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Titre : Le Figaro. Supplément littéraire du dimanche

Éditeur : Le Figaro (Paris)

Date d'édition : 1878-07-21

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb343599097

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb343599097/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Description : 21 juillet 1878

Description : 1878/07/21 (Numéro 29).

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k2737952

Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-246

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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tout à coup en présence d'un petit lac d'eau vive,qui s'était formé de lui-même, .après une nuit d'orage. Je souhaité la 'même surprise à tous les propriétaires La route se prolonge quelque temps, tout ombreuse et comme encaissée entre les arbres de ce grand parc et des coteaux couverts de vignes; puis elle s'ou- vre, près d'une carrière et la, se bifur- que. Ce chemin, sur la gauche, mène a Louveciennes, dont le-clocher, rival autrefois de celui de Bougival, n'appa- raît plus 1 à-bas que sous la forme d'un hideux pigeonnier. Quant à M'rqute de la Princesse, que nous avons suivie < jusqu'ici,et quittent son nom de laprin- ] cesse de Conti, dont nous verrons plus 'i haut la demeure, le mieux est delâsui* 1 vre tout droit jusqu'à Voisins, le bourg ̃ { jumeau de Louveciennes, car aussi bien < tout nous y invite D'un côte des vignes i en étages, de l'autre ce creux tout foi- sonnant en verdure; en face, des mai- 1 sonnettes perdues dans le feuillage. et, 1 couronnant le tout, les belles arcades de t l'aqueduc qui donnent à ce paysage un 1 frand air italien. En somme, la plus ̃< délicieuse arrivée de pays qu'on puisse i voir De quelque côté que vous tour- < niez les yeux, les lignes de terrain se ̃< raccordent par les ondulations les plus < douces, et avec les .plus heureux con- i trastes de lumière et de verdure. Partout t Fespace, l'air Vif, ces mille parfums 1 champêtres, ce grand silence, tout plein t de bruits confus. enfin je ne sais quoi, s qui résulte à la. fois de la liberté du ciel, i de la franchise du vent, du cri de l'oiseau, du gloussement des poules, du g marteau lointain sur Fenclume, du bour- 1 donnemènt -des enfants dans l'école, ou 1 de celui des abeilles dans la ruche. et c qui vous dit clairement « Voici le vil- £ lage! Tu peux entrer; ôte ton habit, si tu 1 as chaud. chante, si tu es gai! –Tu c n'offenseras ici personne! Chatou est q loin et ces petits tourbillons blancs, que 1 le vent soulève autour de toi, sur la c route ce n'est pas de la poudre de riz. c c'est de la vraie poussière x 1 Et, pour appuyer mon dire, la première d maison qui s'oflro, à nous, encadrée de beaux tilleuls centenaires et toute déco- 1 rée de glycine en festons, est celle j J Francis Wey, placée là comme pour faire ri accueil au nouveau venu, et l'inviter au v séjour, en lui vantant les douceurs de la .c simplicité champêtre. C'est un emblème s que cette demeure à la bonhomie nar- J quoise, c'est presque une leçon! Ces t grands arbres qui l'enveloppent appar- d tiennent au parc voisin, celui de la Du- u barry. Seule, le maison spirituelle et sage p en profite Ces arbres lui gardent le soleil ils l'abritent du froid. De sa fenêtre, î, le maître de cet aimable logis a vu fuir v tous ses opulents voisins, chassés qui par n l'ennui, qui par la ruine; lui, demeure c et sourit, et pense que ces beaux arbres é sont à lui seul, puisque c'est pour lui i seul qu'ils fleurissent r e r

