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Titre : Le Figaro. Supplément littéraire du dimanche

Éditeur : Le Figaro (Paris)

Date d'édition : 1880-09-05

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb343599097

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb343599097/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Description : 05 septembre 1880

Description : 1880/09/05.

Description : Note : absence de numérotation.

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k273903t

Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-246

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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Il y a des gens qui n'aiment pas la chasse, notre collaborateur Quatrelles, par exemple: il a bien tort, mais il se convertira, je l'espère, -et s'il est vrai qu'on n'apprécie sainement un art que lorsque l'on connaît le caractère, la 'distinction, les qualités de ceux qui s'y livrent, -je suis certain, qu'après avoir sïuleïnent nommé quelques-uns de nos chasseurs ••en renom, chasseurs à tir, chasseurs à courre, 1 j'aurai rendu partisan de ce noble exercice quelques-uns des ennemis de la chasse et démontré qu'il y a dans ce sport autre chose "qu'un plaisir ennuyeux, qu'un plaisir futile, qu'un plaisir de fanatiques.

̃' :̃> LES PRINCES D'ORLÉANS

Monseigneur le duc d'Aumale continue à Chantilly la tradition des Condé en tenant un équipage de cerf. Toujours très correct dans sa tenue, il a adopté la petite tenue de .la vénerie d'Orléans qui est blanc; la grande était rouge. Le prince aime beaucoup la chasse à#courre, ses chiens sont les plus vites de France, ses chevaux généralement achetés par son chef d'Ecurie, M. Coates, sont des modèles incomparables et l'ensemble du steed mérite d'être cité.

;"M. Quiclet, capitaine des chasses, comme on-le nomme, a bien voulu se charger, un peu par obligeance et beaucoup par amour de la chasse, de diriger l'équipage et de s'occuper des détails. Ancien veneur, M. Quiclet s'en acquitte on ne peut mieux.

Parmi les fidèles de la maison, nous citons comme cavaliers corrects et capables de suivre partout MM. Broleman, Odiot, un gentilhomme belge; le baron de Castaux, très âgé et encore intrépide, portant le frac rouge (ancienne coupe); M. Viellard, un habitant de Chantilly, qui se refuse à prendre une tenue de chasse quelconque et qui néanmoins suit à merveille hardi cavalier, il a souvent entre les jambes des bêtes que bien d'autres ne sauraient pas y conserver longtemps.•'̃,

Le vautrait de Mgt le prince de Joinville, composé de chiens anglais, compte les mêmes veneurs plus le « master » qui est le prince lui-même. Malgré le désavantage qti'il a, Monseigneur, un fanatique, suit à merveille, et souvent il est dans le vrai plus que des jeunes gens qui n'ont aucune excuse, eux. La forêt de Chantilly voit trop rarement aujourd'hui un des membres les plus sympathiques de la famille; nous voulons parler de Mgr le duc de Nemours. Toujours magnifiquement monté, de préférence sur des chevaux blancs, il suit en amateur, mais avec une grande science et beaucoup d'habileté.

(!;

Quand le colonel du 5e chasseurs, le duc de Chartres, peut s'absenter vingt quatre heures, c'est avec joie qu'il vient rejoindre son oncle, cherchant pendant toute la durée de la chasse, quelque obstacle ou endroit difficile qui lui rappelle le temps il galopait derrière les seurrey stàghounde.

L'écurie du prince est, du reste, une des mieux montées tant en chevaux de services qu'en chevaux de chasse.

LE VICOMTE DE TREDERN

M. le V19 de Tredern chasse dans la forêt d'Halatte, tard en saison; il courre le cerf; l'équipage est bon et vite.

M. de Tredern est froid, presque flegmatique, mais il ne risque pas une brisée douteuse d'ailleurs la forêt où il chasse est difficile, les renseignements manquent, et les chasseurs sont peu nombreux; MM. Marescot et Bouthilier sont ses fidèles. Le premier, très bon cavalier, est souvent un peu-trop occupé de ses chevaux.

M. LE MARÉCHAL DE MAC MAHON

M. le duc de Magenta; qui me connaît depuis longtemps et que j'ai eu l'honneur de voir faire les premières armes, s'est révélé vers 1830, dans la forêt de Rambouillet, comme excellent veneur et habile tireur. Cavalier intrépide, comme son frère du reste, qui était, lui, un écrivain distingué, on les voyait toujours les premiers à l'hallali de l'animal.

