lient toujours, reprend le marquis fort ennuyé. {Et à part.) Victor! eh!, Victor! qu'est-ce qu'il fiche! (Au public.) Je sais ça, moi; quand j'étais amoureux, dans ma jeunesse, il .yalongtemps, je revenais toujours! etc., etc. On siffle. Le marquis est allé au fond et 'parle avec chaleur à la coulisse; on l'entend dire «Qu'est-ce que vous voulez que j'y ;fasse? » On siffle plus fort. Le marquis crie Au rideau! La toile baisse. Tumulte indescriptible, sifflets épouvantables. La salle menace de s'écrouler. La pièce! Le régisseur! L'acteur! La toile! la pièce Tas de filous! La pièce ou mon argent Voici ce qui était arrivé Victor avait eu des démêlés avec la direction du Petit-Lazari; il n'attendait qu'une occasion pour lui jouer un méchant tour. Un de ses camarades lui ayant apporté, au beau milieu de Noblesse oblige ou les tendres incertitudes d'un père, un engagement avec le Luxembourg, Victor, tout- heureux de satisfaire ses rancunes, s'était esquivé par une porte dérobée. Vous pensez dans quel embarras se trouvait la direction. Il fallait faire une annonce. Le marquis se dévoua.
« Messieurs, dit-il, l'artiste chargé da rôle du chevalier de Beaugredin, M. Victor, vient de partir subitement, sans rien dire. Vous voyez que cet incident regrettable nous met dans l'impossibilité de finir la pièce. Toute la salle. Ah!
Une voix robuste. C'est votre faute! '̃̃ Le marquis (interloqué). Comment? La voix. Pardi fallait lui donner votre fille.» n
Moqué par les acteurs, raillé par le public, jeté bas par le farouche Haussmann, que vouliez-vous que fit le Petit-Lazari ? Il mourut.
Jean Gounouilhou.
Un ambassadeur persan A LA COUR DE LOUIS XIV
Il n'est souverain si éloigné qui ne soit pris de l'envie de visiter Paris, et il en est peu qui ne satisfassent sur ce point leur fantaisie. C'est ainsi que récemment -̃encore Paris recevait la visite du roi du Cambodge* Jadis il n'en allait pas de même, les voyages étaient longs et difficiles, et c'était par ambassadeurs que les souverains entraient en relation avec nos rois.
C'est ainsi que Louis XIV, dans les premiers jours de l'année 1715, reçut à à Versâilles un envoyé du shah de Perse. Les circonstances, qui ne justifiaient guère aux yeux des Français d'alors une ambassade de ce genre, la personne même de l'ambassadeur, les incidents de son voyage et ceux de son séjour en France, tout parut au premier abord si -bizarre, que l'idée vint à beaucoup que :cette ambassade n'avait rien de sérieux et p'ouvait bien avo:r été inventée dans 'le secret dessein de flatter le roi et de lui rendre ainsi pour un temps l'illusion de sa grandeur passée.
Le duc de Saint-Simon ne cache pas son opinion à cet égard, et accuse nettement « ce détestable cyclope » de Pontchartrain d'avoir « travesti une espèce d'intendant de province en ambassadeur ».
Saint-Simon se laisse emporter par sa haine contre le ministre. Pontchartrain ̃ne fut pas si coupable, et, dans cette -aventure, il n'eut guère que le tort de grossir et d'exagérer certaines choses l'ambassade était très réelle; toutefois, le récit de l'événement, reconstitué à l'aide de documents dignes de foi; montrera que l'erreur était plausible. Fort .rarement, à coup sûr, on vit un aussi singulier ambassadeur, et l'on comprend ..que ce Persan au caractère étrange ait dû causer quelque étonnement à la cour du grand roi.
« -.̃
En 1705, Louis XIV avait eu le premier l'idée d'entrer en relation avec la Perse; il avait envoyé au shah Houceïn un sieur Fabre, de Marseille. Celui-ci périt de mort violente à Erivan, et fut remplacé par un sieur Michel, lequel a.vait conclu une façon de traité. Ce sont ces premières négociations que le shah eut le désir de reprendre et d'amener à une véritable entente. A cet effet, il délégua Mirza-Sadek, chef du divan du khan de la province d'Erivan, pour aller en Europe s'aboucher avec le roi-soleil, dont la, renommée éclatante était parvenue jusqu'en Perse.
Mirza-Sadek, qui connaissait l'humeur changeante de son prince, et que la perspective d'une aussi longue absence effrayait, trouva un moyen ingénieux de se soustraire à cette obligation. N'osant décliner ouvertement la mission qui lui était confiée, il la passa à l'intendant de sa province, Méhemet-Riza-Beyg, lequel accepta l'honneur pour le profit, car il reçut de Mirza-Sadek une somme qu'on évalue à dix mille écus.. D'un esprit aventureux, d'un caractère extravagant et par surcroît bouffi d'orgueil, Méhemet fut ravi à la pensée du rôle important qu'il aurait à jouer. Il se composa une suite, assez médiocre d'ailleurs, et partit d'Erivan le 15 mars 1714. Il débarqua à Marseille le 23 octobre. Il fut si joyeux de l'accueil bienveillant qu'il y trouva qu'il ne pressa point sa marche'; ce ne fut que trois mois plus tard, le 26 janvier 1715, qu'il arriva à Charenton.