y

Et maintenant tout ce qui va suivre r sur la droite est l'ancien domaine de la A Dubarry, ce pavillon de Louveciennes, d si fameux du dernier siècle Longez le mur d'enceinte, franchissez à droite le seuil de l'ancienne entrée? vous êtes à la p fois à la porte de son habitation et dans p l'enclos de la machine de Marly. A tra- jj vers la grille moderne qui donne accès p au pavillon, vous verrez encore le profil c du bâtiment, le grand bassin, quelques t beaux arbres, seuls restes du passé 1 Le- C doux, cet original qui prit si volontiers p l'excentricité pour du génie, et qui nous e a légué tant de tombeaux sous pré- c texte de petites maisons, Ledoux avait 1 construit l'habitation que Fragonard s et Lecomte ornèrent de leur mieux. 1 Et à tort ou à raison, toute la décora- t tion intérieure, jusqu'à la serrurerie, £ y passait pour chef-d'œuvre. C'est du 1 moins ce que m'affirmaient les anciens i\ du pays, ces mêmes anciens, qui se sou- i viennent d'avoir vu la comtesse sur son l perron, agaçant deux singes blancs qui sautaient après son .mouchoir et der- 1 rière elle, cetautre vilain singe de Za- 1 more, souriant aux ébats de ses colle- gués. Sur la charité et la bienfaisance 1 de Pancienne dame, ces mêmes vieux ne ( tarissaient pas. Et pourtant la pauvre t Dubarry ne trouva pas, dans la popula- i tion de Louveciennes, un seul défenseur, le jour où une première perquisition 1 chez elle amena la découverte du che- i valier de Maussabré, caché dans l'armoire i au linge Même indifférence quand cet 1 affreux coquin de Grèves lui présenta, à i sa grille la tête de M. de Brissac, mas- I sacré à Versailles. ou, flanqué de Za- c more, vint l'arrêter pour l'expédier au 1 tribunal révolutionnaire. « bien que i ses cris au départ, me disait le doyen de < l'endroit, fussent pour attendrir les cail- < loux'du chemin! » Ces cris rappellent tout de suite ceux de Féchafaud, qu'on lui a tant reprochés. Mais là-dessus il faut s'entendre. Elle avait bien sujet de crier, et très fort, si on lui avait promis la vie sauve, comme il le semble, à la condition qu'elle révélerait toutes ses cachettes à bijoux. Le « Encore un moment, monsieur le bour- reau » s'explique de soi-même, chez « une femme qui se croit exécutée par erreur Et enfin, quand elle aurait eu peur! J'aime bien cet héroïsme de la part de gens qui, du coin de leur feu disent dédaigneusement « Comment elle crie ? Eh bien, oui, elle crie De bijoux, d'argenterie, de trésors de toute sorte! ce parc en était farci! Ghaque pied d'arbre avait son magot. La liste est curieuse. Elle tient quatre ou cinq pages pleines On vint fouiller lesjar.dins on fit main basse chez tous les gens du pays signalés comme ayant leur dépôt; mais la Dubarry pourrait bien, dans son' trouble n'avoir pas donné la liste complète; et J'un des futurs possesseurs de l'endroit découvrirait quelque trésor, en déracinant un arbre, que je n'en serais pas surpris..

Qu'après cela le citoyen Grèves ait joui en paix du prix de ses forfaits il y a forte apparence, car c'est l'usage J Pour Zamore, sur la fin de sa vie, il se promenait au Palais-Royal, bras dessus, bras dessous, avec Chodruc-Duclos Un châtiment. mais insuffisant Tout en philosophant, nous voici a une nouvelle grille d'entrée, à ^travers laquelle nous apercevons, à la fois, un bassin et un petit pavillon à colonnettes, qui n'est à peu près que la réduction du érànd. -CWt une sorte de salle de musique que la Dubarry s'était fait construire dans une situation merveilleuse. Ici le tableau est admirable, et sans franchir la grille de Mme Dienckz, qui occupe ce pavillon, dont on a fait une propriété particulière depuis Laffitte, autrefois possesseur du tout, il vous suffira de faire trois pas, entre ces deux haies qui descendent à la rivière, pour jouir 2e la plus belle vue peut-être de tous les «avirons de Paris.

Là, en effet, le terrain s'abaisse à pic,

comme à Bougival, mais dans des conditions plus heureuses. La Seine, venue de Chatou par une jolie courbe, que e domine au fond le mont Valérien, disparaît, par un détour non moins gracieux, dans la direction du Pecq où le vieux château de Saint-Germain fa couronne. Dans la plaine, ce ne sont que villages, avec la grande tache verte du Vésinet,quinefaitici que l'effet d'un vaste jardin. Voici Argenteuil Saint-Denis, Sartrouville, Herblay, Cormeilles Vingt clochers! Et plus près Chatou, Croissy% qui grandit chaque jour, et lés îles récemment découvertes et colonisées par les canotiers de la Seine. Sur le conti*nentj au bord de la rivière, cette maison Manche à vérandah est celle d'Emile Augier. Çà et sur les rives, j'en citerais d'autres intéressantes, quoique moins illustres, mais le dénombrement serait sans fin. A gauche, le grand et le petit Prunay, en pleine verdure. Très beau tableau au soleil couchant; mais qui, à toute heure de jour, vaut la promenade. Le sentier même, qui de cette hauteur vous conduit à la Seine, semble fait à souhait pour le plaisir _des yeuas. Entre deux haies d'épines blanches et de chèvrefeuilles, il serpente et descend jusqu'à des maisonnettes perdues, comme des nids d'oiseaux, dans le feuillage. Des toits rustiques'apparaissent tout à. coup, là' on les attendait le moins. sous vos pieds: et, par des ponts volants jetés sur le chemin, donnent accès à des greniers où il faut descendre

Là-dessous, des petits jardins factices, sur des terrassements bizarres des arbres fruitiers, des fleurs et des tonnelles. Toute une végétation vigoureuse de volubilis, de houblon, de clematites, grimpant, escaladant les toits, les rampes, les palis; s?arrondissant en berceau ou se balançant en grappes odorantes qui embaument le sentier et le parent de là façon la plus exquise A trois pas de là, une petite source tapageuse, venue de Prunay, bondit parmi les folles herbes et s'en va, fraîche et limpide, jaillir dans la rivière

Cette vive allure vous donne envie de l'imiter et de dégringoler, comme elle jusqu'à la Seine, par ce payé gras et moussu. N'en faites* rien. à moins que vous ne soyez gourmand du cresson qui croît, plus as, au bord de ce, joli ruisseau. Je vous le donne pour exquis! J'en ai volé et je vous conseille d'en faire autant. Mais gardez-vous desgens de la machine, qui veillent sur lui avec un soin jaloux! A quatre heures, la place est vide; c'est le bon moment Toutefois, je ne vous cache pas qu'il faudra remonter, chose dure. et qu'une visite à la Machine est un dedonamagement médiocre à tant de peine. Non que cette Machine n'ait son attrait, à certains égards, et qu'il ne faille la voir une bonne fois. quand ce ne serait que pour ne plus y revenir mais j'aime mieux vous retrouver assis au pied des remparts de la Dubarry, et vous rappeler que Marly est encore loin, et que le soleil est déjà au milieu de sa course.

