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Titre : Figaro : journal non politique

Éditeur : Figaro (Paris)

Date d'édition : 1879-04-01

Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication

Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 164718

Description : 01 avril 1879

Description : 1879/04/01 (Numéro 91).

Description : Collection numérique : BIPFPIG63

Description : Collection numérique : BIPFPIG69

Description : Collection numérique : Arts de la marionnette

Description : Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine commune

Description : Collection numérique : La Commune de Paris

Description : Collection numérique : France-Brésil

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k277052g

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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SOCIÉTÉ DU FIGARO

MM. les Actionnaires sont informés qu'ils peuvent se présenter à la Caisse sociale, 26, rue Drouot, à partir/. xfé jeudi, 3 avril, pur toucher le Coupon 2, représentant le solde du dividende de l'exercice 1878, soit cinq francs par Action nouvelle, conformément au vote de l'Assemblée générale du 29 mars. `

SOMMAIRE

V. Ebrbst Hehan Adrien Marx.

Bcnos DE Pabis Le Masque de Fer.

Gazette db LA Cbambrb Albert Millauâ. Iibttres Parlementaires Baron Grimm. Paris AU Jour lb Jour F. M.

ROOVBLLES DIVERSES jMtl dt PtUfiS.

LA Pbessb étbakgèrb Un Diplomate.

Tblêgbauues ET Cqrbbspojîdàmcbs •• Argus. LA Couhse.. COHCERT DB MONTB-GaHLQ.

Faits-Paris et Avis tjtilbs. (Jqbbwbr i)Ba Théâtres i.ity^'frfwl."

La Soiréb théâtrale .(/H Mo/itieur à* l'Ôrctestrè.

Sport i ̃ liobeft .Hilton, r,

'7*Kl!Ïi.LBT0N. IiBS'HÀmBS DB FAMILLE AdolpUe

'̃̃̃ Jaime. ̃' •_ ;'̃̃ •̃̃̃̃̃'•

M. ERNEST RENAN

Des relations qui remontent à près de vingt ans me valent aujourd'hui le périlleux honneur de présenter M. Ernest Renan aux lecteurs du Figaro. En aucune circonstance, je, n'ai tant maudit la précipitation qu'impose l'Actualité aux travaux du journaliste, car celui que l'Académie française reçoit officiellement jeudi, et qui était immortel avant de s'asseoir dans son amphithéâtre, mérite mieux qu'un rapide croquis. Sa silhouette est trop grande pour tenir dans le carnet d'un reporter. On ne fait pas une pochade d'après un modèle qui, plus, hardi que Jacob luttant avec un ange, a étonné le inonde en s'attaquant à un Dieu.

Ma tâche est du moins simplifiée en ce sens que je n'ai pas à commenter l'œuvre .du récipiendaire et à me- prononcer sur l'action réparatrice bu dissolvante de sa philosophie. Un collaborateur, plus aulorisé que moi, se chargera de cette haute critique. J'ai pour'unique mission de montrer le savant affable et doux, dur qucl l'ambassadeur actuel de France à Berne a dit « Il pense comme un homme, il sent comme une femme, il agit comme un enfant. » M. Challemel.Lacour pu ajouter «II écrit comme un génie». Jamais littérateur français n'a portéplus loin le charme de la forme, la suavité des images, la mélodie du style. Jamais poète n'a parlé une langue plus correcte et plus pure. Dans la plupart de ses livres, sa prose rythmée et caressante a les mélancoliques harmonies des- sonates de Beethoven et le charme des meilleures pages de Mozart. Sous ce rapport, nous n'avons pas à complimenter l'illustre Compagnie d'avoir admis M. Renan dans son sein. Les actes de justice se constatent et ne se louent point.

'••- **tt

M. Ernest Renan est Breton.

A Je suis né, dit-il en: des- pages intines de parents barbares, chez les Cimmëriens bons et vertueux qui -ha> bitentau bord d'une mer sombre; hé» rissée de rochers, toujours battue par » les orages. On y connaît à peine le so» leil les fleurs sont les mousses mari» nés, les algues et les coquillages colo» ries qu'on trouve au fond des baies z solitaires. Les nuages y paraissent sans » couleur, et la joie même y est un peu » triste mais des fontaines d'eau froide > y sortent du rocher, et les yeux des a jeunes filles y sont comms ces vertes fontaines où, sur des fonds d'herbes a ondulées, se mire le ciel. »

II écrit, plus loin, parlant de son père «Ki était marin.

