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Titre : Journal des débats politiques et littéraires

Éditeur : [s.n.] (Paris)

Date d'édition : 1898-03-19

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb39294634r

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb39294634r/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 200316

Description : 19 mars 1898

Description : 1898/03/19 (Numéro 77).

Description : Collection numérique : BIPFPIG63

Description : Collection numérique : Arts de la marionnette

Description : Collection numérique : Bibliothèque Diplomatique Numérique

Description : Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail

Description : Collection numérique : La Grande Collecte

Description : Collection numérique : Histoire diplomatique : Révolution - Empire (1789-1815)

Description : Collection numérique : Histoire diplomatique : Restauration - Monarchie de Juillet (1814-1848)

Description : Collection numérique : Histoire diplomatique : IIe République - Second Empire (1848-1870)

Description : Collection numérique : Histoire diplomatique : IIIe République (1870-1914)

Description : Collection numérique : Histoire diplomatique : d'une guerre à l'autre (1914-1945)

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k469065p

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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SOMMAIRE

Le jugement de Ciïà.teau-Thieriiy.

Aujoukle jour. Le 70" anniversaire de M. Henrik Ibsen. Maurice Muret.

Lettre d'Extrême Orient. Pierre LeroyBeaulieu.

A l'étrakger. L'Espagne et les Etats-Unis. Lettres DE Madagascar.

REVUE militaire. La dernière expédition de Madagascar. Charles Malo.

Le Parapluie DE Saint Pierre. Kalman de MLÉezath.

Variétés. Un séminaire de sociologie. Maurice t. Wolff.

LE JUGHHT DE CIÏAllÀIKrSHERBY

•; Le jugement du tribunal de Château-Thierry, dont nous avons parlé, il y a quelques jours, a obtenu un très grand succès de presse, et dens ce concert d'applaudissements, et d'éloges il y en a d'assez inattendus. Si les socialistes ont triomphé de ce jugement où ils ont cru trouver une consécration de leurs doctrines, on a vu aussi des conservateurs, des modérés s'en réjouir avec eux, et féliciter ce tribunal d'avoir rendu une sentence si philosophique, si chrétienne et si moderne à la fois. L'Evangile socialiste et l'anti-Evangile sont égalenieht satisfaits. Les magistrats de Château-Thierry sont loués par les uns pour avoir jugé comme les docteurs du collectivisme auraient fait, et par d'autres pour avoir égalé les Pères de l'Eglise. Quelques-uns citent les orateurs sacrés et insinuent que les juges n'ont rien inventé.

Il n'y a peut-être que le Code pénal, la loi civile et sociale, la loi, en un mot, qui ne trouve pas son compte dans cette affaire. On néglige aussi un peu certain commandement où il est dit « Tu ne prendras pas le bien d'autrui. » Ce sont des choses dont on paraît se soucier médiocrement et l'on s'en va répétant que le jugement dont il s'agit n'est pas seulement ce que les hommes de loi appellent une'décision d'espèce, mais qu'il marque une évolution, pleine de promesses, dans le droit et la jurisprudence criminels.

Si vous avez; exprimé quelque doute, hasardé quelque réserve sur le mérite de ce jugement si vanté, vous n'échapperez pas au reproche, d'ôtre totalement dépourvu de sentiments hu• mains, et.il se trouvera certainement quelque âme particulièrement douce et évangélique pour dénoncer au monde, avec un agréable retour, sur sa bonté' et sa mansuétude personnelles, toute Thorreur de votre férocité; Peut-être, cependant, sans avoir un cœur de. pierre,. est-il permis de souhaiter que les juges puissent concilier l'humanité avec le devoir de leurs fonctions, ayee l'observation de la loi, et il nous semble que ceux de Château-Thierry pouvaient, sans trop de difficulté, résoudre ce problème. On comprend leur pitié, on partage leurs émotions; mais, s'ils avaient rendu un jugement par lequel, usant largement des circonstances atténuantes et faisant usage de la loi Bérenger, ils auraient condamné cette malheureuse femme à un franc d'amende; avec application de la loi Bérenger, ils auraient été des juges respectueux de la loi, et non pas des juges inhumains. On peut aller plus loin. S'ils avaient acquitté la pauvre affamée, en constatant simplement qu'au moment où elle avait volé du pain elle était en fait dans un état physique et mental qui la rendait irresponsable, cette décision, peut-êice contestable, n'aurait point fait tant de bruit et n'aurait pas valu aux juges qui l'auraient prononcée une si -soudaine et si éclatante célébrité.

Ce sont surtout les considérants du jugement qui ont attiré l'attention. Ce sont eux qui ont été recueillis, soulignés, commentés, applaudis par la presse socialiste. On y a cherché, on a '< cru y trouver une revendication sociale, une accusation contre l'organisation actuelle de la société, et, pour tout dire, le droit au vol justifié par l'extrême misère. D'autres ont voulu en dégager une thèse ju- ridique, fondée sur une interprétation de l'ar- ] ticle 64 du Code pénal. Cet article dit « Il i rfy a ni crime ni délit lorsque le prévenu était 1

