un concours dépassant ce qu'il était raisonnable d'en attendre.
Il est donc bien naturel que, dans les circonstances où il se
trouvait, Abel ne vît d'autres ressources que de chercher à faire
publier son travail dans un journal français, comme celui de
Gergonne, surtout alors qu'il pensait encore devoir rester à
Paris jusqu'au printemps.
Il ne pouvait cependant songer à rédiger un mémoire d'une
telle étendue et d'une telle importance dans le court délai qui
restait à courir avant son départ; d'autant plus que les difficultés
matérielles contre lesquelles il luttait, même après avoir obtenu
d'Holmboe un prêt d'argent, l'obligeaient à faire hâter l'époque
de son retour.
On peut dire qu'Abel resta à Paris tant que cela lui fut humai-
nement possible, espérant toujours qu'on en arriverait au juge-
ment de son mémoire. « Mais rien n'aboutit avec ces hommes
lents. »
Legendre raconte dans sa lettre du 8 avril 1829, que lui et
Cauchy qui avaient été nommés commissaires, étaient conve-
nus entre eux de demander à l'auteur une copie plus nette et
plus facile à lire. Le mémoire, disait-on, n'était presque pas
lisible, il était écrit « d'une encre très blanche; les caractères
en étaient mal formés. » Depuis, les choses en étaient restées là.
Le manuscrit, ajoute Legendre, « n'avait jamais été dans ses
mains il fut gardé par Cauchy qui ne s'en occupa pas. Et
« l'auteur Abel paraît s'en être allé sans s'occuper de ce que
devenait son mémoire; il n'a pas fourni de copie, et il n'a pas
été fait de rapport. »
Arago, dans sa biographie d'Abel, répète les mêmes choses
pour ce qui regarde Legendre. « Ses yeux de près de quatre-vingts
ans », dit-il, « ne parvinrent pas à suivre, à déchiffrer avec
sûreté des formules écrites avec une encre blanche. » Mais il ne
dit rien sur les « caractères mal formés et ce serait aussi, sans
doute, un injuste reproche adressé à Abel, dont l'écriture était
très nette et très lisible. Sur ce point, Legendre, qui n'avait
jamais eu le mémoire dans ses mains », doit s'être trompé,