se trouve la cause principale du mal. Je dois exprimer
sur ce point capital toute ma pensée.
Deux idées dominent à mon sens la théorie de la
répression
La peine doit être dure, puisqu'elle est avant tout un
châtiment.
Le coupable qui a donné des gages solides de retour
au bien et qui notamment a désintéressé sa victime, doit
être traité désormais avec douceur.
L'adoucissement de la peine au profit de qui le mérite,
l'adoucissement aussi considérable qu'on voudra dans ce
cas, c'est de la part de l'administration un acte aussi
juste qu'habile. Mais l'adoucissement général et systéma-
tique de la peine au profit de tous les condamnés, qu'ils
en soient dignes ou non, l'adoucissement toujours et par-
tout substitué à la rigueur du code, c'est là une faute
insigne. La peine de la transportation a malheureusement
été, au profit de tous les condamnés bons ou mauvais,
amollie jusqu'à l'excès; et le ministère de la marine a fini
par gâter en quelque sorte le forçat. Le forçat gâté n'a
plus produit grand'chose.
Pourquoi donc se gênerait-il? L'administration exige
de lui peu d'efforts; et en retour elle lui assure l'habil-
lement, le logement, la nourriture. Sans doute, le forçat
n'est pas logé dans des palais, il n'est pas habillé de soie,
il n'a pas une nourriture fine, ni variée, ni même abon-
dante mais il s'accommode de cette existence paisible et
étroite qui ne lui impose qu'une fatigue légère. J'inter-
pellais un jour l'un de ces hommes qui, couché sur sa
brouette, faisait une sieste prolongée; je lui demandais
pourquoi il se croisait les bras « Bah 1 me répondit-il
avec un sens profond des choses et une claire intelligence
des mystères du budget, pourquoi m'épuiserais-je? à cette
heure les paysans de France travaillent pour moi! )' Ce
philosophe à la brouette avait raison; il avait compris
qu'en somme il était entretenu par les contribuables de
la métropole. J'ai vu des condamnés parfaitement notés,
qui pouvaient, par conséquent, réclamer une concession
de terres, refuser la concession qui leur était offerte.
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