Il me donna le jour, vieux, au retour s d'un long voyage. Dans les premières » lueurs de mon être, j'ai senti les froi» des brumes de la mer, subi la bise du » matin, traversé l'âpre et mélancolique m insomnie du banc de quart. »

L'auteur de la Vie de Jésus vint au monde avant terme, si faible, que pen- dant deux mois on crut qu'il no vivrait pas. Gode, une vieille sorcière de village, -dit à sa mère qu'elle avait un moyen sûr pour savoir son sort. Elle prit une des petites chemises du chétif nourrisson, alla un matin à l'étang sacré et revint la face resplendissante. « Il veut vivre, il veutvivre cria-t-elle. A peine jetée sur Teau, la petite chemise s'est soulevée!» Aujourd'hui, cet être souffreteux et ifialingre est un homme sain et robuste •̃– à quelques rhumatismes près. En résistant a toutes les épreuves physiques de la vie et en accomplissantdo pénibles voyages dans des conditions souvent fatales aux plus solides constitutions, il a victorieusement démontré qu'il ne faut pas s'alarmer des débilités du bas âge. La redoutable colère des Océans, les pernicieuses exhalaisons des marais asiatiques et les mille menaces des atmosphères torrides n'ont rien pu sur son organisme protégé et défendu par un régime chaste et sobre.

̃̃̃ ̃•'•̃ .#*#

On sait que M. Renan a reçu tout d'abord une éducation religieuse et qu'il devait embrasser la carrière ecclésiastique. Il a eu pour maître à Saint-Sulfdee, l'abbé quifutplus tard Monseigneur Dupanloup et qui disait malicieusement de son élève « C'est l'enfant gâté de la maison». On sait aussi comment le jeune séminariste brûla ce qu'il avait adoré et agcoualejougdesespremièrescroyan,ces.

De làPerreurgë.nëEa'lement répandue que M* Renan est atftée". Non seulementM. Re- nan est qiviniste, mais iln'a jamais pu se défendre d'une certaine tendresse, sinon pour le. dogme, du moins pour les pompes qu'il à abandonnées. Il aime en artiste, en croyant, le silence et la majesté des églises. Il le confesse:

« Je me retrouvais moi-même, quand » j'avais revu mon haut clocher, la nef D aiguë, le cloître et les tombes du quin» zieme siècle qui y sont couchées; je » n'étais à l'aise que dans la compagnie » des morts, près de ces chevaliers, de » ces nobles dames, dormant d'un som» meil calme, avec leurs levrettes à leurs 1) pieds et leurs grands flambeaux de » pierre à la main. Au fond, je sens » que ma vie est toujours gouvernée par une foi que je n'ai plus. La-foi a » cela de particulier que, disparue, elle » agit encore. La grâce survit par l'ha» bitude au sentiment vivant qu'on en »a eu. On continue de faire maohinalc»ment ce qu'on faisait d'abord en es» prit et en vérité. Après qu'Orphée, » ayant perdu son idéal, eut éte mis » en pièces par les Ménades, sa lyre ne '•» savait toujours dire qu'Eurydice, Eu»rydice »

Parlant des miracles que lui racontaient des professeurs tonsurés, il ajoute « Dans la boucha de personnes en qui » j'avais une confiance absolue ces V saintes inepties prenaient une autorité t é » ouime saisissait jusqu'au fond demon »_ être. 'Maintenant, avec ma pauvre âme » déveloutée de cinquante ans, cette » impression dure encore. »

Je ne voudrais pas mêler un détail puéril à ces citations éloquentes, et pourtant il me faut consigner un trait caractéristique il y a dix ans encore,. M. Renan portait des bas noirs. Peut-être les porte-t-il encore à cette heure. Enfin, voulez-vous savoir comment le dissident envisage le célibat des prêtres? '••' « Mariez le prêtre, dit-il, et vous détruirez un des éléments les plus néces» saires, une des nuances les plus déli» cates de notre société. La femme pro» testera, car il y a une chose à laquelle le femme tjent encore plus qu'à être » aimée, c'est qu'on attache de Timporn tance à l'amour. On ne flatte jamais »plus la femme qu'en lui témoignant » qu'on la craint. L église, en, imposant » pour premier devoir à ses ministres la » chasteté, caresse la vanité féminine en » ce qu'elle a de plus intime. »

.̃̃#̃ ,•

J'ai déclaré plus haut que l'esprit de M. Renan est loin des tristes et décevantes négations qu'on lui suppose. Je reviens'sur ce point.