FEUILLETON DU JOURNAL DBS DÉBAfS du 19 mars J898

REVUE MILITAIRE

La dernière expédition de Madagascar

D'APRÈS DES publications récentes

l'historien de la fin du siècle prochain, qui, pour faire le récit des guerres et expéditions coloniales entreprises par la France dans le dernier quart de celui-ci, n'aurait à sa disposition que la collection des journaux du temps, serait certainement plongé dans une grande perplexité. Qu'il s'agisse de l'expédition de Tunisie, de celle du Tonkin ou de celle de Madagascar, sans oublier le Dahomey, il ne trouverait dans les gazettes contemporaines, même les plus modérées, qu'une longue série de critiques amères et de récriminatious passionnées il y lirait, ou plutôt il y relirait, à propos de chacune de ses entreprises, que la conception en a toujours été aussi fausse que dangereuse, la préparation « au-dessous de tout » et l'exécution généralement à la hauteur de la préparation il y verrait journellement, accablés d'injures et couverts de mépris, à très peu d'exceptions près, les hommes d'Etat, les ministres, les généraux qui y ont concouru ou participé à un titre quelconque; et, après avoir soigneusement noté tant de reproches et d'accusations, enregistré tant d'erreurs, de fautes et de revers, il se ferait, de l'aptitude des Français de l'époque à la politique comme à la guerre, à la conquête comme à la colonisation, supposé, bien enteudu, que les choses allassent beaucoup mieux de son temps! une idée des plus fâcheuses et une opinion des plus piètres. Mais surtout il se demanderait et serait longtemps avant de comprendre comment le Re&ïQdÙètion interdite.

en état de démence au temps de l'action, ou lorsqu'il a été contraint par une force à laquelle il n'a pu résister. » Dans le cas dont il s'agit, la contrainte, la force irrésistible serait la faim'. Ainsi, le besoin impérieux de manger serait une excuse absolutoire du vol. Cette théorie s'appliquerait, d'ailleurs, à toutes les sortes de besoins. On en viendrait donc à proclamer le droit à la satisfaction des besoins, par le vol, par la violence, par le meurtre même. On reviendrait ainsi à un état antisocial, à l'état de nature, à l'état sauvage, et à la suppression de toutes les lois autres que celle de la lutte pour la vie. Et. si dans ce cas d'irresponsabilité prévu par la loi,– la contrainte d'une force irrésistible,– on entend non pas seulement la contrainte exercée par un agent extérieur, mais par une force intérieure et subjective (au1 tre que la démence qui est mise à part), ce sont tous les crimes passionnels, et quels crimes ne sont pas passionnels? qu'il faudra absoudre. Mais la loi ne s'est pas inspirée de ce déterminisme, et les. juges de Château-Thierry nous paraissent avoir violé la loi en admettant une excuse qui n'est pas autorisée par la loi. Mais ces juges ne semblent point avoir eu des pensées si étendues. Ils ont cédé à la pitié et se sont trouvés fort embarrassés pour motiver leur, jugement. On s'en aperçoit sans peine en comparant les motifs et le dispositif qui se contredisent manifestement.

Dans les motifs, les juges ne parlent que d'une atténuation de la responsabilité. « Attendu que la .misère et la faim sont susceptibles d'enlever à tout être, humain une partie de son libre arbitre. Qu'un acte ordinairement répréhensible,perd beaucoup de son caractère frauduleux, lorsque celui qui le commet n'agit que poussé par l'impérieux besoin de se procurer un aliment de première nécessité. Que l'inten- tion frauduleuse est encore bien plus atténuée lorsqu'aux tortures aiguës de la faim vient se joindre, comme dans l'espèce, le désir si natu- i rel chez une mère de les éviter au jeune enfant '] dont elle a la charge. » Dans tous ces considé- < rants, il n'est question que de responsabilité li- 1 i mitée, atténuée. Quelle devait être la conclu- < sion ? L'atténuation de la condamnation, atté- s nuation qui pouvait aller usqu'à la s.upprés- t sion de toute peine effective, mais non pas l'absolution.. J Aupointdevue juridique, Iejugementde Château-Thierry ne se soutient donc pas. Dans l'intérêt de la loi, il devrait être déféré à la juridic- tion supérieure, afin de ne pàs;laissér subsister ̃ ce monument d'une si- étrange jurisprudence- Au point de vue social/une pareille décision et les approbations enthousiastes qui lui ont été ,( prodiguées ne laissent pas d'inspirer certaines l inquiétudes. Que l'on en ait inféré que les idées ;I d'humanité et de charité sont en- progrès, cette conclusion est peut-être contestable. L'ostenta- a tion de ces choses-là n'en est pas toujours la me r surelaplus juste. Un certain laisser-aller, une cer- taine insouciance, un certain désir de se parer de -n sentiments si nobles et quelquefois d'en recueil- e lir le fruit, peuvent très bien jouer le personnage de la pitié, de la charité, de l'humanité, de d la solidarité. Ce qu'il faudrait se dire, c'est que § ces vertus n'existent, ne peuvent s'exercer que n sous la garantie du pacte social, et que ce serait } fait d'elles si le pacte social était rompu. Le respect du droit, de la justice, de la loi positive fl doit être assuré avant toutes choses, parce que,. -d sans lui, il n'y aurait rien qu'un conflit déréglé -N d'intérêts, de besoins, de passions et d'appétits. L Si nous critiquons le jugement de Château- thierry, ce n'est pas parce qu'i' est trop hu- v main, c'est parce qu'il est antisocial, et, comme a tel, contraire aux intérêts essentiels de la civi- c lisation et de l'humanité 1 n

