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Titre : Le Figaro. Supplément littéraire du dimanche

Éditeur : Le Figaro (Paris)

Date d'édition : 1910-04-23

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb343599097

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb343599097/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Description : 23 avril 1910

Description : 1910/04/23 (Numéro 17).

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k273065v

Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-246

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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ï' LE UVRE DU JOUR W^ïèm d'aujourd'hui M. Earrett-Wendell, professeur à l'Université I&ÎHarwàrd, occupa brillamment, pendanti:un,e\anri.ce,:la chaire. fondée à la Sot-. bonne par M. James Hy do, afin de permettre à quelques-uns de ses plus -éminents compatriotes de venir prendre la parole en France au nom des Etats-Unis. De retour au foyer, M. Barrett-Wendell composa sur la France d'aujourd'hui, telle qu'il l'avait vue, un ouvrage .d'une' pénétrante analyse et d'une clairvoyante sympathie. De la traduction de ce remarquable ouvrage, que M. Georges Grappe vient de publier chez l'éditeur Henri Fleury, nous détachons cet équitable et fin jugement de ;nos:lêttres et de nos goûts littéraires.

-o-<:>c:>-o-

LES RAPPORTS DE LA LITTERATURE ET DE LA VIE Une fois encore, à ce propos, nous voyons1 s'opposer très nettement la loyaïifé'intellectuelle des Français et la loyauté' morale des Anglo-Saxons. A certains égards, on conjecture quelquefois que les Français sont moins scrupuleux, en ce qui concerne l'exposé des faits concrets, que ne le souhaiterait notre- propre sentiment. Quand, d'un autre^côté, la question en litige est une proposition générale, ou qu'il s'agit de ses'conséquences, ils deviennent inflexibles. Chez nous, le cas est précisément l'çjpposé. Lorsque nous discutons un fait concret;, .sans merci, nous exigeons la vérl$Ç^|el;nous-mêmes et des autres, queFs'qu'ils soient mais lorsque nous en venons à examiner des propositions générales, nous nous accordons le loisir d'une nonchalance intellectuelle, qui apparaît comme très regrettable aux yeux de nos voisins, d'intelligence si alerte. Bien mieux, même lorsqu'il s'agit de tirer les déductions dernières de ces propositions générales, nous inclinons, non seulement à nous en désintéres'ser mais même nous témoignons de la mauvaise humeur, si l'on insiste. Dans un cas d'espèce, un Français de la meilleure sorte serait plus disposé que nous autres à répondre de la .pureté d'une femme, malheureusement surprise dans une situation équivoque; en revanche, il serait plus facilement prêt que nous à admettre cette fâcheuse vérité que, partout où des hommes et des femmes vivent ensemble, des situations équivoques se présentent fréquemment. Ainsi, en fin de compte, les Français nous tiendraient-ils pour hypocrites, tandis que nous, commettant une erreur semblable à la leur, les regarderions comme menteurs.

C'est, en grande partie, cette loyauté intellectuelle qui permet aux Français de se servir, dans leur littérature, de ces sujets, qui, en général, nous sont interdits à nous-mêmes. Cela les amène, entre autres résultats, à considérer comme chose évidente ceci, qui est d'ailleurs vrai'.p.açtoutv^ue les sujets qui sont les plus favorables à la littérature ne sont pas les banalités de la vie quotidienne. Autrement, le grand livre d'un boutiquier pourrait servir de thème à un roman. En général, la littérature doit être alimentée par les cas d'exception intéressants. Parmi ceux-là, les plus piquants, dans l'ensemble, ont pour origine les tendances indépendantes de la