Aujourd'hui, M. de Mac Mahon s'adonne plus particulièrement à la chasse à tir, qu'il entend parfaitement et comme propriétaire et comme chasseur; il est généralement vêtu d'une jaquette militairement serré à la taille et coiffé d'un chapeau rond fort commode, mais qui ne sied guère à son visage. Peu lui importe il arpente les terrains, bat les buissons, tue et ne se préoccupe pas plus de la tenue que le général Chanzy, dont la blouse bleue et la casquette de toile sont connues de tous les paysans des Ardennes. Je me souviens qu'un joup-, à Compiègne, M. de Mac Mahon, qui n'était que colonel alors, avait éj,é invité à un tiré par les princes d'Orléans. Il pleuvait à verse, on attendait une éclaircie pour partir. M. de Mac Mahon vint à moi et me dit « J'arrive d'Afrique, il y a trois ans que je n'ai chassé si on me donnait à choisir entre gagner une bataille et assister à une belle chasse, ma foi,, si ce n'était mon honneur de soldat, je crois que je serais capable d'opter pour mon fusil. »

M. LE COMTE LE C0UTEULX DE CANTELEU

Je place à côté du maréchal le comte Lecouteulx de Canteleu; ils se connaissent, je suis certain qu'ils seront heureux de se retrouver ici, en fort bonne compagnie, du reste.

Le comte Lecouteulx est incontestablement le sportman le plus accompli et le plus convaincu que nous ayons en France. Un seul trait le fera connaître.

Une fois, que le régiment du comte Lecouteulx tenait garnison à Fontainebleau et que l'équipage chassait en l'absence des princes d'Orléans, il arriva que le jeune lieutenant était de service et conduisait à la promenade les chevaux de; son escadron. Le hasard fit

qu'un cerf vint à sauter devant lui. Il mit aussitôt pied à terre pour revoir de l'animal. En veneur consommé, il jugea par les allures et par les requêtes qu'il entendait sonner dans le lointain, que c'était bien le' Corps de meute dont il avait revu, mais qu'il s'était forlongé, ce qui avait produit le défaut que les veneurs essayaient de relever. De toute la force de ses poumons, il poussa un formidable tayaut qui fit accourir et les veneurs et les chiens qui reprirent aussitôt la voie. Et le comte Lecouteulx, cédant à la tentation, lâcha l'escadron et disparut casque en tète et sabre au côté dans les profondeurs de la futaie.

Le cerf fit une belle chasse et ne fut pris qu'à la nuit près de Melun, où tous les veneurs convinrent d'aller dîner.

En rentrant à Fontainebleau, il apprit que son colonel, pour calmer son ardeur, lui avait infligé huit jours d'arrêt.

M. le duc d'Orléans, qui rit beaucoup de l'escapade du jeune officier, intercéda auprès du colonel, qui naturellement fit grâce.

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M.MÉVf i

Je regrette fort que M. Grévy ne prenne pas pour modèle Barras, qui chassait à courre dans le parc de Grosbois comme François Ior, suivi de sa petite lande des dames. M. le président de la République et son héritière présomptive se contentent de chasser à tir on a pour eux peuplé de faipans, de lapins, de chevreuils et de liôvréfe l'ancien tiré royal de Marly quel mal verriez-vous à ce que M. le président ajoute à cela une petite meute, un bon petit équipage, bien dans la voie du cerf? Pour ma part, je n'y verrais aucun inconvénient. M. Grévy chassant un dix cors comme S. M. Louis XIV, -Ce serait un spectacle fort amusant.

Qui l'en empêche? La fanfare même de l'animal peut-être; elle s'appelle, en effet, la Royale l Bah! on la remplacerait par la Marseillaise.

Une autre considération s'oppose en outre à ce que M. le président de la République chasse à courre, c'est sa tenue; elle est fort simple et ferait un triste effet au milieu d'un brillant entourage. M. Grévy a l'habitude d'occir les perdreaux vêtu d'une sorte de vareuse flottante, à boutons de métal, et coiffé d'un vieux chapeau de paille légendaire dans tout le département du Jura. Monter à cheval dans cet accoutrement, c'est peut-être^ fort pittoresque mais évidemment fort peu correct.

