« Au sein de l'une des zones tes plus mouvementées de l'échiquier, celle occupée par la race slave, apparaît un bloc isolé, formé de deux peuples de mentalités inconciliables, le peuple magyar et le peuple roumain, dont la séparation violente semble absolument inévitable et je voudrais pouvoir ajouter prochaine.
« L'un et l'autre sont aujourd'hui bien connus; ils l'étaient moins il y a quarante ans, du moins si j'en crois mes souvenirs personnels. A cette époque c'était pendant la guerre turco-russe voyageant en Hongrie, la curiosité m'avait pris de pousser une pointe à travers le pays voisin, dont j'ignorais d'ailleurs tout, même l'histoire; les Hongrois, mes compagnons, essayèrent de m'en dissuader. Les Roumains, assuraient-ils, parlent une langue incompréhensible. Figurez-vous, par exemple, que pour dire d'une femme qu'elle est belle, ils la qualifient de « frumoasa))..Ce fut pour moi un trait de lumière. Frumoasa, c'était évidemment le mot latin « formosa », qui signifie belle. Si tous les autres mots de la langue avaient une origine analogue, je n'aurais pas grand mal à l'apprendre. Pleinement rassuré à cet égard, je débarquais le lendemain à la gare-frontière de VerciOrova où, dès l'arrêt du train, je lisais au-dessus d'une porte cette inscription « Seful statunei que je traduisais aussitôt par chef de station. Et, un instant après, ayant acheté ]e grand journal du pays Romanul, je constatais avec joie que sans trop de peine, j'arrivais à le déchiffrer. Ce fut l'origine de ma sympathie pour ce beau pays, dont, l'année suivante, j'avais la satisfaction de voir à mes côtés, sur les bancs de l'École des Mines de Paris, un étudiant, M. Istrati, qui, tout récemment, devenu l'un des hommes les plus éminents de sa patrie, faisait entendre à la Sorbonne, dans une solennité inoubliable, un magnifique éloge de la fraternité latine.
« Mais, pour vous entretenir de la Roumanie, il est temps que je cède la place à l'un des hommes qui la connaissent le mieux. J'ai nommé M. de Martonne, docteur ès lettres, professeur à la Faculté de Paris, l'un de nos anciens conférenciers et de nos plus distingués, auteur d'un remarquable Traité de Géographie physique et aussi d'ouvrages estimés sur la Valachie et la région des Carpathes, où, à diverses reprises, il a voyagé comme missionnaire de l'Instruction publique.
« Je lui cède la parole.
La Géographie publie dans ce numéro un article et une carte de M. E. de Martonne sur La RoMnxMMe et son rôle dans l'Europe orientale qui résument sa conférence. Depuis quinze ans le savant professeur étudie les pays dont il a parlé, n'ignorant rien de leur état physique et ethnique. Il en connaît les agglomérations urbaines et la vie paysanne. Ses nombreux voyages lui ont permis d'entrer en contact direct avec les différents groupes roumains répandus hors des frontières, au6si bien qu'avec les Roumains du royaume.
Sa conférence, très documentée, solidement étagée sur la géographie et l'histoire, s'est développée avec une véritable maîtrise, répondant de tout point à l'attente d'un auditoire de choix qu'il a su instruire autant qu'intéresser.
Le Maroc pendant la guerre'.
Le Maroc 'se trouvait en pleine période de conquête, de pacification et d'organisation quand la guerre éclata. On aurait pu croire que cette œuvre si grandiose, mais si difficile de la transformation d'un vaste pays encore barbare et mal soumis allait être interrompue jusqu'au retour de la paix.
4. Pour ne pas retarder la publication de cet article, que M. le docteur d'Anfreville de la Salle adressait de Rabat, le 2 avril 1915, au Secrétaire général, nous t'insérons comme correspondance dans les Actes de !a Société de Géographie. H.