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Titre : Le Figaro. Supplément littéraire du dimanche

Éditeur : Le Figaro (Paris)

Date d'édition : 1895-07-27

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb343599097

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb343599097/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Description : 27 juillet 1895

Description : 1895/07/27 (Numéro 30).

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k272818g

Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-246

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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FIGARO t

TOMBOUCTOU SOMMAIRE

I. La Vallée du Niger occidental. II. Tombouctou.

111. L'Exploitation coloniale du Soudan. IV. Le Chemin de fer.

Conclusion.

Cartes nouvelles. Reproductions photographiques. Le Bagage de l'Explorateur.

•; '.̃̃̃ I

LA VALLÉE

DU DU

NIGER OCCIDENTAL V Le Soudan il n'y a rien à

attendre de ces tristes

régions.

(Séance du 2S juin.)

cette colonie désolée.

,i, UN AUTIIE RÉPUTÉ

(Séanco du 27 juin.)

L'ancienne et persistante renommée de Tombouctou. son commerce vanté dans tout le nord de l'Afrique, son prestige de métropole riche et puissante permettaient de conclure, a priori, que les régions située^ au s..d de la grande cité nigrilienne sont de? pays fertiles et prospères. Une erreur qui se serait propagée à travers six ou sept siècles, un trompe-l'œil quj auraitabusé aussi longtemps le monde civilisé sans que rien vint détruire l'illusion, seraient sans exemple dans l'histoire. Dans son cabinet, entre une carte d'Afrique et uue édition de Léon l'Africain, le géographe pouvait raisonner ainsi

Tombouctou est au seuil du désert. Du sable au nord; du sable à l'est; du sable à l'ouest. Ce n'est pourtant pas avec du sable qu'on alimente un grand commerce! Reste le sud. Pour que Tombouctou ait joué le rôle commercial qui lui est attribué, il faut qu'au sud, la boucle du Niger offre comme une presqu'île s'avançant dans le désert une étendue de riches territoires; il faut aussi que cette étendue soit vaste puisqu'elle pourvoit à un négoce considérable, et suffit à des débouchés multiples, tant dans la direction du Maroc que dans celles du Touat et de la Tripolitaine, sans compter les po. pulations nomades qui sillonnent le désert. Ces régions fertiles, pour ainsi dire découvertes spéculativement par la logique, comme certaines planètes par le calcul, existent-elles en réalité? C'est ce qu'il est possible; de vérifier depuis que l'occupation de Tombouctou en a ouvert es routes, et qu'elles sont accessibles non seulement à l'explorateur proprement dit qui traverse le pays, souvent malade de privations, prisonnier de ses guides, et ne peut guère tracer que des itinéraires, lignes presque imperceptibles dans le blanc des cartes, mais aussi au voyageur qui séjourne, et recueille librement des renseignements complets et exacts.

Egypte et Soudan.

Il y a en Afrique un pays dont le sol est d'une proverbiale richesse. C'est l'Egypte. La crue annuelle du Nil a fait de ses rives et surtout de son « delta » une région de culture incomparable. Une population de huit millions d'hommes y-vit uniquement de l'exploitation agricole. C'est là un exemple frappant de la valeur de l'eau en Afrique. Plus saisissant encore peut-être est celui que nous fournit la vallée du Niger au sud e Tombouclou. Car le travail des hommes n'y a pas comme en Egypte complété depuis

Voyage à travers les inondations du Niger.

des milliers d'années l'œuvre naturelle du fleuve. Sans qu'il ait été construit les énormes barrages du Nil, ni creusé un seul canal, s'étend une contrée qui réunit les conditions les plus exceptionnellement favorables à la culture. résumées en l'abondance de ces deux fluides vitaux l'eau et le soleil.

Le soleil, assurément, ne saurait être soupçonné de faire défaut au Soudan.

L'eau n'y manque pas davantage. Par des crues annuelles, le Niger dispense ses bienfaits à travers les plaines basses, exactement comme fait le Nil, et, de plus, sur une lar-

UN député

geurde 130 à 150 kilomètres! Nous retrou,vous -en cette partie du Soudan français un autre Delta, ou plutot une série de Deltas, une Egypte au moins aussi riche que l'autre, mais plus vaste.

Cette contrée privilégiée se divise naturellement en trois régions celle du Niger et Bani, au sud du lac Debo; celle des trois

Niger, entre le Debo et El Ounl-ïlndji, et des lacs de la rive gauche; .3° celle des marigots du lac Télé, et des lacs de la rive droite. Les Deltas soudanais.