LE MARQUIS DE L'AIGLE

En attendant les laisser-cou rre du palais do l'Elysée, j'espère bien que nous suivrons encore cette année dans les forêts de Compiègne, de l'Algue et d'Ourscainp les eh*sses admirables de M. le marquis de l'Aigle, dont le grand-père, je crois, a été arrêté par ordre de la Convention, juete au moment où il sonnait fanfare, la Royale, sur le dix cors qu'il venait de prendre. Je donne pour modèle, à tous les veneurs de France, les équipages du Francport, le vautrait et la meute pour cerf, parce qu'ils sont la tradition vivante des grands principes de Monseigneur le prince de Condé que M. le marquis met en pratique et conserve religieusement. Ses chasses sont très suivies. Je ne connais rien de plus élégant, de plus parfait que ces rendez-vous dans la belle forêt de Compiègne, où le noble et vénérable chef d'équipage, avec une courtoisie d'un autre temps, se montre aussi affable avec les cavaliers qu'aimable avec les dames qui assistent â ses brillants laisser-courre, aux côtés de M"10 la marquise de l'Aigle, qui suit toutes chasses en grande dame et en véritable connaisseur 1

LE COMTE GREFFULHE

Comme pendant de la vénerie du Francport et comme rival ami, je placerai sous les yeux du lecteur celle de Bois-Boudran des comtes Greffulhe, qui chassent dans Villeferinoy et les forêts environnantes. Son parent, le marquis de l'Aigle, ne chasse qu'avec des chiens anglais, des fox hounts; le vicomte Greffulhe, il y a deux ans, a pris le parti, que nous ne saurions trop approuver, de na chasser le cerf qu'avec des chiens français, qui font merveille, des bâtards vendéens, et de ne se servir de chiens anglais que pour la ,chasse du sanglier; c'est à mon sens la perfection. Le jeune vicomte Groffulhe, qui s'est formé à l'école de son oncle, le très regretté comte Henri Greffulhe, un des meilleurs veneurs de son temps, a faiteette année de nombreuses prises; c est le critérium le plus sûr de ce que nous sommes en droit d'attendre de l'avenir.

Les comtes Greffulhe sont aussi des amateurs de chasse à tir de premier ordre leur vaste domaine, au point de vue de la conservation et de la propagation du gibier, est admirablement administré on y tue annuellement de vingt à vingt-cinq mille pièces; un y brûle pour vingt mille francs de cartouches. LE DUC DE LA TRÉMOUILLE

A Rambouillet, M. le duc de la Trémouille chassait avec les chiens du duc d'Uzès dont la mort a suspendu, l'an passé, les prises. Généralement sur des chevaux pies, le duc se montre plein d'ardeur sous bois, et semble s'y amuser. Il était de cette société qui, l'année dernière avec M. Stern et d'autres, avait créé le Rallpe-Trtimteap. La chasse consistait à suivre un daim lâché dans les environs de Paris, Meudon, Saint-Cloud, le bois de Boulôgne et à faire le tour du lac avant de rentrer chez soi.

Comme il arrivait souvent que l'animal suivait les routes, bondissant à coté dés tramways, on avait imaginé ce titre de Rallye-Tramway qui indiquait bien la situation. Un jour, un daim se dirigeant vers la porte de l'octroi de Paris, les employés là fermèrent derrière la bête et demandèrent à ces messieurs le montant du droit avant de les laisser continuer leur course. Depuis lors, on a renoncé à un sport qui créait sans cesse ^des difficultés du même genre à ceux qui s'y

livraient.

LE BRACONNIER

Dans le courant du mois de septembre dernier, obligé de demeurer à Paris pour diver;es causes, dont la principale était l'impossibilité de faire autrement, la première personne que j'aperçus en entrant chez Bréban't fut un de mes amis, lequel, huit jours auparavant, était venu m'annoncer son prochain départ pour une villégiature prolongée.