Donc, un dernier coup d'œil à ce petit pavillon où madame Lebrun, faisant le portrait de la Dubarry; par une chaude journée de juillet s'interrompit pour prêter l'oreille. «Mais c'est le canon, comtesse! Croyez-vous? dit la Dubarry. Je vous assure. écoutez »–On écoute. C'était en effet le canon qui prenait la Bastille. Madame Lebrun, eftrayée, ramasse tous ses pinceaux et court à Paris voir où en est M. de Calonne. Le portrait reste là inachevé, sauf la tête, qui est à point. Mais, voyez le sort! Ce portrait est acheté plus tard par la Russie on l'embarque pour Saint-Pétersbourg. Il arrive, on déballe. Les rats du navire ont dévoré le visage. Le destin en voulait décidément à cette jolie tête! Je ne la défends plus. Passons!

En remontant, vous pourrez admirer lés énormes tuyaux qui de la Machine proprement'dite, portent l'eau de la rivière jusqu'aux aqueducs ils méritent l'examen. Il n'y a pas bien longtemps que de beaux peupliers ombrageaient tout ce territoire, autrefois dit des GrandsChevalets; on vient de les abattre. Nous rentrons au village quelques pas dans une petite rue ou les maisonnettes se tapissent de rosiers grimpants un détour à droite, et nous voici devant la grille du château de Voisins. Du vieux logis bâti par Cavoye et agrandi par Louis XIV plus rien Le comte Hoc- quart y a substitué cette grande maison blanche soi-disant à l'italienne. Des vieux jardins à la française, des terrasses, des parterres, des boulingrins et des quinconces plus rien! qu'un magnifique rond de marronniers. Et toutefois, dans ces belles prairies et sous ces massifs de lilas, le souvenir-d'André Chénier est toujours présent: c'est là qu'il venait à pied de Versailles, par les bois de Roc-/ quencourt et de Louveciennes, aux plus mauvais jours de la Terreur, demander quelques consolations à l'amitié de madame Pouràt, et au sentiment plus tendre que lui inspirait celle qu'il a célé'brée sous le nom de Fanny

Sur ce gazon assise et dominant la plaine, Des méandres de Seine,

Rêveuse, elle suivait les obliques détoursl. Victorien Sardon.

3L.YOÏV

lot Ville ouvrière

Le jour est venu. Lyon s'éveille. La grande fourmilière s'agite.

De toutes les rues voisines, des hommes sortent à pas pressés. N'ayez crainte. Malgré l'heure matinale, ces personnages estompés par les premiers reflets de l'aube, n'ont aucun caractère mystérieux. L'aurore ne les arrache pas à quelque sabbat fantastique mais bien aux douceurs du lit et du foi- niente. k

Si vous êtes physionomiste, tâchez de reconnaître les types des diverses catégories que je vais vous indiquer. D'abord, en petit nombre, les patrons des grandes maisons de soierie.

Ceux-là sont calmes, solennels. Le patron qui se lève à cinq heures du matin ne peut être précisément un flâneur. C'est un bûcheur réel qui'ne se fie à per- sonne et ne croit qu'en lui-même. Sans doute, penserez-vous, il a sa fortune à faire, et non faite. Erreur Il a le feu sacré du négoce, il l'aura toute sa vie de plus, dans ce travail de soie, il y a une sorte de fièvre artistique qui, chez "beaucoup, devient passion. J'ai souvent rencontré, montant à petits pas pressés la rue du Griffon, un des hommes dont la signature vaut plusieurs millions. Cher Monsieur, me disait-il en ôtant

son chapeau pour laisser passer dans ses cheveux blancs -le souffle frais du matin. vous ne comprendrez jamais ce que c'est que notre métier, ainsi que vous désignez presque dédaigneusement nos occupations. Voyez-vous, il faut être né, avoir vécu là-dedans. Quand j'avais quinze ans, je faisais déjà ma pratique. «– Qu'est-ce que la pratique ? C'est notre stage, à nous. Chez tout

