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Titre : Figaro : journal non politique

Éditeur : Figaro (Paris)

Date d'édition : 1914-07-25

Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication

Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

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Description : 25 juillet 1914

Description : 1914/07/25 (Numéro 206).

Description : Collection numérique : BIPFPIG63

Description : Collection numérique : BIPFPIG69

Description : Collection numérique : Arts de la marionnette

Description : Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine commune

Description : Collection numérique : La Commune de Paris

Description : Collection numérique : France-Brésil

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k290387w

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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Gaston CALMETTE

Directeur (ipo2 -1914)

RÉDACTION - ADMINISTRATION

26, Bue Drouot, Paris (9° Arr')

D,. _ r. , ( M. ALFRED CAPUS Ridachon en Chef | ^ ROBERT DE FLERS

POUR LA PUBLICITÉ S'adresser : 26, Rue Drouot, à l'Hôtel du FIGARO Et pour les Annonces et Réclaines Chez MM. Lagrange, Cerf et C,e, 8, Place de la Bourse

On s'abonne dans tous les Bureaux de Poste de trance et d'Algérie

LE FIGARO

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« Loué par ceux-ci, blâmé par ceux-là, me moquant des sots, bravant les méchants, je me presse de rire de tout... de peur d'être obligé d'en pleurer. » (BEAUMARCHAIS)

-Ô. DE VILLEMESSANT

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L'abondance des matières nous force à renvoyer à la se- maine prochaine notre Sup- plément littéraire.

LE CONFLIT AUSTRO-SERBE

La menace autrichienne

Le gouvernement autrichien vient de communiquer à la Serbie et de faire con- naître aux puissances la note dont on trouvera plus loin le texte officiel. Elle dépasse par son caractère comminatoire, par l'étendue et la violence de ses exi- gences tout ce qu'on pouvait en atten- dre.

On sait l'origine du conflit.

A la suite de l'assassinat de l'archiduc une enquête a été faite par les autorités autrichiennes, à Serajevo. 11 en est ré- sulté, aux yeux du cabinet de Vienne, la complicité évidente des autorités serbes. De là, les réclamations actuelles.

La remise de cette note, le court délai (expirant ce soir même, à six heures) laissé à la Serbie pour y répondre, créent une situation très grave, plus grave qu'elle ne l'a été à aucun moment de la crise balkanique.

Il ne s'agit pas, à proprement parler, d'un ultimatum - et, dans une affaire de cet ordre, les nuances même les plus légères ont leur importance - mais de quelque chose qui y ressemble étran- gement. L'Autriche exige de la Serbie une réponse qui doit être faite aujour- d'hui même et non pas encore 1 accep- tation pure et simple de toutes ses de- mandes. Mais elle réclame, pour la jour- née de demain déjà un commence- ment d'exécution, en ce qui concerne une des clauses de la note les plus hu- miliantes pour la Serbie : l'insertion au journal officiel d'un acte do contrition, d'un mea culpa serbe.

Touchant un certain nombre de points, et la note en contient beaucoup, le le cabinet de Belgrade peut assurément, et sans qu'il en coûte rien à son prestige, accorder une satisfaction immédiate à l'Autriche. Puisqu'il le peut, il le doit. Il a le plus grand intérêt, dans la crise redoutable qui surgit, à -n e -paa laisser le moindre tort de son côté. Il faut qu'il ait raison devant l'Europe, et même dou- blement raison. Qu'il s'agisse de l'ar- restation des complices découverts par l'enquête judiciaire de Serajevo, de la punition des fonctionnaires qui auraient facilité l'oeuvre des criminels, de l'in- terdiction des sociétés secrètes, etc.,etc., rien 11e l'empêche de prendre sur le champ les mesures demandées par le gouvernement autrichien.

Malheureusement, le cabinet devienne ne s'en tient pas là. Il entend intervenir directement dans le contrôle et même dans l'exécution de ces différentes me- sures. Il est à craindre que les Serbps 11e trouvent inacceptable cette préten- tion qui constitue une immixtion évi- dente de l'Autriche dans leur propre gouvernement, qui est une diminution de leur souveraineté.