Les pages admirables ( impriméespour un cercle étroit de parents et d'amis) où il raconte la fin navrante de sa sœur bien aimée, compagne héroïque de ses luttes, de ses déplacements et de ses labeurs, se terminent par cette déclaration catégorique « Je vois maintenant avec évidence que toute la logique du système de l'Univers serait renversée, si de telles vies n'étaient que duperie et illusions De là à déclarer que la mort est le prologue d'une vie éternelle, il n'y a pas loin. Et si je ne craignais de déflorer la belle harangue que M. Renan va prononcer sous la coupole de l'Institut, j'imprimerais tout au long la dernière phrase de son discours celle où il dit aux sceptiques qu'ils sont peut-être attendus après leur mort, par la belle déception d'une vie future.

On aurait tort, épousant les illusions de la masse, d'accuser l'auteur des Apôtres de ne pas croire assez il est tout près de croire trop. J'entends par là que son idéalisme s'égare parfois eh des rêveries qui touchent aux -fictions du; paganisme. Dans ses récents DialogiiesphilosophiqueSfil noxisjH'êsentç, leplussérLeusementdumonde^unOly.mpe singulier composé de Douas (dieux), issus par sélection et formés d'une quintessence de la race humaine. Ces mortels, portés à l'immortalité par les progrès moraux et scientifiques, régiront le monde du haut d'une montagne du plateau central de l'Asie, et telle sera leur toute puissance magnétique que par l'effort combiné de leurs volontés, ils puniront les' méchants, récompenseront les bons et foudroieront au besoin les révoltés. 11 va sans dire que ces Dêvas ignoreront les amours terrestres et. leurs agréments. La perpétuation de l'espèce deviendra le « gros ouvrage » dévolu à la vile multitude. c

Ces théories étranges ne font-elles pas songer aux divagation? de quelque théologue levantin, ivre de hatchich ou affolé par une potion trop laudanisée? Un prélat éminent et spirituel qui suit M. Renan,de près, disait dernièrement au sujet de ces bizarreries':

Pourquoi va-t-il chercher si loin des Bons Dieux qu'il ne connaît pas, alors qu'il en a sous la main qui -ont-fait leurs prouves, et dont nul pas même lui n'a eu à se plaindre?

Mais c'est assez c'esttrop peut-être nous occuper du grand poète à ce point de vue spécial. Aussi bien on gagne la migraine à se pencher sur les abîmes que sa pensée se complaît à sonder. J'ai causé des mystères de la mort avec M. Renan ou pour être plus .exact je l'ai souvent entendu discourir sur ces mystères. La fin de l'entretien m'a, chaque fois, trouvé ni plus ni moins fixé que devant avec un mal de tête en plus.

Le bonhomme qui montre Notre-Dame aux étrangers invita un jour un de ses amis à souper sur la plus haute terrasse de la basilique. L'amphitryon mangea beaucoup, mais l'invité, pris de vertige, ne put avaler une bouchée. Il en est de même dans les discussions de cet ordre à ceux qui n'y sont pas accoutumés la tête tourne infailliblement.

M. Renan habite, 16, râé Saint-Guillauine, l'hôtel du célèbre Talon, qui fut président à mortier. La maison, qui date du dix-septième siècle, offre aux yeux l'apparence austère et la mette conservation d'us, vieux magistrat. Le coros de

iogisprincipaljbàti en rëtrait,n'à que deux Stages. C'est au second que poursuit sa saline et studieuse carrière le récipienliaire d'après demain. Jamais il ne m'a àté donné de pénétrer dans un intérieur plus simplement honnête et plus sincè- } rement courtois. M. Renan mène, là antre sa femme et ses enfants, uneexisr itence de patriarche. On sent qu^une, inaltérable 'affection, et une paix sans c auages groupent ces quatre êtres autour n ïu foyer commun. Ils échangent à tout '4 instant des regards-chargés de tendresse. 4 Leurs prunelles ont de ces éclairs qu'on surprend, dans les gares, aux yeux des parents qui se revoient après une longue absence, et il y a quelque chose d'avide Bt d'inassouvi dans l'amour qui dilate ces pupilles toujours en train de se chercher.

Lés murs, les tables, lès bibliothèques, les étagères racontent, par des épures, des pierres et dos surmoulages, les missions du maître qui; plusieurs fois, est allé recueillir en Syrie et enPhénicie les documents nécessaires à ses ouvrages philologiques.

