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Titre : Figaro : journal non politique

Éditeur : Figaro (Paris)

Date d'édition : 1903-10-19

Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication

Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 164718

Description : 19 octobre 1903

Description : 1903/10/19 (Numéro 292).

Description : Collection numérique : BIPFPIG63

Description : Collection numérique : BIPFPIG69

Description : Collection numérique : Arts de la marionnette

Description : Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine commune

Description : Collection numérique : La Commune de Paris

Description : Collection numérique : France-Brésil

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k286397n

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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Madame Foule

C'était mardi dernier; je me promenais badaudement et je m'étais engagé dans l'avenue de l'Ppéra, pleine de gens qui regardaient les préparatifs, lorsque, au bas d'une colonne que surmontait une louve dorée aux mamelles impressionnantes, je rencontrai une jeune femme qui paraissait en proie au plus vif rayonnement elle riait et ses dents brillaient, ses yeux étincelaient, ses joues

flambaient.

C'était Madame Foule. Depuis une dizaine d'années, voilà bien la cinquième fois que je la rencontrais ainsi dans la rue et, chose étrange, chaque fois que je la rencontrais, il y avait des drapeaux étrangers aux fenêtres des maisons, du velours rouge à crépines d'or au balcon de l'Opéra et, le long des boulevards, des mâts avec des oriflammes et des girandoles. Madame Foule était toujours la même, jolie de cette joliesse spéciale des Parisiennes nez retroussé, cheveux d'un blond doré, yeux malins et tendres, bouche fraîche et voluptueuse, petites mains, petits pieds. Elle avait un petit costume tailleur tout ce qu'il y a de plus simple, ma chère, et elle était coiffée d'un coquet feutre gris, orné d!une plume de bersaglier.

Comment diable faites-vous, madame Foule, lui dis-je, pour être toujours aussi jeune? Vous ne vieillissez pas. Quel âge avez-vous ?

Elle me répondit sans hésiter -J'ai vingt-cinq ans.

Mais rappelez-vous, lorsque les officiers russes vinrent à Paris et que l'un d'eux, un beau garçon à barbe blonde, vous souleva dans ses bras et vous embrassa aux acclamations de tout un peuple, vous aviez déjà vingt-cinq ans;, c'était en 1893 pourtant et, aujourd'hui, vous me dites le même âge. Sans doute, ne se démonta-t-elle pas, est-ce que vous me prenez pour une girouette?

Et elle ajouta

Ce n'est pas comme vous; vous grisonnez, mon cher. ce n'est pas étonnant d'ailleurs, vous avez toujours l'air d'un qui s'embête à mort. c'est ça qui vieillit! Ça ne vous amuse donc pas de voir tout ce monde et les préparatifs des fêtes? Ah! vous n'avez vraiment pas l'air que le roi et la reine d'Italie arrivent demain –̃^i- -Toujours jeune madame Foule, lui répondis-je, vos éternels vingt-cinq ans se réjouissent à la vue des mâts, des oriflammes, des girandoles et du velours rouge à crépines d'or; mais je suis un vieil homme que les fêtes, leurs lendemains et leurs veilles rendent triste infiniment.

Pensez-vous fît-elle.

Je pense que des lampions allumés ne font pas le bonheur d'un peuple, comme dit Fantasio à l'envoyé du prince de Mantoue. Je revois une vieille gravure d'une Illustration de 1859 où des dames à crinoline sont représentées qui s'élancent au-devant de nos soldats avec des gros bouquets, « car les dames, dit un chroniqueur du temps, se sont fait remarquer par l'exaltation de leurs sentiments l'héroïsme n'est jamais mieux fêté que par le beau sexe » Et cela s'appelle Retour des troupes d'Italie. C'est la dernière fois que vous avez vu revenir des troupes victorieuses, toujours jeune madame Foule, car en 1859 vous aviez vingt-cinq ans. Et je ne sais rien de'plus touchant et de plus mélancolique que cette vieille gravure. Non, la crinoline n'est pas le symbole d'une époque de corruption, mais bien plutôt d'une société insouciante qui jouait aux cerceaux. sur un volcan Je pense qu'en 1887, à Naples, ayant eu une discussion avec un cocher, je faillis être lapidé par des Napolitains francophobes qui avaient reconnu, à mon accent, que j'étais Français. En ce temps-là, un mauvais homme, « il signor Crispi », excitait nos frères latins contre nous. Je pense au décevant va-et-vient des alliances et des rancunes, des sympathies et des haines nationales: Je pense à l'humeur changeante des rois et des empereurs.