Louis XIV, en apprenant la venue de cet ambassadeur lointain, voulut lui témoigner le plaisir qu'il en éprouvait. Il ordonna qu'il fût défrayé de tout et logé dans une maison appartenant au baron de Breteuil, introducteur des ambassadeurs et princes étrangers. Il voulut, en même temps, qu'on lui préparât une réception magnifique. °
Pour commencer, le baron de Breteuil alla complimenter Méhemet-Riza-Beyg de la part du roi, et il le fit dans des termes dont l'exagération semble empruntée au répertoire comique d'un Scarron en gaieté.
« L'empereur de France, mon maître, le plus grand et le plus pieux des empereurs chrétiens, le plus magniflqne des rois de l'Europe, le plus puissant en guerre tant sur la terre que sur la mer, toujours invincible, l'amour de ses peuples et le modèle parfait de toutes les vertus royales, m'envoie, monsieur, vous faire un compliment de sa part et se réjouir de votre arrivée auprès de Paris, la capitale de son empire, la plus riche et la plus superbe des villes de la partie du monde que nous habitons. Il sait que l'Empereur, votre maître, est le plus magnifique et le plus puissant empereur de l'Orient, et il est persuadé qu'ayant à sa cour autant de personnages illustres qu'il en a, il vous a choisi entre eux "comme un sujet d'un mérite distingué, ,.çt capable d'être le lien de l'union de
deux si puissants monarques. Il vous donnera, monsieur, en toutes occasions, les marques de l'estime et de la considération qu'il a pour un ambassadeur qui vient de la part d'un si grand empereur. »
Ce petit intendant de province ne s'était jamais trouvé à pareille fête; tant d'honneurs achevèrent de lui faire perdre la raison. Il commit cent folies qui se ressentaient de son origine et ressemblaient fort à des « grossièretés de bas marchands. » Il est vrai que lorsqu'il s'apercevait du trop mauvais effet produit, il se tirait d'affaire en rejetant tout sur la lune, dont il subissait l'influence. Avec une grande bonne volonté, on admettait cette excuse.
Il avait amené avec lui un devin, et il le consultait à tout instant, ne voulant rien faire avant de savoir par lui si c'était un jour heureux ou malheureux. « Si on lui propose de faire quelque chose, et si le jour ne se trouve pas heureux, écrivait la princesse Palatine, il entre en fureur, il grince des dents,. tire son sabre et son poignard et veut tout exterminer. »
Le baron de Breteuil et le maréchal de Matignon, chargés de préparer la grande réception, eurent plus d'une fois à supporter les éclats de son humeur extravagante.
Ne se refusait-il point à aller à Versailles en carrosse, sous prétexte que sa religion lui défendait de s'enfermer dans une boîte avec des chrétiens?
H exigeait des respects infinis de tout le monde, et surtout du baron de Breteuil, qu'il regardait comme un esclave. Les choses allèrept un jour fort loin. Fatigué d'être en butte à ses incartades, Breteuil se révolta.
Etes-vous le roi de Perse? lui demanda-t-il.
A Dieu ne plaise! répondit Méhemet. Je ne suis qu'un de ses moindres esclaves.
Eh bien, morbleu! rendez donc à l'esclave du roi France les honneurs qu'on rend à l'esclave du roi de Perse. Mais l'esclave du roi de Perse entendait mal ce raisonnement. Sur un signe, six Persans entrent, le fusil à la main, et un septième présente à Méhemet un sabre nu.
Le baron de Breteuil ne se laisse pas intimider par cet appareil guerrier et déclare que, si l'ambassadeur ne renvoie pas immédiatement ses sbires, d'un coup de sifflet il appellera six mille mousquetaires .postés dans le voisinage. Cette menace produisit bon effet, et Méhemet témoigna aussitôt d'intentions plus pacifiques.
Le roi fut informé de ces incidents ridicules il convint que c'était le fait d'un homme fort malappris, mais il lui en eût trop coûté de renoncer au plaisir de recevoir l'envoyé du « plus magnifique et du plus puissant roi d'Orient », et l'audience fut fixée au 7 février..
Une difficulté se présenta alors: Dippy, interprète du roi pour les langues orientales, s'avisa fort mal à propos de mourir. On s'enquit aussitôt de quelqu'un qui pût .le remplacer; la chose était malaisée. Enfin, on découvrit un curé des environs d'Amboise, qui avait passé plusieurs années en Perse et en savait fort bien la langue. Il fut le « truchement », comme. eu Ulit Coviclle, dont le souvenir revient invinciblement dans le récit de cette aventure, digne en bien des points de la mascarade du Bourgeois gentilhomme.