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passjon, entre hommes et femmes. Si ces incidents n'étaient point exceptionnels, ils ne seraient pas intéressants: vous pouvez imaginer un état social" où: la monogamie pourrait'avoir tout l'attrait du romanesque, mais il n'est pas celui de l'Europe civilisée. Nier ces vérités générales paraîtrait à un Français le fait d'un détraqué: mieux même, d'un; sot. ̃ • ̃̃ f ̃•'̃ •'̃••̃ Cependant,'sans nul doute, il' existe une autre raison gràceàlaquellela littérature francaise donne une notion inexacte de la vie française; elle réside dans l'attachement des Français, envers la tradi-" tion. La loyauté intellectuelle de ce peuple, l'entêtement qu'il apporte à généraliser, n'est pas pour lui un trait nouveau: il existe depuis qu'il constitue une nation. Et quoique, sous sa forme actuelle qui est d'apparence extrêmement sérieuse, il puisse sembler différe.nt de, ce qu'il avait coutume d'être, son fond reste le même. Les vieux contes populaires de la France, et ceux qui en dérivent, sont tous remplis d'un esprit grivois de gaieté gauloise, comme ils l'appellent: parfois aujourd'hui. La France a toujours eu ses systèmes et a toujours admis le retour régulier des exceptions. De cela, elle riait autrefois: aujourd'hui elle semble plutôt disposée à en philosopher. Mais rire ou raisonner est une question de mode. Ce sur quoi les Français dissertent maintenant est .-l'an- cien sujet de leur raillerie, et très vrai-: semblablement, il le sera encore quelque jour. En tous les cas, ce n'est point seulement un sujet que leur loyauté intellectuelle doit considérer. comme d'un intérêt éternellement -humain ̃ c'est encore le thème qu'une convention immémoriale de leur race a sacré comme le thème naturel de la littérature. La fragilité de la femme est vieille comme Eve, et le rôle qu'elle joue dans la littérature française est aussi important que celui d'Arlequin, dans nos pantomimes de Noël. '•̃' Ces considérations diverses doivent nous amener à ce but que nous cherchons maintenant: à comprendre pourquoi la vie de la France moderne, lorsque nous arrivons à la bien connaître, apparaît tellement différente de celle qui est généralement décrite dans les littératures les plus' florissantes de l'Europe moderne. Nous avons vu quelle place tenaient les conventions dans ce paradoxe. Nous avons vu aussi, la part importante de la tenace loyauté intellectuelle des Français. Nous avons vu que cette loyauté, ou tout ce qui lui ressemble, implique la reconnaissance de ce fait, que la matière littéraire par excellence est bien plutôt l'exception à la règle que la règle elle-même. Et nous nous trouvons ainsi amenés a une conclusion, ou tout au moins à une assertion curieusement éloignée de notre point de départ originel. 11 existe des raisons, en résumé, de croire que la si grande et si générale audace de la littérature en France, bien loin de prouver que l'immortalité soit la règle de la vie -française, tend bien plutôt à démontrer qu'elle n'est que l'exception.

Une autre considération dont nous n'avons pas encore parlé, renforce cette conclusion. Comme chacun sait, les Français ne sont pas un peuple paresseux. Ils sont probablement le peuple qui possède l'intelligence la plus vive de tout le monde moderne, et cela tient à la fois à un instinct naturel et à un en-

traînement crée par les circonstances de leur vie, où la concurrence joue un si grand rôle. L'intensité de ce phénomène, si évident lorsqu'on étudie en détairieur organisation, universitaire, suppose' un travail intellectuel incessant' et soutenu. Ainsi s'explique leur attachement à leur système social. Un bon Français doit non seulement faire tout son possible pour maintenir et pour accroître" sa;;propre position dans le monde: il doit encore s'occuper, aussi bien, des intérêts de sa famille. Il doit veiller aux carrières de ses fils; il doit pourvoir aux dots de ses filles; il doit se rendre compte si son intérieur,- important ou -modeste, est dirigé avec prudence.; il doit terminer chaque année ̃' dans une sécurité un peu plus grande que celle qui l'avait réjoui à son commencement. Il ne saurait jamais négliger aucun détail. C'est bel. :ef bien. Cela signifie que quand son labeur quotidien est achevé, il ne serait pas un homme s'il ne se sentait pas heureusement fatigué. Il a besoin alors d'amusement, de diversion, de distraction, de récréation-. Pour reconstituer ses facultés d'attention, il lui faut quelque chose de différent de ce qui les occupait hier et avant-hier,' et de ce qui les occupera demain. Il ne serait pas Français, d'autre part, s'il ne demandait pas à ce divertissement stimulant de revêtir une forme rigoureusement précise. 11 est plus, friand, j'ose dire, de généralisations que nous ne le sommes, mais il aime les fonder sur des réalités concrètes, et ces réalités ont besoin d'être d'une espèce telle qu'elles s'emparent •immédiatement de son attention .fati-

