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Titre : Le Figaro. Supplément littéraire du dimanche

Éditeur : Le Figaro (Paris)

Date d'édition : 1928-02-18

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb343599097

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb343599097/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Description : 18 février 1928

Description : 1928/02/18 (Numéro 463).

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k273711s

Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-246

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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pa résurrection <fun château

Les bonnes nouvelles sont devenues trop rares pour se priver de les fêter, et nous en recevons une inespérée. Un de nos plus grands châteaux historiques, tombé depuis plus' de vingt ans à l'état de ruine, et dont ne survivait plus- qu'un fantôme, serait à la veille de renaître de sa légende. Et de quelle légende D'une légende de dix-neuf siècles

r Etes-vous allé visiter le château de Jiimilhac-le-Grand ? m'avait-on demandé quelques années avant la guerre dans le Nontronnais où j'allais passer l'été. Ceux qui l'ont vu autrefois ne le reconnaissent plus. Non seulement ils ne retrouvent plus rien de son parc ni des bois qui l'entouraient et dont tout a été rasé, mais le mobilier même en a disparu. Tout en a été enlevé, déménagé, vendu, expédié à des brocanteurs Il y avait une chambre célèbre, la fameuse chambre de la Fileuse. Elle n'existe plus Il y avait une extraordinaire batterie de cuisine qu'on venait voir de partout par curiosité. Elle n'y est plus Les girouettes qui représentent dés chevaliers en train de se battre, n'ont pas été enlevées, mais parce qu'on n'a pas encore su comment les descendre L'orangerie, qui date de Henri IV, passait pour être plus belle que celles de Versailles et des Tuileries, mais on -la vend oranger par oranger, et il n'en restera plusbientôt un seul On est même allé jusqu'à démolir en partie la galerie de ïa cour d'honneur pour y établir les'water-closets d'un tramway C'est affreux, c'est une dévastation, un massacre, et la Félibrée donnée cette année par le Bournat doit prochainement se tenir sur l'ancienne terrasse du parc et dans la grande salle de l'orangerie pour protester, sur les lieux mêmes, contre ce vandalisme. Vous devriez y venir. Vous assisteriez à une belle manifestation.: ̃̃̃•

Je ne manquais pas d'aller à la Félibrée, et je ne me rappelle pas une autre manifestation populaire m'ayant laissé un souvenir aussi émouvant. Les discours prononcés au banquet et les poésies récitées à la Cour d'Amour sous la présidence de la Reine, étaient comme des cris de douleur devant ce que leurs auteurs appelaient « un crime commis contre le château et le pays même de Jumilhac, « qui avait été Jumilhac-le-Grand mais qui ne l'était plus ». Les acclamations et les trépignements du public vous remuaient dans l'âme par ce qu'ils avaient d'indigné et de désolé; et la "mise à l'encan du vieux manoir avait en effet quelque chose de déchirant. Il n'en restait plus qu'un spectre, et ce qui en avait survécu était peut-être le plus navrant. On voyait encore, sur l'ancien emplacement du parc, au pied d'une vaste escalier à moitié démoli et tout vert de mousse, quelques magnifiques orangers qui avaient des siècles, mais que déshonoraient des écriteaux où se trouvait barbouillé en grosses lettres grasses. >

A vendre

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Quelle histoire est donc c'elle de ce grand et vieux château de France'dont on annonce la résurrection-? Elle n'est pas ordinaire, et elle date de loin

$ Le nom même de 'Jumilhac, de provenance latine, vient de gemellœ aquœ et signifie « eaux jumelles ». Le chef-lieu de canton qu'il désigne, entre Nontron et jSaint-Yriex, domine e effet une région de Collines et de vallons où murmurent et bouillonnent les ruisseaux et les torrents, et .vraisemblablement, il y a dix-neuf cents ans, au temps de la conquête des Gaules, un oppidùm se dressait où se dresse aujourid'îhuj; le fantôme du sombre manoir. Mais les siècles passent, Clovis et Charlemagne 'tiennent après César, les conquêtes des rois /de France succèdent à celles des Romains, et le château des marquis s'élève où s'était élevé l'oppidum. C'est ensuite la guerre de Cent ans, et Du Guesclin y fait un séjour après l'avoir reconquis sur les Anglais, comme il a déjà repris Brantôme et comme ;il va reprendre Saint-Yriex. Puis, deux siècles passent encore, et le château tombe en déshérence, mais pour ne pas tarder à ;ievivre.

