nous l'entendîmes rugir. Mes gens me pressaient de m'éloigner, je pris mes esquisses et autres objets, puis je courus rejoindre le gros de la troupe sous les roseaux. J'arrivais a peine à l'entrée de ce rempart mouvant, que l'ouragan éclata, courbant jusqu'à terre les buissons et les roseaux. Lorsqu'il entra dans les sables du steppe, il se mit à tourbillonner circulairement, enlevant des monticules entiers dans l'espace, en élevant d'autres là où il n'y en avait pas il était aisé de comprendre maintenant à quoi élaient dues nos prétendues tombelles. Cette tempète fut de courte durée en un quart d'heure elle était finie et tout était redevenu calme comme auparavant.
Rien n'est plus dangereux que d'être surpris en plaine par cette espèce de typhon. J'en ai vu plus tard descendre des montagnes ou s'élever du fond d'une gorge profonde,, sous la terme d'une masse noire, compacte, d'un diamètre de mille mètres et plus, qui s'élance sur le steppe avec la rapidité d'un cheval de course. Tous les animaux domestiques ou sauvages fuient épouvantés devant elle, car une fois enveloppés dans sa sphère d'action, ils sont infailliblement perdus. Les admirables chevaux libres s'enfuient au galop devant la tourmente qui les chasse avec furie.
En Europe, on connait le siroco d'Italie et le solano d'Espagne, qui jettent les habitants dans un grand état de langueur par la chaleur énervante qu'ils apportent avec eux.
Voici en quels termes un chirurgien de l'armée d'Afrique rend compte des effets du siroco, pendant une marche entre Oran et ÏJcmccn: « C'était à la fin de juillet; un grand nombre de soldats avaient succombe, foudroyés en quelque sorte par la chaleur. Le siroco assaillit la petite colonne. Sous l'influence de cet air sec, lourd et énervant, la respiration devint saccadée et sonore; les les narines, crevassées par la poussière ardente que fouettait le vent du désert, étaient douloureuses et arides; une énergique constriclion serrait la gorge, une sorte de cauchemar pesait sur l'épigastre. On ressentait à la figure des bouffées de chaleur, suivies quelquefois de vagues frissons et d'une défaillance voisine de la syncope. La sueur coulait à flots, et l'eau qu'on buvait avec abondance, sans apaiser une soif insatiable, augmentait encore le malaise, la dyspnée et l'anxiété épigastrique. Le mouvement répugnait, et une agitation invincible portait à se retourner en tous sens ou étouffait sous la tente en plein air on se sentait suffoquer par la rafale brûlante (J'était fait de la colonne si l'eau eût manqué. >>
Pour l'Angleterre, le vent d'est est un fléau redoutable qui souffle le malaise et le spleen, dont nous rions en France, mais qui est aussi sérieux en Angleterre que le khamsin en Arabie et le siroco en Italie.