bon négociant, il y a l'ouvrier, le tisseur,

le, canut si vous voulez, quoique maintenant, je ne sais trop pourquoi, ce mot soit pris en mauvaise part parceuxmêmes qui y ont droit. Oui, droit! je maintiens le mot. Je suis canut de naissance, d'éducation, de volonté. et à quinze ans, j'étais apprenti, je travaillais mes dix à douze heures par jour. Pourtant mon père était millionnaire; mais il avait la passion de la soie, et il voulait que je l'eusse à -mon tour. Interrogez les tisseurs ils sont amoureux de,leur Jacquard et caressent la navette comme si c'était la main potelée d'une femme. Quand j'ai su tisser mécaniquement, alors mon père m'a envoyé chez un maître apprendre la théorie. Les bons maîtres ne sont pas nombreux, et la soie est unelsis qui ne livre pas ses mystères aux profanes. Quandjè faisais ma théorie, j'avais des éblouissements je rêvais des ensoleillements d'or, d'argent, d'inetlables nuances se fondant en un prisme radieux. C'est notre poésie de jeunesse, à nous autres. Vous devez avoir fait de mauvais vers à quinze ans. Mais avouez qu'en les écrivant vous vous sentiez bien heureux.

Et maintenant, lui demandai-je, pourquoi ne pas vous reposer?

Me reposer Mais croyez-vous que ce soit une fatigue pour moi que cette course matinale ? Voilà trente ans que je la fais, et je crois n'y avoir pas manqué huit jours. Quand ma femme était sur le point d'accoucher, je lui disais « Tu sais que la nouvelle armure sera essayée demain matin. » Elle m'a compris l'enfant est né à trois heures du matin; à cinq heures et demie j'étais chez l'ouvrier, et je vérifiais le travail de cette armure qui m'a valu plus de deux cent mille francs de bénéfices. On appelle armure (je dois cette explication a mes lecteurs) le carton percé de trous dont la disposition forme les dessins, les originaux.

Et ainsi, depuis trente ans, mon interlocuteur allait chaque matin dans plus de vingt maisons surveiller les métiers, activer le travail, vérifier l'ouvrage en cours, donner des conseils, rectifier une disposition mal prise. Mais aussi c'était pour lui une véritable joie quand la Ppn^ sée du desinateur qui avait travaille' sous sa direction rendait au métier. C'était un orgueil d'artiste, et cette jouissance lui tenait lieu de toute autre. Mais tous les chefs de maison ne sont pas tels le plus souvent ce sont les intéressés qui montent à la Croix-Rousse pour cette inspection quotidienne. Ceux-là sont plus hâtifs, plus inquiets Aussi, malgré eux, sont-ils généralement moins bienveillants avec l'ouvrier, plus brusques dans leurs rectifications, plus absolus dans leurs allures.

Nous voici chez l'ouvrier, chez le tisseur.

Le métier est installé en face de la fenêtre d'où la vue plonge sur le Lyon d'en bas. Rien de net, de propre comme le métier: le tisseur lui sacrifie tout, c'est sa vie, t'est son compagnon il veille sur lui avec une infatigable attention.

On ne voit pas à Lyon de ces grands bâtiments dont l'ouvrier n'est en quelque sorte qu'un rouage mécanique. La cloche n'appelle pas le tisseur à son métier chaque ouvrier.travaille àson heure et au gré de sa propre volonté. Il reçoit directement du fabricant et la matière à employer et le dessin à exécuter. Ainsi habitué à débattre lui-même ses intérêts, l'ouvrier lyonnais jouit d'une indépendance morale dont aucune ville manufacturière ne saurait donner une idée. Le travail lui est confié, l'exécution reste à son libre arbitre.

L'industriel et le producteur, traitant de gré à gré, sont donc sur le pied d'une égalité parfaite. Tandis que les négociants ou fabricants s'occupent de connaître promptement et sûrement la variation du prix des soies, de leur côté les Ouvriers, isolés d'abord par la nature même de leur travail, se sont associés plus intimement pour ne pas prendre à plus bas prix que les autres une façon dont quelques-uns pourraient demander un moindre salaire.

Lorsque l'activité du commerce, la multiplicité des commandes, le prix des soies, le défaut de concurrence à l'étran- ger ou d'autres causes favorables à l'in- dustrie, permettent aux fabricants d'éle- ver le prix des façons en raison de l'augmentation progressive des denrées ou des besoins, l'ouvrier lyonnais, laborieux et satisfait de la rémunération de son travail, reste en parfaite intelligence avec eux.

Peu à peu, du fruit de ses 'épargnes, il achète un ou deux métiers et, de simple ouvrier, devient propriétaire. Plus tard, il augmente le nombre de ses métiers, jusqu'à ce qu'il devienne fabricant à son tour.

De neuf à onze heures, les -employés se rendent à leur bureau. Le pont Morand est encombré d'allants et venants, je crois qu'il est peu de routes qui soient aussi fréquentées, en quelque ville que ce soit. Certains Lyonnais traversent le pont Morand huit ou dix fois par jour, le matin pour venir de leur domicile des Brotteaux, à midi aller et retour pour le repas et souvent ils rentrent deux ou trois fois dans la soirée. Jugez de cette animation

L'employé entre dans les magasins et jette ce simple mot: Moi! qui vient frapper l'oreille du patron on de l'intéresé. Le magasin est divisé en deux parties distinctes et à personnel complétement divers.