Un riche maître de forges des environs, Chapelle. a établi ses usines au' bord de Tlsle, à la Forge-du-Raz. Il sert la cause du roi de Navarre, lui fournit des canons (dont il ne veut pas toucher le prix, et Henïïi'IV n'oubliera pas ce qu'il lui doit. Le titre de marquis de Jumilhac se trouvant sans héritier, il le confère au généreux Chapelle, et les Chapelle de Jumilhac vont se montrer, pendant plus d'un siècle et demi, aussi magnifiques seigneurs que fidèles serïviteurs du Roi. Ils reconstruiront l'église, ^planteront un parc, y amèneront les eaux, y creuseront des bassins, rattacheront par deux ailes les pavillons de flanc autour du vieux donjon primitif, et relieront les extrémités des ailes par une longue galerie-terrasse bordée d'une élégante balustrade. En même temps, ils transforment l'intérieur du château en musée par les tapisseries d'Aubuisson, les boiseries artistiques,les tableaux et les portraits de famille dont ils l'ornent. La Révolution, malheureusement, va tout mettre sous séquestre, et auri tout vendu, tout découpé morceau par morceau, quand Ouviard. le fournisseur des armées de Napoléon, rachètera et restaurera tout, le château comme les domaines, et les donnera en dot à sa fille qui épouse le général de Rochechouart. Jumilhac va ainsi pouvoir

revivre sa vie d'autrefois, d'abord avec les Rochechouart, puis avec Mme Say qui deviendra plus tard Mme Janvier de la Mothe. Après elle, seulement, et pendant près de vingt ans, tout retombera encore dans Jes mains des spéculateurs, des marchands de biens et des raseurs de forêts, pour s'y détruire et s'y perdre

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Après la Félibrée, j'allais visiter l'intérieur du château, et le spectacle en était encore plus navrant que celui des dévastations extérieures. A part un appartement qui n'avait pas été pillé, mais dont l'aménagement moderne avait quelque chose d'étrange au milieu de ces ruines et de ce décor de féerie, ce n'était, du haut en bas, qu'une suite ininterrompue de chambres, de cabinets et de salles où ne se voyait plus un meuble, et qui donnaient l'impression d'une mise à sac.Les murs n'en étaient plus que de grandes surfaces plâtreuses d'où avaient été arrachées les tapisseries, et où pendaient des morceaux de boiseries cassées au milieu des clous. Tous les dessus de portes avaient disparu, et les portes elles-mêmes étaient enlevées. Elles avaient été vendues battant par battant, et il en restait seulement quelquefois un panneau à vendre. Comment, dans l'ancienne et vaste salle d'honneur, un immense tableau représentant une chasse à courre avait-il échappé au pillage, et faisait-il encore face à la monumentale et branlante cheminée ? On avait dû le trouver trop grand et trop abîmé pour s'en embarrasser Contrairement à ce que j'avais' entendu dire, il restait encore aussi quelque chose dé la cham». bre âé 4a 'Fil,fcuse, iroàis une misère, une vague et mélancolique initiale à demi effacée, un H, peint jadis de place en place sur le fond jaunâtre de la muraille, et qui rappelait le nom d'une demoiselle de Hautefort, femme de l'un des marquis de Jumilhac. Après avoir parcouru toutes ces désolations, je croyais être au bout de ma visite, mais je n'avais pas encore tout vu. A l'un des étages supérieurs, la gardienne qui m'accompagnait m'arrêtait devant une porte fermée à clé, l'ouvrait en me recommandant de m'en approcher avec précaution, et la porte, en effet, donnait sur un abîme. La foudre était tombée sur le château, tout s'en était intérieurement effondré à cet endroit, et on se trouvait au bord d'un,gouffre plein d'écroulements de poutrès et de murs où venaient jouer des rayons de soleil qui passaient par les fenêtres et par les trous de la toiture.