Toutça, dit madame Foule, c'est des boniments à la graisse de chevaux de bois.

Et par là je compris que mon discours l'ennuyait. Certes, elle connaissait Solferino, Magenta, parce que c'est des noms de victoires, mais elle ignorait Crispi. Aujourd'hui, madame Foule était franco-italienne, voilà tout. Et comme je l'avais vue, avec le même élan, francorusse et franco-anglaise, je lui demandai

Qu'est-ce que vous êtes, au juste? Mais elle me répondit

Je suis franco-Ceux pour qui l'on pavoise et illumine.

C'était net. »

Ce n'est pas tout ça, reprit-elle; le roi et la reine d'Italie arrivent demain irez-vous les voir?

Je ne sais pas.

Elle s'indigna

Comment! vous êtes à Paris et vous n'irez pas les voir?

Peut-être irai-je je suis invité sur du balcon, chez des amis qui demeurent avenue du Bois.

11 faut y aller, ordonna madame Foule. Moi, je ne connais pas des gens à balcon; mais je les verrai tout de même. En tout cas, vous me raconterez vos impressions.

yousretrouverai-je?

Toujours sur le passage des souverains.

C'était vague. Et pourtant, je la retrouvai. Je la retrouvai jeudi soir, à sept heures, rue Royale. Elle attendait le passage du cortège qui devait se rendre au gala de l'Opéra.

Eh bien me dit-elle, vous êtes allé sur votre balcon ?

Oui, je me suis trouvé avec des gens charmants; mais je n'ai rien vu. C'est bien fait, il fallait venir avec moi. J'étais grimpée dans l'arbre, vous savez, dans l'arbre qui fait le coin de l'avenue Marigny et des Champs-Elysées. Ah! j'étais aux premières loges.Je ne les ai pas vus, d'ailleurs, rapport aux cuirassiers qui entouraient les voitures mais n'est-ce pas quelque chose que de voir des cuirassiers derrière lesquels il se passe un roi et une reine? Et puis, les piqueurs, précédant les calèches attelées à la Daumont, cette escorte de cavaliers, ça avait grand air. J'étais très satisfaite. Et vous avez crié Vive le Roi vive la Reine

Naturellement.

Une question,madame Foule vous êtes républicaine?

Pensez-vous! et bonne républicaine, je vous assure; mais ça n'empêche pas. Et vous aimez les attelages à la Daumont, les perruques poudrées, les habits galonnés! 1

C'est-à-dire que j'en raffole.

Vous savez pourtant que ce sont les vestiges d'un régime abhorré. Mieux que la crinoline, le piqueur Troude est un symbole.

Je ne, vous dis pas; mais quand on reçoit un roi et une reine, il, faut être à la hauteur on ne peut pourtant pas les faire monter dans un omnibus funéraire Je m'étais attiré une sévère réponse. C'est que madame Foule, républicaine, a un vif sentiment du prestige national. Lorsqu'en 1896, le Tsar descendait l'ave- nue des Champs-Elysées, dans une calèche où le Président Félix Faure était assis en face de lui, c'est elle qui fit cette remarque « C'est égal, c'est pas Louis XIV qui se serait flanqué sur le devant » »

Dites-moi, madame Foule, est-il vrai que vous avez fait à nos hôtes actuels un accueil plus chaleureux qu'au roi d'Angleterre, lors de la visite dont il vous honora, au dernier mois de mai? C'est des potins. Comment voulezvous que je vous réponde? J'ai crié et quand on crie, on crie, toujours tant qu'on peut! Quand on crie moins fort, c'est qu'on a quelque chose dans le gosier. Maintenant, il faut tout dire, Edouard n'avait pas amené sa dame, tandis que Victor a amené la sienne. Alors, vous comprenez, quand il y a une femme, ça fait tout de même une différence, surtout lorsqu'elle est jolie. Quant à Nicolas, il avait, amené sa dame et ses enfants.alors, c'était du délire. Enfin, l'Italie, c'est la nation sœur. ̃ /Et la, Russie? t v •– ̃ C'est là nation alliée. :̃̃̃ ̃

Et l'Angleterre?