M. Cochin et M. de Càssagnac. Celui-ci fait très durement la leçon à celui-là. Personne n'en sera surpris il y a une très grande différence de caractère et de tempérament entre les deux hommes. M. Cochin est un parlementaire, et M. de Cassagnac, qui le lui reproche avec aigreur, est un césarien auquel il n'a manqué qu'un César, ce qui, à la vérité, est une lacune pour l'application de sa doctrine. M. de Cassagnac a traversé nos. Chambres mais il déclare avec orgueil qu'il à été seulement «un parlementaire d'occasion, par force, ma'gré lui » c'est ainsi, d'ailleurs, qu'il a cessé de l'être, lorsque les électeurs du Gers l'ont rendu à ses études, toujours par force et malgré lui. Quel service a-t-il rendu à son parti pendant qu'il était député? Il saurait nous le dire peut-être mais nous l'avons oublié. Tout le monde sait,. au contraire, quels sont ceux que M. De-

résultat final de campagnes si sottement engagées et si déplorablement conduites ait pu être, avant" que le dix-neuvième siècle n'eût fini, l'annexion à la France de territoires "immenses et qui ont doublé, voire même triplé son ancien domaine colonial.

Heureusement une telle supposition ne peut être qu'un pur jeu d'esprit, et il est plus qu'improbable qu'un cataclysme vraiment inintelligent vienne détruire les bibliothèques et surtout les archives, en ne laissant subsister que les recueils de feuilles publiques. Dès lors, l'historien dont nous parlons, s'il lui prenait fantaisie de commencer à s'instruire par la lecture des journaux, aurait tôt fait de rectifier ses premières impressions et de remettre les choses au point. Il n'en retiendrait qu'une chose, à savoir que ses ancêtres étaient terriblement nerveux et agités en cette fin « de siècle », et que ce ne devait pas être chose facile, en présence d'un tel « état d'âme », de concevoir, de poursuivre et mener à bien des entreprises lointaines exigeant beaucoup de sang-froid et depatience, en même temps que de foi. Seulement, pour s'expliquer complètement des tâtonnements, des insuccès momentanés, dont les papiers d'Etat et les publications ultérieures les plus sérieuses et les plus réfléchies conserveraient indubitablement la trace, notre historien aurait besoin de se replacer dans un milieu bien différent de celui où je me plais à croire et à espérer qu'il vivrait, l'heureux homme il lui faudrait se bien représenter l'état matériel et moral de la nation si cruellement éprouvée et meurtrie en 1870-1871, avant les grandes réparations attendues de cette « justice immanente » qu'évoquait un discours célèbre. Il verrait ce malheureux pays tourmenté du désir et du besoin d'expansion au loin qui agitaient toutes les nations contemporains, mais constamment gêné, sinon arrêté, dans ses efforts pour y donner pleine satisfaction, par la cuisante blessure qu'il portait encore au flanc, par les préoccupations incessantes qu'elle lui causait, beaucoup plus que par l'affaiblissement réel qui en résultait pour elle.

nys Cochin rend & ses amis. M. de Càssagnac n'aurait pas eu son pareil pour faire un coup d'Etat, s'il en avait eu l'occasion.. Le malheur est qu'on fait difficilement un coup d'Etat dans une Chambre, et par la Chambre elle-même. il faut pour cola venir du dehors. Mais on peut y être utile à ses idées, lorsqu'on a les qualités de M. Cochin, et qu'on n'a pas celles de M. do Càssagnac ces dernières y sont sans emploi.

M. de Cassagnac a été choqué par certaines paroles de M. Cochin, qu'il qualifie de « vraiment fâcheuses ». « Elles représentent exactement l'état d'âme de la Droite, état d'âme qui rendrait toute restauration monarchique impossible d'abord, et inutile ensuite, si, par hasard, elle pouvait avoir quelques chances de succès. » Rendons à M. de Càssagnac la justice qu'il n'a pas l'air do conserver beaucoup d'illusions à ce sujet on le voit par cette citation même. Pourtant, il fait un grief à M. Cochin do n'avoir pas encore replacé le roi sur son trône. M. Cochin tarde vraiment beaucoup, et déjà M. de Càssagnac fait sonner à ses oreilles le gros mot de « trahison ». M. Cocliin ̃< a pour mission expresse de rétablir la monarchie, et il consolide la République». Soit; mais M. de Càssagnac a-t-il jamais fait autre chose ? Il avait pour mission expresse de rétablir l'empire, puisqu'il se l'était donnée lui-même très bruyamment. A-t-il rempli sa mission? A-t-il rétabli Tern-. pire? N'a-t-il pas, à sa manière, contribué fortement à consolider la République ? Quand un régime politique a pour lui la volonté, ou, si l'on veut, la faveur populaire, tout lui réussit; et rien ne tourne plus à' son avantage que les attaques forcenées doses ennemis. Combien de fois, au fond de l'âme, n'avons-nous pas été reconnaiesants h M. de Càssagnac Plus il déployait sa colère, et plus il manifestait son impuissance. M. Cochin a pris un autre système. Il no rétablira probablement pas plus là monarchie que M. de Càssagnac n'a rétabli l'empire; mais il rend à son parti quelque' chose de la considération qu'il avait perdue dans certaines aventures, où M. de Cassagnac avait aussi fourvoyé le sien. On compte avec lui parco qu'il est éloquent et courtois, c'est-à-dire parlementaire. Il sait se faire aimer et respecter, ce qui est bien quelque chose. Tout cela, dit M. de Gassagnac, ne servira à rien pour la restauration du roi et pour la ruine de la République. Nous le croyons, en effet; mais est-ce bien à M. de Cassagnac de le dire ? On ne peut pas encore juger M. Cochin par l'avenir, qui reste incertain; mais on peut fort bien, dès maintenant, juger M. de Càssagnac par le passé, dont l'expérience est faite. A supposer que M. Cochin n'aboutisse à aucun résultat, il ne sera jamais plus stérile que M. de Cassagnac, et, quand même tous les autres pourraient lui jeter la pierre, celui-ci seul n'en aurait pas le droit.