Il n'y avait qu'un cri dans le pays Il faut sauver le château Il faut le sauver yj

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Mais comment le sauver ? Même >eans^ racheter, comme Ouvrard* la' vingtaine de domaines qui l'entourèrent, il aurait fallu, uniquement pour le restaurer et l'entretenir, des fonds énormes, et personne ne semblait plus y penser pendant près de vingt ans. On devait cependant finir par en reparler, et la presse de la région vient de nous annoncer que le féerique et légendaire manoir, dont la couronne de tourelles, de logettes et de poivrières domine les gorges murmurantes de l'Isié et du Périgord, va être rendu à la vie par la famille même des Chapelle de Jumilhac, soutenue dans cette œuvre de résurrection par la Municipalité et l'Administration des Beau-Arts. Attendons, et réjouissons-nous de voir ainsi .rentrer chez elle une des grandes familles de France. Peut-être cette antique et fantomatique demeure, comme nous en montrent les contes de Perrault, abritera-t-elle un jour le musée régional qu'on y avait rêvé à un moment, et où les touristes et les curieux d'Histoire retrouveraient jusqu'à dixneuf siècles de souvenirs, depuis ceux des Romains jusqu'à ceux des Rochechouart et des Say, en passant par ta Renaissance et Henri IV, sans parler de la guerre de Cent ans et de Du Guesclin. Tout arrive, et quelquefois même, bien que rarement, ce qu'il y a de plus inattendu et de plus heureux

Maurice Talineyr.

LA PLAINE

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Sous le ciel terne et las, c'est la plaine, la plaine Qui s'étale jusqu'à l'horhon imprécis i

Avec des bourgs épars et des hameaux assis Près des boqueteaux d'ombre où le vent frais halène. Des villes d'ateliers entre leurs murs noircis Gémissent, en travail des métaux et des laines, El le hoquet fumeux de leurs usines pleines Dégorge, sur les toits de tuiles, -son glacis. Là-bas. des fleuves lents et de lentes rivières El, halés par l'effort tendu des batelières, Péniches et chalands glissent sur'les canaux. Tes bras sont drus el durs comme du cœur d'yeuse Qui lèvent tous les poids, portent tous les fardeaux, Artisane aux seins lourds, Flandre laborieuse. Léon Bocquet.

NOCTURNE

La Colombe à la Rosé a parlé de la Brise Et fa Rosé à l'Abeille et l'Abeille au Roseau; le Roseau à l'Etang dont sans fin rêve l'eau .et la Crenouille verte à la Linotte grise. Puis, la Bête à bon Dieu, qui se savait exquise, dit ce qu'elle entendait à l'obscur Vermisseau, et la Mousse avertie, avertit l'Arbrisseau et F Arbrisseau le Ciel où Vénus était prise. Mélusine écoutait les rumeurs et les voix Qui vers elle montaient des profondeurs du bois. « Que se passct-il donc, ce soir? », siffla le.Merle. < On a médit du Vent 1 5>, hulula le Hibou. La Rosée à FEaphorbe attachait une perle, une branche tremblait avec la Lune au bout. Charles Tricon.

