sur le continent américain. Nos marins de la côte normande,
les Dieppois, les Rouennais, se sont montrés sur les rivages-
du Sénégal et de la Guinée, et dans les îles voisines, peut-être
avant les Portugais eux-mêmes. Vers 1565, ils avaient fondé en
Guinée des établissements dont les noms sont assez caracté-
ristiques le Petit-Paris, le Petit-Dieppe, la Mine: Ils en rap-
portaient des gommes, de l'or, des défenses d'éléphants. C'est
de cette époque que date la grande industrie dieppoise le
travail de l'ivoire. En 1402, Jean de Béthencourt, un seigneur
normand, chambellan de Charles Vf, débarqua dans les îles
Canaries, en opéra la conquête dans l'espace de deux ans, y fit
prêcher le christianisme et s'en déclara le souverain. C'est 1&
premier colonisateur français, pour ne point parler des croi-
sades, dont le nom nous ait été conservé.
Jean cousin. Vient l'époque des grandes explorations
maritimes, le siècle de Colomb et de Gama. Un Français a peut-
être disputé à ces deux héros l'honneur de leur double dé-
couverte. Dieppe était resté et resta longtemps encore une
pépinière de hardis marins et le point de départ des entreprises
aventureuses. Or, un Dieppois, Jean Cousin, partit de ce port
en 1488 à la recherche des Indes Orientales: il y revint
en 1499. Qu'avait-il faitpendant ces onze années ? D'après une
tradition constante à Dieppe, mais que malheureusement ne
confirme aucun monument écrit, il aurait d'abord cinglé vers
les Açores; de là, un courant de mer l'aurait emporté au loin
vers l'ouest; il aurait débarqué sur une terre inconnue, près
de l'embouchure d'un grand fleuve. Après avoir fait acte de
possession sur ces rivages, il aurait repris la direction du sud-
est il aurait alors abordé sur la côte d'Afrique, près de la
pointe appelée depuis cap des Aiguilles, et, remontant le long
du Congo et la Guinée, serait revenu dans sa patrie, chargé de
denrées des tropiques. A-t-il vraiment, avant Yespuce, avant
Colomb, vu le continent américain, près de l'estuaire de l'Ama-
zone ou de la Plata, et, avant Gama, vu la pointe méridionale
de l'Afrique! Un doute, malgré les arguments et les probabilités
accumulés par nos historiens, plane encore sur la questiod.
1. On a remarqué que le lieutenant de Cousin, dans cette mysté-
rieuse expédition, est un Castillan nommé Pinçon, c'est-à-dire du
même pays et du même nom que les trois frères Pinçon, qui accom-
pagnèrent Colomb -à son premier voyage. On sait que des relations
fréquentes et cordiales s'étaient établies entre les marins normands
et les marins castillans, qui avaient monté la flotte du roi de France