Premier Delta Niger, Bani et marigot de Diaka. Cette région commence au sud avec les villes de Dienné et de Diafarabé, et s'étend, sur les deux rives duNiger, jusqu'aux abords du lac Debo.

La rive droite, où le Bani vient rejoindre le Niger, est couverte d'immenses cultures, dont Dienné est le centre. Sur plusieurs milliers de kilomètres carrés, la hausse et la baisse des eaux, aussi régulières qu'entre les digues du Nil. assurent la fécondité du sol. Le débit du Niger et de son affluent est si considérable qu'ils communiquent par d'innombrables canaux naturels ou marigots, constituant un véritable système d'irrigation. C'est précisément sur une sorte d'île formée par plusieurs de ces marigots que s'élève Dienné, à huit kilomètres environ du Bani. Diafarabé, sur le Niger, marque le seuil d'une autre plaine non moins abondamment arrosée, qui s étend sur la rive gauche du fleuve. Là, un marigot exceptionnellement large, le fleuve de Diaka, se détache du lit principal, jusque-là unique, et suit un tracé parallèle jusqu'au lac Debo, coulant tantôt dans le même sens, tantôt en sens inverse, selon la crue ou la décrue. Entre le fleuve de Diaka et le Niger se déroule encore un troisième lit, le marigot du Bourgou; et les marigots de Salsalbe, de Kakagnan, etc., courent de l'un à l'autre.

Le Niger et ses divers dérivés irriguent des pays aussi riches que le Dienneri. C'est le pays de Dia; c'est le Bourgou; c'est le Massina proprement dit.

Deuxième Delta les trois Niger et les lacs de la rive gauche. Au lac Debo, nous entrons dans la deuxième région. Là, le Niger se divise en trois branches. La première, qui n'est qu'un marigot, mais navigable pour les chalands pendant quatre à cinq mois, se forme à droite, un peu avant l'entrée du fleuve dans le Debo. Sous le nom de Kolikoli, elle traverse le lac de Korienzé, et rejoint, près de Saraféré, la plus orientale des deux autres branches sorties du Debo, appelée ordinairement le Niger noir, ou Bara Issa. Enfin, à El-Oual-Hadji, le Niger noir et le

Niger blanc ou Issa Bër (branche occidentale), se réunissent dans un lit unique.

Comme le Bani et le Niger, comme le Niger et le marigot de Diaka, tes trois bras du fleuve communiquent entre eux par de larges et sinueux marigots, quadrillant d'immenses prairies c'est toujours le même et merveilleux système d'irrigation natu-

Le Grande Mosquée de fombouctou.

relle, accompagné de crues fertilisatrices. = Mais il y a plus sur la rive gauche, à la limite des inondations, le fleuve trouve une formule nouvelle à ses bienfaits; c'est une admirable série de lacs insoupçonnés hier encore. En 1880, un voyageur bien connu, 7 le Dr Oskar Lenz, les côtoya presque, sans deviner leur présence et pourtant leurs | dimensions sont considérables. C'est surtout au commandant actuel de la flottille du Niger, le lieutenant de vaisseau Hourst, qu'est due leur découverte. Ils sont au nombre de onze, et voici leurs noms le Kabara, le Tenda, le Sompi, le Takadji, le Gaouati, le Horo, le Fati, le Daouna, le Télé et le Faguibine. Séparés du fleuve et les uns des autres par des chaînes de collines, ils occupent d'immenses dépressions qui se remplissent aux eaux montantes, puis se déversent en partie aux eaux décroissantes. Ils communiquent ainsi avec le Niger, les uns toute l'année, les autres pendant quelques mois seulement, d'octobre à mars. Les lacs les plus septentrionaux Télé, Faguibine et Daouna, outre leur communication avec le fleuve par le marigot de Goundam, semblent reliés aux lacs sud: Takadji, Soumpi, etc., par des infiltrations souterraines. Aux très hautes crues, entre le Daouna et le Takadji notamment, on trouve l'eau à fleur de terre, en creusant avec la main.

Troisième Delta les marigots du lac Télé et les lacs de la rive gavcltè. A El-OualHadji, où les trois bras du Niger ont mêlé leurs eaux, un troisième delta commence. Nous ne sommes plus qu'à 100 kilomètres environ de Tombouctou.

