L'année suivante, en 1830, l'Académie partagea également le
grand prix de 3000 francs, pour les sciences mathématiques,
entre Jacobi et les héritiers d'Abel (1). C'était une marque excep-
tionnelle d'approbation des résultats des travaux des deux mathé-
maticiens.
Mais chez nous aussi il se produisit un peu de mouvement dans
les esprits. Le grand honneur qu'Abel venait de recevoir, joint
aux paroles de Boeck, produisit un effet considérable. Une plainte
parut dans nos journaux contre le Sénat de l'Université, et celui-ci
eut à défendre sa conduite. De bonne heure, l'Université avait pris
ouvertement et avec vigueur les intérêts d'Abel, et tout le monde
le reconnaissait volontiers; mais on ne peut nier que, dans les
derniers temps, elle eût faibli.
Nous ne nous arrêterons cependant pas plus longtemps à ces
discussions. Une intervention trop faible et trop tardive apparaît
plus d'une fois dans l'histoire d'Abel. Le sombre « trop tard »
résonne aussi des hauteurs extrêmes de la société, dans ces paroles
du comte v. Platen au prince Oscar « Le savant Abel a terminé
sa carrière, juste au moment où j'espérais pouvoir répondre aux
désirs, si encourageants pour lui, de votre Altesse Royale. »
Nous allons, en finissant, retourner encore une fois à Froland.
C'est Keilhau que nous introduirons pour envoyer les derniers
adieux à la tombe d'Abel.
Quelques années s'étaient écoulées. Keilhau avait entrepris un
voyage dans le village, et il était allé visiter le cimetière.
La vue de cette sépulture, sans clôture et sans pierre tumulaire,
pour abriter un si grand nom, « le révolta ». Il écrivit alors à
Hansteen et à Boeck, en exhortant les amis du défunt à s'entendre
pour élever à la mémoire d'Abel un modeste monument. Smith,
conjointement avec un pharmacien d'ArendaI, avait déjà formé le
projet d'en élever un de son propre chef; mais Keilhau trouva
(1) Les 1500 francs furent acceptés avec reconnaissance par la très pauvre famille,
qui se composait de la mère, de la sœur et des cinq frères du mathématicien défunt.