Madame Foule réfléchit quelques secondes et dit simplement

Aôh yes, roastbeef, plum-pudding! Et ce jour-là, je ne p.us en savoir davantage. Le cortège allait passer et elle ne répondait plus à mes questions. Le lendemain et le surlendemain, je revis encore madame Foule. Elle ne se lassait pas d'être sur le passage des souverains. Elle prétendait même que nos illustres hôtes avaient fini par la reconnaître, que le Roi la saluait militairement et que la Reine lui souriait affablement. J'eus bien garde de la détromper. Elle ne put les suivre à Versailles ni à Rambouillet; alors elle se promenait sur les boulevards et dans les rues magnifiquement décorées. Elle achetait les portraits du Roi et de la Reine, des cocardes et mille emblèmes francoitaliens. Elle écoutait, transportée, les chanteurs ambulants, ténors à la voix grasse qu'une maigre musique accompagne, et qui, sous.un ciel gris d'octobre, chantaient le printemps et l'amour: Elle reprenait avec eux, d'une voix un peu tremblante, les refrains des romances. Elle ne lisait pas; dans son journal, les commentaires de la presse étrangère; elle n'y cherchait que des itinéraires et la description des toilettes de la Reine. Pourtant, les dépèches de félicitations échangées entre les chefs de gare l'avaient charmée.

Samedi soir, elle admirait les illuminations. Ces quatre journées de fêtes, les fanfares de la retraite aux flambeaux l'avaient montée à un extraordinaire diapason. Elle regardait les jeunes gens, surtout ceux à moustache brune, avec des yeux plus brillants que les lampes électriques multicolores. J'eus la sensation très nette que, sentimentalement, madame Foule était pour rien. Je devais en acquérir bientôt la certitude. Je lui demandai

Allez-vous demain à la revue? Elle me répondit

-Penses-tu que je vais manquer ça Maintenant, elle me tutoyait.

En effet, dimanche matin,. elle était à Vincennes, et l'après-midi, dans Paris, sur le passage des troupes qui regagnaient leurs quartiers.

Elle acclamait tour à tour les dragons aux crinières flottantes, les lourds cuirassiers, les chasseurs légers. Elle agitait son mouchoir, envoyait des baisers aux officiers, criait « Vive l'armée Vive la France Vive l'Italie » et même « Vive la Russie » Elle confondait tout. Elle pleurait même; mais, tout à coup, elle se retourna et dit à travers ses larmes et sans courroux

-Avec tout ça, on me pince.

Elle n'acheva pas, car, à ce moment précis, les premiers zouaves passaient. les zouaves, elle voulait saluer le drapeau de Palestro.

Mais, à l'aide d'un rapide calcul. de probabilités et, en voyant un jeune homme qui, derrière elle, souriait d'un air fat, j'établis le sens exact de son exclamation.

Les derniers zouaves étaient passés. Alors, madame Foule se retourna en souriant, vers son pinceur. La conversation, s'engagea et, sans me dire adieu, elle dispa rut avec lui. Ce petit incident m'ayaitéclairé merveilleusement sur l'état d'âme de madame Foule, composé d'un

patriotisme ardent, d'une enthousiaste courtoisie envers nos hôtes et surtout, surtout, d'un impérieux besoin de rigolade.

Maurice Donnay.

wAys/V^^i ~r-.

Échos

La Température

Les fortes pressions tendent à se retirer dans le sud-ouest de l'Europe et, depuis hier, le baromètre, à Paris notamment, est en hausse sensible, c'est-à-dire à 7Ô4mni. Néanmoins, des pluies sont encore signalées sur presque tout le continent en France, il a plu à Bélfort, à Besançon, à Toulouse et même à Paris pendant la matinée. Sur nos côtes, la mer est houleuse sur la Manche et la Méditerranée, agitée en Bretagne et sur l'Océan.