Remarquons, toutefois, - et c'est là, si faible soit-elle, une lueur d'espoir, - que l'Autriche ne précise pas le carac- tère ni les limites de cette intervention. Peut-être y aurait-il sur ce point, de beaucoup le plus important, matière à négociations et à transactions.

Seulement, toute négociation, toute transaction seraient impossibles, si la diplomatie viennoise a pris d'avance la résolution nette de ne point s'y prêter, et de rappeler immédiatement, ainsi que l'annonce une dépêche, son représen- tant à Belgrade, si satisfaction ne ifki est pas donnée.

Que va faire la Serbie? Quelle attitude séra la sienne à cette heure si critique?

Cela dépendra, pour la plus grosse part, de l'attitude qu'adoptera le gouver- nement russe. Celui-ci pourra-t-il con- sentir à cette humiliation de la Serbie, poursuivie au grand jour par la diplo- matie viennoise? Et, même s'il n'avait pas le désir d'intervenir, 11e serait-il pas entraîné par une brusque explosion des sentiments slaves, par la volonté una- nime du pays?

L'Allemagne, dans ce cas, tous ses journaux sans exception le déclarent, aflirme qu'elle irait au secours de son alliée et l'on voit d'ici les conséquences.

Telles sont les grands dangers de la situation. Elle n'est point sans espoir, ni sans issue. Mais elle est incontesta- blement une des plus graves, dans les- quelles l'Europe se soit, depuis long- temps, trouvée I

Raymond Recouly.

SURPRISE DU MONDE

DIPLOMATIQUE

L'ACTE DE L'AUTRICHE

(De notre correspondant particulier)

Vienne, 24 juillet.

Le texte de la note autrichienne a été communiqué aux journaux entre onze heures et minuit.

Dans les ambassades où elle n'a été connue que ce matin, la démarche autri- chienne cause une impression de véri- table stupeur. Hier encore, à l'heure même où la note était remise, un am- bassadeur recueillait de la source la plus qualifiée des affirmations rassurantes, correspondant à peu près à celles que je vous ai transmises depuis deux jours et que je tenais de source non moins auto- risée.

Il est évident maintenant que les mi-

tieux officiels ont multiplié les déclara- tions optimistes soit pour endormir la vigilance des puissances non alliées et gagner du temps pour les préparatifs de l'Autriche, soit pour rendre plus fou- droyant l'effet qu'on attendait de la dé- marche à Belgrade.

Cette note qu'on déclarait ne pas être comminatoire, équivaut à un ultima- tum brutal. Le texte, qui devait ména- ger les susceptibilités nationales de la Serbie est inacceptable pour toute na- tion ja'ouse de son indépendance.

Je suis en mesure de vous affirmer que les avertissements et les conseils de prudence n'ont pas manqué au Ballplatz. Plusieurs chefs de mis- sion * entre autres notre ambassa- deur, ont exprimé la conviction que l'Autriche s'honorerait en n'abusant pas de sa supériorité, et le voeu que la démarche fût faite dans un senti- ment de solidarité européenne. Il est même probable que la note autri- chienne, malgré certaines prétentions discutables en droit international, eût été plus ou moins approuvée par toutes les puissances s'il elle n'eût contenu . trois ou quatre points absolument inac- ceptables.

***

L'Autriche ne se contente pas de de- mander à la Serbie de publier une dé- claration; elle prétend imposer mot pour mot le texte de cette déclaration ; elle exige, en outre, que des fonction- naires austro-hongrois soient associés à la répression, non de l'attentat de Sera- jevo, mais de la propagande panserbe en Serbie; enfin par une prétention sans exem pie dans l'histoire diplomatique, elle met en cause non seulement le gouverne- ment serbe,qui peut changer,mais la per- sonne même du roi de Serbie, auquel elle dicte un ordre du jour.

Celte dernière condition suffirait à persuader tout juge impartial qu'on a voulu couper à la Serbie toutes voies de conciliation et se ménager la possibilité de l'humilier plus complètement encore.

Un rédacteur d'un grand journal vien- nois disait ce matin dans une ambas- sade : « Nous n'avons qu'une crainte, c'est que la note soit acceptée. Jamais nous ne pourrons être mieux préparés que maintenant ».