Mon cher, m'avait-il dit, tu vois en moi un homme enchanté. Depuis longtemps, fati-

Rencontrer à Paris, un homme aussi convaincu de son bonheur, il y avait bien là de quoi être surpris.

Mon Dieu 1 que t'est-il donc arrivé ? 2 Il me raconta l'aventure suivante.

A peine installé dans sa petite maison, au milieu de plaines et de forêts plus giboyeuses las unes que les autres, mon ami s'était tenu ce langage

Dieu, qui est la sagesse même, à varié à l'infini les ressources nécessaires à l'alimentation de l'homme. Il fait éclore les petits pois eh avril, surgir les asperges en mai, verdir les haricots en juin, dorer les melons en juillet et en août. Comme il a pensé que douze mois entiers de viande de bœuf, de mouton et de veau deviendraient monotones, 'il a créé le gibier de poil et de plume, qui, à la condition d'être sagement ménagé, fournit uàp précieuse diversion. Bénissant donc là Providence je vais envoyer ma cuisinière me quérir un cadavre de lièvre ou de perdreaux que je payerai sans marchander, et qui jetteront daas mon ordinaire une douce variété.

La logique de ce raisonnement était irréprochable néanmoins deux heures plus tard a cuisinière rentrait essoufflée.

Monsieur, il n'y a rien, rien, rien. Comment, il n'y a rien? Pas de gibier? Rien du tout, monsieur.

Dans un pays de plaines et de bois? Quand, depuis mon arrivée,c'est du matin au soir comme un feu de peloton? Quand le journal local accuse, rien que pour la chasse de M. un Tel, deux mille pièces depuis l'ouverture ? Qu'est-ce que tout cela est devenu? On en a fait des cadeaux.

Comme dans Ruy-Blas voilà pour une partie, soit. Mais le reste ? R

Le reste est envoyé à la Halle,

A Paris?

Oui Monsieur.

Ainsi, à trente lieues de Paris, si je veux manger un faisan, il faut que j'aille le chercher à. la Halle ?

Non, il vous reste un autre moyen. Ici, la cuisinière baissa les yeux.

Quel moyen ? 9

Monsieur ne se fâchera pas. Je ne fais que répéter à Monsieur ce qu'on m'a dit la seule manière de manger du gibier ici, à moins de le chasser soi-même, ou d'avoir des amis qui vous en donnent, c'est de s'adresser. A qui?

Au braconnier.

Mon ami entra dans une colère bleue. Jamais 1 s'écria-t-il, jamais I

Comme Monsieur voudra: moi ça m'est égal je ne peux pas souffrir le gibier. Mais pour Monsieur qui en raffole, ce sera une grande privation Que servirai-je au diner de Monsieur? `?

Des côtelettes.

Il n'y en a plus: le boucher est fermé. < Une omelette alors, et que le diable emporte la vraie campagne 1

Le lendemain, mon ami se leva de bonne heure sa résolution était arrêtée.

Puisqu'il faut être chasseur pour avoir le droit de manger une caille, se dit-il, eh bien je deviendrai chasseur.

Trois jours après il était possesseur d'un permis de chasse parfaitement en règle* Mais toutàcoupuneidéeglaçason allégresse. Où chasser ?

Il se rendit,chez le maire.

Monsieur le maire, je désirerais savoir quelles plaines et quels bois sont octroyés à un modeste chasseur qui désire de temps en temps manger un civet.

Le maire prit un air grave

Connaissez-vous M. X. ? i

Pas le moins du monde.

Et M. Z.?

Je n'ai pas cet honneur.

En ce cas cher monsieur, rentrez chez vous. Toute la chasse a été louée par ces deux messieurs. Ils sont aimables et charmants. Si vous les connaissiez, ils s'empresseraient de vous autoriser à les suivre. Mais vous ne les connaissez pas. C'est un malheur.

Comment, vous ne voyez pas un petit bout de forêt, un petit coin de plaine ? Attendez donc.

Ah 1 vous me sauvez la vie.

A trois lieues d'ici.

Trois lieues?.

Trois petites lieues de !pays..M j'ai un bois et deux champs; seulement. Seulement ? 2

Je dois vous prévenir que bois et champs sont enclavés dans d'autres champs et dans d'autres bois qui ne m'appartiennent pas et qui sont loués.