AU JOUR LE JOUR LE 70' ANNIVERSAIRE DE; M. HENRIK IBSEN

11 y aura dimanche prochain soixarité-dix ans .que M. Henrik Ibsen est venu au monde, dans une petite ville de la -Norvège. Les cénacles littéraires de l'Europe du Nord, de la Scandinavie, de l'Angleterre, de l'Allemagne, fêteront cette date avec un éclat exceptionnel. A Christiania, paraîtra un livre d'or muni d'une préface du roi Oscar. A Berlin, la Société ïbsénlenne prépare un numéro spécial, où les principaux littérateurs exprimeront, en quelques lignes, leur opinion sur l'œuvre et l'influence du célèbre dramatiste. Les directeurs des principaux théâtres de la capitale germanique se sont également donné le mot pour mettre ce soir-là, sur l'affiche, un drame de M. Ibsen. Enfin, ces solennités s'achèveront sur un immense banquet organisé par la Scène libre. De toutes parts, les, fumées, de l'encens monteront dimanche soir vers le pôle en épaisses colonnes M. Ibsen va connaître les joies de l'apothéose. Et, à Paris, que fera-t-on? MM. Antoine et .Lugné-Poë, qui, en dépit des railleries faciles, ont vaillamment défendu la cause de M. Henrik Ibsen auprès d'un public généralement rebelle et d'une critique plutôt hostile, commémoreront-ils le 20 mars, à l'égal de leurs septentrionaux collègues, par quelque fraternelle âgape ? Je n'en sais rien, mais j'en doute fort. Le grand dramaturge norvégien est venu au monde trop tard, je veux dire trop tard pour que son 700 anniversaire soit celés bré à Paris. Oh s'il avait atteint soixante-dix ans vers 1895, c'était chose faite il aurait eu son banquet, tout comme un autre. On se fût réuni dimanche entre initiés autour d'un salmis de canard sauvage et d'un plat glacé affectant la forme d'un iceberg. Et pourquoi, en effet, le symbolisme n'étendrait-il pas ses lois pittoresques jusqu'à l'art culinaire? La cérémonie n'eût pas manqué de grandeur. On eût porté au dessert dés toasts vibrants et l'oreille gauche de M. Sarcey eût joliment tinté ce soir-là. Mais, eh cé mois de mars 1898, combien nous sommes loin des enthousiasmes du début Les soirées houleuses de l'Ennemi

Et, de fait, un ministre de la guerre s'évertuait en vain à la secouer en lui reprochant, au fond, il pensait exactement comme tous ses compatriotes de s' « hypnotiser » dans la contemplation de la frontière de l'Est elle se disait bien qu'il était absolument indispensable à sa grandeur et peut-être même à son existence futures, de ne se laisser devancer nulle part dans le grand et irrésistible mouvement qui poussaient toutes les puissances européennes à se partager les territoires encore disponibles sur la mappemonde; mais les superbes agrandissements ainsi entrevus et espérés au loin ne pouvaient la consoler de la perte éprouvée naguère, ni les longs espoirs et les vastes pensers lui faire oublier le souci de l'heure présente ou prochaine. Elle ne renonçait pas à rayonner, elle aussi, sur le vaste monde et à se faire laplus large place possible au soleil des tropiques; mais elle ne devait pas pour cela perdre de vue un seul instant la frontière démembrée, ne pas cesser d'y monter une garde vigilante et rester toujours en état d'y faire face à toutes les éventualités. De là, toutes les hésitations, tous, les tiraillements et aussi, naturellement, tous les mécomptes auxquels devait donner lieu, entre 1880 et 1895, la moindre expédition coloniale; de là, ces organisations volontairement hybrides et sciemment imparfaites; de là, ces méthodes reconnues défectueuses dès le principe, celles des « petits paquets », entre autres et auxquelles on revenait pourtant, tout en le déplorant, à chaque occasion nouvelle. Ce qu'il y a d'étonnant, dans de telles conditions, ou plutôt avec de telles restrictions, c'est plutôt que les Français de la fin du dix-neuvième siècle se soient, enfin de compte, tirés à leur honneur,– et en tout cas à leur avantage, –de guerres si difficiles à soutenir pour 'eux* quelque formidable que parût d'ailleurs leur puissance militaire, par cela seul que ce n'était pas la guerre dont la pensée les hantait jour et nuit, et envuede laquelle étaient exclusivement accumulées, orientées et tendues toutes leurs forces vives?..