La température s'est abaissée. Hier matin, à Paris, le thermomètre marquait 60 à sept '> heures et 100 vers quatre heures du soir. On n notait 80 au-dessous de zéro au pic du Midi, 21° au-dessus à Alger, 220 à Malte. En France, un temps frais, à éclafrcies et à averses, est probable. Le soir, le baromètre était à 765mm.

-ooooo.

Les Courses

Aujourd'hui, à deux heures. Courses à Saint-Cloud. Gagnants du Figaro Prix dit Terrier Bombardier ou Ranavalo IL

Prix de la Faisanderie Le Bitoug ou Rataplan.

Prix du Chenil Le Bonheur.

Prix de la Garenne Emeri ou La Ber-, ceuse.

Prix de Marly-le-Roi Apanage ou Pythée.

Prix de la Remise Caleb ou Framée.

LES DERNIERS TOASTS

^x. Ce fut une heureuse pensée de gar- ̃< der la revue pour le dernier jour du voyage de LL. MM. le roi et la reine d'Italie à Paris. On a judicieusement observé,, dans cette distribution du programme, la loi de la progression d'intérêt. Après les mille fusées de l'enthousiasme populaire et les fastueuses pièces montées des galas officiels, cette belle fête militaire a été, en quelque sorte, le bouquet du feu d'artifice.

Les personnes qui assistaient à la revue ont toutes remarqué le plaisir qu'a; pris'le roi d'Italie à ce magnifique spectacle. De tous ceux qui lui ont été offerts à Paris, c'est sans doute celui qui l'a le plus vivement captivé.

C'est dans la valeur des armées que réside là force vitale des 'nations.'Et nui sentiment ne fait battre le cœur des peuples comme l'amour du drapeau. Qui ne connaît pas l'armée française ne connaît pas la France. •"•̃ Au déjeuner militaire, de nouveaux toasts ont été échangés entre VictorEmmanuel et M. Loubet. Oh n'a pas oublié la cordialité des toasts du premier soir. Ceux d'hier, en accord avec les mâles impressions de la matinée de Vincennes, ont un accent encore plus chaleureux.

Le Roi a fait, avec une émotion communicative, l'éloge de notre armée et a rappelé « les temps où les soldats français versaient leur sang à côté des soldats italiens. » Ces glorieux souvenirs sont éternellement chers aux deux nations. Aujourd'hui, ainsi que l'a dit VictorEmmanuel, elles -souhaitent que désormais leurs forces militaires « servent uniquement à assurer la paix ». En effet, la paix n'est solide et durable qu'entre nations fortes.

Le Président de la République a répondu dans des termes d'une simple et vibrante éloquence.

Il a remercié avec noblesse son hôte royal de l'hommage si précieux rendu à l'armée française. Il a proclamé que la France est fière de cette armée et de sa gloire « Le sang versé pour une même cause par les soldats italiens et français, a ajouté le Président de la République, ne doit pas être perdu pour la cause de la paix et de l'union entre nos deux nations. » On ne saurait mieux dire, et c'est le vœu des populations de prolonger l'ancienne fraternité d'armes en une amitié pacifique et féconde.

A Travers Paris

Un petit détail que nous rapportait hier une personne de la suite des souverains italiens et qui indique bien jusqu'à quel point Victor-Emmanuel III s'intéresse aux moindres choses de l'armée. En rentrant de la revue de Vincennes, le Roi fit appeler un dès factionnaires du palais des affaires étrangères et lui demanda d'enlever son sac, de l'ouvrir, d'en étaler le contenu. Il voulait connaître exactement la composition de cet objet d'équipement de nos troupes. Quand l'examen fut fini, pour se rendre compte encore de la manière de remettre le sac, le Roi l'attacha lui-même aux épaules du gentil pioupiou qui, au comble de l'émotion, balbutiait, cherchant un grade:

Merci, mon. mon.

Ne te mets donc pas en peine, dit en riant Sa Majesté. Fais comme tes anciens avecmongrand-père.Appelle-moi Caporal! C'est le plus beau titre que tu puisses me donner.