Rien ne fut négligé pour donner à la fête un éclat merveilleux; le cadre se prêtait admirablement au déploiement d'un luxe et d'une pompe inouïs. On avait choisi la grande galerie du palais de Versailles. A l'une des extrémités, un trône fut dressé, et somptueusement orné. Sur des gradins élevés de plusieurs étages des deux côtés de ta galerie se placèrent les plus hauts personnages du royaume, superbement parés. Le roi, qui désirait paraître dans un entourage aussi brillant que nombreux, avait même prêté pour la circonstance une garniture de perles et de diamants au duc du Maine et une de pierres de couleur au comte de Toulouse.
Dès le matin, le maréchal de Matignon et le baron de Breteuil avaient été chercher à Charenton Méhemet-Riza-Beyg, lequel s'était cependant résigné à monter avec eux dans un des carrosses royaux. Après une halte à l'entrée du faubourg Saint-Antoine, chez M. Titon de Villegenon, on traverse Paris, puis on se dirige sur Versailles.
A onze heures, le cortège débouche dans l'avenue. L'ambassadeur et sa suite descendent de voiture efmontent à cheval. Ils arrivent ainsi au bas du grand escalier du château. Là, le marquis de Dreux, grand maître des céré- monies, les reçoit au nom du roi et les conduit aux places désignées dans la ga- lerie.
L'impression produite sur les assistants par la vue de l'ambassadeur persan n'est pas des plusfavorables, et la curiosité est quelque peu déçue. Méhemet avait alors une cinquantaine d'années; il était detaille moyenne, avec un visage fortement basané, le front grand, les yeux vifs et les joues décharnées. Sa barbe noire était par places de couleur jaunâtre; ses mains avaient été passées au safran et ses ongles au carmin. Pauvrement habillé, il ne rappelait point le légendaire luxe oriental, et ses gens n'avaient point un aspect plus brillant que lui.
Il s'avance, non sans embarras. A ce moment, le roi fait son entrée. Et le contraste est saisissant entre la magnificence de l'un et le médiocre accoutrement de l'autre. « Le roi, dit Saint-Simon, avait un habit d'étoffe or et noir, avec l'ordre par-dessus. Son habit était garni des plus beaux diamants de la couronne: il y en avait pour 12,500,000 livres. Il ployait sous le poids, et parut fort cassé, maigri et avoir très méchant visage. »
L'ambassadeur remet au roi la lettre' du shah qu'il a apportée dans un sac de brocart d'or.
Le roi répond à son salut en se levant et en se découvrant.
L'ambassadeur lui adresse alors son compliment dans les termes emphatiques d'usage
« L'Empereur, mon maître, qui est au service de Dieu et observateur de la loi du grand Prophète, m'a envoyé exprès, moi qui suis son esclave, au service de Votre Majesté, pour demander à Dieu la continuation de sa santé, en même temps augmenter et renouveler l'ancienne amitié. etc. »
Il continue sur ce ton. Sa harangue finie, il étale les présents envoyés par le
shah, présents dont la mesquinerie contraste singulièrement avec la magnificence de son langage. Ce sont « cent quatre perles fort médiocres, deux cents turquoises fort vilaines, deux boîtes d'or pleines d'un baume qui est rare, sort d'un rocher enferme dans un autre, et se congèle un peu par la suite des temps ».
Louis XIV ne voulut remarquer dans cette cérémonie que ce qui flattait son orgueil. D'ailleurs, sur l'avis de Pontchartrain, il avait manifesté le désir que le souvenir en fût perpétué. A cet effet, on avait placé au bas du trône Coypel et Bosc Coypel, le peintre, dont les pinceaux devaient fixer la scène sur latoile; Bosc, le secrétaire de l'Académie des Inscriptions, dont la plume en écrirait une relation.
La réception terminée, Méhemet-RizaBoyg fut traité à dîner par les officiers du roi. On remarqua qu'à diverses reprises il se fâcha contre son interprète, d'où l'on conclut qu'il n'était pas sans entendre un peu le français. Enfin, vers le soir, on le tlt remonter dans les carrosses du roi, et on le ramena à Paris. Pontchartrain, Torcy et Desmarets s'occupèrent alors de lui faire signer un traité en flattant sa vanité immense, en satisfaisant sa cupidité, on y parvint facilement. Mais que valait ce traité ? '? Cela, d'ailleurs, semblait importer fort peu aux négociateurs ils pouvaient montrer l'instrument au roi, et cela leur suffisait.