Pour comprendre cet état d'esprit, il faut savoir que les Autrichiens se refu- sent obstinément à considérer les Serbes comme un peuple civilisé. La Serbie, à leurs yeux, n'est pas une nation, mais une nationalité. On parle des Serbes à Vienne comme on parlerait des Tartares à Saint-Pétersbourg ou des Gitanes à Madrid.

QUE FERA LA SERBIE?

Personne ici ne compte sérieusement que la Serbie acceptera la note sur tous les points dans le délai accordé. Quant à ce qui arrivera ensuite, il est difficile de faire des prévisions optimistes.

Je recueille, dans les milieux balka- niques, le bruit que le gouvernement serbe concentre des troupes dans le sud de la Serbie. Il serait disposé à laisser les Autrichiens occuper Belgrade et la Serbie septentrionale. Après quoi, il ferait appel aux puissances.

A Vienne, on multiplie fiévreusement les préparatifs. Les premières mesures prises ont provoqué une espèce de cons- ternation, mais déjà se montrent les pre- miers symptômes d'une exaltation chau- vine qui ne fera'sans doute que s'ac- croître. On parle du retour de l'Empe- reur auquel la population préparerait des ovations formidables.

LES PUISSANCES

Dans les milieux politiques, on sem- ble croire que les puissances, comme en 1909, se désintéresseront du conflit. On se flatte même que la Russie est intimi- dée par l'énergie autrichienne. L'ave- nir montrera si cette appréciation est juste. Quant à l'Allemagne, on assure qu'elle a non seulement approuvé, mais encouragé l'emploi de la manière forte. Cette attitude, si peu justifiée par les intérêts allemands (on sait que l'Autri- che se plaint d'être supplantée dans lès Balkans par la concurrence allemande), provoque dans les milieux diplomatiques de sérieuses inquiétudes.

On se demande si l'Allemagne n'est pas tentée parla possibilité d'une guerre préventive dont elle trouverait l'occasion dans la nécessité de secourir son alliée sur laquelle elle rejetterait cependant la responsabilité du conflit.

Il n'est pas impossible', d'autre part, que l'Allemagne, sans avoir des desseins aussi aventureux, tienne en réserve quel- que moyen de dénoncer le conflit qu'elle aura contribué à provoquer et cherche à fortifier ainsi sa positoin dans les Bal- kans et l'Europe.

Marcel Ray.

' Monsieur, vous nous déshonorez!»

Il faut que nos confrères' étrangers, nombreux à l'audience du procès Cail- laux, en soient avertis. La magistrature française n'en est pas où ils peuvent croire.

Parmi les quatre magistrats qui siè- gent, il en est au moins un que révolte tant de partialité étalée. Il n'a pu rete- nir hier une exclamation qui a été en-? tendue et qui a eu un écho prolongé dans les cou oirs du Palais.

Comme l'incident des lettres tournait visiblement à l'avantage de la partie civile, le président intervint brusque- ment et voulut suspendre l'audience-

Le but de cette interruption était si visible que l'un des assesseurs, M. le conseiller Dagoury, ne put s'empêcher de lui dire à mi-voix :

- Monsieur, vous nous déshonorez. M. Albanel se rassit.

Cependant, à la barre, M" Labori, qui avait senti l'extrême maladresse de cette

intervention, priait hautement le magis- trat de ne point lui couper la parole.

Et l'incident des lettres se continua entre les deux avocats, dignement, en l'absence de toute direction judiciaire.

Autre calomnie

de M. Caillaux

Pour tenter de salir la mémoire de Gaston Calmette, M. Caillaux a insinué que notre regretté directeur avait en- trepris iine campagne dans le Figaro en faveur de la cotation à la Bourse de Paris des valeurs allemandes.

Confondons encore une fois M. Cail- laux par la démonstration même de. ses erreurs. Voici la vérité :

Le 2 juillet 1911, éclate ce qu'on a appelé le « coup d'Agadir ». Une canon- nière allemande est envoyée dans les eaux marocaines. Après Tanger, une nouvelle et grave difficulté vient de sur- gir entre la France et l'Allemagne.