LE PREMIER PORTRAIT DE BONAPARTE ••••>•••••̃••̃̃

Ce n'était. qu'une légende, mais combien chère à mon cœur de Tournonnais! Je dois, hélas me rendre à l'évidence. Le premier portrait connu de Bonaparte, exécuté, croyait-on, à. Tournon, en 1785, par un peintre nommé Pontprnini, est un faux. Au début du second Empire,' un M. de Baudicoùr avait donné' au musée des Souverains un dessin au crayon, rfe|u haussé de blanc, représentant de profil le jeune lieutenant corse, avec l'ins-

cription Mio caro amico Buonaparte, Pontornini del 1785 Tournone. Successivement exposé au Louvre, à Versailles, et, en dernier lieu, à la Malmaison, on le considérait comme la première image authentique de Bonaparte. Peintres et sculpteurs s'en inspirèrent. Les historiens eux-mêmes en firent état. Frédéric Masson, pourtant, n'en parle qu'avec circonspection. « Je n'ai retrouvé nulle part, dit-il, le nom de Pontornini mais, à défaut d'autre renseignement, ce qui peut donner au dessin une apparence d'authenticité, c'est que Tournon est à deux lieues de Va? 1 lence, et que, si Bonaparte y avait retrouvé un compatriote, il avait pu s'y lier avec lui». Arthur Chuquet, critique si pointilleux envers les autres, n'hésite pas 'à publier le portrait en tète de sa Jeunesse de Napoléon et à broder à son sujet tout .yrj. petit roman. "Il reproduit même l'erreur de Masson :• ,'îïourno'n n'est pas à deux, mais a plus de quatre lieues de VàHèri'ce.. « Bonaparte alla voir à Tournon, à deux lieues de Valence, un sien compatriote, un. artiste du nom de Pontornini, pour causer avec lui de la patrie, et ce Pontornini, qui l'appela bientôt son caro amico, lui fit son portrait, le premier qu'on ait de Bonaparte profil ferme et accentué, cheveux longs et couvrant la moitié'du front, bouche fine, et, dans l'ensemble de cette physionomie d'un jeune homme de seize ans, une expression singulière de sérieux et de gravité ». Ainsi s'écrit l'histoire.

Les critiques d'art furent plus légers encore et leur ignorance se donna libre carrière. L'un d'eux, tout en reproduisant le dessin, n'hésite pas à l'attribuer à l'un des condisciples de Bonaparte à l'Ecole- de Brienne, malgré- l'indication de Tournon, et sans se douter qu'en 1785 le jeune homme n'était plus étudiant à Bricane, mais officier à Valence. « Bel exemple de l'étourderie avec laquelle, sous prétexte d'histoire

DÉFENSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

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F^ausse science^ fausse élégance

Fausse science, fausse élégance sont les deux pires ennemies du bien parler et du bien écrire. Certains primaires, qui prennent j'eus pour j'eusse et qui omettent l'accent circonflexe à la troisième personne de l'imparfait du subjonctif, mais qui- en mettraient plutôt deux sur Le Havre dont l'étymologie leur est inconnue, se flattent d'être habiles et clercs en fait de langage parce qu'on leur a dès l'enfance révélé deux ou trois curiosités de vocabulaire ou de syntaxe.

Ils sont, par exemple, tout fiers de savoir qu'immense veut dire « qui ne peut être mesuré », et ils ont la prétention ridicule de défendre qu'on lui donne le sens, légitimement dérivé, de « très grand » ou « très étendu.». Ils savent qu'ennui était au dix-septième siècle beaucoup plus fort que de nos jours, et que gêner signifiait « torturer ». ,'i- y ̃ -A'

Dans rOrient désert quel devint mon ennui 1 Bérénice, I. 4.

Et le pah-je, madame ? Ah que vous me gênez f Andromaque, I, 4. Ils savent qu'étonner veut proprement dire « foudroyer », et quand on leur annonce la mort inopinée d'un ami où d'un parent, ils disent avec tranquillité « Ce coup m'étonne. » La veuve est scandalisée de tant de froideur ce n'est pas sa faute, elle ignore les finesses du français classique, et si elle ne les ignorait pas, en d'aussi pénibles circonstances elle serait excusable de les oublier.

Ce qu'il faut savoir, c'est que la valeur des mots change avec les années il est rigoureusement obligatoire de leur donner celle que leur attribue le bon usage au moment précis où on les emploie.

