70 Maison de Ballay, du Pont, de Bavoz et d'Albert. 72 2 Eglise, chapelle de Balay et cure de Saint-Julien. 78 Chapelle de Jésus et Marie. 80 PrieurédeSt-Julien. 82 LamaisonduPont(?)etChristin. 86 La chapelle de St-Iloch à la Croix-Blanche 89 LaMatadière 90 Géologie et industrie 92 tXcursinn à l'Echaillon le 1" juillet 1902. 106

TABLE


EchaiUon Voie romaine et eaux thermales 112 MÉMOIRES

Les nobles de La Balme de Montvernier et leurs fiefs 166 Note. 208 Lanslevillard pendant la Révotution 209 Les redevances féodales de Lanslevillard et la dime. Acte d'aSranctussement. 247



i) 6 .J/. TRAVAUX DE LA SOCIÉTÉ

n'm~mnp PT n'ABpt)M!nf!!)? Uniùiumtj b! tJAKunDULubih DE MAURIENNE

DEUX!ÈME SI';RIE

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TOME TROISIÈME –.DEUXIÈME PARTIE

SAINT-JEAN-DE-MAURIENNE

IMPRIMERIE VULL1ERMET FILS 't*-

1902