De laborieuses et délicates négocia- tions ont lieu entre le ministre des af- faires étrangères M. de Selves et M. de Kiderlen-Waechter, ministre allemand des affaires étrangères, par -l'intermé- diaire de notre ambassadeur à Berlin M. Cambon.

Pendant trois mois, les négociations se prolongent, changeant chaque jour d'aspect. L'opinions'inquiétait, s'éner- vait.

Enfin, on parle de la cession d'une partie de la côte du Congo à l'Alle- magne.

C'est en France une stupeur ! Corn-? ment ! en pleine paix on va céder à ceux qui nous ont arraché déjà l'Alsace et la Lorraine, une partie du territoire colo- nial de la France !

Mais de nouveaux bruits circulent : les négociations prendraient une autre tournure. Renonçant à réclamer une « compensation » au Congo, « l'Allemagne se contenterait d'accepter la cotation do certaines valeursindustrielles à la Bourse de Paris. »

Et le 11 septembre 1911, au lendemain du jour où le bruit se répandait du chan- gement d'attitude de. l'Allemagne, Gas- ton Calmette publiait l'entrefilet UNIQUE où il soit parlé de la « cotation », LE SEUL qu'ait pu citer M. Caillaux, lequel a fait, en vue de ce procès, compulser un à un tous les articles de tous les numéros du Figaro depuis trois ans. L'article est in- titulé « Patience et confiance ». ? En voici ledébut : : 'U,

Le pays, confiant en son bon droit, en son désir de conciliation, et, s'il le faut, en ses armes, a raison de ne pas s'inquiéter des lenteurs des pourparlers frànco-allemands. Des négociations sur un sujet aussi complexe ne sauraient être menées plus rapidement, car il ne s'agit pas de régler vite l'affaire inélégante d'Agadir, il faut résoudre, par une convention précise, étroite et définitive, toutes les questions restées en suspens, pour le malheur de deux grandes nations, depuis le voyage de l'Empereur à Tanger.

On ne saurait, en conséquence, prendre trop de précautions pour élucider et régler, point par point, mot pour mot, clairement, loyalement, tout ce qui peut conserver un germe de dissentiment futur dans notre poli- tique marocaine.

Armons-nous donc de patience et facilitons au gouvernement, par l'attitude réservée de la presse française, le silence dont il a besoin pour traiter ce grave sujet.

Gaston Calmette cherche les respon- sables de la situation qui amène la France à l'abandon d'une colonie. Il ajoute :

Nous n'avons à nous occuper, quant à pré- sent, que de nos règlements avec nos voi- sins : et le temps travaille lui aussi pour nous là-bas : la nervosité d'une partie du peuple, l^s paniques quotidiennes de la Bourse, les retraits inquiétants des caisses d'épargne, les meetings socialistes en faveur de la paix, amèneront sans doute le gouver- nement allemand à reconnaître qu'une dé- claration de désintéressement au Maroc vaut mieux qu'une prolongation, de fièvre inté- rieure aussi coûteuse.

Nous pouvons donc espérer que les tra- vaux préliminaires auxquels se livrent M. Cambon, sur les instructions précises do M. Caillaux, et M, de Kiderlen, sur les indica- tions constantes de M. Bettmann-Hollweg de l'Empereur, aboutiront à un accord de pincipe, malgré l'envoi nouveau des contre propositions que l'on npus annonce. Mais, en ce cas encore, la signature de l'instrument diplomatique, qui clôturera cette entente et la fixera dans ses plus minimes détails, né- cessitera de longues semaines : il faut que le pays le sache.

D'ailleurs, il n'est pas impossible que la base elle-même des négociations ne soit brusquement changée à Berlin, et que l'Alle- magne ne substitue aux sacrifices coloniaux consentis par nous pour la liberté d'action marocaine, une demande d'admission offi- cielle à la Bourse de Paris pour une dizaine de ses valeurs préférées. serait un autre terrain de discussion. Si l'Empereur préfère « la cote » de la Bourse à « la côté » du Congo l'entente serait plus facile à notre amour propre, sinon plus légère à notre fortune.

Patientons en tout cas ; et continuons, à tenir nos âmes chauvines éloignées de toute impatience comme de tout émoi. - Gaston CALMETTE.