Mais laissons, l'historien de l'avenir et les 1

i- J du peuple et des Soutiens de la société ne sont plus »; qu'un mauvais souvenir chez les scoliastes pas-- !t sionnés du vaudeville. On ne les « rasera » plus avec ces Scandinaves M. Henrik Ibsen peut bien célébrer son 70e anniversaire sur sa banquise LS natale. A Paris, il se meurt, il est mort. Ce « roi s de neige, comme jadis Gustave-Adolphe et plus vite que lui, a fondu en s'avançant vers s. le Midi ».

1- Le triomphe de la Duse sur un théâtre parisien, c la mise à la scène de la Ville morte, le succès de •~ la conférence de M. Fogazzaro sont autant de symptômes. Ibsen, Bjœrnson, on n'en veut plus. a C'est désormais à l'Italie, à son génie harmonieux, à son art ordonné et coloré que nous demanderons la satisfaction de nos besoins d'exotisme lits téraire. A peine sortis de l'Océan brumeux où 0 faillit, s'obscurcir le clair génie latin, voici que t nous entrons à pleine voile dans la Méditerranée « au rire innombrable ».

1 On 'ne saurait, décidément, célébrer dans ces conditions-là, par un banquet, le 70e anniversaire de M'. Ibsen. Ce festin semblerait trop un repas de funérailles. Mais, en dehors de toute consécration officielle, les ibséniens de la première heure, à Paris, penseront au maître norvégien, dimanche prochain, dans un sentiment i de respectueuse admiration. Ils se rappelleront > avec, reconnaissance les belles soirées où son art inégal, mais aristocratique, difficile et hautain, fit [ passer dans leurs moelles ce frisson particulier qui est le sublime privilège du beau. 1 MAURICE Muret.

i- '•-•

On a essayé, depuis quelques années, de résti-

i tuer aux fêtes, si longtemps délaissées, de la mi-

1 carême quelque chose de leur ancien éclat. Mais les mœurs se sont trop modifiées pour que ces réjouissances retrouvent jamais la gaieté d'autrefois, gaieté souvent grossière et qu'il n'y a peutêtre pas lieu de regretter. Les fêtes de la mi-carême sont de date beaucoup plus récente que celles du mardi gra,s on ne les voit pas en France avant le quinzième siècle. C'est à cette époque que remonte l'élection des premières reines. On procédait alors, le même jour, au baptême des nouveaux apprentis. On les conduisait en grande pompe devant une des maisons du marché aux Poirées. A l'encoignure de l'une d'elles était sculptée dans la pierre une truie assise, les mamelles gonflées et saillantes, filant une quenouille. On obligeait le jeune apprenti à embrasser la Truie qui filèet, s'il montrait quelque répugnance à cette accolade, on heurtait forte.ment.lenez du, malheureux contre 4a pierre, aux éclats de rire des badauds et des harengères qui prenaient le plus grand" plaisir à ce divertissement. Le jour de la; mi-carême était encore marqué par une bizarre coutume. Les enfànts> dans la rue, poursuivaient les vieilles femmes, leur jetaient des pierres et, le soir, apportaient sunjne place un mannequin d'osier ou une sta- tuêde terre glaise- représentaût une vieille qu'ils •sciaient aux applaudissements, de la foule: Il sub- sistait, il y a quelques années, quelque chose de 1 cette coutume dans les environs de Bourges, 1 où les gamins criaient encore « Fendons la » vieille »' en passant, le jour de la mi-carème, 1 à côté de personnes âgées. Enfin, c'était un jour de supplice pour les maris débiles, pour les veufs ̃* et les veuves remariées. Aux premiers, on ré- servait la chevauchée de l'âne. Aux autres, dont I l'Eglise blâmait les secondes noces, il était c d'usage de donner, pendant la nuit, un effrayant f charivari. &

l

La grandiloquence de Hugo, le ton sibyllin l s qu'il croyait devoir donner à la lettre la plus fa- t milière, au plus vulgaire billet, ont toujours fait g la joie des chroniqueurs. La récente publication 8 de laCorrespondance du poète vient d'égayer, une fois de plus, leur verve. Et il faut avouer que les c phrases suivantes, malicieusement choisies par la ix Revue hebdomadaire, ne manquent point de sa- ? a venr. A Jules Janin, le poète écrit « Votre feuil- £ leton se lève sur Paris comme une aube »; et il dit b à Saint-Victor « Toutes les fois que mon nom tombe de votre plume, il me semble que j'entends ii un bruit de gloire. » A un poète belge qui lui d avait adressé des vers sur son exil, il répond P « Ce n'est pas moi, Monsieur, qui suis proscrit, S1 c'est la liberté ce n'est pas moi qui suis exilé, l)' c'est la France. » Ailleurs « Soyons l'homme- n humanité.» Plus loin, annonçant la prochaine appa m ritiond'un pamphlet contre le Président «Encrier .b contre canons! s'exclame-t-il. L'encrier brisera hi