Dans la première partie, vaste, bien éclairée, ce ne sont que sourires gracieux, paroles aimables. On vend. C'est là qu'on reçoit les acheteurs venant des quatre coins du monde.

L'Anglais, l'Américain l'Allemand l'Australien, le Russe se coudoient. On les voit penchés sur l'étoffe que déroulé à demi le vendeur avec une pose élégante. L'acheteur courbé, la loupe à la main, compte les fils, étudie l'effet de près, de loin, au jour, à la lumière. Puis les commandes se soldent par 200, 500, 1 000 mètres. Sourires, sourires sur sourires.

Mais passons de l'autre côté. Là tout i ^st sombre c'est par derrière une cour laisse à peinefiltrerun rayon de lumière dans l'obscurité. C'est là que l'ouvrier t rapporte ses pièces.

I Pour descendre de la Croix Rousse, il s'est installé dans le chemin de fer qui roule comme une avalanche jusqu'au quartier Saint-Clair. Pas de locomotive, un câble qui retient les véhicules, ou les hisse à la montée.

Cela s'appelle la Ficelle. On paie 20 centimes en premières, 10 centimes en secondes. L'ouvrier se hâte vers le magasin. Il va toucher son salaire.

Voyez ce guichet devant lequel se presse une foule d'hommes de femmes^ d'enfants. Derrière ce guichet se trouve un personnage rogue, dur, en casquette, qui émaille son langage d'exclamations peu parlementaires.

Il reçoit. L'ouvrier lui passe son rouleau d'étoffe, et ledit personnage l'examine soigneusement. Son rôle est de découvrir les crapauds, c'est-à-dire les défauts, les fils brisés, les taches..

Et à chaque découverte, c'est un mot tombant sec comme le marteau du commissaire-priseur.

Dix sous. Cinq sous. Un franc Ce qui veut dire réduction de. L'ouvrier proteste, discute. Ah bien oui! le receveur n'écoute ni n'entend et continue sa litanie monotone. La déduction monte à quelques francs. L'ouvrier veut transiger. Point. Assez. A un autre Est-ce que j'ai le temps d'ejitendre vos doléances I.

Dans tin autre coin, vous trouverez les dévideuses qui viennent chercher leurs balles'de roquets.

Mais midi sonne heure du déjeuner. Les patrons vont chez eux, les intéressés, les principaux commis courent au café Forni, place' delà Comédie, au café Casati, ou des Deux-Mondes, rue de Lyon.

Là, tout on déjeunant, on brasse des affaires.

L'acheteur étranger est l'objet de toutes les politesses imaginables, et je vous jure qu'il trouve l'hospitalité large et facile. Il est vrai que, la fourchette à la main, les commandes sont si aisées. La place de la Comédie est encombrée de groupes c'est la petite Bourse. Chacun raconte, les nouvelles, discute les prix, médit' des maisons rivales. S'il pleut, on va continuer sous les arcades l'entretien commencé..

A cinq heures, les patrons-tisseùrs viennent à leur tour, place de la Comédie, discuter les questions de tarifs, s'entendre sur les contestations soulevées. De six à neuf, les magasins se ferment, sauf, bien entendu, pendant les jours d'inventaire.

Le Lyon travailleur a fini sa tâche. Seules quelques lumières brillent encore aux fenêtres de la Croix-Rdusse, et le bruit lointain des métiers descend encore vers le fleuve.

Jules Lermina.

MARSEILLE

Une Rue du vieux Marseille La rue Mayousse est tout au plus large comme la main. Elle dégringole du haut de Saint-Laurent jusqu'au quai du VieuxPort, dans un désordre charmant, qui laisse deviner de véritables surprises. C'est une rue tortueuse, abrupte, extravagante, comme nous les aimons, plutôt faite pour les chèvres que pour les hommes, et dont les maisons baignées d'ombres semblent s'appuyer nonchalamment les unes sur les autres pour mieux voir les barques des pêcheurs le long du quai et les poissons luire dans les corbeilles d'osier. Et si l'on gravit l'escalier de cette petite rue provençale, toute parfumée de l'odeur de la mer, quelle amusante perspective, quelle turbulence de détails,, quel joyeux fouillis, quel précieux ragoût pour un coloriste C'est vraiment une bonnefortune que de pas-* ser le long de ces vieilles maisons culottées, noires, gercées, portant fièrement leurs rides héréditaires, et dont les fenêtres toujours ouvertes laissent pendre des bouts de filets, des linges de lessive et toutes sortes de guenilles pittores-^ques. Parfois, des petits pans de ciel bleu qui se montrent entre les toits tombent mille paillettes de lumière qui vont s'accrocher aux moindres saillies, illuminer les plus vieilles enseignes, les auvents les plus crasseux, les morceaux de façade les plus encroûtés et donner ainsi je ne sais quel air de fête et de belle humeur à ce dernier asile des purs Marseillais.