Ce qui veut dire ? `t `

Que chez moi vous serez en règle. Mais que si on vous voit traverser, les champs qui ne m'appartiennent pas, un fusil sous le bras, vous risquez un'bon procès verbal. Mais pour arriver chez vous, pour gagner votre bois et votre champ, il faut bien que je traverse les terres des autres 1 Ça, c'est votre affaire.

Mon ami en eut assez. Vingt-quatre heures

DE L4 RtJE.

gué de la campagne factice, comme Bougival et Argenteuil, je rêvais la vraie campagne, au fond de vrais bois, avec de vrais paysans^ une petite maison sans prétention, où, sans avoir besoin de chasser (car tu sais que je n'ai jamais pratiqué cet exercice), je pourrais me gaver tout à mon aise de lièvres, perdreaux, bécasses, et autre gibier, pour lequel tu connais ma prédilection particulière. On vient de me trouver cela, et je pars.

après il disait adieu à la vraie campagne, et rentrait à Paris où il se faisait servir, sans remords, un faisan sans reproche.

Cette aventure, rigoureusement authentique, n'excuse pas le braconnier, mais elle l'explique. Elle traduit une des deux raisons principales qui font qu'en dépit de la vigilance des gardes, du zèle des sociétés de répression, le braconnage continue quand même à sévir avec le même entrain, on peut ajouter avec le même aplomb.

Le premier complice du braconnier, dans un rayon de trois lieues de l'endroit qu'il habite, c'est tout le monde: ce sont les gens qui, comme mon ami, ont la prétention de manger du gibier sans être chasseur. Le second complice du braconnier, c'est le grand restaurateur parisien. Cette révélation va peut-être me brouiller avec Brébant et ses collègues. Mais la vérité avant tout. Bien avant l'ouverture de la chasse, et longtemps après, on est toujours sûr de manger du gibier chez les grands restaurateurs parisiens, grâce aux braconniers. Comme on pourrait se faire réciproquement pincer, il existe un langage spécial,quelque chose comme une francmaçonnerie mystérieuse entre l'amateur et le restaurateur.

L'amateur entre, s'assied à une table, mande le chef de l'établissement et lui dit: Avez-vous des petites bêtes? (Traduction avez-vous des cailles, des becfigues, des'mauviettes, etc. ?)

Ou bien encore

Avez-vous des pigeons de garenne? °~ (Traduction avez-vous des perdrix, des perdreaux, des bécasses, etc. ?)

Le restaurateur cligné de l'œil en souriant, et quélques minutes plus tard l'amateur savoure le gibier défendu.

Avec ces deux complices, tout le monde d'abord, les grands restaurateurs ensuite, essayez dedétruire complètement le braconnier! Ale voir au repos, ce braconnier vous le prendriez la plupart du temps pour un bonhomme de paysan, incapable de brûler une amorce Son fusil est un vieux /lingot à baguettes, dans lequelle il met de toutes petites charge, afin que le coup produise le moins de bruit possible. Son chien est d'une espèce à part ce n'est ni le braque ni l'épagneul. C'est un horrible griffon, au poil hérissé, bête étrange, mâtinée d'une espèce locale quelconque, de plus, ordinairement aphone, ne faisant entendre, pour avertir son maître, qu'un léger glapissement analogue à celui du renard. Après son chien, les premiers, les meilleurs aides du braconnier, c'est sa' femme et son enfant. Car il est presque toujours marié. La femme fabrique les filets, l'enfant accompagne le père, fait le guet, grimpe aux arbres; c'est pour lui l'école du braconnage. La plupart du temps, ce trio se sent secrètement protégé, non pas seulement par l'intérêt de l'acheteur, mais encore par l'intérêt du chasseur novice ou maladroit. Pour ce chasseur le braconnier est un précieux guide, qui le conduit aux bons endroits, lui mâche en quelque sorte le succès. La femme et l'enfant servent de rabatteurs. Il se garderait bien, le bourgeois, de dénoncer ce braconnier qui le mène à la victoire.