corrections nécessaires qu'une impartialité et une sérénité malheureusement difficiles aux contemporains l'amèneront à apporter aus jugements de ceux-ci. Ces corrections, ne sommes-nous pas déjà nous-mêmes en mesure de les effectuer, au moins en partie, et le recul, si faible qu'il soit, n'est-il déjà pas suffisant pour que nous puissions réformer, sur plusieurs* points, nos impressions premières ? A ne nous en tenir, par exemple, qu'à l'expédition de Madagascar, est-il besoin d'attendre qu'un nouveau siècle ait lui pour apprécier avec plus d'exactitude et surtout avec plus d'équité qu'on ne l'a fait jusqu'à présent les courageux efforts qui nous ont mis définitivement en possession de la grande île convoitée, depuis Richelieu, par tous les hommes d'Etat à larges vues qui > ont eu part au gouvernement de la France ? Voici, en tout cas, trois volumes, publiés tout récemment coup sur coup, et par le même éditeur (1), qui sont particulièrement propres à nous éclairer et à nous édifier aussi complètement qu'on, peut le désirer, dans l'ensemble comme dans le détail, sur la préparation et la conduite de l'expédition de 1895. Le premier est upe réédition du Rapport sur l'expédition de Madagascar adressé le 25 avril i896 au tninistre de la guerre par le général Duchesne, commandant en chef le corps expéditionnaire; mais c'est bien loin d'être une reproduction pure et simple du texte inséré, il y à tantôt deux ans, au Journal officiel et donné alors, d'après celui-ci, par la plupart des journaux. Tant s'en faut! Le rapport proprement dit occupe à peine le tiers de l'ouvrage, le reste étant consacré à d'importantes « annexes » figurent tous les documents militaires, diplomatiques et même politiques susceptibles de jeter quelque jour sur l'histoire de l'expédition; et, si ceux des dernières catégories ne sont pas inconnus à beaucoup, on. n'en saurait dire de. même des premiers, pour la plupart inédits. Ces ordres, instructions, états et situations, qui nous ren-

(1) La librairie militaire da Berger-Levrault et C», Paris (

et I~ancy.: t

les canons! » Le prince n'a qu'à bien se tenir, car, après Napoléon le Petit, voici les Châtiments « Ce misérable n'était cuit que d'un côté, je le retourne sur le gril. » Un sauvage n'est pas plus cruel. Enfin, voici le plus joli. Un M. Heurtelou, rédacteur du Progrès de Port-au-Prince (Haïti), lui avait manifesté de l'enthousiasme. Le grand homme le barbouille, à son tour, de compliments, et lui rappelle avec éclat la couleur de son visage: «Vous êtes, Monsieur, un noble échantillon de l'humanité noire. » II est vrai qu'il ajoute àussitôt à titre de consolation « .Devant Dieu, toutes les -âmes sont blanches » et, pour finir Il est beau que, parmi les flambeaux du progrès éclairant la route des hommes, on en voie un tenu par la main d'un nègre. » Ce lampadaire est connu, en effet on le rencontre, parfois, dans les escaliers ou dans les corridors, portant de l'autre main un plateau pour cartes de visite.

**•

Le kangourou, animal d'ailleurs fort comestible, semble devoir faire prochainement son apparition sur les tables européennes. Des commerçants britanniques ont en effet eu l'idée que le kangourou pourrait, aussi bien que telle autre victuaille exotique, tenter les gourmets de la mé- tropole, et ils ont récemment expédié à Londres, où ils ont été vendus, vingt-cinq quintaux de queues de kangourou. Ces queues servent à faire un potage très délicat, paraît-il, et qui ressemble au potage à la queue de bœuf. La douzaine de queues se vend environ quinze francs, ce qui est un prix modéré. Mais, si les queues peuvent supporter le voyage, pourquoi pas les .filets. et; les gigots, qui sont sans doute un mets plus fin ? Un «cuissot de kangourou », servi après des nids d'hirondelles, composerait un menu dépourvu de banalité..

LETTRE D'EXTRÊME ORIENT

LETTRE D'EXTRÊME ORIENT

IX

j Hiroshima, le 20 janvier.

Les campagnes du Japon. Les populations rurales. s Malgré le développement si rapide qu'a pris depuis quelques années l'industrie au Japon, la grande mac jorité de sa population vit encore dans les campagnes t et tire, sinon son unique moyen d'existence, du moins ses principales ressources de l'exploitation du sol. Les produits des petites industries domestiques viennent y ajouter un appoint qui n'est pas négligeable et d'autro part, sur les Côtes si découpées des nombreu? ses iles de l'empire, sur les bords de la mer Intéricure surtout, se pressent une foule de villages dont les habitants vivent de la.pêche dans son ensemble, 1 néanmoins, le Japon est un pays agricole. C'est la culture do son soLqui lui fournit la matière première de ce qui est encore sa principale iadus/trie,* la soie, et un autre de ses grands articles d'exportation'

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Si importantes que soient,: au point do vue des relations économiques extérieures, les: cultures indus- trielles des mûriers efdu thé, elles n'occupent qu'une étendue relativement restreinte et la première place do beaucoup, reste à la grando culture vivriéré de tout l'Extrême Orient, à celle du riz. Celle-ci a fortement contribué à accentuer encore l'un des traits caractéristiques du paysage japonais, la rareté des pentes douces. La nature n'en avait déjà pas été prodigue l'établissement des rizières qui doivent toujours être recouvertes d'eau stagnante les a fait disparaître presque totalement.