Un souvenir à ce sujet.

Il y a quatorze ans environ, Prunaire, un graveur de mes amis, vint me voir dans mon petit logis de la rue Caumartin, et me présenta un garçon, jeune encore, mais déjà grisonnant. Son extérieur était absolument sympathique, sa .voix d'un timbre agréable, et sa; conversation trahissait une réelle bonne humeur; Pruriaîre. me confia que son compagnon, récemment arrivé d'Orient, avait l'intention d'écrire '"dans le Figaro ou dans l'Evénement. (Mes souvenirs ne sont pas précis sur lé titre). Le teint basané du jeune homme accusait les rudes baisers du soleil africain, et ses traits étaient allanguis et tirés, au point que je lui demandai s'il avait eu les fièvres. -Non, me répondit-il, j'ai toujours été maigre, et l'on me croit volontiers poitrinaire. Je fais exprès. Je ne m'en porte pas plus mal et ça intéresse les gens à ma personne.

Celui qui me parlait en ces termes était Edouard Lockroy. Il avait accompagné M. Renan, en Syrie, comme secrétaire, photographe et peintre de l'expédition. Lockroy débuta effectivement, dans le Figaro, quelques jours après, par un article dôsppfiant intitulé les Yeux de Verre. On sait le chemin qu'il fit, et comment, d'écrivain léger, il devint homme d'Etat. Nous devisions dernièrement de sa fortune, M. Renan et moi, et mon interlocuteur me disait

J'ai de la peine à me figurer Lockroy au Conseil municipal de Paris ou à la tribune de Versailles, lorsque je me le rappelle, nous égayant dans nos étapes au traversdes monts ardus et des ravins désolés; C'était le plus amusant compagnon de la caravane. Sa gaieté ne connaissait point de relâches. Aussi raffolait-on de lui dans le Liban. Les indigènes l'appelaient familièrement El Mousaouir (l'artiste), et riaient de ses farces, à déraciner les cèdres. Les femmes, surtout, ne lui cachaient pas leur sympathie, car il était complaisant au possible et il excellait dans l'art de se costumer. Je le verrai toute ma vie tel qu'il m'apparut un matin avec un turban jaune, un grand sabre pendu à ses cotés par une ficelle, et des babouches qui rendaient sa démarche incertaine. On lui eût prédit ce jour-là, qu'il serait député et qui sait ? ministre peut-être il aurait certainement cru à une plaisanterie.Quoi qu'il en soit, j'ai gardé d'Edouard Lockroy un souvenir excellent.

,r..

De son mariage avec Mlle Cornélie Schefter, nièce d'Ary Schefler, M. Renan a eu deux enfants. Mme Renan est fille du peintre Henri. Je l'ai connue jeune fille dans sa famille que la phthisie â cruellement décimée. Les fièns d'une étroite amitié m'unissaient à son frère Arnold, mortà Venise en 1871. C'était un des plus jolis cavaliers qui se puissent rêver. A l'extérieur d'un Apollôn il joignait un esprit facile et un caractère enjoué. Il me présenta à M. Renan dans une petite villa que son père possédait à Chaillefer, entre Lagny et Meaux. M. Renan n'avait pas encore remué lé monde chrétien, en reprenant après l'allemand Strauss, la these qui assigne au fils de Dieu le rang d'un grand prophète,– mais il méditait déjà la Vie de Jésus et avait parlé de ses projetsà son beau-frère, car en chassant, un matin, dans un bois voisin, Arnold me dit avec la forme ironique et légère propre à son langage.

Jésus-Christ n'a qu'à bien se tenir Renan lui prépare un abatage Je ne te dis que ça.

Le soir, à dîner, je considérai plus attentivement le mari de Mlle Scheller. « Eh quoi me disais-je, cet individu de petite taUle et de caractère timide, dont la voix est si douce et le geste si contenu, ce jeune savant à l'extérieur bourgeois, osera entreprendre un tel combat! » Je rêvais pour adversaire à Dieu un athlète mieux planté. Ma jeunesse et mon inexpérience m'autorisaient à ignorer que le cerveau d'un travailleur est un muscle auquel l'étude et la volonté donnent des audaces inattendues. J'ai maintes fois revu M. Renan depuis ce jour. Le succès, la notoriété, la gloire et les honneurs n'ont rien changé son allure effacée, pour ne pas dire ordinaire. J'ai toujours retrouvé en lui le « petit homme » de Chaillefer, qu'il soit le compagnon du prince Napoléon, l'ami de Georges Sand, ou l'académicien de la rue Saint-Guillaume. Ses idées en matière religieuse sont évidemmentfausses au point de vue du dogme chrétien, mais je pense que nul ne mérite plus que lui l'affection, la considération et l'admiration. M. Renan prouve, en tous cas, à ses détracteurs qu'une âme dévoyée peut rester estimable, et je ne saurais mieux finir qu'en citant la belle parole écrite par lui en tête de son étude sur M. deSacy.