Mais l'usage n'en peut modifier que la valeur, non le sens, et encore moins le retourner. Ce n'est point fausse

et d'art, sont entrepris ces déballages d'images, accompagnés d'un texte rédigé au petit bonheur, et qui pervertissent à la fois le sens de l'art et celui de l'histoire ».

Toutes ces sottises auraient été sans doute indéfiniment reproduites, si, un beau jour, M. Paul Dupuy ne s'était pas avisé de regarder de plus près le fameux portrait. L'article qu'il publia ensuite, en 1924, dans la Revue de l'art ancien et moderne, est un petit chef-

d'oeuvre d'érudition critique il démontre, sans réplique possible, que la mise et surtout la coiffure de Bonaparte ne peuvent avoir été celles d'un lieutenant d'artillerie en 1785.

La seule chose qui donnait une apparence d'authenticité à l'œuvre, comme le notait Masson, était l'indication de Tournon. Bonaparte, à cette date lieutenant en second au régiment d'artillerie de la Fère, qui tenait garnison à Valence, aurait pu facilement, en 1785, se lier avec un de ses compatriotes habitant Tournon. Le fameux collège de ma' petite ville avait été choisi, par Louis XVI, comme l'une des écoles royales militaires. Brienne en était une autre. Les relations entre professeurs ou élèves sortant de ces deux établissements étaient fréquentes c'est dans les Souvenirs d'un cadet de Brienne, publiés par rCh,uquet, que l'on trouve des détails assez scabreux sur les mœurs qui régnaient alors parmi ceux qu'on appelait les « indécents » de Tournon mais cela n'empêchait pas que le collège, « dans un emplacement de toute beauté», fût le meilleur de ceux que dirigeaient les Oratoriens; les études classiques, notamment, suivant une tradition quatre fois centenaire qui s'est perpétuée jusqu'à nos jours, y étaient particulièrement florissantes. Pontornini aurait pu être un élève ou un professeur du collège, à défaut même, un simple habitant de Tournon c'était mon dernier espoir malheureusement, toutes les recherches que l'on fit pour moi dans les archives du lycée et de la paroisse ne donnèrent aucun résultat nulle trace d'un Pontornini ayant vécu 'à' Tournon à la fin du dixhuitième siècle. Nulle trace, du reste, non plus de ce nom dans les innombrables documents napoléoniens.

Le fameux portrait dut être exécuté bien plus tard que 1785, non d'après nature, mais d'après l'un des profils exécutés en Italie, pendant la cam-

science de savoir que fruste signifie « effacé par le frottement » et ne signifie pas « mal dégrossi » ce n'est point pédantisme de se refuser à le prendre dans cette dernière acception et de s'obstiner à le rétablir dans celle qui est seule authentique. Rappelons aussi une fois de plus que mièvre signifie vif, malicieux, espiègle, et ne signifie point maniéré. ̃• Pour la fausse élégance (qui ne va guère sans fausse science), les trois quarts au moins des solécismes et des barbarismes, sans compter les bévues, lui sont imputables. Un auteur dramatique, poète à ses heures je ne le nommerai pas, il n'est plus là pour se défendre trouvant le mot zénith trop usuel et vulgaire, le remplace par nadir, il remplacerait aussi bien le haut par le- bas fausse élégance, outre la sottise, qui ferait rire un élève de la maternelle.

Mais le plus parfait exemplaire de la fausse élégance est l'emploi de malgré gue pour quoique,, Certains vont jusqu'à en dépit que. Les deux ne doivent s'employer qu'avec le verbe avoir: malgré qu'il en ait, en dépit qu'il en ait. On m'objectera que des écrivains qualifiés ont fait de malgré que une locution conjonctive eh bien, c'est une faute avérée que des écrivains qualifiés ont commise, et ce n'est ni la première ni la dernière. Mais, dira-t-on encore, quoique, bien que, cela est si commun Que m'importe que cela soit commun, si .cela est correct ? Molière nous a dicté sur cet article ta bonne règle, c'est assez son habitude

De toutes ces façons-là, laquelle est ta meilleure ?