Au ourd'hui le braconnage en France constitue une véritable société commerciale occulte. Cette société approvisionne les halles; elle a ses commis, ses livres, ses dividendes. Elle n'a pas seulement sa comptabilité; elle a ses archives on y trouve la biographie soigneusement cataloguée, de tous les gardes. Un tel est actif, vigilant. Celui-ci est un maladroit. Tel autre aime à boire. En dehors de cette société principale, il y a des sociétés particulières, de «secours mutuels » en quelque sorte, franc-maçonnerie du braconnage, toujours prête à aider un confrère, à lui prêter concours, ou rétribué ou même gratuit. Malheur au traître Jugé secrètement, sans être entendu, il serait mis hors la loi. Car le braconnage a ses lois et son honneur. Un dernier mot en donnera une idée. L'hiver dernier, je rencontrai à T. dans l'Oise, l'enfant d'un braconnier bien connu, un gamin de dix ans à peine, qui courait pieds nus, sans souci du froid. Je devinai la vérité en le voyant seul.

Où est ton père ? demandai-je.

A la prisoh de la ville, jusqu'à l'été prochain, répondit-il sans,baisser les yeux. Il s'est donc encore fait prendre. L'enfant se redressa fièrement

̃ Oh I monsieur, il n'aurait pas été pris s'il n'y avait pas eu traîtrise. Ils se sont mis deux gardes contre lui, et encore ils se sont cachés, et sont tombés dessus sans qu'il les ait vus venir. Ce n'est pas du jeu, ça, c'est pas la loi.

Qu'ajouter à cette interprétation de la loi par Un enfant de dix ans? Et qu'attendre de génératiçns élevées en guerre ouverte contre cette loi, et encouragées par la complicité de ceux-là mêmes qui auraient le plus d'intérêt à la faire respecter?

ADOLPHE Racqï.

LES

ENNEMIS DU BRACONNIER LE GENDARME

En août 18. ne précisons pas, cela me vieillirait trop, je tenais garnison à Courbevoie, site riant, riche, fécond et baigné par l'un des bras les plus accidentés de la Seine. A défaut d'autre gibier, les cailles y foisonnaient alors, cailles qu'il fallait tuer avant l'ouverture, ou n'espérer jamais tuer après. Déjà les gendarmes, ayant eu connaissance de petites expéditions matinales tentées par les officiers de la garnison, étaient sur leurs gardes; si bien qu'à peine engagé à la poursuite de quelques cailles, je me vis cerné de toutes parts.De deux choses l'une il fallait se rendre, ou passer le fleuve à la nage avec armes et bagages, ce que j'exécutai au grand ébahissement des bons gendarmes. Mais voilà que le brigadier, exaspéré de voir ainsi sa proie lui échapper, se déshabille de la tête aux pieds, et, bon nageur, traverse le fleuve à son tour. Comprenant le partie que je pouvais tirer de la situation, loin de fuir, j'attends le triton, à qui j'offre courtoisement la main pour l'aider à gravir la berge. Je vous tiens donc, me dit-il, se cramponant à moi.

Sans grande peine toutefois, répondisje. N'importe. Qu'avez-vous à me dire? Que je vous déclare procès-verbal. Vos insignes, où sont-ils?.

Mes insignes? balbutia le brigadier.

En pareil costume, ajoutai-je; costume qui, Soit dit entre nous,oiiense passablement la morale publique et ma pudeur individuelle, ce dont il sera fait mention au procès-verbal, le premier nu venu peut aussi bien se dire gendarme que vous. Difficulté d'ailleurs facile à lever; il suffit pour cela d'aller ensemble faire constater votre identité. Vous avez invoqué là loi, je la réclame à mon tour « Article 29. Le délinquant sera conduit à la « mairie dépendante du territoire sur lequel « il aura été arrêté. » Allons 1 point de résistance, soyons gentil; voilà mon mouchoir, costumez-vous en sauvage et rendons-nous au plus vite devant M. le maire de la commune de Colombes; une petite lieue et rien que deux villages peuplés de blanchisseuses à traverser. Allons! en route » Qui fut penaud.?. Ce fut le brigadier. LE GARDE CHAMPÊTRE

A nous deux garde champêtre, type naïf, rébus de la loi, apparais avec ton bras ou ta jambe en écharpe, ton visage rubicond et ton humeur obséquieuse

Quel concours te demanderai-je, humble et dernier agent du grand ordre social. alors que, drapé dans ta misère, tributaire de tous, devant à tous, hormis à tes proches (les proches ne prêtent jamais), tu en es réduit, sous peine de ne verbaliser contre personne, à ne verbaliser que contre les seuls membres de ta famille?

