Plus qu'heureux celui qui, dans un cercle aussi étroit, grâce à
un meilleur concours de circonstances, comme il s'en produit bien
rarement, a pu parvenir, par l'irrésistible puissance de son génie,
à se frayer son chemin! Mais le besoin du contact avec la science
contemporaine n'est pas moins impérieux pour l'homme qui a
plus à communiquer de son propre fonds qu'à recevoir des autres.
Seulement les difficultés se trouvent ainsi déplacées. Ce n'était
pas chose facile alors, dans notre petit coin de terre peu remarqué,
pour un penseur jeune et inconnu, suivant des voies à lui propres,
de répandre ses idées dans le monde, d'en soumettre les résultats
à la critique du dehors et au besoin à une épuration peut-être
nécessaire, surtout lorsqu'il s'agit d'une étude plus approfondie et
d'un développement plus vaste.
Telles étaient les circonstances dans lesquelles Abel grandit et
se développa. Il allait maintenant parcourir le monde, et nous le
suivrons dans sa route.
Dans les premiers jours de septembre il 'entreprit son voyage,
en compagnie du candidat des mines Möller, depuis directeur des
mines d'argent de Kongsberg, et du candidat en médecine
Chr. Boeck, mort récemment, doyen de notre Université. Keilhau
et Tank, avec qui il se rencontra depuis en Allemagne, étaient
déjà partis, le premier pour continuer ses études à l'Académie des
Mines de Freiberg, le second dans l'intérêt de son instruction
philosophique, pour visiter notre compatriote Henrik Steffens,
alors attaché à l'Université de Breslau.
« Nos jeunes savants voyageurs », comme les appelait le
professeur Hansteen dans ses communications au lrfagazin,
allaient maintenant chercher les moyens de se perfectionner
chacun dans la carrière de son choix.
Avant son départ, Abel fit une échappée à Soon, une des
petites villes de la côte orientale du fjord de Christiania, où
demeurait sa fiancée. C'était une jeune danoise, Mlle Christine
Kemp, mariée plus tard, après la mort prématurée d'Abel, avec