train s'arrêter pour laisser passer un boeuf. En Amérique, les arrêts ont lieu pour des motifs bien autrement futiles. Un malheureux nègre, qui n'avait pas de quoi payer son coupon, s'était timidement tapi au fond du wagon des émigrants ; mais le conducteur avait le nez fin : il découvrit l'intrus, et, sans aucune forme de procès, tira le cordon communiquant avec la locomotive. Le train stoppa. — C'était dans le Kansas. — Et voilà le pauvre diable déposé en rase campagne, dans le plus affreux désert qu'on puisse imaginer, sous un soleil à cuire des oeufs, et à plus de dix lieues de marche de tout lieu habité. Ce procédé est tout américain. S'il se fût agi d'un blanc, il ne manque pas de raisons de croire qu'on l'eût déposé à la première station avec tous les ménagements dus à sa couleur. Une heure après cet incident, le train s'arrêta de nouveau en pleine campagne, pour recueillir un paysan, dont les signaux désespérés avaient ému le machiniste : c'était un blanc. 11 y a tout à parier que si c'eût été un noir, on l'eût laissé se démener à loisir.
Ce qui me surprenait dans les premiers temps, c'était de voir les trains circuler au beau milieu des villes, à travers des rues très-peuplées. On y est habitué, et il paraît que les passants ne se font pas trop écraser. La locomotive est munie d'une grosse cloche que le machiniste met en branle pour avertir tout le monde. Aux environs des gares, c'est un carillon continuel. Point de clôtures le long des voies ferrées ; à la coupure des routes, un simple poteau avec l'inscription : Look out for the cars, dispense de l'emploi d'un garde-barrière.