La région des rapides de Cupati
(Extrême sud-est de Colombie)
La paix ayant succédé, il y a une dizaine d'années, aux guerres civiles qui troublaient si fréquemment la Colombie, le merveilleux pays des émeraudes et du platine, l'attention du gouvernement de Bogota a été attirée sur les riches territoires orientaux de cet état, constitués par des plaines presque inexploitées, que sillonnent les tributaires de l'Orénoque et de l'Amazone. Le territoire du Caqueta a le premier retenu les préoccupations de gouvernement t de la république, non seulement en raison de sa richesse en ~/efea, mais surtout à la suite d'une incursion armée faite en 19H par des Péruviens étab)is dans le Putumayo, rivière située dans le territoire contesté entre la Colombie et le Pérou.
Au commencement de novembre d912, me trouvant en excursion scientifique dans le bas Japurà brésilien, je fus invité à visiter le territoire de Colombie par mon distingué ami M. Torralbo, consul général de cette république à Manaos, auquel le gouvernement du président Restrepo avait confié la mission d'inspecter les établissements colombiens installés sur les bords du Caqueta et du Putumayo. Je partis de la petite ville de TefTé, située un peu en aval de la bouche principale du Yapurà, mais de l'autre côté du SoHmôes (Amazone), sur un petit vapeur à fond très plat, qui fait le service, grâce à une subvention du gouvernement du Brésil, entre Manaos et le poste brésilien de la bouche d'Apaporis. Nous employâmes quatre jours et demi à nous rendre de Teffé à la frontière (sans avoir été retardés par des échouages, incidents assez fréquents sur le Jupura). Plus d'un jour fut nécessaire pour arriver au sommet de l'immense delta de la rivière, constitué par des terres noyées couvertes d'une forêt très médiocre. Les rives fangeuses de ce cours d'eau sont couvertes de graminées (« canna-rana et autres), auxquelles succède bientôtie monotone « imbaubal », composé d'arbres du genre Cec~'o~~ (« imbauba »), dont les espèces du Brésil méridional ont été l'objet de nombreuses études en raison des fourmis qui habitent ces arbres. Au petit hameau de Yubarâ, situé à la tête du delta, on rencontre les premières terres fermes, de simples îlots au milieu de l'immense plaine exposée aux inondations. LA GÉOGRAPHIE. T. XXX, t9).l-19[5.