Louis XIV désirait donner à l'ambassadeur une audience de congé aussi fastueuse que la première. Dans cette intention, il défendit que rien fût changé à la décoration; de la grande galerie du palais. Mais, dans s l'intervalle, la maladie dont il était atteint avait fait de rapides progrès cette cérémonie fut loin d'avoir l'éclat de la première, et Saint-Simon la raconte en ces termes « Le mardi 13 août, il (le roi) fit son dernier effort pour donner, en revenant de la messe où il se fit porter, l'audience de congé, debout et sans appui, à ce prétendu ambassadeur de Perse. Sa santé ne lui permit pas les magnificences qu'il s'était proposées comme a sa première audience il se contenta de le recevoir dans la pièce du trône, et il n'y eut rien de remarquable. Ce fut la dernière action publique du roi. Cette audience, qui fut assez longue, fatigua fort le roi. Il résista, en rentrant chez lui, à l'envie de se coucher. Il envoya le lendemain force présents et quelques pierreries à ce bel ambassadeur. »
Moins de trois semaines après, le dimanche 1" septembre, Louis XIV mourait.
On vient de voir comment MéhemetRiza-Beyg avait joué son rôle d'ambassadeur mais, sous le personnage plus ou moins officiel, restait le petit intendant de province dont l'imagination était surexcitée par la renommée de Paris, la ville de tous les plaisirs, et qui entendait en prendre sa part. Le hasard le servit à souhait.
Un Persan, c'était chose rare; un ambassadeur persan, c'était mieux encore; aus^i se vit-il,, dès son arrivée, sollicité par plusieurs beautés faciles; il ne tarda pas a se lier avec une dame de Roussy dont le principal mérite était d'avoir une fille, la marquise d'Epinay, belle et avenante. Elle le séduisit, ne se montra point farouche et devint sa maîtresse. Volontiers il eût oublié près d'elle ses compatriotes, tant le charme de cette Parisienne l'avait conquis.
Quand donc sonna pour lui l'heure du départ, il ne put se résigner à la pensée d'abandonner son Hélène, et il voulut l'emmener avec lui.
Le voyage menaçait d'être long, car, pour éviter les avanies subies à l'aller, il devait quitter la France par le Havre, gagner sur mer la Russie et de là se rendre en Perse. Mais cette perspective n'était point de nature à effrayer la marquise d'Epinay; elle consentit à tout pour suivre son amant.
Cependant, malgré l'accord de leurs volontés, les choses n'étaient point d'une exécution aisée; le lieutenant de police, M. d'Argenson, eut vent de l'affaire, et, à ce moment, la police s'occupait déjà de beaucoup de choses qui ne la regardent point. On jugea qu'il n'était pas convenable de laisser enlever une catholique par un musulman, d'autant qu'il y avait chance qu'elle abandonnât sa religion d'origine dans les pays lointains où elle allait suivre un mécréant on lui signifia l'ordre de rester.
Ce contretemps désola les amoureux, d'autant que le ciel « avait béni leur union »; pouvait-elle perdre ainsi pour toujours peut-être le père de son enfant'? L'ambassadeur tenait surtout à la mère.
Les amants songèrent donc à user de subterfuge pour déjouer les ordres de la
police.
Méhemet-Riza-Beyg devait se rendre à Chaillot et, de là, descendre la Seine jusqu'à Rouen. Il sembla résigné à suivre l'itinéraire indiqué et arriva à Chaillot suivi de ses bagages, parmi lesquels se trouvait un grand coffre. Le tout est placé sur le bateau, qui se met en marche pour Rouen.
Pendant ce temps, Mme d'Epinay a pris le coche, et le rejoint dans cette ville. Comment leur refuser une dernière entrevue ? Elle passe dans le bateau, et l'on navigue vers le Havre. Dans le port, une frégate française, YAstrée, attend l'ambassadeur. Ses bagages sont portés sur le navire en partance parmi eux figure le coffre.
L'ambassadeur s'embarque, nul ne voit sa maîtresse. L'ancre est levée, l'on prend la mer et le vaisseau est déjà loin lorsque de Paris arrive l'ordre de surveiller le départ de Méhemet et d'empêcher Mme d'Epinay de le suivre. Précaution inutile, il est trop tard la police a manqué son coup. Mme d'Epinay peut sortir du coffre qui lui a servi de cachette elle est maintenant en sûreté, sur l'Astrée, avec son amant. C'est de cette façon que la jeune femme a quitté la France pour s'attacher à la fortune de cet étranger bel exemple de fidélité, qui ne reçut pas sa récompense. En effet, les aventures les plus diverses, et presque toutes malheureuses, assaillirent les voyageurs. D'abord la mer fatigua beaucoup Mme d'Epinay dans son état de grossesse. MéhemetRiza-Beyg fit arrèter le bateau à Copenhague ils descendirent à terre et séjournèrent quelque temps à Hambourg, à Berlin, à Dantzig. Les fonds que le Persan avait emportés diminuaient rapidement il dut, pour vivre, faire argent
des cadeaux que la munificence de Louis XIV destinait au shah. Beaucoup de gens de sa suite le quittèrent, et il se trouva à peu près seul avec son Hélène, laquelle accoucha en janvier 1716. Dès qu'elle fut rétablie, ils se remirent en marche avec mille fatigues, ils traversèrent la Pologne, la Russie, et se trouvèrent enfin sur les frontières de la Perse. De retour à Erivan, MéhemetRiza-Beyg réfléchit à sa situation son ambassade n'avait, jusqu'alors, réussi qu'à lui-même; le traité qu'il avait cu la faiblesse de signer était désastreux pour les intérêts de la Perse; il avait vendu la plus grande partie des présents de Louis XIV. Ses réflexions l'amenèrent à considérer son cas comme assez mauyais il s'ingénia donc à retarder son retour le plus possible. Il comptait ou que le shah Houceïn mourrait, ou qu'une de ces révolutions fréquentes en Perse le délivrerait de l'ennui de lui rendre des comptes; mais, par malheur, Houceïn se portait bien et personne ne songeait a le renverser. Méhemet ne pouvait prolonger indéfiniment son absence. La pensée d'affronter son terrible souverain le plongea dans les craintes les plus affreuses; il vit la mort qui l'attendait. Il ne voulut pas l'attendre, et, se faisant son propre juge et son propre bourreau, il avala du poison. C'est ainsi qu'il périt (1717).