guée. ̃ -'J

Ce qui est vrai du Français est exactement aussi vrai peut-être davantage encore de sa femme, honnête et dévouée. Elle ne serait pas Française, elle non plus, pas plus que lui, si elle n'avait.pas cette habitude d'une loyauté intellectuelle, qui d'une part admet l'existéncé "de choses qu'e. nous, Anglais ou Américains, inclinons à ignorer, et de l'autre maintient cette vérité, déplorable peut-être mais indéniable à coup sûr, que certaines choses ont un pouvoir durable d'exciter l'intérêt, de maintenir l'attention, de nous faire oublier pour un moment la monotonie de la journée passée et de celle à venir, de toutes celles qui se succéderont l'une après l'autre, jusqu'à la mélancolique et dernière, celle qui nous introduira dans la mort. Comme un sujet véritable de distraction, les Français demandent à leur littérature quelque chose de différent de ce qu'ils ,'trouvent dans la vie, exactement comme les ouvrières Américaines aiment a'lire des romans évoquant des duchesses.-11-s. se tournent instinctivement vers la série de faits qui est la moins familièrç-àieur existence quotidienne et, comme telle, qui est la plus apte à retenir leur attention. En conséquence, cette série de îàïii est fatalement immorale.

Un exemple frappant de ce /çjiïe f âj à ^cœur de montrer nié fut récemment conté par un ami Français, qui avait vécu quelques années en Amérique. Pendant un séjour à Paris,illflânait!d;âtls un petit théâtre populaire, fréquenté par de,,modestes boutiquiers et consor.ts/A côté de lui, se trouvait une grosse et maternelle personne, dont les devoirs quotidiens étaient évidemment absorbants, car il ne pouvait s'empêcher de ï'ehtgij? dre discourir avec volubilité sur sonintérieur, sa boutique, ses enfants, svijp

Pendroif du vouspouviezachetër à meilleur compte votre épicerie, sur ce qu'elle comptait vendredi bon ou à mauvais compte, sur la nécessité plus ou moins' graude d'acheter, à, Louis une paire de chaussures plus résistante, afin de' le: guérir de ses maux de tête. Le rideau se' leva. Le premier acte de la pièce était d'une légèreté qui épouvanta nion ami, après son séjour prolongé. en Amérique. La grosse matrone, à son côté, n'éprouvait pas de tels scrupules. Sans conteste.Tceuvre -était, très amusante et; on ne pouvait faire autrement que d'-ë- coûter. Elle riait avec une joie qui faisait plaisir à voir. Et quand le rideau tomba, pour se relever, en temps voulu, sur une farce aussi libre que la première, elle, emplit l'entr'acte d'un, bavardage, tout: entier consacré, comme le^premierj son ` foyer. Bonne âme, fatiguée de l'assiduité qu'elle apportait à l'accomplissement de son devoir, elle trouvait un plaisir innocent- et rien de plus à s'abandonner à ce plaisir paisible. Vous n'eussiez pas davantage pu la considérer comme dépravée que vous ne sauriez le faire, lorsque vous voyez une jolie. jeune fille se complaire àvalser.