Diplomatie cynégétique. `

Galamment, M. Loubet s'est laissé distancer avant-hier de quelques points, sur le « tableau de chasse » de- Rambouillet, par son hôte le roi d'Italie, d'ailleurs excellent tireur lui-même. Le Président eut le fusil aimable et diplomatique. II s'est conformé, en cela, à des précédents, dont les plus nombreux, et aussi" les plus curieux, sont du Président Félix Faure. •̃

On peut les relever en feuilletant ce^te sorte de document officiel que constitue

la collection des tableaux de chasse de Rambouillet, soigneusement recueillis et classés et confiés au conservateur du palais. Il y a là comme l'histoire cynégétique de notre troisième République. Le Président Félix-Faure était, comme on sait, grand chasseur et tireur imbattable. Il tenait fort à cette suprématie. Aussi, la liasse des tableaux de toute une année, durant laquelle il n'eut pour invités à Rambouillet que des ambassadeurs étrangers, révèle-t-elle que le Président apporta toujours ses soins à arriver bon premier.

Mais voici qu'il chasse un jour avec un roi, le roi de Portugal, et il ne se classe qu'après lui, de quelques pièces (tableau du 18 octobre 1895). Le 6 novembre 1896, il se laisse battre encore par S. A. I. le grand-duc Vladimir, et le'13 décembre 1896 par S. A. I. le grand-duc Nicolas. Le résultat du 30 décembre 1896 est extrêmement piquant., M. Félix Faure a pour invité le chef d'un petit Etat qui est seulement prince. Le Président veut être poli, mais sans effacement. 11 règle son tir en conséquence; et le tableau donne 107 pièces pour le prince, 107 également pour M. Félix Faure 1

N'est-ce pas délicieux, et de la plus grande finesse protocolaire? Car il est certain que ce n'est pas le hasard qui a si bien fait les choses.

Ainsi, comme M. Loubet, M. Félix Faure avait le fusil diplomatique. Le dolman du protocole.

On a beaucoup remarqué la nouvelle tenue inaugurée hier par M. Mollard, pour le départ des souverains italiens. Le directeur du protocole avait, pour la circonstance, remplacé l'habit brodé par une sorte de veston à ramages d'or et d'argent qui, avec le bicorne, lui donnait l'air d'un amiral vaguement haïtien. Le prestige de ce pet-en-l'air protocolaire a généralement paru douteux.

PETITES HISTOIRES

Il est grand temps en vérité que M. Coquelin aîné réalise le théâtre incombustible qu'il il a annoncé à l'univers, donnant ainsi aux révuistes de fin d'année la meilleure scène de leur acte des théâtres.

Une panique <a, en effet, commencé de se produire durant la matinée d'hier. à l'OpéraComique. Le public, sachant que M. Coquelin n'a pas encore livré son idée, s'est épouvanté à la vue de la fumée qu'exhalait une', pacifique chaufferette apportée par une spectatrice au coeur chaud, mais aux pieds froids.. Au moment où Mireille chantait sa peine sous les oliviers gris, cette dame apparut tout a coup environnée d'un nuage de fumée. Ce ne pouvait être qu'une déesse de l'Olympe, ou un commencement d'incendie.Tels sont l'utilitarisme et le prosaïsme de ce temps-ci que le public pencha tout de suite vers la seconde hypothèse. D'où brouhaha, bousculade et fuite vers les couloirs.

Heureusement, au milieu du désarroi général, un orateur se .révéla sous la simple tunique et le casque poli du pompier de service. Ce factionnaire s'élança en scène et, sans un instant de trac, sans même cette nuance de trouble inséparable d'un début, il commença de haranguer la foule. Il parla bien, il dit des choses apaisantes, judicieuses et ignifuges. Bref, au bout d'un instant, on éteignit la chaufferette en appuyant la dame dessus, l'ordre renaquit et les musiques reprirent leur cours.

Ce qui prouve une fois de plus qu'il y a de la fumée sans feu. Palémon.

Pas un rayon de soleil, en revanche de la brume, hier, à Chantilly. Ça sent l'automne en plein, l'hiver tout proche. N'empêche, Chantilly, prétexte à élégances, nous valut d'exquises choses, en fourrures surtout, car nous voilà dans le règne de la fourrure. De Max, le grand fourreur de la place de la Bourse, on citait les trouvailles, entre autres un petit paletot droit en zibeline agrémenté de vieille dentelle brodée d'or qui allait à merveille à la beauté blonde d'une des femmes les plus connues de la colonie américaine.