Mme d'Epinay restait seule, dans une contrée où elle était inconnue. Qu'allaitelle devenir? La position était des plus tristes. Néanmoins, en femme qui ne redoute pas les aventures, elle ne songea point à imiter son amant; elle se dit qu'on peut vivre partout, pourvu qu'on y mette de la bonne volonté. Elle se confia donc à Dieu, et, pour plus de sûreté, elle choisit le Dieu du pays où elle se trouvait :.elle se fit musulmane. Et ce fut là, semble-t-il, le plus clair résultat de cette ambassade.
B TM!~ !M e~~es
8 Travers les Bevues
L'Arsenal
M. Michel Salomon publie, dans la Revue de Paris, une étude sur le salon do l'Arsenal, où il y a quelques petites choses inédites et amusantes.
Un album de Marie Nodier, relié par Thouvenin « à la cathédrale », contient des aquarelles, des sépias, des poèmes et des pensées, des autographes d'Hugo, le sonnet d'Arvers. Sous un des plats de cet album, dans une poche nacarat, M. Salomon a retrouvé une lettre de Suzanne Brohan, qui remercie d'une amabilité on lui permit de contempler cet « écrin littéraire unique ». Et elle s'attendrit sur « Félix Arvers, mort si jeune. » Mais M. Salomon trouve que, quarante-quatre ans, ce n'est pas la fleur de l'âge ni un moment très « poétique » pour mourir. N'importe. Et, à propos de la mystérieuse dame, il a raison de rappeler ces lignes agréables de Banville: 0
Comme elle n'a pas deviné l'amour chaste du poète, .cainme elle ne lui a donné ni une consolation, L ni un sourire, il faut aussi qu'elle ne marche jamais sur le tapis triomphal qu'il avait étendu devant ses pieds dédaigneux.
Donc, trêve aux potins, et pour une éloquente raison.
L'amitié d'Hugo et de Nodier est bien attestée. Voici une brave lettre d'Hugo. Il faut dire que Nodier venait de louer les Odes et Ballades.
Oui, mon Charles, avouons hautement notre amitié, cette amitié de frères qui m'unit. a vous comme elle unissait Thomas Corneille au grand Pierre, cette amitié .qui n'a pour vous que des charges et pour moi, que des avantages. Prenez-moi sous votre égide, et il me semblera que je suis invulnérable, comme vous.
Que votre article est beau et en même, temps qu'il est bon Je veux aller vous en remercier, vous embrasser mille fois. Vous ne savez pas, mon illustre ami, quel orgueil et quelle joie on éprouve à se voir ainsi loué par le génie. Pour connaître cette émotion, il faudrait, ce qui ne se peut, que vous fissiez un article sur vous-même.
Quant à moi, quelle que soit la chance de l'avenir, je suis tranquille maintenant. Mon nom est scellé sous le vôtre. Enchâssé dans votre article, il ressemble à ces insectes d'un jour qui se conservent immortels dans les perles dorées de l'ambre. Que puis-je craindre ? Ne suis-je pas attaché au pilier de votre gloire par le nœud de fer P
VICTOR.
Victor aimait les calembours, on le sait. Il les croyait, selon les jours, préparés par Dieu ou le Destin. Conséquemment, ceux qu'il apercevait, il ne les ratait pas. Ce « nœud de fer » « forte image »., dit M. Salomon, c'est, dit-il encore, le nodo hierro que Nodier donnait volontiers comme l'étymologie de son nom.
