faisait pour ses élèves, et leur avait fait jouer Racine, Andromaque même Haute imprudence qui révéla Saint-Cyr, et tout ce qu'il contenait sous son calme apparent. Elles ne jouaient qu'entre elles, et n'en furent pas moins surprenantes d'ardeur et de passion. Ce n'était pas un jeu c'était la nature même à son premier élan. Il n'en fut guère autrement dans une pièce biblique, la molle et tendre Esther. Le vrai titre serait le triomphe d'Esther et la e~~ë d'Aman. C'est le caractère de cette pièce que toutes ses tendresses servent à enfoncer le plus terrible coup.
Un an durant, le génie laborieux de Racine fit et refit, polit cette œuvre unique. Il fallait qu'on sentît déjà Louvois perdu pour qu'on osât cela. La violence de madame de Maintenon y parut, jusqu'à permettre au poète d'insérer un mot de Louvois, celui qu'il avait eu l'imprudence de prononcer et qui dut tant blesser le roi « Il sait qu'il me doit tout. »
La pièce fut jouée le 25 janvier 89. Le roi y était seul, on peut le dire; car il n'avait avec lui que le peu d'officiers qui le suivaient à la chasse. L'effet fut délicieux, mais le coup trop peu appuyé. II paraît que le roi s'obstinait à ne pas comprendre. Louvois était trop nécessaire.
Le 5 février, on appela au secours les grands moyens de succès, d'abord la cour d'Angleterre. C'est pour elle que Racine a fait le beau chant de l'exil, le chœur tout plein de larmes (J'irai pleurer au tombeau de mes pères). Ces hôtes de la France, martyrs de la foi catholique, étaient là comme suppliants. Leur présence