« "L'honnêteté est la véritable ansto» cratie de nos jours; celle-là n'a pas » besoin d'être protégée, car, bien qu'on » essaye aussi dé la feindre, on ne réus» sit jamais à l'usurper. Adrien Marx.

Échos Jtè Paris

La Température. Le régime des vents d'entre Sud et Ouest continue; le temps va rester doux et le ciel pluvieux. Quelques orages sont possibles.

La limite des gelées était hier, reculée fort loin et passait à l';est de Stockholm, de Cracovie, etc. A Paris; le thermomètre a été beaucoup plus élevé que ces jours derniers il mar3uait, à sept heures du matin, 8 degrés audessus de zéro; à deux heures, 16 degrés à sept heures du soir, 1 3 degrés.

Monaco. Baromètre en hausse mer belle. Température minima: 9 degrés 4 dixièmes maxima: 14 degrés 5 dixièmes.

A TRAVERS PARIS

L'amélioration légère qui s'était pro- duite depuis deux jours dans l'état dé l'Infante Christine n'a pas duré. D'après les dernières dépêches reçues ce soir, le mal se serait aggravé.

C'est après-demain,ieudi, qu'aura lieu la réception solennelle de M. Renan à l'Académie française. On sait -qu'il succède à M. Claude Bernard, et que c'est M. Mézières qui est chargé de lui répondre.

M. Renan, encore souffrant de la goutte qui l'a retenu depuis plusieurs seiwjinesj a obtenu la faveur de ^lireson

diseurs assis. ̃ '̃•

Ce discours «sti dit-on, assez terne, et écrit dans une tonalité brumeuse et germanique où la pensée finit par devenir insaisissable. Plusieurs modifications ont été demandées par la commission académique à l'honorable récipiendaire, qui les a acceptées de la meilleure grâce. La réponse de M. Mézières est, dit-on, très brillante, semée de traits, et de nature obtenir un grand succès. Elle con: tient de formelles réserves au sujet des doctrines qui ont fait la réputation de M. Renan. ̃ ̃

Cette réponse, dit-on, commençait ainsi « Au sortir de Saint-Sulpice. « En entendant co début malicieux, la commission académique sourit, et un membre essaya de dire que peut-être il conviendrait de ménager davantage le récipiendiaire.

Non, non, interrompit avec douceur M. Renan, laissez la phrase je n'ai gardé de Saint-Sulpice que les meilleure souvenirs, et je ne vois aucun inconvénient à ce qu'on les rappelle.

M. Mézières a-t-il maintenu la phrase ? 2 Nous verrons.

Hier ont eu lieu à midi, à Saint-Germain- l'Auxerrois, les obsèques de M. Hériof, l'un des fondateurs des magasins du Louvre; l'afiluence de la foule qui s'était rendue à cette cérémonie était telle, qu'on peut la comparer à celle que nous avons vue aux enterrements de nos hommes politiques les plus considéra-

bles.

La porte cochère de la maison mortuaire avait été transformée en chapelle ardente. A midi précis, le cercueil a été placé sur un grand char attelé de quatre chevaux conduits en main par des piqueurs.

Le deuil était conduit par le frère du défunt, chef de bataillon, et M. Chauchard, suivis de près par deux mille employés, divisés par sections, et portant en tète du premier rang des couronnes et des bouquets de fleurs; puis venaient les invités, formant une foule considérable.

Sous la nef de l'église se dressait un immense catafalque, orné aux angles de quatre statues, et surmonté d'un baldaquin ses tentures, formées de quatre larges bandes de velours noir bordées d'hermine, venaient s'attacher, aux quatre murs de la nef. Le passage du milieu était bordé d'une double rangée de lampadaires d'argent les tentures portaient, alternés, l'écusson à l'initiale du défunt et des palmes.