Lamartine aussi allait à l'Arsenal. M. Rossigneux, vice-président de la Société des Arts décoratifs,, se rappelle l'y avoir vu, « debout, une main passée en écharpe entre les boutons de l'habit », et disant le Lac. C'est un grand souvenir. Mais, par ailleurs, c'est une drôle de chose qu'on ait éprouvé la douleur qui est en ce poème et qu'on aille réciter cela dans les salons poètes, poètes, que vous êtes expansifs
Marie Nodier devint Mme Mennessier. D'un mari qui n'aimait pas les sonnets elle eut un enfant; et Lamartine fut prié de vouloir bien être le parrain. Il s'excusa, dit M. Salomon, sur la nécessité où son « immense famille », ses nombreuses relations de voisinage et aussi un peu sa célébrité le mettaient, « à l'égard des filleuls », de « prendre une résolution générale » et de « les refuser tous ». « Cependant, ajoutait-il, je serais si heureux de vous être quelque chose et d'enregistrer notre mutuel attachement que, si cela pouvait être inconnu, comme non avenu, je m'offrirais avec empressement et vrai plaisir. Voyez donc et écrivez-moi. »
M. Salomon ne nous dit pas ce qu'il advint de cette offre. D'ailleurs, il semble préférable de donner à son enfant un parrain moins occupé; quant à un parrain qui serait Lamartine, mais en catimini, le plaisir n'est pas extraordinaire. Mangée en secret, une dragée signée Lamartine n'est probablement pas meilleure qu'une autre.
Mme de LamartineetMmeCharlesNodiers'occupèrent ensemble de charité. Et puis ce furent les Lamartine qui eurent besoin de charité. Le poète écrivait à Mme Nodier
Puisque vous daignez penser à mes œuvres par lesquelles je tente de me sauver et sur-
tout de sauver mon honneur, n'hésitez pas à souscrire et prenez les termes d'accord avec vos convenances. Ce sera votre main tendue.
C'était lui qui tendait la main, pour avoir voulu voyager comme un roi. Il envoie à Mme Nodier des annonces du Cours familier de littérature.
Pour Pont-Audemer quelques prospectus, si l'occasion s'en trouve.
II y eut des souscriptions; et Lamartine écrivit
Le cœur do Nodier n'est point mort, il palpite en vous, et le mien vit et survit pour vous remercier et, j'ose le dire, pour vous aimer.
Il ne ponctuait que de virgules, écrivant nonchalamment.
Une lettre de Musset, gentille
Dimanche soir.
On a dû vous remettre, madame, une lettre pour votre protégé. Je serais bien coupable de vous l'avoir portés si taid, si je n'avais à vous donner une excuse que vous agréerez, j'espère c'est que j'ai manque mourir la semaine passée. J'ai été pris d'une fièvre nerveuse, fort sot mal que je ne souhaite à personne, et je ne fais que revenir à la clarté du jour.
J'ai écrit selon vos volontés le moins mal que j'ai pu, c'est-à-dire encore très mal. Le ciel m'a refusé l'esprit de fairo ou de recevoir un compliment. J'ai besoin d'être aimé pour moi-même comme Almaviva, indépendamment de toutes les phrases, protocoles, etc. Ainsi vous me pardonnerez si ma lettre est bête. Je vous l'ai portée pour vous prier de vouloir bien la faire parvenir au jeune homme en question, attendu que l'adresse qu'il a mise au bas de son sonnet est pour moi un mystère géographique. J'aurais été bien heureux, madame, que cette petite correspondance eût été pour moi une occasion de vous revoir quelques instants dans ce respectable Arsenal où nous avons tant dansé à quinze ans. Hélas nous sommes tous devenus de grands personnages, et la gloire, qui ne danse pas, a tout séparé. Elle vous a du moins permis de rester ce que vous étiez, l'une des femmes les plus charmantes et les plus spirituelles do cet ennuyeux temps.
Veuillez agréer, madame, mes compliments respectueux et empressés. ALFRED DE MUSSET.
Une petite variante. Dans l'album de Mme Mennessier-Nodier, il y a le sonnet Je vous ai vue enfant, maintenantque j'y pense. Mais, au lieu de Vous aimiez lord Byron, les grands vers et la
on lit [danse,
Vous aimiez Paul Foucher, les grands vers et la [danse.
Gracieuse taquinerie, conjecture M. Salomon plaisante allusion, sans doute, à quelque préférence qu'avait, si l'on dansait, Marie Nodier pour le beau-frère de Victor Hugo. Les familles Hugo et Nodier s'aimaient bien.
Comment travailler
C'est l'opinion des socialistes qu'on devrait moins travailler; et c'est leur rèye, de ne travailler pas du tout. On sait que le citoyen Guesde réduirait volontiers à une heure vingt la durée de la quotidienne besogne.
A quoi M. le docteur Maurice de Fleury objecte qu'on s'abrutirait.
11 explique cela dans la Revue et démontre ou, du moins, affirme 'que le travail est « une des conditions de la santé, de l'équilibre fonctionnel ». Vingt-deux heures et quarante minutes d'oisiveté, voilà de quoi pousser l'humanité a la plus triste déchéance physique, à la plus sombre stupidité, à moins que, cependant, tout cet excès de force inemployée ne nous ramène à la férocité probable de nos premiers ancêtres.