Quand le département, prenant la place des communes, se sera chargé de pourvoir un peu plus libéralement aux besoins "de ta vie, à cette altération phénoménale qui compromet ton indépendance, nous distrairons quelques heures de ton temps au profit du bien public.

D'ici là, trône au cabaret, soigne les pratiques, protège les pommiers de M. le maire, ramène au bercail ses bestiaux égarés, comble les ornières qui dégradent les chemins de ses héritages. Vis, pauvre hère, efforce-toi de vivre; c'est déjà une assez rude tâche, et si, durant la chaleur, tu t'endors à l'ombre de quelque treille ou sur le banc de quelque taverne. oh ne va pas rêver que tu lais ton devoir, crainte d'une courbature imaginaire qui te clouerait dans ton lit.

L'habitude de verbaliser que cet agent a contractée, vient de recevoir une nouvelle et bien excentrique consécration dans la personne d'un garde champêtre des environs de Paris. Nous publions ce curieux document. « L'an mil huitcent cinquante-sept, le vingttrois octobre, cinq heures de relevée « Moi, Jean F. garde champêtre de la commune de V. dûment assermenté « Constate qu'à l'heure susdite je vais me pendre avec une corde dans ma grange; et que ma mort s'ensuivra certainement, car telle est ma volonté. Cependant, et pour rendre hommage à la vérité, moi, garde champêtre sus-dit et soussigné, affirme' et constate que c'est ma coquine de femme qui est la cause que je me suicide elle m'accable de scènes, d'injures. « Disons que le présent procès-verbal sera transmis à M. le procureur impérial, pour qu'il y soit donné telle suite que de droit. « Et avons signé, en l'affirmant véritable. » Voilà ce qu'on peut appeler mourir dans l'exercice de ses fonctions.

LE GARDE PARTICULIER

Complétons l'esquisse biographique des agents commis à la surveillance de la pro-* priété par celle du garde particulier, L'importance de ce serviteur s'accroît des diverses fonctions qu'il cumule, d'ordinaire,à à la satisfaction du maître, dont il sait mériter ou usurper la confiance. Au dire des delà"teurs de bas étage, rivaux et jaloux, il prête bien quelque peu à la malignité. N'en croyons rien, mais surveillons-le toujours. Une seule fois, dans ma vie, j'ai guetté des traineurs de nuit, et qu'ai-je pris?. Mon propre garde en compagnie de son fils. Il ne braconnait ainsi, disait-il, que pour s'éviter des frais de poudre et du plomb; la charge était bonne 1. Néanmoins, ayant plus besoin de cet infidèle ordonnateur de mes plaisirs qu'il n'avait besoin de moi, j'ai gardé le coquin. Changer de serviteur, c'est s'exposer à tomber de Charybde en Scylla.

VôUS voulez chasser, c'est fort bien; co noble exercice est à la mode surtout depuis que le gibier disparait de notre "belle France. Si vous êtes un grand seigneur terrien dont l'habitation s'élève au milieu de vos possessions, entourées d'une clôture continue de murs ou de haies vives, vous pouvez, en tout temps et sans permis, par tous moyens et engins, de jour et de nuit, chasser à la barbe de l'autorité.

Mais non, vous êtes un simple mortel, et sans vous trouver dans aucune des deux catégories d'individus auxquels on peut ou on doit refuser le permis de chasse, vous êtes simplement, citoyen français, majeur, jouissant de vos droits civils et inscrit au rôle des contributions.

Vous avez en outre une excellente santé et j'admets que vous possédez le feu sacré. Ces deux conditions ne sont pas dans la loi, mais elles devraient y être.

Il vous faut d'abord verser 28 francs au percepteur, c'est pour rien Ne pas vous aviser de faire servir la quittance comme permis, il pourrait vous en cuire! mais l'annexer aussitôt à une feuille de papier timbré de 60 centimes, sur laquelle vous aurez rédigé votre demande que vous remettrez à M. le maire, en l'accompagnant de votre signalements

Au bout de trois jours, -que vouspasserez sans chasser, notez le bienr vous recevrez votre permis.