Les fonds de vallée, au lieu do s'élever graduellement, montent par ressauts verticaux, semblables à des marches d'escalier que séparent des espaces rigoureusement horizontaux; les collines rocheuses sortent par escarpements brusques du milieu de la plaino noyée. Le paysage serait assez morne en cette saison où le riz vient d'être coupé, avec son damier ds terrains boueux que limitent de petites levées de torre couvertes d'herbes sèches, s'il ne devait une grâce et un cachet tout particuliers aux formes élégantes et originales dos" hauteurs, aux pins tourmentés qui les couronnent, qui bordent les routes et les canaux d'irrigation, aux magninques cryptomerias, à la verdure sombre desquels venaient se mêler il y a encore quinze jours les tons rouge et orange des érables, qui entourent les petits temples semés un pou partout sur les coteaux, aux rideaux de bambous disposés de-çà et de-là dans la plaine. Des arbres viennent ainsi toujours varier la vue et interrompre la monotonie des rizières et des champs; de terrains en friches, on n'en voit jamais dans les plaines et les vallées to,ut y est cultivé avec le plus grand soin et pas un pouce du sol n'y est perdu. La population rurale est ici d'une densité extraordinaire, incomparablement plus grande qu'en aucun point de l'Europe sur une étendue de 382,000 kilomètres carrés, un peu supérieure à celle de la Grande• Bretagne et de l'Irlande, le Japon contient 42,270,620 habitants, soit 111 par kilomètre carré. Encore ce

seignent parle menu sur tout ce qui a été projeté ou exécuté, ont été tirés des car̃ tons et portefeuilles de l'état-major de l'ar̃ mée, à telles enseignes que je ne vois guère ce que celui-ci aura à nous donner et à nous apprendre de plus, quand il pũ bherasa relation officielle. En somme, la publication nouvelle, quoique due à l'initiative privée, présente à tous les égards le caractère et peut rendre les services d'une « œuvre d'état-major », Generalstabswerk, comme disent les Allemands, d'autant plus qu'elle est accompagnée d'un atlas ne contenant pas moins de 16 cartes, croquis et itinéraires à grande échelle dressés, pour la première fois, d'après les travaux du Service géographique du corps expéditionnaire.

On peut de même considérer comme une relation puisée à des sources exceptionnellement sûres la très intéressante étude intitulée le Génie à Madagascar, i 895-1 896, par un des officiers les plus distingués de l'arme, le commandant Legrand-Girarde, car, avant de faire partie de la Maison militaire du Président de la République, il était attaché au corps expéditionnaire et a pris sa bonne part des travaux qu'il décrit avec une précision toute technique, ainsi que des fatigues qu'il passe modestement sous silence. Dans ce volumeencore, nous retrouvons force cartes ou plans, et, de plus, quantité de photogravures (il y en a 167), qui sont comme le « commentaire perpétuel », aussi agréable qu'utile, du récit. Enfin, un dernier ouvrage ta Colonne expéditionnaire et la Cavalerie à Madagascar, achève de nous retracer, si j'ose dire, la physionomie si complète de l'expédition, que,' nulle part,' nous ne la retrouvons si vivante! car elle a été également « vécue » par l'auteur,' qui, quoique simple capitaine, au départ car il a gagné Jà-bas, et bien gagné, son quatneme galon, n'était rien moins que le chef supérieur de son arme, représentée uniquement par l'escadron de chasseurs d'Afrique dont il avait le commandement. J'ajouterais que cet officier, le commandant A. Aubier, était depuis longtemps connu comme un écrivain spé-

r, chiffre global tient-il compte de la grande île septentrionale d'Yezo, territoire de colonisation à peine s- peuplé. Si l'on en fait abstraction, le reste de l'cm1S pire a une étendue de 278/iO4 kilomètres carrés, sur laquelle vivant 41,801,113 personnes, soit 145 au kilomètre carré c'est deux fois plus qu'en France, et la Belgique est le seul pays européen où la population soit plus serrée mais.ia Belgique est un pays essontellement industriel plus de 80 0/0 des Japonais vivent encore, au contraire, dans les campagnes. e Telles provinces, comme celles de Shiba et de Saïtama, au nord-est de Tokio, ont respectivement 236 et 277 habitants au kilomètre carré, bien que la plus 1 grande ville do l'une compte 26,000, celle de l'autre s 20,000 âmes seulement. Dans l'ile de Shikokou, la a province de Kaganoa ne contient qu'une seule ville t de plus de 20,000 âmes, Takamatsou (34,000 habitants), et la population kilométrique y atteint le chiffre phénoménal de 391 personnes.

e Plus étonnante encore que ces chiffres est la faible étendue relative des cultures qui font vivre une population si dense le Japon est extrêmement monta-

gneux, et, si les plaines et les vallées, surtout dans

l'Ouest et le Sud, sont admirablement cultivées, si les champs, voire les rizières, escaladent même quolqaefois les hauteurs, dont la mer vient battre le pied, sans laisser «ne bande suffisamment large de terrain cultivable, les grands massifs de l'intérieur restent couverts de forêts, et, dans le nord même de la grande île, tout le sol susceptible d'être utilisé ne l'est pas encoro.