Je me figure que nos premiers ancêtres eurent beaucoup à travailler, ne fût-ce qu'au sujet des fauves. Peut-être aussi furent-ils des sortes de fauves mais les fauves ne flânent guère, ayant de studieuses mâchoires.
Le long labeur quotidien est un assouvissement nécessaire de nos énergies, un merveilleux régulateur de notre tension nerveuse gardons-nous donc de le vouloir réduire inconsidérément.
D'ailleurs, comment faire?.
Une image socialiste serait accompagnée de cette légende « Tu as donc fait un héritage, pour te reposer ainsi ? Non, mais je compte sur la réalisation du programme guesdiste. » Second tableau, qui ferait pendant cet homme confiant périrait faute d'alimentation. M. le docteur Maurice de Fleury nous est précieux quand il assure que « les grands laborieux ne meurent pas plus jeunes que les pires indolents », et quand il ajoute
Les maladies contagieuses n'épargnent pas les femmes désœuvrées de préférence aux hommes très actifs.
Il est fortifiant de songer que la justice immanente n'est pas une invention républicaine. J'aime tenir ceci d'un savant tel que l'auteur de Y Introduction à la nzédecine de l'esprit:
Même sous des climats plus doux, les peuples les plus endormis ont une mortalité plus fournie que n'est celle des peuples les plus industrieux.
Nous travaillerons,* décidément, puisque c'est la santé. Mais comment faut-il travailler? Régulièrement.
Sachons régler minutieusement notre vie et nous asseoir devant la table de travail tous les jours au môme moment, afin que notre cerveau se congestionne de lui-même et s'apprête à la tâche, à la façon dont l'estomac, automatiquement, congestionne ses glandes digestives pour le repas et crie famine à l'heure accoutumée.
En fait d'hygiène, M. le docteur Maurice de Fleury nous déconseille les « savoureux repas habituels » et la débauche mais il nous recommande un « noble amour ».
Graphologie
Continuant son enquète sur la graphologie, M. Emile Borel a proposé divers échantillons d'écritures il plusieurs personnes, et notamment à M. Paul Meyer, l'éminent romaniste. II publie dans la Revue dit mois quelques-uns des résultats obtenus.
A propos de l'un de ces échantillons, l'enveloppe d'une lettre adressée à M. Binet, M. Paul Meyer écrit
La raison d'attribuer à une femme le no 2 est que l'adresse est absurde elle a été écrite par une personne dépourvue de connaissances géographiques qui a confondu Samois (où M. Binet réside une partie de l'année) et Meudon. Les femmes n'ont aucune précision dans l'esprit elles écrivent, en général, comme elles parlent, sans réflexion.
Grimod.
[danse,
M. Paul Meyer n'aime pas les femmes. Mais il ajoute:
Mais ce qui est généralement vrai maintenant changera lorsque nous leur aurona donné une meilleure éducation.
M. Paul Meyer a confiance dans l'effi.cacité de la pédagogie.
Qui aime les femmes et n'a pas mis sa confiance dans l'efficacité de la pédagogie sera bien attristé de teUes affirmations catégoriques et rudes. A Montrouge
M.Charles Derennes raconte, en alexandrins, dans YErmitage, qu'il s'est promené récemment à Montrouge avec un de ses amis, M. Larguier, et le poète Jean Moréas.
C'était un soir d'été on rencontrait des « femmes sans amour ». Des tramways, des fiacres.
Mais Jean Moréas se prit à parler des voyages d'Ulysse et à dite l'histoire de cette Nausicaa, que M. Derennes appelle, à cause d'une rime, Nausicée. Ce dut être charmant, car Moréas, « que la noble Athène a nourri » se souvient de la Grèce natale.