Pour cette seconde réunion de Chantilly, quelques élégantes, d'une hardiesse qu'on ne saurait blâmer, nous apparurent en taille dans de délicieuses toilettes de drap foncé. L'une, entre autres, attirait le regard et mérite d'être décrite: couleur taupe, trois jupes superposées bordées de fourrure en taupe avec haute ceinture de passementerie dans le même ton, gilet de drap blanc soutaché. L'auteur de cette charmante création? Mme Eugénie Douphy, rue Scribe, dont les Parisiennes connaissent bien le goût inventif et l'impeccable maîtrise.

La Saint-Hubert est proche, et nos équipages de chasse à courre se préparent à célébrer, avec toute la pompe traditionnelle, la fête de leur patron. A ce propos, voici un renseignement qui a son prix c'est à la Belle Jardinière que, depuis quelques années, les plus grands noms de la Vénerie française font faire leurs tenues de chasse, celles des hommes comme celles des dames, aussi bien que la livrée- des piqueurs, valets de chiens, cochers, etc.

La Belle Jardinière a soigneusement réuni. tous les documents qui lui permettent de garantir l'exactitude la plus rigoureuse, jointe à la plus correcte élégance dans l'exécution de toutes les commandes de ce genre qu'on veut bien lui confier.

1

M. Ghaumié a pensé que le ministère de l'instruction publique et des beauxarts, appelé à figurer à l'Exposition de Saint-Louis, pourrait présenter une section des plus intéressantes, si le pittoresque petit musée de poupées en costumes nationaux créé par Mlle -Kœnig, inspectrice générale de l'enseignement, y participait.̃̃̃• ::Le..m.inistre yient do-nç dÿ_:ch~.r9~r Mlle

Kœnig de former un album de photographies en demi-grandeur nature des cent plus belles poupées de notre musée de la rue Gay-Lussac.

Cet album, aujourd'hui terminé, sera déposé au milieu des poupées, ses modèles, jusqu'à son départ pour l'Amérique.

La blanchisserie modèle de la maison Charvet est définitivement installée dans son nouveau pavillon du marché SaintHonoré. Cet établissement où tous les problèmes de l'hygiène la plus sévère ont été étudiés à fond, notamment la stérilisation du linge par l'ozone, appelle une visite des élégantes et des délicats sa clientèle parisienne' est desservie chaque jour à domicile par des voitures spéciales.

Hors Paris

Le roi d'Angleterre travaille en ce moment à la rédaction d'un ouvrage où se trouveront racontés' tous 'les incidents, toutes 'les péripéties .de ses voyages récents en Portugal, en Italie, dans l'île de Malte et en France.

Les notes de ce journal de route, qu'Edouard VII met au clair, ont été prises par M. Hardinge qui a accompagné son souverain dans tous ses déplacements et duquel bien des Parisiens ont gardé un excellent souvenir.

L'ouvrage sera somptueusement illustré, d'abord par des dessins originaux dus au crayon du célèbre peintre de marine, M. Demartini -peintre de la Cour, ensuite par des photographies prises un peu partout, au hasard des événements.

La plupart des exemplaires de cet ouvrage seront naturellement' offerts par le royal auteur aux souverains et aux personnages de marque des différents pays où Sa Majesté a trouvé le chaleureux accueil que l'on sait; une infime partie seulement sera mise dans le commerce.

Nouvelles à la Main Extrait d'un roman-feuilleton visiblement inspiré de l'actualité

« Giacomo vida d'un trait sa coupe de marsala et fit claquer sa langue en ita-

lien.»

Lo Masque do Fer.

LA DERNIÈRE JOURNÉE

DU

Roi et de la Reine d'Italie A PARIS

Ils sont partis le Roi et la Reine de cette Italie que Paris, pendant cinq jours, a fêtée en leurs personnes. Ils s'en sont allés dans un vilain jour gris et sous un ciel qui menaçait, mais dans la gloire retentissante des acclamations qui se croisaient au-dessus de leurs têtes, et sous la voûte la plus magnifique que la sympathie populaire puisse édifier pour des souverains.