Nous ne savons rien également de plus gai et qui présente une plus piquante originalité que ce fond de petite rue où, à côté d'un escalier en ruine, s'allonge un lavoir aux pierres disjointes que domine une grande niche vide et qui ne cesse d'entendre, du matin au soir, le joyeux bourdonnement et les éclats de rire de nos jeunes sanjanenques. Il n'est pas enfin jusqu'à ces vieilles madones, grossièrement coloriées et placées aux angles des maisons, qui ne nous ramènent en pleine tradition et en pleine couleur locale. Tout est profondément marseillais, en effet, dans la rue Mayousse. Son nom lui-même lui vient d'une famille de patrons pêcheurs. En 1611 Antoine Mayousse, disent les vieilles chartes, était l'un des prud'hommes de sa communauté. Et depuis cette époque la petite rue, loin de renier son oritine, a su demeurer en pleine possession 'elle-même et rester fidèle au culte du passé. On chercherait vainement à l'heure qu'il est il faut le confesser un quartier où l'on pût retrouver avec autant de netteté les mœurs, la langue et le costume du temps. Il n'y a qu'à jeter, d'ailleurs, un simple coup d'œil sur le petit monde de mariniers, de pêcheurs, de bateliers, de marchandes de poissons qui monte et descend sans cesse entre les maisons de cette ruelle escarpée,pour s'en convaincre aisément. Ces pêcheurs, brunis, hâlés, bien connus des calanques de Saint-Estèves et du Pitoulier, on continue à les rencontrer, le tuyau de pipe au coin de la bouche, avec leur vêtement en drap d'Azai, leur bonnet couleur de tabac râpé, penché sur l'oreille ou le plus souvent planté droit sur la tête, la taïole rouge autour des reins et leurs longs bas de laine noire perdus dans des sabots. Ils ont conservé le costume classique et l'ont préservé de toute altération.

Les naturelles de la rue Mayousse se sont bien gardées également de sacrifier au goût et aux exigences du jour. Rien d'éclectique ni de compliqué dans leur toilette. Elles sont toujours là, sur le pas t des portes, à leurs fenêtres ou le long du r quai, portant la casaque d'indienne, le 3 coutilloim desparia et la coifïe de mousr seline négligemment posée au sommet de la tête et les brides pendant le long

des joues. C'est parmi elles encore que l'on retrouve la beauté et la finesse de la race qui a eu de si grandes affinités avec la race grecque. Combien de fois, arrêté devant le lavoirien ruine dontnousavons parlé, il nous a semblé voir revivre le beau type ionien chez ces jeunes filles pleines de santé et de grâce, dont la vigueur s'allie si hienà la finesse! Ce n'est pas sur le pavé montueux de la petite rue Mayousse que l'on rencontrerait ces corps grêles, menus, énervés, qui font Êlu| loin l'admiration de nos galantins. La vie provençale est-là, encore aujourd'hui, dans toute son exubérance et sa jeunesse.

La rue Mayousse n-'a point non plus, à l'exemple de certains coins de la vieille ville, fait table rase de sa langue et de ses habitudes. Vers les cinq et sixheures du soir, quand les barques reviennent de Sormiou, de Niolon ou du Podestat, que les'pêcheurs traînent leurs filets sur les dallés du quai/, que femmes et enfants courent, vont et viennent autour des larges paniers de poissons, il y a véritablement régal à ehtehdre, dapïs un pur provençal, les cris, les jurements, les plaisanteries, les propos gaillards, les réflexions bouffonnes, l'explosion de gaie.té et de verve, en un mot, de tout ce petit peuple.

Le pur provençal, maltraité, altéré, corrompu, appauvri par la population 'affreusement mêlée des autres quartiers, a dû, en effet, se réfugier dans lante Mayousse et en faire en quelque sorte sa dernière citadelle, son lieu de prédilection. De même .qu'à Athènes, une simple marchande .d'herbes reconnaissait le philosophe Théophraste pour étranger, lesjeunesfillesde la rue Mayousse haussent volontiers aujourd'hui, les épaules en entendant bavarder leurs voisines de la Grand'Rue ou de la paroisse SaintMartin. Et, déclarons-le, ce, ne sera pas plus tard, pour nos vrais Marseillais, un de leurs moindres sujets de tristesse que la complète disparition de cette langue latino-grecque qui, comme l'a si bien constaté l'auteur de la Chasse au chastre, se prête si merveilleusement à la raillerie et peut faire tout accepter, même les choses les plus folles et les plus fortes.

C'est encore dans la petite rue Mayousse qu'éclatent les habitudes ou plutôt les antiques vertus provençales. La sobriété, la philosophie traditionnelle, la pauvreté insouciante y sont toujours en honneur. On y dîne encore en plein air d'un oignon, d'une tomate ou d'une sardine. On y surprend de vieux pêcheurs qui, tout en raccommodant les mailles de leurs filets, mordent, à pleines dents dans un morceau de pain frotté d'ail et vont ensuite sur la petite place Saint-Laurent se rôtir avec délices au soleil et fumer lentement leur longue pipe d'un sou. Plaisirs bien maigres, bien modestes, il est vrai, mais qui suffisent à cette population paisible et sereine de purs Marseillais, pour lesquels la liberté de vivre en face de la mer, dans un air transparent, léger, lumineux, et loin de la vie factice et agitée du reste de la ville, paraît être le suprême contentement et l'unique ambition.

