atlantique. Faut-il attribuer ce phénomène à la destinée commune qui les enchaîne tous? Nous avions à 'peine quitté l'Europe, que déjà la glace était rompue avec la plupart de mes compagnons de route. Le temps se passait en grande partie à la tabagie, située sur le pont, au milieu du navire : on y goûtait les plaisirs de la conversation et du jeu de cartes, et la fumée du havane était assaisonnée de piquantes histoires du nouveau et de l'ancien monde que chacun racontait à tour de rôle. Je n'avais pas un seul compatriote à bord, et cependant je ne me pris jamais à songer à mon isolement. Pas un passager ne parlait français; il fallut donc, bon gré, mal gré, me perfectionner dans la conversation anglaise , ce qui répondait entièrement au but que je m'étais proposé en m'embarquant sur un navire anglais.
C'est chose incroyable comme on devient paresseux sur mer. Nulle envie de travailler. La lecture même est difficile. On n'est disposé que pour le jeu et le sommeil. Quand le temps est beau, on arpente le pont à grands pas. Les plaisants appellent cela la promenade aux boulevards. Les plus galants offrent le bras aux dames : ce que celles-ci semblent rechercher avec le plus d'empressement, c'est la promenade avec le capitaine.
Un passe-temps fort amusant, c'est le jeu du shaffleloard, sorte de croquet ad hoc bien connu de tous ceux qui ont traversé l'Océan : cet exercice répond parfaitement au besoin de mouvement que crée la vie de bord. Le soir, on se récrée au salon, où de char-