Il devra être représenté à toute réquisition des agents de l'autorité; de là l'obligation de l'emporter en chasse si vous voulez éviter des ennuis.

Si vous le perdez à travers les champs et les bois, et c'est facile, tant pis pour vous! 1 Nouveau coût.de 28 fr. 60 pour en reprendre un autre; la jurisprudence est for-.melle sur ce point, Mais est-ce quelaloi qui lui sert de base ne vous semble pas un peu, beaucoup même, boiteuse en cet endroit `1 Avec lepermis, valable pour un an, laloi,toujours celle de 1844, vous donne le droit de chasser, dans le temps où la chasse est ouverte, sur vos propres terres, et sur celles des autres, avec leur consentement, mais de jour seulement.

Et quand, chaque année, aux grands passages de septembre, vous peloterez des cailles au clair de la pleine lune, vous serez bol et bien en contravention. Mais chut! les-' 1 gendarmes et les gardes n'ont jamais lu ces deux mots.

̃'̃ te**

Trois moyens de chasse sont seuls déclarés licites le tir, le courre et celui des furets et bourses pour prendre les lapins. De plus, les préfets ont la faculté d'autorise divers modes en usage pour la chasse des oiseaux de passage autres que la caille, gibier indigène qui ne peut être chassé qu'au fusil; et pour varier vos plaisirs, suivant le pays, vous chasserez les palombes aux filets, les alouettes aux lacets, les ortolans aux matoles,

Quant aux chiens lévriers interdiction absolue, sauf leur emploi contre les animaux nuisibles, et par autorisation spéciale du Préfet.

Beaucoup croient que la loi interdit chasse en temps de neige c'est une erreur; la loi dit que les Préfets pourront prendre des arrêtés pour interdire la chasse en temps de neige; elle est donc permise en principe, sauf le cas d'un arrêté spécial pour la prohiber.

Et rappelez-vous que pour toutes ces chasses ordinaires ou exceptionnelles, comme pour chasser sur vos propres terres, même dans votre jardin, s'ils ne sont pas clos, il vous faut toujours le permis en poche. Mais peut-être n'avez-vous ni terres, ni amis qui en possèdent, ni assez de ressources pour louer une chasse.

Si, dans ce cas, vous n'êtes pas assez sage pour garder vos 28 fr. 60, il ne vous reste pour terrain de chasse que le domaine public, et ne le confondez pas, je vous prie, avec le domaine de l'État.

Vous pourrez donc chasser sur les routes nationales, vous y tuerez parfois un moineau ou un pinson sur un arbre, une pauvre alouette trottinant devant vous dans la poussière.

Vous pourrez, mais en barque seulement, chasser en tout temps, le gibier d'eau sur les rivières navigables ou flottables.

Enfin, ledomainepublic comprend (art. 518 du Code civil) les rivages, lais et relais de la mer.

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Ne vous fiez pas toutefois à cet article fallacieux les lais et relais de la mer, qui sont les portions de terrains qu'elle a insensiblement abandonnés, sont rangées par les juristes dans le domaine privé de VEtat; à preuve que souvent ce dernier les concède à des particuliers.

Vous n'avez donc que les rivages, les grèves de la mer, c'est-à-dire les terres qu'elle recouvre dans ses plus hautes marées et qu'elle découvre tour à tour; et les basses falaises que la mer atteint, mais pas les hantes, entendez-vous son flot ne peut monter. ̃̃.• V "'̃ ̃ -̃•̃.

Là vous chassereztoute l'année, vous respirerez un air libre, vous foulerez un sol libre et vierge; là, si vous êtes doublé d'artiste et de poète, vos jouissances de chasseur le seront aussi par les spectacles grandioses et sublimes que la mer seule sait montrer; mais ne vous oubliez pas; prenez garde à la marée montante, soyez attentif aux trous perfides, aux sables mouvants, aux fondrières imprévues. Tout n'est pas rose dans cette chasse sur les bancs; et c'est ici qu'il faut avoir plus que le feu sacré, • il faut être de ces enragés pour qui une journée sans chasser ne compte pas dans la vie.