Commencée à midi précis, la cérémonie ne s'est terminée qu'a deux heures puis le convoi s'est dirigé vers le" cimetière du Père-Lachaise, où il n'est arrivé qu'à quatre heures. Plus de cent mille personnes se tenaient sur le parcours. Le corps de M. Hériot a été placé dans un caveau provisoire, qui se trouve situé en face du monument de Casimir Périer.

Il n'a été prononcé aucun discours. Il serait impossible de citer tous les noms des personnes qui assistaient à la cérémonie; disons seulement que nous y avons remarqué MM. de Lesseps, Péreire, Dolfus-Kœchlin,Vanderheym, etc. MORT DE THOMAS COUTURE

ta peinture vient de faire une grande perte. Thomas Couture est mort, âgé de soixante-quatre ans seulement, dans son château de Villiers-le-Bel, où il s'était retiré depuis assez longtemps.

Peu de peintres ont obtenu un succès plus brillant que Couture, et il a exercé une influence très grande sur toute une partie de ses contemporains il a fait une école nombreuse, non-seulement en France, mais à l'étranger.

Son nom est inséparable des Romains de; la Décadence, tableau qui fut à son époque une note nouvelle dans l'art, et qui faisait augurer toute une série de grandes compositions.

Couture était élève de Gros bien que fils d'un fabricant de galoches et sorti des écoles communales, il obtint en 1837 le second grand prix de Rome, et à son retour d'Italie il exposa différents morceaux, notamment VEnfantpro- digue, qui lui valurent tout d'abord l'attention des artistes. La Soif de l'or, actuellement au musée de Toulouse, lui concilia définitivement les sympathies du public. Les Romains de la Décadence parurent en 1847. Nous n'avons pas à faire l'éloge de cette œuvre devenue tout à fait populaire. En 1855, il exposa le Fauconnier, qui est presque aussi connu, 'et résume, dans un cadre plus restreint,, toute la force de son talent. Depuis, à part ses beaux fusains de Georges Sand et de Béranger, et deux toiles officielles, le Reiow de Crimée et

le Baptême .du Prince Impérial, on a vu peu de chose de lui.

On est en droit de s'étonner qu'un artiste qui promettait tant, et qui travaillait beaucoup, ait si peu produit.C'est que Couture a passé une bonne partie de sa vie à défaire les oeuvres qu'il avait presque terminées. Le public qui va au Luxembourg ne s'aperçoit pas que dans les Romains de la Décadence bien des figures ne sont pas finies. Si Couture n'avait pas été limité par le temps et forcé d'envoyer au Salon, H est à supposer que cette œuvre aurait été bouleversée de fond en comble, comme les Volontaires de 92 que personne ne connaît que par de remarquables esquisses.

Il y a longtemps qu'on ne rencontrait plus Couture, dont la physionomie était bien connue à Paris on se le rappelle avec sa taille ramassée, ses épaules carrées, sa moustache en brosse et sa tournure où respirait un orgueil que son caractère ne venait pas démentir. Ses obsèques auront lieu demain à deux heures et demie du soir à la chapelle du cimetière du Père-Lachaise.

C'est demain qu'a lieu, au Palais-del'Industrie, l'élection du jury des BeauxArts. << i

Les sculpteurs sont assez calmes; mais les peintres sont fort agités. Il y a eu des r^upiqns'preparatpires, rue Cadet et rue

VivieriaéV '̃

Voici, parmi les. nombreuses listes qui circulent, une de celles qui semblent réunir le plus d'adhésions:

MM. Boulanger, Breton Busson, Delaunay Jules Dupré, Jules Lefebvre, Feyen-Perrin Guillaumet, Hanoteau, Henner, Humbert, J.-P. Laurens, Lavieille, Puvis de Chavannes, Vuillefroy. Les noms qui ensuite reviennent sur le plus grand nombre de listes sont ceux de MM. Bonnat, Bin, Vollon; Harpignies et Cot, l'auteur du Printemps. On remarquera qu'un certain nombre de ces noms paraissent pour la première fois sur la liste d'une formation de jury. Il est bien entendu que MM. Cabanel, Hébert et l'enseignement de l'Institut ne sont pas oubliés dans ce mouvement artistique, malgré ses tendances un peu indépendantes.

C'est Mlle Marie Oslermbyer, fille du président du tribunal de Rocroi (Ardenncs] qu'épouse prochainement notre confrère M. Emile Villemot, du Gaulois. Uue.douûle erreur typographique, que nous.nous empressons de rectifier, avait dénaturé hier le nom de la fiancée et celui de notre confrère.