î D'après les dernières statistiques publiées, l'éteni due des propriétés particulières cultivées, soumises à l'impôt foncier au 31 décembre 1895, était de > 5,051,479 cho (1 chô = 99 ares 17 centiares), soft t 13 1/2 0/0 de la surface totale. Il faut bien y ajouter quelques terrains exempts d'impôt, soit parce qu'ils avaient été ravagés l'année précédente par des inoa-. dations ou des typhons, soit parce qu'ils étaient nouvellement défrichés. Mais, si fréquentes que soient les catastrophes naturelles au Japon, il est certain que, en augmentant de 10 0/0 de ce chef le chiffre quo je viens d'indiquer, on est au-dessus de la vérité; d'autre part, le domaine de l'Etat ne contient qu'une quantité insignifiante de cultures. Celles-ci ne forment donc pas plus de 15 0/0 de la surface totale du pays. 'o'

Bref, en laissant de côté l'ile septentrionale et ne e considérant que le territoire où vivent les 99 centièmes do la population japonaise, on voit qu'il s'y trouve, à côté de 17 millions 1/2 d'hectares do forêts 5 millions 1/2 d'hectares cultivés au plus, pour près de 42 millions d'habitants. En France, nous avons près de 15 millions d'hectares rien qu'en céréales et en y ajoutant les pommes de terre, la vigne et les diverses cultures industrielles, nous arrivons aisément à 19 millions d'hectares; pourtant, notre population est notablement inférieure à celle du Japon et nous importons une partie de nos provisions l'étranger.

En outre, il y a chez nous, comme partout en Europe, des prairies et des pâturages étendus servant à nourrir les animaux domestiques, dont la chair entre pour une si grande part dans le régime alimentaire des Occidentaux. Au Japon, rien de pareil. Partout sur les routes, on voit les paysans attelés eux-mêmes à leur charrette, et, si l'on voyage autrement qu'en chemin do fer, s'est traîné. en djinriksha, ou porté en palanquin par des hommes, bien rarement en voiture ou à cheval. Les m wtons et les chèvres sont absolument inconnus; il y. a, paraît-il, quelques porcs mais je n'en ai pas vu un seul un vieux résidant européen m'affirmait, il y a quelques jours avoir fait douze heures de chemin de fer dans le Nord sans apercevoir un seul bœuf dans l'Ouest, il est vrai, j'en ai rencontré assez souvent. Néanmoins, la rareté des animaux est un des traits qui frappent le plus quand on parcourt la campagne. La prédominance de la religion bouddhiste, qui interdit l'usage de la viande, parait être la principale cause de la rareté du gros bétail.

En dépit du bouddhisme, les Japonais mandent cependant do la volaille, quoiqu'elle paraisse moins abondante dans leurs villagesque dans les nôtres et surtout du poisson.' Si tant d'hommes peuvent vivre dans ce pays si montagneux et d'étendue restreinte, c'est grâce à la pêche. Le produit total des pêcheries, en 1894, n'était pas estimé à moins dft 27,400,000 yen ou 68 millions 1/2 de francs. Tout la long de l'énorme étendue de 30,000 kilomètres qu'ont les côtes sinueuses do l'archipel japonais, se pressent de petits villages dont les habitants vivent à peu près exclusivement de la pêche. Les eaux do la mer Intérieure sont littéralement couvertes de ces gracieuses, mais incommodes jonques japonaises aune seule voile carrée, dont on compte, en tout, 600,000, et à travers lesquelles les grands navires ont le plus grand mal à se frayer un passage. C'est grâce à cette industrie que la province de Kagava peut avoir la population si dense que je vous citais au début de cette lettre, et que l'ile secondaire et passablement rocheuse d'Awaji, qui se trouve auprès et ne renferma pas une seule ville, contient 189,000 habitants sur 561 kilomètres carrés, près de cinq fois plus que la France à superficie égale.

Si important que soit l'appoint des pêcheries, il faut que l'agriculture en soit arrivée à un rare degré de perfection pour pouvoir nourrir 42 millions

cial des plus remarquables, sije ne voulais laisser à ceux qui se mettront à le lire, sur mon conseil instant, le plaisir de découvrir sous le « sabreur », un. « intellectuel » de première force et sous l'agréable narrateur un philo- sophe militaire tout à fait éminent. Au vrai, et sans vouloir rabaisser en rien le mérite et l'importance des deux ouvrages à côté desquels je le range, je crois pouvoir dire hardiment que ce volume, cette grosse brochure plutôt, est de beaucoup ce que nous possédons de plus intéressant sur la dernière campagne de Madagascar, écrit qu'il a été en toute indépendance par un témoin oculaire, à même d'être mieux renseigné que quiconque, et qui se trouvait être, par un heureux hasard, un observateur aussi sagace que profond.

C'est surtout au libre travail du commandant Aubier, tout en m'aidant, bien entendu, au besoin, des deux autres ouvrages, que j'aurai recours pour présenter au lecteur, non pas certes le récit suivi, dont ce ne serait guère la place, d'autant que celle-ci me ferait vite défaut, matériellement mais tout au moins un certain nombre de remarques tendantes à prouver ce que j'avançais en commençant et ce que mon guide n'hésite pas à déclarer crânement luĩmôme dès son entrée en matière, à savoir que cette guerre, qui a donné lieu en son temps à des polémiques si âpres et provoqué des attaques si violentes, reste, en somme, une fois qu'on l'a « débarrassée des légendes dont on s'est plu à l'entourer, dans sa préparation et son exécution », une des campagnes non seulement les plus instructives, mais encore les plus « réconfortantes » des vingt-cinq dernières années. Cette affirmation va paraître passablement hardie, voire même un peu téméraire, et l'on estimera en tout cas qu'une pareille «proposition » a bien besoin d'être démontrée. Soit essayons-le, en nous appuyant sur les trois' auteurs qu'une coïncidence heureuse vient de mettre simultanément à notre disposition. Charles Malo.