Mais avant de vous faire le récit de cette heure mémorable, il faut que.vous sachiez les événements qui l'ont précédée.

Le matin, presque au petit jour, à sept heures moins un quart, quelques simples landaus, sans escorte, entraient au ministère des affaires étrangères et, tout aussitôt, le Roi et la Reine et quelques personnes de leur suite y prenaient place.

Sans apparat, ils se rendirent à la petite chapelle italienne de Saint-Antoinede-Padoue, rue des Ternes. Cette chapelle, qui est celle de « l'OEuvre des pauvres Italiens à Paris », est la seule où puisse se retrouver la colonie italienne, laquelle, à la différence des autres colonies étrangères, n'a pas ici de chapelle officielle. Celle-ci est donc tout à fait indépendante de l'ambassade d'Italie. L'OEuvre des pauvres Italiens, qui l'a ouverte, fut fondée, il y a quelques années, par la vicomtesse des Cars, à qui succéda, après sa mort, Mme Standish, néedes Cars, présidente actuelle. Au seuil de la chapelle, le comte et la comtesse Tornielli reçurent leurs souverains, que suivaient le général Dalstein et le comte Brusati, premier aide de camp du Roi. A côté de l'ambassadeur, se tenait l'abbé Manconi, vicairé auxiliaire de la paroisse de Saint-Ferdinand des Ternes, chargé du service de la chapelle, et qui, revêtu de ses habits sacerdotaux de grande cérémonie, offrit l'eau bénite et guida les souverains vers l'autel, où deux prie-Dieu étaient disposés pour eux.

Puis la messe commença. Le chevalier Balami y assistait, comme enfant de chœur, l'abbé Manconi. La Reine était à genoux, et, tout le temps que dura l'office, ne se releva point. Le Roi se tenait debout. Derrière eux, les dames d'honneur, des officiers italiens, M. Lépine et les deux religieuses de Saint-Vincent-dePaul qui administrent la chapelle et sont attachées à- l'OEuvre des pauvres Italiens.

La messe finie,' l'abbé Manconi descendit les degrés de l'autel et, s'inclinant devant le Roi, lui baisa la main; et la Reine, à son tour, saisissant la sienne, y posa ses lèvres, en signe de respect. Le service religieux avait été court. Pas assez cependant pour que le bruit de la présence des souverains n'eût pas ému le quartier lorsqu'ils sortirent, il avait fallu organiser un service d'ordre pour contenir la foule qui débordait. On se découvrit, on acclama, les chevaux prirent, le grand trot,'et, à huit heures: .quararitë-cinq., leRôietla' Reine étaient de;reto&r.-au ministère dës-aiïaires-étran-

gères, où le Président de la République allait venir les chercher.

Ce fut, pour eux, la première et l'unique occasion de voir Paris autrement que dans le fracas des escortes. Ils purent en aspirer librement, à travers les rues silencieuses, l'air rafraîchissant; ils eurent, pendant une demi-heure, la vision de la Ville, qu'ils surprenaient dans son commerce quotidien. Et cette visite leur agréa ils le dirent, ils exprimèrent le regret de n'avoir pu ni la faire plus longue ni la répéter.

La Revue

Pleuvra-t-il ? Ne pleuvra-t-il pas ? Les Parisiens se posaient hier matin la question et jetaient au ciel des regards anxieux. Il était peu rassurant, ce ciel d'octobre des nuées grises s'y suspendaient une brume sale en enveloppait l'horizon et, malgré l'heure matinale, une tiédeur chargeait l'atmosphère des rues. Cela « sentait l'eau ». N'importe. Il n'est point chez nous de mauvais temps qui tienne, quand il s'agit d'aller voir défiler des soldats; et puis, n'était-ce pas « leur » dernière journée? Et les retardataires, les indolents, qui ne « les » avaient point vus encore, les voulaient voir. En sorte q\ïavànt huit heures du matin il y avait déjà, aux tribunes de Vincennes, des spectateurs et des spectatrices installés. Et peu à peu, les grandes voies qui mènent au champ de la revue s'encombrent de voitures, d'automobiles, de détachements de cavalerie. C'est dimanche la foule a donc le loisir de venir, elle aussi, contempler au passage « ceux qui vont à la Revue » à neuf heures du matin, les trottoirs de l'avenue Daumesnil sont couverts d'une affluence joyeuse de curieux qu'amuse le défilé des landaus officiels, des officiers étrangers, des diplomates en grande tenue. On entend quelques cris « Vive André » C'est le ministre de la guerre qui, très décorativement escorté, le torse barré du grand cordon vert des Saints-Mauriceet-Lazare, gagne Vincennes au petit trot d'un cheval blanc de lamentable aspect. Monsieur le ministre, il faudra nous changer ce cheval-là. Il vous a fait, :hier matin, le plus grand tort.

