Je ne puis guère concilier ce flegme des Américains avec leur énergie. Il semble que l'énergie doive produire l'irritabilité : or, l' Amérique n'est rien moins qu'irritable. Dieu me le pardonne, je me suis parfois cruellement amusé à toucher la corde sensible des Yankees : j'ai nommé leur vanité nationale; mais je n'ai jamais réussi à provoquer leur colère ou à leur arracher un mot désobligeant.
Je viens de faire allusion à la vanité nationale des Américains : elle est vraiment au-dessus de tout ce qu'on pourrait en dire. Cette manie de vanter leur pays en dénigrant les autres serait insupportable si elle n'était amusante. Un Américain ne connaît pas sitôt votre qualité d'étranger, que son premier mot est invariablement : « How do you like America ? » Comment trouvez-vous l'Amérique? Et la manière dont il pose cette question attend une réponse qui soit tout à l'éloge de l'Amérique et des Américains. L'orgueil national du Yankee n'a d'égal que le superbe dédain qu'il professe pour l'Angleterre, son ancienne mère patrie. Les Anglais, fi donc! auprès des Yankees, ce sont des slnpid men — je n'invente pas le mot — qui voient d'un oeil jaloux la grandeur de l'Amérique, à laquelle ils ne pourront jamais s'élever. L'Angleterre n'adopte pas les wagons Pullman avec leurs W. C., uniquement parce qu'ils sont d'invention américaine !
Que les Américains aient le droit d'être fiers de leur pays, personne ne le contestera, pas même les Anglais, qui sont, je crois, moins jaloux de l'Amérique que les