Du reste, le temps était à l'orage et le ciel se striait d'éclairs. La promenade néanmoins dura toute la nuit, si bien qu'à l'aube on se trouva dans un cabaret « caché sous des ombrages verts ». Et là, nous accoudant sur la table de hêtre Où la veille un ivrogne avait dormi peut-ètra, Nous bûmes d'un vin àp.ro, en récitant des vers. M. Derennes a conservé un précieux souvenir de cette promenade. Il le dit agréablement
Des jours se sont passés. Je traverse cet âge Où l'homme, accaparé par les soins do l'Amour, Appelle son destin et 1 implore avec rage Sans se douter qu'il est inexorable et sourd. La Douleur m'a frappé deux fois de ses sept [glaives,
Pourtant, trop jeune encor pour pouvoir être las; Je poursuis le bonheur et je fais bien des rêves Qui diffèrent du vôtre et ne le valent pas. Où vais-je? Ai-je le droit d'espérer et de croire Que le sort, quelque jour, comblera mon souhait, Et que j'épuiserai la coupe où je veux boire? Dieu seul pourrait répondre et Dieu reste muet. Mais puisque l'avenir, 6 Poète, ménage A votre renommée un destin éclatant,
Laissez que je me lie à vous pour cet instant Où votre âme vaillante exalta mon courage. Que les hommes nous voient à jamais, vous, [Larguier
Et moi, près de Paris, chez un cabaretier, Assis l'un près de l'autre après une nuit noire Qui préparait l'orage, et la foudre, et le vent, Vous-, Poète, de qui le nom est triomphant, Larguier, déjà marqué par une aube de gloire, Et.puis moi, qui n'étais encore qu'un enfant. Voilà. Et ne l'oublions pas, que, nous « les hommes » et nos petits fils, devons « à jamais », s'il vous plaît. voir MM. Derennes et Larguier buvant un peu de vin dans ce cabaret de Montrouge avec Jean Moréas. Que l'avenir se le tienne pour dit la moindre défaillance de mémoire serait pénible à l'un de ces poètes. Tout cela, c'est la faute de Taine, qui a fait croire que la personne des poètes et les anecdotes de leur vie avaient plus d'importance que leurs poèmes. Les poètes d'aujourd'hui nous préparent tous les documents qui les concerneront. Ils nous renseignent avec une obligeance parfaite; et, pour peu qu'on néglige de les « interviewer », ils prennent les devants. Je sais même, sur ce point, nombre de prosateurs qui sont poètes. André Beaunier.
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UNE
Classe de piano au Conservatoire SOUS LE CONSULAT
A Victor Gillc.
Mon grand-père, Adolphe Adam, ne fut pas seulement un savant musicien et un compositeur illustre, il fut aussi un conteur aimable et spirituel. Erudit, épris d'art et de littérature, il conserva jusqu'à sa mort l'habitude de noter les anecdotes qui l'intéressaient.
Bientôt vont s'ouvrir les portes du Conservatoire oit Boieldieu, sous le Consulat, fut professeur d'une classe de piano. On va voir, d'après los notes manuscrites d'Adolphe Adam, comment l'auteur de la' Dame blan~che entendait le professorat.
"En ce temps-là, Sarrette venait de créer le Conservatoire, ce qui lui permit d'être utile à beaucoup d'artistes. C'est à cause de sa qualité d'inspecteur du nouvel établissement que Cherubini obtint de pouvoir résider en France, quoique étranger, et Boieldieu n'échappa à la réquisition que grâce à Sarrette qui le nomma professeur d'une classe de piano. Mais les autres maîtres do cet instrument furent mécontents de ce choix qu'ils qualifiaient d'arbitraire et ils exigèrent que Boieldieu subit une audition. Le musicien accepta; il joua un morceau de sa composition avec une verve et un brio qui stupéfièrent ses compétiteurs. Ceux-ci se retirèrent deux fois vaincus.
Boieldieu n'avait accepté cette position que par nécessité. Il ne prit jamais sa classe au sérieux. En vérité, il affichait à cette époque une telle légèreté d'esprit qu'un travail sérieux de sa part semblait une chose impossible. Il donnait des leçons en ville avec une inexactitude et une fantaisie remarquables. Auber racontait avoir reçu de Boieldieu onze leçons en trois mois. Au bout de ce temps, le maitre prévint son élève qu'il allait passer une semaine chez une dame, à la campagne. Il revint à Paris un an et demi après.
Avec un tel professeur, la classe de piano du Conservatoire devait être singulièrement tenue. Boieldieu la considérait comme une sorte de pied-à-terre où il passait deux heures trois fois par semaine. Quand il avait un opéra en tete, il ne permettait pas aux élèves de se mettre au piano cet instrument appartenait alors au maître il s'y installait et se mettait à composer pendant tout le temps destiné aux leçons qu'il eût dû donner. Le Calife de Bagdad a été écrit ainsi d'un bout à l'autre.
Quand Boieldieu ne composait pas, il faisait des armes ou causait avec ses élèves favoris. Ces derniers étaient de grands jeunes gens admis dans sa classe à condition qu'ils ne demanderaient jamais de leçons et qu'ils écouteraient les autres ceux-ci'étaient deux ou trois piocheurs chargés des plaisirs de la société.
Voyons, amuse-nous, disait Boieldieu à l'un d'eux.
L'élève se mettait au piano, et, si son morceau, mal choisi ou mal exécuté, ne plaisait point, le professeur renversait d'un coup de pied le tabouret qui supportait l'exécutant -Tu ne nous amuses pas. Va-t'en!
Un second pianiste succédait au premier et la crainte d'être jeté par terre doublait son zèle et son ardeur.
C'était, dans la classe de Boieldieu, le seul mode d'enseignement et le seul moyen d'émulation.
Dans cette classe, le jeune Zimmermann, âgé de treize ans, eut l'insigne honneur d'être reçu. Il exécuta une sonate d'Herman, intitulée la Loquette. (Cet Herman avait été le maître de piano do Marie-Antoinette.) Boieldieu vit tout de suite que le nouvel