9 h. 1/2. Le ciel continue à se barbouiller de gris. Les. cochers accélèrent l'allure, et c'est, à travers le bois de Vincennes, encore tout verdoyant et délicieusement joli dans cette brume tiède d'automne, une course éperdue vers le refuge des tribunes.

Mais il n'est déjà plus-temps de s'y réfugier. Elles sont depuis longtemps bondées- de spectateurs, et' les derniers arrivants ne trouvent plus que des estrades découvertes où s'entasser. Et le déluge commence! 1

;G'est à la fois sinistre et d'un pittoresque extraordinaire. Au loin, dans le fond du décor, le donjon de Vincennes érige sa masse grise, aperçue confusément. dans le brouillard. Immobiles sous l'eau qui tombe, les régiments couvrent l'immense plaine, face aux tribunes où l'averse bat le tambour sur quelques milliers de parapluies ruisselants. Et ce sont des rires, des cris de femmes (elles sont extrêmement nombreuses), un universel déchaînement de gaieté. -Les psychologues ont-ils noté ce phénomène, que la pluie qui exaspère les individus fait rire les foules?

Elle se calme heureusement, au moment où tonne le canon du fort de Vincennes le cortège royal est en vue et voici, le précédant, la daumont à six chevaux, conduite par des artilleurs casqués, qui amène au pied de la tribune d'honneur Mme Loubet qu'accompagne M. Combarieu. L'averse a surpris le cortège en route, et l'on a dû relever à la hâte les capotes des voitures. Mme Loubet gagne rapidement la tribune où la reçoivent les membres du gouvernement et quelques-unes des personnes de la suite du Roi. Et les lorgnettes se braquent sur M. Combes, M. Pelletan, M. Rouvier; les présidents du Sénat et de la Chambre des députés sont assis au premier rang de la tribune et der.rière M. Bourgeois on se montre la face sévère de l'amiral Morin, ministre des affaires étrangères d'Italie, coiffé du.bicorne noir à ganse d'or. Dans la partie de la tribune diplomatique contiguë à la tribune royale, M. Lépine et le comte Tornielli conversent avec animation. Succès de curiosité, comme toujours, pour l'ambassade de Chine, dont les costumes mettent un peu de gaieté parmi cette foulesombredepardessusboutonnés sur les uniformes. Des toilettes? Peutêtre. Mais on ne les voit pas; nous nous entassons parmi des boas et des fourrures. « Parapluies! parapluies! » C'est la sommation qu'adresse le public des tribunes à ceux qui, juchés sur leurs chaises inondées, « empêchent de voir ». On peut, en effet, fermer maintenant ses parapluies. Un peu d'azur apparaît làhaut l'averse a cessé, et nous voyons là-bas s'avancer au pas, dans le bruissement confus des Marseillaises, le cortège royal.

Au seuil du champ de la revue, le Roi est monté à cheval, et tandis que la seconde voiture du cortège amenait Mme Loubet à la tribune d'honneur, la Reine et le Président prenaient place dans la daumont qui maintenant défile le long des troupes immobiles, suivie du Roi. Le Souverain porte, sur l'uniforme de général, le grand cordon de la Légion d'honneur; il est coiffé du casque sombre à cimier d'or, dont la visière s'avance très bas sur les,yeux. Le casque est nu; le Roi en a retiré le panache blanc, que l'averse avait un peu détérioré.

Le général André et, le gouverneur de Paris sont à cheval, à la droite du Roi; derrière eux- -s'avance la suite brillante des aides de camp et des attachés étran-

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La revue est -terminée à dix heures et