Le phénomène n'est d'ailleurs pas particulier aux Français. Un sénateur Américain, réputé pour son austérité, célèbre, pour ses travaux remarquables au Congrès, était dernièrement signalé par Un bibliothécaire comme ayant l'habitude de se distraire, en lisant des livres qui eussent fait rougir ses électeurs et sa famille. Il ne convient pas de déduire de ce fait que sa conduite ne s'était jamais relâchée, fut-ce pour- un instant,. soit en public, .soit secrètement: -bien /au; contraire. De même, à mon sens, les perpétuels dérèglements de conduite que l'on trouve décrits dans la littérature française doivent bien plutôt être considérés comme la partie intellectuelle d'existence se déroulant dans une habituelle régularité. '•̃ Une des formes que revêt cette régularité peut souvent surprendre un étranger qui se trouve en compagnie de Français, causant familièrement entre eux. Je m'expliquerai mieux en citant-l'anecdote que nie conta un Américain,. séjournant à Paris. Il aimait à lire lès romans Français et ne se croyait, en aucune façon, bégueule. Cependant, certains épisodes, dans les œuvres d'un auteur français illustre l'avaient déconcerté. Cela n'empêchait pas que l'on lui assurât parfaite honorabilité de l'homme, ce -qui- lui semblait douteux. Comme tel, il l'inscrivit sur l'index cxpurgatoire de sa mémoire. Or, un jour, il lui arriva de se trouver dans un dîner, placé à côté de ce déplorable personnage. L'aspect du romancier était irréprochable, sapersojqttalité et ses manières séduisantes. La conversation était générale et animée. Elle commença avec le potage et se termina avant dans> la soirée. La compagnie tout entière, à l'exception de mon aïhiy était comppsépde Français; Ce derjiier p'irit peu^de part à l'entretien, étant trop peu familiarisé avec la langue pour la manier couramment. Il remarqua que tous ces gens parlaient avec une liberté parfaite, disant tout ce qui leur venait à i esprit. Plus que les autres convives, le romancier prit la parole. Mon ami m'affirma qu'il n'avait jamais passé une plus délicieuse soirée- Et ce fut seulement, l'entré chez lui, qu'il se réndit entièrement compte d'un fait curieux. Au cours des heures pendant [lesquelles tous ces Fran-

çais avaient' conversé, pas un mot n'avait été prononcé qui n eût pu l'être devant une jeune fille. Et autant qu'il pouvait se lier à sa mémoire, mon ami me déclara #u'il n'eût pas été capable d'en dire autant de n'importe quelle société d'hommes Anglais. Il me rappela, avec un soupir, une phrase tirée du pastiche d'une comédie de l'époque d'Elisabeth, auquel je m'étais complu quelques années auparavant « Quand connûtestous une société d'hommes livrés à euxmêmes qu£evitaient recueil de dire des polissonneries?»'

Et cependant ce n'était pas seulement le romancier, chorège de cette conversation animée sur la politique, les beauxarts, la philosophie. les voyages, qui avait écrit des pages que nul Américain digne de ce nom n'eût signé; les autres membres de la compagnie avaient aussi bien péché, quoique autrement et de manière moins grave, C'est pourquoi je me sens assez disposé à tenir pour vraie la conclusion à laquelle était arrivé mon ami. Les Français- ont la liberté d'écrire des phrasés. qu'ils rie prononceraient pas. Les Anglo-Saxons peuvent dire des choses qu'ils n'écriraient pas. Et les commentaires sur une vérité comme celle-ci peuvent être variés. Vous pouvez en imaginer six pour l'une et une demidouzaine, pour l'autre en fait, ils se résument tous en çelm^ci-yque' les personnages de 'Vie honorable considèrent les choses de points de vue différents, suivant qu'ils sont les familiers des mœurs françaises ou. des nôtres. Une honnête femme d'Amérique, devant qui je me risquatsvàifatFfrçBtte remarque, déclarait, en termes voilés;;gu'en- résume, tous ces

lioiiim'6à quels qu'ils fussent;' devràient

hommes, quels s qu'ils s fussent, devraient

au fond avoir honte d'eux-mêmes. Je me retins'de lui répliquer que si j'avais considéré ainsi les choses, je me serais exposé au moins au jugement de la loyauté intellectuelle qui domine en France.– à être" taxé par -ces Français d'hypqçrisïë ajigjo-saxonne.