Trois lignes d'information relatant une nouvelle dont le Figaro n'a pas pris l'initiative, posant un dilemme sur le- quel il ne prend pas parti et où il se de- mande seulement entre deux maux quel serait le moindre : la cession de 200,000 kilomètres carrés de terre française ou la cotation de certaines valeurs.

Et c'est tout ! Et il n'a rien paru d'autre à ce sujet dans le Figaro.

Et depuis trois jours les amis de M. Caillaux parlent de la campagne du Figaro en faveur de la « cotation » !

N'est-ce pas lamentablement ridicule et odieux !

Voir en 88 page : Nos dépêches sur les Incidents Austro-Serbes.

Déclarations mm SiM Galette

Nous détachons de la sténographie l'émou- vante et probante déposition faite à l'audience d'hier par M. le docteur Albert Calmette.

Le président. - Vous êtes l'oncle des enfants de M. Calmette, mais vous pou- vez prêter serment.

(Le témoin prête le serment d'usage).

Le président. - Veuillez faire votre déclaration à MM. les jurés.

Le docteur Calmette. - Le mardi 17 mars, vers sept heures du soir, comme j'achevais les formalités doulou- reuses de l'ensevelissement de mon frère, M. Quintard, caissier du Figaro, est venu m'apporter dans une enveloppe un portefeuille et les différents objets qui se trouvaient dans les poches de mon frère au moment de sa mort. Je crois que c'est la question qui vous inté- resse précisément, c'est donc d'elle que je vais vous parler tout d'abord

Dans le premier moment, j'ai laissé l'enveloppe sur une table, dans la mai- son de santé de Neuilly, jusqu'à ce que les opérations que j'avais à faire fussent terminées ; puis je suis retourné boule- vard de Courcelles au domicile de mon frère et j'ai ouvert l'enveloppe. J'ai trouvé dans celle-ci un portefeuille, un petit sac contenant de l'argent, puis des clefs, des boutons de manchettes et de chemise; j'ai mis le sac contenant l'ar- gent, les clefs, les bijoux dans le tiroir d'un chiffonnier, et j'ai ouvert le porte- feuille pour voir ce qu'il renfermait. Dans ce portefeuille, il y avait des pa- piers qui, presque tous, sur le bord, por- taient la trace des balles tirées par Mme Caillaux.

Le document vert

Cependant, dans l'une des poches de l'intérieur du portefeuille, j'ai trouvé les deux papiers que j'ai lus. Ces pa- piers je les connaissais déjà, parce que mon frère m'en avait'donné lecture; c'étaient ce qu'on a appelé les fameux documents verts. Ces documents verts, mon frère m'en avait expliqué l'impor- tance; il m'avait dit qu'il avait donne sa parole d'honneur de ne pas les publier; alors, j'ai considéré qu'il était très im- portant que je les garde et que je réflé- chisse à l'usage qu'un peu plus tard j'en ferais. Les autres papiers n'avaient au- cune importance.

J'ai .donc réfléchi longuement et je me suis dit que, puisque mon frère avait donné sa parole d'honneur de ne pas publier ces documents, ils ne m'appar- tenaient pas, que je devais tenir sa pa- role d'honneur, et que le mieux que j'en pourrais faire, étant donnée leur impor- tance diplomatique, était de les remettre au Président de la République. J'atten- dis cependant, avant do me décider, l'ar- rivée de mon autre frère qui est inspec- teur du service de santé militaire en Algérie, qui ne pouvait être à Paris que le jeudi, car nous étions le mardi soir. Lorsque mon frère arriva, je lui fis part de ce que j'avais pensé faire, de ce projet de remèttre les documents au Président de la République ; il l'ap- prouva tout à fait. Alors, après les ob- sèques de mon frère, le vendredi, je téléphonai à l'Elysée et je demandai un rendez-vous pour la soirée, si c'était pos- sible, ou pour le lendemain. Le Prési- dent de la République me fit aimable- ment répondre qu'il nous recevrait, mon frère et moi, le samedi soir, à' sept heures. A ce .moment-là, nous nous sommes rendus au rendez-vous indiqué gt j'ai.rerais à. M- le Président .de la Ré- publique les deux documents dont il s'agit. Je n'ai pas à parler ici de la con- versation qui s'en est suivie. Je me borne à dire que M. le Président de la Répu- blique nous a très vivement remerciés de lui remettre ces documents, qui de- puis avant-hier, sont paraît-il, considé- rés comme des faux.