Cette troisième zone d'irrigation est formée i par les nombreux canaux qui relient les lacs nord au Niger, et dont le grand marigot de Goundam est le principal. Le lac de Goro, plus semblable à un labyrinthe de lits fluviaux, qu'à un lac proprement dit, en fait également partie sur la rive gauche. La rive droite, d'autre part, offre à son tour une nouvelle série de lacs, dont est piqué tout le nord ouest de la boucle du Niger, et qu'on ne connaît guère que de nom les lacs Kangara, de Dinéguine, d'Hongoula, de Fatla,

'lahelent, Tibouraguine, Do, Gakoré, Ten-

guérel, Titoulaouine, Aguebaba, Garn, Harlbougou, Kherba, Bangana. D'après les dernières données que nous avons recueillies, ce chapelet de lacs que traversa, il y a quarante ans, le Dr Barth s;ins en soupçonner l'importance, se prolongerait à l'est jusqu'à l'étranglement de Taosay, à huit jours de pirogue, en aval de Tombouctou.

Agriculture et Élevage.

Ou imagine la richessé d'un pays aiusi

On imagine la richesse d'un pays ainsi

architecture. L'ensemble des territoires qu'il comprend se divise naturellement en doux zones celle de la grande culture, celle des pâturages.

Cultures. L'immense vallée qui s'étend de Diafarabé et Dienné aux portes de Tombouctou, et dont le sol n'est que limon amassé depuis des siècles, est comme emprisonnée dans un réseau de canaux et de courants que gouverne le fleuve. Quand surgit, conséquence des pluies dans le Haut et dans le' Moyen-Niger, la crue annuelle, fin août à Diafarabé, fin septembre à Mopti, en janvier à Tombouctou, de foute part l'eau déborde et s'étale. De l'est à 1 ouest, on a 130 à 150 kilomètres de terrains inondés. Le tracé des marigots a disparu, et une couche de deux à trois mètres d'eau s'étend uniformément. Toute colline émergeant alors, comme une île, est un village, qui fut et redeviendra peuplé et riche. Autour d'eux, ce sont des rizières; puis, dans les parties que le retrait des eaux laisse les premières à découvert, des champs d'une étendue considérable de grand et de petit mil.

La population, de race sonrhaï, très travailleuse, d'une intelligence agricole développée, sait obtenir deux récoltes par an. Si la crue est abondante, la récolte 1 est aussi.

Les années de faible crue ou de crue exagéi^jsont les années médiocres. Il y a peu d'années mauvaises, et le Dienneri, le pays de Dia, le Bourgou, le Massina, le Djimbala, etc., sont les plus opulents parmi les greniers qui alimentent Tombouctou. A la culture des céréales il faut ajouter celle du coton, de l'indigo, de l'igname, du manioc.

Élevage. Autour des îacs, cultivés en bordure en interminables rizières, en champs de mil sans fin, vivent les Foulahs, pasteurs de grands troupeaux. Bergers nomades, du Farinanke, du SoLoundou, suivant la limite des inondations, ils remontent chaque année jusqu'en amontde Diafarabé. Leurs moutons, qui" broutent de Sonipi à Diafarabé, donnent les longues laines dont sont tissées les couvertures du Niger, et dont le centre de fabrication était autrefois le grand marché de Mowaru, sur le lac Debo.

Dans tout le Massina, le bétail est superbe. Les pâturages; comme dans le Mossi, situé plus à l'est, nourrissent des chevaux appréciés dans toute la boucle du Niger le garrot fort, la croupe tombante, ils rappellent les chevaux d'Abyssinie.

Dans l'extension de l'élève des animaux de race ovine, bovine et chevaline, réside peutêtre le plus bel avenir du pays.

Autres productions. A la grande culture et à l'élevage, qui sont les deux sources principales de la richesse de la vallée du Niger occidental, il faut ajouter les promesses minières antimoine, calcaires, etc., du massif du Houmbourri et d'autres régions accidentées, peu ou pas explorées jusqu'ici. Enfin les eaux sont très poissonneuses. Lapêche, à la lance ou au harpon, notamment celle du lamentin, y constitue, pour les Bozos riverains, une précieuse ressource.

A côté des populations vivant de leur pêche, d'autres pourraient assurément vivre de leur chasse, dans ces régions le gibier d'eau et les antilopes abondent, et les carabines ne chômeraient pas. Ce qu'il faudrait surtout, ce serait des Haminerless éjecteur de Greener, ou de Harrison, dont les portées de; pénétration extraordinaires sont bien connues, ou encore les carabines Holland-Holland, Purdey ou Harrison. Mais ce sont précisément les engins de chasse, même les moins perfectionnés, qui manquent aux éventuels: nemrods soudanais.