Une autre observation peut encore jeter quelque lumière sur le choix conventionnel des sujets, dans la littérature française. Comme nous l'avions présent à TesprttK au moment où nous analysions la constitution la société française, les artistes de ce pays en employant ce terme d'artiste dans son sens le plus large -,forment une classe à part. Chez nous, le mot artiste évoque rl-idée d'un, homme qui a dédié sa vie à l'art -pictural..Parmi les. Français, il est difficile, je crois, de s'arrêter à pareille délimitation. Ils appellent artiste tout homme qui consacre son existence à la contemplation et à l'expression, par opposition à celui qui se livre à cette sorte de travail que les manuels d'économie politique appelaient, dans mon enfance, proàuetitY L'ëffott d'un artiste ne vise pas à accroitre le bien-être de la société, mais à élargir son intelligence et pardessus tout, à augmenter la somme des plaisirs esthétiques. Peintre, sculpteur, architecte, musicien, acteur, homme de lettres, c'est tout un. Il y a sans doute des grades dans la hiérarchie de l'art, exactement comme ilen existe dans les autres professions libérales ou dans l'armée. Par instants, l'un de ces arts peut être au pinacle de la mode; à d'autres moments, il peut être le moins favorisé. Ces nuances de différenciation ne sauraient supprimer la plus grande de toutes: le monde des beaux-arts en France est un monde à part, qui a son

existence très pereonhelle-èt digne d'ad-4: miration.

Les artistes peuvent être d'origine aristocratique. Le plus souvent, ils sont de souche bourgeoise. Quelquefois, 41s sôrteirt; du peuple. Une fois devenus ar-< tistes, ils appartiennent avant tout à leur propre classe j'ai déjà dit par ailleurs, ce qu'était cette caste particulière. pans^ leur art, ils sont profondément sérieux,de robustes travailleurs. A première vue, leurs existences sont aussi ordonnées, aussi -régulières, -aussi ponctuellfB ;qùe l'existence de quiconque. Lousqu'onïilea,, connait mieux cependant, la question de la régularité est, à beaucoup d'égards, pour eux une-chose beaucoup plus indifférente que cela n'a lieu, chez nous, dans.le-même monde.- Je me suis. permis1 de comparer cet étatde chbses'avec ce que nous avons l'habitude d'avoir, sous les yeux, en Amérique, dans le monde des gens de théâtre: aussi longtemps qu'un acteur joue bien et se conduit agréablement, nous lui demandons beaucoup moins qu'à toute autre personne.. Et parce que notre goût nous écarte d'un milieu où peuvent se présenter des situations embarrassantes, nous ne sommes pas tout à fait disposés à le pénétrer plus intimement. Les nombreuses qualités de cœur de ses membres ne sont pas d'ailleurs ici en question. Il s'agit seulement de reconnaître .loyalement,, que. leurs principes de conduite journalière- diffè-? rent probablement que ce soit un bien ou un mal de ceux que nous avons l'habitude de considérer comme plus conformes à notre nature. J'espère au moins que la façon dont j'ai' essayé de présenter cette analogie aura servi à. définir mon propos. Je no l'ai pas fait avec une intention d'apologie. Je n'avais pas le dessein de recommander ou de condamner les sujets les plus ordinaires de la littérature française, pas plus que j& ne songeais à louer ou à blâmer l'attitude vacrtuelle dés quotidiens d'Amérique. J'ai seulement essayé de mettre en évidence la ressemblance qui existe entre un paradoxe que nous saisissons tous,et un autre qui nous échappe généralement. La vie américaine n'est pas. telle que.sèrait tenté de l'admettre un étranger; lisant nos journaux. La vie française non plus, n'est pas telle que .pourraient lé penser les étrangers qui la, connaissent uniquement par les romans de ce pays. Dans chacun des deux cas, ils sont substantiellement vrais; dans chaque cas, ils sont comparativement excep*lionnels dans chaque cas la force puissante de l'ordre social est sur l'instant ignorée. Dans chaque cas, comme on s'en aperçoit quand on connaît mieux chacune de ces nations, cette force se montre si vivace, si continue que) en généralisant la vie qu'elle anime, on a peine à se tromper. Car partout la vie humaine est une lutte entre des forces qui sont bonnes où mauvaises les forces créatrices ou destructives. Il en est de même dans l'ordre physique, moral ou social. Sans le mal, la vie ne pourrait, exister; sans le bien, nulle part, elle ne saurait durer. ̃ Barrett-Wendell. (Traduit de l'anglais par M. Georges GRAPPE). Imprimeur-gérant QUINTARD

Paris, Imprimerie du Figaro, 26, rue Drôiiot