Il n'y avait pas dans le portefeuille le document Fabre, mais je puis dire que j'en, avais connaissance, parce que, entre mon pauvre frère et moi, il y avait une intimité très grande ; nous nous adorions, nous nous voyions cha- que semaine, et il me disait a peu près j tout ce qui l'intéressait personnelle- ment. La veille précisément du drame, lo dimanche, nous avions déjeuné en- semble rue Dutot, chez ma mère, et après déjeuner, il me relut le document Fabre, en me disant : « Voilà la seule pièce qui me reste; malheureusement, j'ai donné ma parole d'honneur de. ne pas la publier, et je n'ai plus rien autre chose. »

Dernière causerie

Alors, une longue conversation s'é- changea entre nous au sujet de cette cam- pagne contre M. Caillaux. Je lui faisais part, car j'étais toujours partisan de la modération, de mes craintes de le voir s'engager dans cette campagne avec une impétuosité qui n'était pas dans son caractère habituel. Mon frère me répon- dait : « Sois tranquille, il ne peut rien m'arriver, attendu que je suis sûr de l'authenticité de tous les documents que j'ai publiés à l'heure actuelle ». J'ai dis- cuté encore avec lui, je lui ai dit : « Mais regarde, pour l'affaire Prieu, pour l'af- faire du Comptoir d'escompte, on in- sinue partout que tu n'étais pas sûr des documents que tu as publiés, puis- que tu n'as pas pu fournir la preuve. » A quoi il m'a répondu : « Tu le sais bien, j'ai trente ans de journalisme et je ne me serais pas engagé dans une affaire aussi importante si je n'étais pas sûr de rendre service à mon pays; et si je n'étais pas sûr de l'authenticité des .documents que que j'ai à ma disposition. Malheureusement, tu parles de l'affaire Pneu, des documents du Comptoir d'es-

compte; ces renseignements m'ont été fournis par des personnes queje ne puis pas découvrir. Mais tout le monde sait bien en France, étant donné imon passé, que ce que j énonce, que ce que je dis sous ma signature personnelle, est la vérité.» Enfin, cette discussion aboutit à la conclusion que le document Fabre était tout ce qui lui restait, et qu'il n'avait pas autre chose à publier dans la suite. « Ce- pendant, disait-il, j'espère demain soir lundi, ou au plus tard mercredi,' être dé- gagé de la parole d'honneur que j'ai donnée, et peut-être alors pourrais-je publier ce document. »

Je crois que ce fait est très important à connaître, messieurs les jurés, et je le dis ici, je le répète, je le raconte sous la foi absolue du serment.

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Si Mme Caillaux avait parlé...

J'ajoute que, si, lorsqu'elle est allée au Figaro le lundi soir pour accomplir son crime, Mme Caillaux avait simplement ouvert la bouche, avait dit à mon frère : « Est-il exact que vous avez des lettres intimes à publier?» mon frère lui aurait répondu tout de suite de la façon la plus charmante pour la rassurer. Tous ceux gui le connaissaient savent combien il était délicat et bon et que jamais il n'au- rait voulu commettre un acte pareil. D'un mot, il aurait rassuré Mme Caillaux, je dis plus, il l'aurait reconduite en lui offrant son bras jusqu'à sa voiture et lui aurait déposé des fleurs. Je suis per- suadé que personne parmi ceux qui l'ont connu ne me contredira et j'en ap- pelle à tous les amis de mon frère, à tous ceux qui l'ont connu, j'en appelle même à M. 1e bâtonnier Labori qui fut son ami et qui ne me démentira certainement Pas.

M6 Labori. - Monsieur le docteur Calmette sait bien avec quel respect je lui parlerai, à lui, de Calmette. Quant à ce que j'aurai à en dire, je lui demande de vouloir bien me faire crédit jusqu'à ce que je plaide. Je n'ai rien à dire, ni aucune question à poser en présence de M. Albert Calmette, il le comprend.