/̃•̃̃;̃̃' H. Bertin.

Les Allées de Meilhan

Cette promenade qui occupe un vaste triangle éqûilatéral, dont la base est formée par le boulevard Dugommier et le sommet est orné d'une fontaine en rocaille, fut, dès sa création, le théâtre des élégances marseillaises et le centre des réunions des oisifs.Cette faveur s'estcontinuée jusqu'à nos jours; les Allées sont encore le lieu le plus fréquenté de la ville. Les agréments de la promenade, autant que sa situation, ont contribué à cette vogue. En hiver abritée contre les atteintes du mistral, elle offre une chaude retraite aux valétudinaires et aux enfants; en été, ses ombrages touffus garantissent contre les rayons du soleil ceux qui viennent s'y reposer.

Mais depuis janvier jusqu'à décembre il y a des jours et des heures où les Allées sont plus belles à voir. Ce sont les moments où les concerts ont lieu et ceux où se tient le marché aux fleurs. La population marseillaise est éminemment musicienne, et si l'on a fait aux habitùés des théâtres lyriques une réputation d'amateurs difficiles et exigeants c'est que leur instruction musicale est suffisamment développée pour leur permettre de juger en connaissance de

cause,

Cette passion pour la musique, développée dans toutes les classes de la societé par la création d'un Conservatoire qui a succédé à la première école fondée parBarsotti,en 1821, et par de nombreux orphéons qui se maintiennent florissants dans divers quartiers de la ville, n'arrête en rien le goût des fleurs.

Aujourd'hui, c'est lé concert qui attire cette foule dans le quinconce des Allées; demain, c'est le marché aux fleurs qui la fera revenir.

Jadis les fleurs étaient à Marseille un objet de luxe. N'ayant ni eau, ni ombrages pour mitiger les ardeurs du soleil ou humecter un sol brûlé depuis des siècles, les horticulteurs n'obtenaient qu'à grand'peine quelques résultats et si l'on voulait garnir sa jardinière de bouquets choisis, il fallait les commander d'avance à des marchands qui les faisaient venir à grands frais d'Hyères ou d'Ollioules.

La véritable Marseillaise se contentait d'un oeillet et d'un balicot achetés à la foire de Saint-Jean. Ce jour-là était un jour de bonheur; c'était le commencement d'une série de jouissances qui durait ce que peuvent (jurer un oeillet et un ocymum baselicum, d'après les savants, Y oranger du savetier des écrivains qui déflorent tout.

Si l'on veut connaître la population vraiment marseillaise, qu'on aille aux Allées de Meilhan, pendant la demi-semaine consacrée à la vente des plantes et des arbustes, à l'époque de la SaintJean. Il n'est pas un habitant natif de la ville qui ne vienne acheter son vase de fleurs, son rez d'aillet ou sà trompette de Saint-Zacharie. Il faut alors voir les promis, les fiancés, ce que l'on appelle à Marseille les calignaïres, se donner rendez-vous pour s'offrir ce traditionnel basilic, s'envelopper le cou et se charger les épaules de cette chaîne d'ail nouveau destiné à servir de base à l'aioli, et souffler dans les oreilles ces sons rauques produits par le tube recourbé en terre cuite que les potiers des environs fabriquent par milliers et vendent un sou la pièce Que de francs rires, de poussées volontaires et de serrements de mains f urtifs C'est le cas de dire crue tout Mar-

seille est là, le Marseille qui commence à la Tourettei et finit au Bërnard-du- Bois, que doit chercher à voir et à apprécier le voyageur qui veut emporter de'son Tour de Fraiwo des souvenirs vrais et de bon aloi. •̃̃•̃

Le bâtiment que nous regardons et qûeTon s'étonne' de trouver dans un quartier pareil, c'est la Faculté des scien-

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Uiîe Faculté des sciences à Marseille cela peut paraître étrange à ceux qui ont lu la diatribe de Sterne contre cette ville d'affaires mais les temps ont bien chani gé depuis le jour où le Voyage sentimental. pouvait être vrai. Marseille, comme tou-t tes les villes françaises, a suivi le mou-i vement scientifique et artistique, et nulle ne fait plus pour la décentralisation littéraire .et la propagation dès lumières. C'est près des Allées.do Meilhan que se. trouvent la Faculté,, le Lycée, la$iblio-' thèque communale, le Cabinet des Médailles, le Palais des Arts, le Musée des tableaux, le Muséum d'histoire naturelle, le Théâtre-Français, etc. nous parlerons Railleurs de l'Académie, des belles-lettres, sciences et arts, fondée en 1726, et des, ÎEcoles de peinture et de sculpture, qui, entretenues par la ville, ont produit déjà des sujets remarquables. -la

Des allées de Meilhan à 'la rue Noailles. il n'y a qu'un pas, comme de la rue Noailles à la Cannebière il n'y a, qtfune enjambée. Mais que de mouve- ment dans ce quartier spécialement fré* quenté par les étrangers

C'est là, en eftet, que se trouvent les plus beaux hôtels et les tables d'hôte les plus renommées.