Ajoutons que le mariage sera célèbre à Racroi le mercredi 16 avril.

La soirée musicale artistique donnée, dimanche, par notre confrère Pierre Véron, a été des plus réussies.

L'assistance était composée d'auteurs, directeurs, ambassadeurs, peintres, exministres, etc.

Parmi les morceaux les plus apprébite, du programme, citons le Duo d'Aï chanté par Mmes Krauss etRosine Bloch le Bilboquet, dit par Coquelin cadet, la Lettre de Toto, racontée par Mme Céline Chaumont, et le Duo de Don Pasquale, chanté par Mlle Krauss et Delle-Sedie. Ajoutons que Mlle3 Jeanne Samary, Emma Thursby (la Patti américaine), Tamberlick, le violoncelliste Servais et M. Paul Viardot, ont eu tous une bonne part du succès.

Réparons un oubli.

A propos du Conseil, par. M. Vallery.Radot, publié dans' notre dernier supplément littéraire, nous avons négligé dire que cette spirituelle fantaisie avait été débitée entre intimes, par la charmante Mlle Samary, du ThéâtreFrançais.

Passannante,en apprenant lagénéreuse commutation de sa peine, par le roi Humbert Ier, a eu un mot que M. Jaseph Prudhomme n'aurait pas désavoué. Le cœur qui bat dans la poitrine de la maison de Savoie ne pouvait pas faire autrement 1

Après tout, il y a des gens qui parlent et qui écrivent tout aussi mal, sans avoir l'excuse de la même émotion.

NOUVELLES A LA MAIN

Un carotteur de profession, terminant son petit boniment

Allons, mon cher X. un bon mouvement, et souviens-toi de cette belle parole de l'Evangile « Aidons-nous les uns les autres. »

Et comme le cher X. souriait d'un air ironique

Aurais-tu vécu jusqu'ici dans l'ignorance de ce divin préc3pte?poursuivit le crampon.

Oh! ce n'est pas que je l'ignore, répondit X. c'est que. c'est toujours toi qui es. « l'autre »

Une charmante jeune femme, très nerveuse, reçoit la visite amicale de son médecin.

Ah docteur fait-elle languissam- ment, je souffre beaucoup. le sommeil est très aeité, toujours des rêves 1 On peut rêver sans être souffrant, fait savamment observer le prince de la science.

Oui, reprend l'élégante malade, mais les rêves que j'ai sont d'une intensité eflrayanle, qui ne me laisse aucun repos. Ainsi, tenez, cette nuit, j'ai rêvé que je me mariais. Eh bien à part 1 eglise, la mairie, enfin la cérémonie que je n'ai pas vues, tout était d'une réalité absolue

Le docteur sourit t

Alors, madame, vous allez bientôt rêver que vous avez besoin de moi ?

A là Coilr d'assises Un avocat, chargé M.MH^ ces précoces jeunes gfôOxns qm défrayant

depuis quelque temps les chroniques judiciaires, essaye dé sauver son Gflent m le représentant comme le plus doux etle plus inoffensif des êtres, incapable même d'avoir pensé au crime qu'on lui im-

pute. ••'•

Tout à coup, le petit bonhomme, qui s'ennuie probablement, s'agite sur son banc avec des mouvements d'impa* tionce. j Le défenseur pâlit et crie aux gendar* mes.: ..< ;•• Ji Ne le lâchez pas, surtout! Lé Masque de fer. i'.>

Gazette de la Chambre

-̃' 'l ':t:[: Vârmars. '-°à

Le classement des çheminsde fer va toujours bien. On a discuté et voté: au-» jourd'hui depuis le "56 jusqu'au nttl3it c'est-à-dire soixante-quinze numéros, La Chambre a parcouru la moitié de la France en une seule séance. n'est plus de la discussion, c'est du télégra» phe. Partis sur la ligne, de. Châteaug >riant à Ancenis,.nous sommes arrivés à six heures dix sur l'embranchement ûy Puget-:Théniers, ̃ c

Encore, on serait allé plus ivite. sans le.à

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en travers de la 'voie. Comme samedi, chaque député a déposé son amende-' ment local, qui a été généralement re*, poussé. MM. Delafosse, Lorois. Thoine^ le laTurmelière, de la Basse tierer Ganivet Roy de Loulay, Gunéo d'Ornano Jolibois, Sarlande, Barbedette, René' Eschassériaux, Maréchal, Fréminet, Cor- nil, des Roys, Gent, Arthur Picard, ont tour à tour pris la parole et. plaidé la cause de certaines communes, plus oui moins oubliées dans la répartition de3 nouveaux chemins do fer.