Une vie de travail

M. Albert Calmette. - Je remercie M. le bâtonnier, mais, monsieur le prési- dent, je demande à ajouter un dernier mot. On a essayé ici de salir la mémoire de mon frère en parlant de sa fortune et de la manière dont il l'avait acquise ; on a insinué d'une façon vile que cette fortune avait été acquise dans des conditions qu'on ne pouvait pas res- pecter. Eli bien, messieurs, je suis avec mon autre frère l'exécuteur testamen- taire du mort qui ne peut pas se défendre ici ; j'ai le devoir pour ses en- fants de dire publiquement que sa for- tune n'a pas été acquise dans des con- dition suspectes. Mon frère a travaillé ' toute sa vie, il ne s'est pas enrichi peut- être progressivement par son travail, car dans la barrière qu'il avait embras- sée on ne s'enrichit guère, mais il a eu la chance de se créer des amitiés fidèles, touchantes, reconnaissantes, et c'est par ses amitiés que sa fortune a été faite. Tout le monde sait en France que c'est à la suite de la mort de M. Chauehard

que la fortune de mon frère s'est faite, elle ne s'est pas faite autrement, il n'y a pas à en rougir, 011 peut le -proclamer ici, et ses enfants n'en rougiront pas.

M0 Labori. - Les documents que vous avez retirés du portefeuille étaient bien une simple copie écrite de la main de M. Calmette?

R. - C'étaient des copies portant dans l'angle un numéro d'ordre correspon- dant, d'après ce que .m'avait dit mon frère, au numéro du registre de traduc- tion du ministère des affaires étran- gères.

M° Labori. - De la main de M. Cal- mette ?

R. - Le tout écrit de la main de mon frère.

Le président. - Comme les papiers qui sont entre les mains de M. Prestat. 11 n'y a aucun doute à cet égard.

Cinquième audience

(CROQUIS PAR FORAIN)

LES LETTRES

Depuis jeudi soir, M0 Labori a en main les huit lettres que lui a confiées Mme Gueydan. C'est avec une émotion pro- fonde et sincère, avec des larmes dans les yeux qu'il les a reçues, tout fier de l'honneur qu'on lui faisait en les lui don- nant. Il les a lues, et elles semblent maintenant le gêner singulièrement. Il les a, mais il n'en veut plus ; il désire- rait bien les rendre et s'en débarrasser par un moyen quelconque. Mais les rendre à qui? A Mme Gueydan? Elle n'en veut plus. A M0 Chenu ? Il les lirait. A la Cour ? Elle pourrait ordonner qu'elles fussent rejetées du débat. Alors que dirait-on ?

Que faire et comment sortir de cette situation? Quelle solution élégante pour- rait-on inventer? C'est un dénouement à trouver, un cinquième acte à faire. Mais aux Assises le dénouement est parfois imprévu.

Ce fut encore du théâtre *- pas aussi pathétique que la veille - mais varié, fertile en incidents, coupé de scènes fai- sant à chaque instant, rebondir l'inté- rêt, devant un public anxieux, se de- mandant comment 011 sortirait d'une situation embarrassante. Ce fut imprévu, joli, habile, comme une pièce de Sar- dou, amusant comme une scène alerte des Pattes de Mouche.

M8 Labori a reçu huit lettres, il n'en voudrait conserver que trois ; Mme Gueydan, elle, n'en veut reprendre au- cune ; M0 Chenu, lui, les veut toutes, et le président guette l'instant où elles quitteront les mains de M° Labori pour les happer au passage, les saisir en quelque sorte au vol et en faire ce que son pouvoir « discrétionnaire » jugera à propos. Tel est le problème, telle est la partie d'échecs engagée.

Qui la gagnera? C'est M" Labori qui joue le premier.

11 a donc lu les lettres. Il y en a huit. Cinq lui paraissent inutiles, elles ont trait au divorce de Mme Gueydan, et il trouve qu'elle l'a suffisamment plaidé la

Mme Gueydan - Pour la vérité, il vaut mieux tout lire,

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