Après une pose : « N'est-il pas vrai, mon petit oiseau, que l'amour seul peut nous faire apprécier les beautés de la nature? »
Et le petit oiseau s'est mis à rougir.
En face du Fer-à-Cheval, à l'endroit où s'élevait autrefois la tour deTerrapin ', je fus tiré de ma rêverie par l'arrivée d'un de ces prédicateurs protestants qui prennent le Niagara pour texte de leurs sermons.
" Grandiose! grandiose! me dit-il avec un geste superbe. Quoi de plus concluant que cette admirable manifestation de la puissance divine ! »
J'eus beau lui dire qu'il n'avait pas besoin de me convaincre de cette vérité, il n'en continua pas moins ses exclamations.
« Ailleurs, dit-il dans un magniflque élan d'enthousiasme , ailleurs l'homme peut se proclamer le roi de la création; ici, il ne peut que s'humilier, s'incliner dans sa petitesse, et murmurer une prière. Combien sont ché-tives les oeuvres de l'homme, comparées à ce que nous voyons en ce moment ! »
Je ne sais combien de temps aurait duré ce sermon, si je n'y avais coupé court en m'esquivant. Mais le zélé clergyman courut après moi pour me prier d'accepter un
1 Cette tour a été démolie récemment, parce que le roc qui lui servait de base est rongé par le Niagara et menace de s'engloutir dans un temps prochain. Jules Verne s'est donc trompé lorsqu'il a fait cette amusante prédiction : « Le jour où tombera la Terra-pin-Tower, il y aura dedans quelques excentriques qui descendront le Niagara avec elles. > (Une ville jlottante, cbap. XXXVII.)