Les Marchés.

De tous les marchés où se centralisent et se manipulent commercialement les produits de la vallée du Niger occidental, pour être dirigés ensuite sur Tombouctou, le plus célèbre, demeuré le plus important, est celui de Dienné. C'est Diennéqui est en quelque sorte l'entrepôt de tout ce qu'exportent, céréales ou, tissus, le Dienneri, le Sarro, le Massina. Là aussi se rencontrent les caravanes venant du: nord chargées de sel, du sud et de l'est, chargées de noix de kola. On trouve à Dienné une classe de commerçants riches, cultivés, intelligents. A l'instar de leurs collègues euro- ` péens ne connaissent-ils pas l'emploi du:

commis-voyageur 1

D'autres marchés considérables se tiennent à Baramandougou et à San, sur la rive droite du Bani, à Mopti, au confluent du Bani et du Niger, à Dia Salam à l'ouest et à Kakagnan à l'esl clu imrigol de Diaka, à Gourao sur Je lac Debo, à Korienze sur le lac de même nom, à.Saraféré au confluent du Niger r noir et du Kolikoli, à Sa sur le Niger noir.' Hypothèse confirmée.

L'hypothèse que pouvaient émettre api-tori' comme nous l'avons dit en commençant, les géographes de cabinet, est donc confirmée par l'étude sur place de toute la contrée au sud et au sud-ouest de Tombouctou. Ces régions réunissent bien tous les éléments nécessaires pour alimenter un grand commerce, tel que fut celui dela Tombouctou d'autrefois.

De lointaines traditions permettaient de le prévoir. Des voyageurs tels que Mungo Park avaient déjà rapporté cette impression, que les territoires traversés par eux étaient d'une grande richesse. Cette richesse, sans qu'il leur fût possible de se rendre compte de ses causes, ils l'avaient constatée et déjà proclamée. Pourtant elle avait été mise en doute en

ces derniers temps, et ce doute avait semblé confirmé par'la décadence réelle de Tombouctou. Mais, tandis que les premiers explo.rateurs avaient trouvé le pays dans une situation politique et économique normale, nous le retrouvons aujourd'hui ayant subi près d'un siècle d'anormalités.

Un Siècle de Guerres.

Au commencement du siècle s'est produit un événement capital, désastreux pour le Soudan c'est la fin de la domination marocaine. Les conquérants Foulahs chassèrent lès Marocains de Dienné et de Tombouctou, et ce ne fut que le commencement d'une série ininterrompue de guerres qui boulever- sèrent toute cette partie de l'Afrique. La puissance des Foulahs, à peine établie, fut à son tour battue en brèche par les Toucouleurs, dont l'autorité fut elle-même détruite par l'arrivée de nos troupes.

Pendant ce temps, les cultures étaient interrompues, le commerce coupé; les pirogues désertaient le fleuve, la circulation des caravanes devenait impossible le port de Kabara était vide, les marchés désertés et la populalion décimée par la guerre et par la famine. Mais telle est la prolificité des races nègres, telle est la fécondité de la terre dans la région des inondations du Niger, que ce sont des maux facilement réparables et en peu d'années.

II

TOMBOUCTOU Avez-vous Opéra, magni-

fiques boulevards à Tom-

° bouctou, et quais sur les

̃ -̃. '> 'bords du Niger?"

~>> ̃̃̃̃' ̃̃!̃ ̃ UN DÉPUTÉ (Séance du 27 juin.)

A la sortie du dédale de bras, de canaux et de lacs que nous venons de décrire, au point le plus septentrional qu'atteint le Niger avant de courir de l'ouest à l'est, et en même temps au terminus commun de toutes les routes du Sahara occidental, s'élève, à l'entrée du désert, Tombouctou. .;̃

Situation logique s'il en fut! C'est un port, sur les rives d'un opulent continent, devant la mer de sable que sillonnent les caravanes, ces flottes de commerce du désert. Port du Soudan, il dqvait naturellement en partager le sort. Florissant quand la vie agricole et commerciale était active dans les pays qu'il commande et dessert, il; fut peu à peu ruiné quand la guerre ravagea successivement le nord, l'est, l'ouest et le sud. du Soudan.Cette décadence fut lente. Entrepôt, lieu de concentration (plutôt pour une diffusion immédiate que pour une accumulation des produits de là vallée et de la boucle du Niger, Tombouclou. ne vit pas ces régions dévastées simultanément par les guerres. Elles ne cessèrent pas toutes à.la fois de produire, non plus que d'absorber. Et la source de son négoce, si son débit diminua,, ne fut pas instantanément tarie.1 La Décadence. '`

Mais bientôt aux guerres soudanaises s'ajoutèrent d'autres éléments de ruine, d'une action plus directe et plus rapide.

