d'autant plus qu'à un autre point de vue, la lecture lui en donnait
de la peine.
Arago ne dit rien aussi de ce que Legendre et Cauchy se
fussent entendus pour demander une nouvelle copie; et il semble
que, d'aucune part, on n'ait attaché beaucoup d'importance à
cette demande, puisque ni Arago, défenseur de l'Académie des
Sciences, ni Abel, qui était le plus intéressé dans l'affaire, n'en
ont eu connaissance. Certainement on n'a rien fait pour prévenir
l'auteur qu'il eût à récrire son mémoire.
Abel, nous l'avons dit, resta à Paris tant que cela lui fut
humainement possible, toujours dans l'espoir d'apprendre quelque
chose sur le sort de son travail. Mais bien qu'il fût d'une nature
timide et qu'il craignît beaucoup d'importuner les gens, il n'est
guère douteux qu'il ait fait une dernière tentative pour se mettre
en rapport avec Legendre, ou au moins pour obtenir quelques
renseignements par d'autres voies, avant de partir.
« Il est vrai, » écrit-il plus tard de Berlin à Holmboe, « j'aurais
dû t'écrire depuis longtemps, seulement je voulais savoir d'abord
ce qu'il adviendrait du mémoire que j'ai présenté à l'Institut.
Mais rien n'aboutit avec ces « hommes lents ». Legendre et
Cauchy ont été chargés de l'examen, Cauchy du rapport. Legen-
dre a dit « Ça prendra. »
« Et alors », ajoute-t-il immédiatement après, « le voyage à
Berlin vint sur moi, comme la veille de Noël sur la commère. »
Ce qui est également remarquable, c'est que dans la lettre
d'Abel datée de Paris et du mois de décembre, il n'est pas
question du mémoire ni de son sort. Il semble donc qu'au
dernier moment, Abel se soit procuré les pauvres renseignements
qui viennent d'être rapportés, et qu'il ait eu un court entretien
avec Legendre. Mais, s'il en est ainsi, il n'a nullement compris
qu'on lui demandât une copie nouvelle. Il est parti avec l'impres-
sion que certainement ses hauts juges ne se presseraient pas
trop de finir leur tâche; mais qu'il y avait aussi, parmi eux, un
vieillard bienveillant, qui avait eu pour lui quelques mots d'en-
couragement. Malheureusement, Legendre s'était trop peu occupé