Tout cela, au milieu d'une indifféJ rence générale. MM. Wilson et de Freyj cinet se sont multipliés pour répondre, à toutes les requêtes dont on les ;harco-< lait. A six heures et dix minutes, on a eni fin cessé de discuter et de voter. Il était temps. Nous devenions fou.

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Et pourtant, il y avait dans la Ghaixi'* bre un homme, un seul pour lequel le temps passait comme un éclair. C'était M. Laroche-Joubert. Sourd, aveugle à ce qui se passait autour de lui, l'œil inspire, le cheveu au vent, la barbe hirsute, la joue allumée, la lèvre palpitante, tout entier à la'muse qui lé tourmentait, M. Laroche-Joubert écrivait sur un papier nerveux, avec une plume fiévreuse, trempée dans une encre tumultueuse, M. Laroche-Joubert écrivait des lignes d'inégale longueur. Des vers, et pour qui ces vers? Pour une femme aimée? Non, M. Laroche-Joubert a franchi l'âge des passions. Pour qui ces vers? Pour nous,' pour nous, plumitif « un peu primitif! » Cesvers,nous les recevrons demain,parla poste. Car M. Laroche-Joubert l'a dit dans le tramway qui le conduisait à la Cham- bre « Ils. n'auront pas le dernier;, rira bien qui rira le dernier! Et cependant, Dieu sait si j'ai ri depuis deux jours. Je ne ris plus, depuis que je sais que Némésis anime Joubert et que le farouche député d'Angoulême m'a dévoué au fouet vengeur de sa muse virulente. Mon Dieu Jupiter Brahma Wichnou Comment vais-je vivre jusqu'à demain?. Un ami, auquel M. Laroche-Joubert a communique les premières laves de sa satire- incandescente a retenu quelques'distiques. En voici un. Il est terrible

Le jeune Millaud, Albert

̃ Ne connaît rien aux aflaires.

Jugez des autres. La moelle se fige dans mes os. mon sang se glace dans mes veines. Horrible/ horrible most horrible, comme dit Shakespeare. Albert Millanc/.

LETTEES PAKLE!ÏE\TAIRES

Versailles..

Jamais question n'aura passe par'des phases aussi diverses et par des, alternatives aussi opposées que celle du retour à Paris. La petite lueur dont je vous parlais l'autre soir a grandi depuis deux jours, et les partisans de Paris ne se gênent pas pour vous rire au nez quand on leur dit Lasciate ogni speranja. Le fait est que toute espérance n'est pas perdue.

Aujourd'hui même, à la Chambre des députés, il n'y avait qu'un mot sur toutes les lèvres « Le Sénat est en train de lâcher » Cela prouve que l'opinion va immédiatement aux extrêmes, car, assurément, on exagère, et le Sénat n'en est point là. Mais il est bien certain qu'il se manifeste un peu d'hésitation dans le centre gauche. Or, le centre gauche, c'est le vote final. Suivant que le centre gauche sénatorial se portera d'un côté ou de l'autre, le vote sera blanc ou noir, Paris ou Versailles l'emportera.

Il devait y avoir, à une heure, réunion des membres qui composent ce groupe, chez le comte Rampon. Au début, le comte Rampon était très animé contre Paris, mais, depuis, il a donné à entendre que sa résistance ne serait pas inébranlable. Aussi le Gouvernement se sert-il actuellement du comte Rampon pour catéchiser le centre gauche. Cet excellent homme est chargé en ce moment d'une mission grave, qui consiste à trouver un terrain de conciliation pour rétablir l'harmonie entre les pouvoirs publics. On commence à croire qu'il y réussira. **#

Le moyen indiqué depuis deux jours est la temporisation. Obtenir de la majorité du Sénat le vote de la proposition Peyrat, c'est-à-dire le retour à Paris, personne ne l'espère sérieusement mais l'ajournement, c'est-à-dire le renvoi de la discussion après les vacances, gagne du terrain. Comme c'est une échappatoire, le tempérament du centre gauche s'en accommode assez bien, et les ministres n'en demandent pas davantage. Le vote ajourné, cest le vote eban™. U Gouvernement se charge da<*