Celle que vous avez dite Belle marquise,vos beaux yeux me font mourir d'amour.

Cependant je n'ai point étudié, et j'ai fait cela tout du premier coup.

Lancelot.

pagne de 1796. Costume et cheveux flottants sans cadenettes ne sont plus ceux d'un officier du roi, mais d'un jeune général de la Révolution. M. Paul Dupuy croit même avoir retrouvé à la Malmaison la gravure qui servit de modèle par une curieuse rencontre, elle vient aussi de la vallée du Rhône et fut léguée au musée par Mme Boissière-Roumanille, la fille du poète d'Avignon.

Pour donner au, dessin une plus grande valeur de curiosité, ou peutêtre simplement par ignorance, le faussaire le data de 1785; pour le rendre plus vraisemblable, il le signa d'un nom à résonance corse. Mais pourquoi, alors qu'il eût été si simple de mettre Valence, écrivit-il Tournon? '1

Dernière et frêle branche à laquelle j'essaie en vain de me raccrocher, pour laisser à ma petite ville se dresse la statue du général Rampon, l'un des héros de l'armée d'Italie, l'honneur d'avoir vu naître le premier portrait de Bonaparte.

Gabriel Faure. ·

Le Nid de colibri

Je l'appelle le berceau de -ma famille.

C'est un nid; un nid qu'une petite noisette remplirait tput entier. Le doux creux imprimé par la couveuse est encore perceptible en ses fibres fidèles, et pourtant quel âge a-t-il,ce petit nid tout séché par les années, d'une tendre et triste couleur de foin léger? Peut-être n'M-il pas lojn.de soixante-dix ans! Mon oncle le cueillit pour ma mère, dont il était le grand et indulgent frère très aîné, presque paternel et l'enferma, pour que rien ne l'abîme, dans une boîte de bois des îles, une boîte ronde et polie qu'il tailla, tourna et polit lui-même. Le couvercle, étroitement vissé, ne permet pas à l'air d'entamer, à la poussière de corrompre ce menu témoin des ans disparus, ce petit nid rond et déserté comme un cadran qui n'a plus ni aiguilles ni heures, parce que l'imagination et le souvenir n'ont pas besoin de ce qui compte et mesure, de ce qui dévore et se perd. Souvent, par les tristes heures de l'hiver, à Paris, j'ouvre le tiroir où la boîte magique est cachée. Je fais tourner le couvercle têtu, je l'ôte et, en face de ces brins d'herbes entrelacés, je rêve, je rêve. Vous avez bien lu ce beau conte de Mme d'Aulnoy, où la princesse captive s'écrie derrière les barreaux de sa fenêtre « Oiseau bleu couleur du temps, vole à moi promptement! » Aussitôt, éventant les lieues de ses ailes irrésistibles, le cher Prince Charmant, devenu l'Oiseau Bleu, vole, vole et, pres de la captive, se repose. Il lui dit toutes sortes de choses magiques, des paroles .qui^n^ oublier le présent, des chants qiii'ileuyxent, des tendresses qui triomphent 'de l'absence et même de la mort. A mon tour, tenant dans le creux de ma main le nid des amours passées, je m'écrie « Cher oiseau couleur du temps, vole à moi promptement! » Et il palpite, du fond des âges, minuscule et chatoyant de toutes les couleurs de la lumière et des feuillages, il vainc le temps, car ses toutes petites ailes qui ne se posent jamais frémissent d'espace en espace et ne connaissent nulle lassitude. Sans doute, au pays où mes Darents sont nés, des colibris, dans 'des nids frais mais semblables à celui-ci, fané, célèbrent leurs noces éphémères, réchauffent leurs petits œufs, se battent ou se becquètent; parmi eux, rertains, peut-être, descendent des possesseurs de mon nid. Un frère aîné cueille peut-être encore, sur une liane qui penche, pour la petite sœur émerveillee, un bijou pareil. Tout passe et rien ne meurt, et pour moi, ce passé, ces souvenirs qui ne sont pas les miens, mais seulement ceux de ma race, ont une puissance, une sorcellerie que rien n'égale. « Vieux passé couleur du temps, vole à moi promptement! » Et ce tout petit nid devient un hamac pour mes songes. Les récits des patents, 'les grands-parents, des oncles, des tantes reprennent une couleur, une vie, un accent merveilleux. Les noirs serviteurs se penchent sur ce songe et le rafraîchissent d'un sorbet ou d'un éventail de palmes ma bouche, sans les avoir connus, retrouve le goût des fruits de là-bas, et ma peau, le délice de la tiédeur nocturne. Parfums, amours, travaux, bonheurs, aventures, tout se lève et s'anime autour de moi. Je vois mes jeunes aïeux presser dans leurs bras mes ravissantes grand'mères. Toutes les dames romanesques ou singulières, peuplent soudain les miroirs, les tulipes se changent en flamboyants et les jacinthes en bleus embelezos. Au delà de mes rideaux clos, je pressens non la brume et le gel, mais une torpeur tropicale. Je n'entends pas le piano lointain, mais la guitare passionnée du guajiro, la mélopée nasillarde et rauque modulée par la jeune China. 0 pays du passé! créolie de mil huit cent cinquante, que de voyages j'ai accomplis jusqu'à vos rives caraïbes, grâce à ce colibri fantôme que n'arrêtent ni l'espace ni le temps!