La rue Noailles .ouverte au mois de juillet 1860, et qui a coûté net à la ville 6;409,000 francs que personne ne regrette, forme, par sa soudure avec la Cannebière et les Allées de Meilhan, un ensemble d'une admirable grandeur. Les trois rues sont en ligne droite, en sorte que, du haut des Allées, le specta-* leur jouit d'un coup d'oeil enchanteur ef embrasse l'extrémité de cette ligne de plus d'un kilomètre de développe* ment et semée des accidents les plus va«» ries, le bassin du Port-Vieux, hérissé de* mâtures, et le panorama si vivement co^loré de cette marine animée.

Comprise entre le boulevard du Mu4» sée, qui conduit à la plaine et au cours Lieutaud, et le boulevard Dugommier, qui se dirige vers la gare à l'est, et le cours Belzunce et le cours Saint-Louis, à l'ouest, avec une largeur de trente mè!* très, la rue Noailles est entièrement bordée de somptueuses maisons et d'hôtels imposants; dans lesquels le voya* geur habitué au confortable trouvera quoi satisfaire ses goûts.

Nous voilà en plein Marseille; nous) foulons le sol de cette Cannebière sî- connue. même des Parisiens. ̃ ̃ Quel est, en effet, le Parisien qui ne s'est pas fait un malin plaisir, abordant pour la première fois un Marseillais, de lui demander des nouvelles de la Cannebière? Quel, est l'habitant du Nord qui ne répète volontiers le fameux dicton Si Paris avait une Cannnébière, Paris serait un petit Marseille ? qui n'est en somme qu'une plaisanterie de Méry, rer* cueillie par Alexandre Dumas dans la. premier chapitre de Monte-CIvristo. Cette rue si raillée n'est pas aussi an- cienne qu'on pourrait, le croire d'abord. Le mot lui-même n'a été employé pour la première fois qu'en 1696, par l'éminent historien Ruffi. C'était jadis un ter. rain nommé Podium Formiguerii d'où l'on fit place Fourmiguier. A la fin du xivc"siècle, c'était encore un sol inculte sur lequel on éleva une partie des remparts. Bien avant, ce sol lui-même n'existait pas il y avait un marais formé par les eaux de la mer et les eaux pluviales, qui descendaient des collines environ*, nantes. i'

Le nom de Canebiero, à proprement parler, signifie champ de chanvre, mais les savants ignorent encore si cette plante y fut réellement cultivée, à une époque relativement récente, ou si les fabricants de cordes de chanvre y entre- posaient seulement leurs matières pre- mières.

Grave question qui rendra perplexe tout chercheurd'étymologies étranger à la langue provençale. Aiti~ed 8~nrel:,

Alfred S aurel.

ines Quais

Le charme est toujours nouveau de s'arrêter devant ces marchands de singes et de perroquets, ces magasins d'estam* pes, de vieilles gravures, ces petits bazars de pipes, ces boutiques de toiles a. voiles,de cartes marines, ces boîtes de bouquinistes où, à côté d'une image d'E, pinal marquée par le pouce des curieux* -sommeille un exemplaire graisseux de Cœlina ou l'Enfant du Mystère^ et ces bu* vettes qui ont des queues de billard en sautoir sur la porte et des matelots pein* turlurés sur les vitres.

Voici du reste un bruyant rendez-vous de mousses et de matelots, la petite Place-Neuve, dont les platanes vus de^ l'autre côté du port, font entre les navires une tache verte d'une douceur charmante.

Encadrée de débits de liqueurs, de bi*. bines, de mastroquets, de bouchons, de, bouibouis, cette place est pendant toute' la journée une véritable Babel.

On y entend toute sorte de langues et de dialectes. Marins russes, turcs, grecs, suédois, tunisiens, italiens, anglais, au* trichiens y viennent vociférer, hurler, se prendre de querelle, se rosser et parfois se larder de coups de couteau entre deux prunes à l'eau-de-vie.

Quel point de la ville, plus abordable, plus gai, plus lumineux que cette partie du quai qui va de la petite rue Juge-du* Palais jusqu'à la Consigne Jadis, avant la démolition du quartier des Grands. Carmes c'était surtout à l'entrée du quai, que les ^frileux, les buveurs de soleil avaient l'habitude de venir faire leurs dévotions. Mais, depuis le percement de la rue de la République, le coin des maisons neuves, comme on l'appelle aujourd'hui, n'offre plus le même abri contre les morsures du mistral. Aussi, les fidèles qui s'y donnent rendez-vous forment le petit nombre, et la plupart sont ceux qui n'ont pas ,trouvé place à la grande cheminée.

Mais, dans l'autre partie du quai, le long de ces maisons de confections, de photographies au rabais, de tirs au pis- tolet, de ces bazars de pipes, de ces bruyantes et petites buvettes, de ces marchands de perroquets, de biscuits pour la marine, de conserves alimen« taires et de ces nombreuses boutiques de bric-à-brac, quelle cohue 2 quelle, fourmilière quelle joie