A Tombouctou même, la sécurité des transactions disparut. Foulahs et Touaregs

{Bourdanes, disent les riverains du Niger) se disputèrent le droit de rançonner lu' grand marché. Finalement, il y a trente-cinq ans, les Touaregs l'emportèrent. Alors commença pour Tombouctou une période vraiment critique. Jamais les voies soudanaises n'avaient été moins sûres. Jamais le commerce de Tombouctou n'avait rencontré plus de difficultés pour s'alimenter. Et. jamais, à Tombouctou

même, il n'avait été plus durement pressuré, il n'avait subi plus d'exactions..

Les Touaregs s'abattirent sur la ville,comme un fléau. Ils furent la huitième plaie du Soudan.

Pendant ces trente-cinq dernières années, ils ont traité Tombouctou en ville conquise, en vache à lait. Ce rôle leur était d'autant plus facile que leurs victimes étaient incapables de leur échapper autrement que par la fuite, par l'émigration à laquelle elles se résignaient quand elles étaient lasses de ne travailler que pour entretenir une anr<ée de pillards. Cette population est en effet tout l'opposé de guerrière. « Nous sommes des femmes », ne craignent-ils pas de dire. Et le mot pourrait autoriser une comparaison aussi peu flatteuse pour les habitants de Tombouctou que pour ceux qui les dépouillaient. C'était une curée chronique, à laquelle seulement notre entrée à Tombouctou mit un terme.

Huit mille Commerçants.

Mais l'émigration de la population avait été considérable. Et la ville jadis glorieuse sur laquelle flotte notre drapeau, réduite d'un tiers en superficie, ne compte plus qu'un nombre d'habitants qui certainement ne dépasse pas neuf mille, et ne s'élève peut-être qu'à huit ou même sept mille.

Empressons-nous d'ajouter que ce chiffre, si minime qu'il paraisse, est suffisant pour donner à Tombouctou toute sa valeur commerciale. Ses huit mille habitants sont en effet tous des commerçants tous, au sens absolu du mot, en y comprenant les femmes et les enfants.

Les hommes se livrent au grand commerce, le menu commerce occupe les femmes. En gros ou en détail, chacun est négociant, commissionnaire ou courtier.

Les Caravanes du Nord.

Le commerce extérieur de Tombouctou se divise en deux parties bien distinctes: celui du nord, celui du sud.

Les caravanes du nord, chargées de sel et d'articles européens, viennent pour la plupart du Maroc, quelques-unes du Touat ou de Ghadamès. A ces points de départ il n'y a plus lieu d'ajouter le cap Juby. Pas une caravane de cette provenance n'a, depuis fort longtemps, été signalée. Les Anglais ont abandonné les établissements qu'ils y avaient fondés. Et c'est Modagor, ou Souera, comme l'appellent les nomades du désert, qui est reste le centre d'approvisionnement du Soudan en marchandises européennes. Ces marchandises, sauf le sucre, qui vient de Marseille, sont exclusivement de provenance allemande ou anglaise. Les cotonnades blanches notamment, dont il se fait une assez grande consommation, portent toutes l'étiquette de Hambourg;

.La. guinée bleue; comme partout en Afrique, cons:itue le fond des, importations de tissus; elle y vaut de, 20 à 35 francs la pièce, contre sept au Sénégal. Les étoffes teintes en rouge, andrinople et autres, sont recherchées d'une façon toute particulière par le marché de. Tombouctou. D'une manière générale, dans les tissus ornementés et de couleur, les gros bario'ages qui ont tant de succès à la côte sont complètement dédaignés au Niger. Ils doivent faire place à de sobres dispositions, à des dessins presque exclusisivement composés de lignes droites et brisées, selon le goût arabe.

Après les étolfes, les principaux articles européens qu'apportent à Tombouctou les

Un 'Touareg,

caravanes sont le papier eh rames, dont le prix atteint dans le Niger jusqu'à trente et même cinquante centimes la feuille des tabatières noires, en cartonlaqué; des épices poivre et clous de girofle de la soie et de petites perles à broder; de grosses perles pleines destinées à composer des colliers; des parfums, des couteaux, dos aiguilles, des ciseaux, des miroirs, des ceintures, destas-