Ce petit nid, c'est là que, mystérieusement, l'oiseau magique a couvé ce petit roman fait de tant de rêves et de souvenirs familiaux, ce Séducteur. Et ce livre, je l'ai dédié à mon fils en qui revit mon père, et je lui léguerai ce petit nid pour que ses enfants, à leur tour, par le passé mystérieux, fassent éclore leurs premiers rêves (1). Gérard d'Houville.

(1) Le Manuscrit autographe, qui vient d'entrer dans sa troisième année, publie, lundi prochain, nn très important numéro où voisinent les noms de Descartes, Flaubert, A. Godoy, G. Courteline, A. Doderet, etc. Les admirateurs de Flaubert pourront y lire trente-cinq lettres inédites du grand écrivain à Maupassant minutieusement commentées par Georges Normandy. Le manuscrit de Descartes est une longue lettre de douze pages au Père Mersevine 1 Dans le même numéro parait en fac-simii j le délicieux poème en prose de Mme Gérard d'Honville, dont nous sommes heureux de don**«• la primeur à nos lecteurs.

CHOSES ET GENS DE LETTRES

Le logogriphe

Dans quinze jours, comme tout le monde, les littérateurs devront avoir remis au contrôleur des contributions leur déclaration de revenus. Tâche qui n'est commode pour petsonne.mais qui, pour nous, se complique de mille diffiY cultés. Si confuses que soient les diverses rubriques des feuilles de déclara^ tion, elle, spécifient assez nettement les obligations ou les avantages de certaines professions industrie., commerce, finances, etc. Tandis que nous, écrivains, nous exerçons un métier tenant, par quelques côtés.du négoce, par d'autres côtés, de l'art, et cette espèce de chevauchement nous comble d'incertitudes sur nos devoirs ou droits fiscaux. Tantôt, crainte d'être roulés, nous n'indiquons pas assez, et nous nous exposons soit à des poursuites, soit à d'aigres observations. Tantôt, par un scrupule contraire, nous indiquons trop, et ensuite, si nous voulons récupérer les sommes indûment versées, il nous faut courir après, durant des années. Enfin, dernièrement, les Chambres ont adopté un article de loi, nous concédant certains dégrèvements. Seule.ment, comme il ne s'agissait que de nous, on ne s'est mis en frais de;clarté ni dans les dispositions ni dans le style et on a abouti à un logogriphe dépassant, sinon en talent, du moins en complexité, les plus abstruses énigmes de l'obscurisme. J'ai, d'ailleurs, tout de suite dénoncé ce charabia, dont M.Herriot lui-même a.dû reconnaître l'inintelligibililé et dont il avait formellement promis à Comœdia un comment taire officiel. Mais, une fcis de plus, comme pat hasard, le Sphinx de la rué de Grenelle a oublié ses promesses et»! depuis, il garde le silence.

Aujourd'hui, alors, comme le temps presse, je demande ici le commentaire promis. Car, si nul n'est censé ignorer la loi, c'est sous réserve qu'elle soit compréhensible. Et au cas donc, où ori persisterait à nous refuser les éclair-;cissements souhaités, nous pourrions prendre acte de ce refus dans nos déclarations pour en réduire les chiffres tant bien que mal au jugé.

Fernand Validèrent.

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VISITES ET PROMENADES

Les inédits de J.-M. de Heredia

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Par JACQUES PATIN

En même temps qu'il s'excusait de ne lui. avoir pas dédié Les Trophées, Jpsé-Maria de rjeredia., dans une épître liminaire adressée .à-LeGdnte de Lislo etqui figure en tAte des différentes édi-

tons Lernerre, a écrit ces lignes

« C'est pour vous complaire que je recueille mes vers épars. Vous m'avez assuré que ce livre, bien qu'en partie inachevé, garderait néanmoins aux yeux du lecteur indulgent quelque cho. se de la noble ordonnance que j'avais rêvée. Tel qu'il est, je vous l'offre, non sans regret de n'avoir pu mieux faire, mais avec la conscience d'avoir fait de mon mieux. »

José-Maria de Heredia avait donc espéré de parfaire une oeuvre plus vaste que la mort trop tôt venue l'a empêché de terminer. Mais quel était exactement son dessein ? C'est ce qu'il nous est permis d'entrevoir aujourd'hui grâce à l'obligeance de M. Armand Godoy, qui a bien voulu nous découvrir un des plus rares trésors de sa bibliothèque. M. Armand Godoy, qui est non seulement un poète de grand talent» mais un ami des livres et des lettres fervent et magnifique, a trouvé, en effet, dans les papiers de Pierre Louys, le projet d'une édition des œuvres complètes de Heredia, qui constitue à la fois un émouvant hommage à la mémoire de l'autour des Trophées et un document sans prix.

Ce projet volumineux, enfermé dans une chemise cartonnée, se compose de feuillets détachés sur lesquels se déroule en savantes arabesques la haute et superbe écriture de Pierre Louys, et il ne contient pas moins de 147 sonnets inédits, acheves ou non.

On sait que l'édition originale des Trophées comprend 117 sonnets. M. Armand Godoy a pris soin de confronter les notes de Pierre Louys avec les manuscrits originaux qui sont entre les mains de la veuve du poète, Mme José-Maria de Heredia, et il a pu se rendre compte du travail de bénédictin accompli par Pierre Louys pour retrouver et rassembler les vers inédits que l'auteur des Trophées jetait sur le papier au gré de son inspiration, qu'il griffonnait sur des feuilles volantes, au revers d'une lettre, d'une carte ou d'un faire-part et qu'il glissait ensuite, au hasard, dans ses carnets.

Pierre Louys a inscrit cette note en tête de son projet

« En 1891, comme je venais de copier les Trophées, encore inédits, j'ai demandé à J.-M. H.

» Pourquoi ne les publiez-vous pas ?

» Parce qu'ils ne' sont pas achevés. Les Trophees, ce sont mes sonnets. Je ne veux pas leur joindre mes tierces rimes, ni les Conquérants. Quand j'aurai un volume de sonnets, je le publierai. Aujourd'hui, ce ne serait qu'une plaquette.

» Alors, publiez -vos sonnets avec les fragments, comme les éditeurs de Chénier.

» Non. Moi vivant, c'est impossible. Les fragments, on les publiera après ma mort. »

« Je me rappelle ces mots comme si je venais de les entendre.

» En 1893, J.-M. H. s'est laissé décider à publier ses sonnets avec les autres poèmes, contre son premier dessein mais je crois qu'une édition posthume conforme à sa volonté aurait