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Titre : Le Figaro. Supplément littéraire du dimanche

Éditeur : Le Figaro (Paris)

Date d'édition : 1894-03-03

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb343599097

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb343599097/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Description : 03 mars 1894

Description : 1894/03/03 (Numéro 9).

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k2727452

Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-246

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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SOMMAIRE DU SUPPLÉMENT Hisniiy Févre La Grève des Grains de blé.

ALBERT Verly L'Escadron des CentGardes.

Souvenirs du second

Empire.

K»i6 Marie Khysinska La Parure.

Bernahd Lazare. Ceux d'aujourd'hui Alphonse Daudet.

Ceux de demain. F.-

H. Rosny.

PAULINE Savari. rt/ceste.

A. Tréguse M. Brunetière à la Sorbonne.

Lemire Les Bonnes manières. Juliîs Bois Les petites Refigions de Paris Les Lucifé-

riens.

Georges Didier Le Candidat.

Chanson.

G.LABADIE-LAGRA VE. Chez hs Anarchistes de Londres.

Pages étrangères.

Couiveukr DU Figaro. Réponses et Questions nouvelles.

Bulletin hebdomadaire de la Financière. 1

LA.

fpMp

Grève fles Grains fleBie

,¡;:<:

Presque rien, semence légère, fruit menu, brin d'herbe dans un sillon, grain blond dans un épi, poussière blanche au moulin, de quoi faire le festin d'un insecte, la becquée d'un oiseau, j'ai, dans ma petitesse, l'innocence humble d'un villageois; et je tiens une place imperceptible dans la, nature, au ras de terre, ignoré des grands végétaux à panaches qui font de l'ombre sur le sol et qui montent, énormes et musicaux, dans le ciel, comme des églises.

Si ténu et si modeste, je n'existe guère par moi-même, je ne vaux rien il faut que nous soyons plusieurs; on ne commence à me regarder avec quelque considération que quand nous nous mettons une centaine pour former un épi; une tige de paille nous hausse alors un peu au-dessus du sol; nous sortons de l'ornière, comme une aigrette; nous apercevons le monde qui est autour; la brise qui passe nous incline en révérences polies. Car, en nous élevant, nous restons modestes et bénins.nous sommes toujours peu de chose; le premier venu nous froisse sans y penser et nous mourons. A côté de nous des coquelicots hochent leurs petites toques rouges, les bleuets ouvrent des étoiles bleues, les marguerites des étoiles blanches au milieu de ces coquetteries nous restons simples, tout blonds, timides, un peu naïfs, et des petits scarabées roses montent après nous comme après des mâts de cocagne. Nous n'avons même pas de barbe comme les seigles moustachus d'à côté.

Mais si notre importance s'accroît un peu dans l'épi, elle devient tout à fait considérable par l'association des épis; et l'on nous respecte quand nous formons un champ; le gouvernement délègue même un garde champêtre pour veiller sur nous comme sur des personnages. Notre humble personnalité a disparu. Nous sommes devenus foule et notre cohue idyllique couvre la terre; c'est à qui nous fera place; devant nous les forêts sont abattues; les grands végétaux orgueilleux reculent, et si insignifiants par nous-mêmes, nous devenons par le nombre puissants comme un élément. Nos épis ondulent ainsi qu'une mer souple, au bout de l'horizon on nous combat comme une armée avec de grands couteaux courbes; et la main des hommes ne suffit pas; on nous fauche et on nous broie à la machine l'eau, le vent,la vapeur, toutes les grandes forces ne sont pas de trop pour nous réduire en poudre. Et cette poudre même est précieuse. Elle est la vie des hommes. Nous sommes le pain qui nourrit l'homme.

#

Alors notre importance grandit jusqu'à l'hyperbole. Nous devenons politiques, nous les humbles grains de blé villageois; nous sommes pour les économistes les sérieuses céréales on nous joue à la Bourse, comme de l'or; nous pesons sur le destin des empires, nous faisons les révolutions. Pour nous les hommes se tuent. Le sang coule "pour le blé.

Et, dans notre humilité paysanne.dans notre petite âme bénigne et innocente de grains de blé, au lieu de nous enorgueillir, cette querelle deshommes nous attriste.

Cette valeur que les hommes nous imposent, nous n'en voulons pas, car elle est faite du besoin des hommes et de la souffrance des pauvres. Nous la méprisons, dans notre force bienfaisante et douce. Nous voudrions nous multiplier; notre fécondité intarissable est à la merci des hommes; nous leur offrons notre abondance etnotre prodigalité naturelles une poignée de nous fait un trésor dans la terre; nous offrons nos trésors inépuisables, de quoi rassasier les plus affamés etfaire la satiété du monde. Nous ne demandons pour cela que quelques gestes innocents.

Mais voilà que les hommes refusent; pour l'intérêt aveugle de quelques-uns, on nous interdit de pousser; on nous supprime la terre, on nous exile on décourage les semeurs de nous jeter dans les sillons, et les lois interviennent pour

nous renchérir. On se ligue pour la restreindre contre notre fécondité débonnaire. On nous avorte. Et de plus belle les hommes vont se battre pour nous. Pour nous, les humbles grains de blé, les peuples s'enferment et se haïssent, des armées sont 'équipées, les douanes et les gendarmeries sont sur pied.

###

Alors, la colère nous prend à la fin, nous, les grains de blé modestes et bons, et, devant la méchanceté des hommes qui nous force, en dépit de notre caractère, à devenir des objets de lucre e des sujets de meurtre, nous, dont le rêve pacifique est de dispenser gratuitement à tous la vie, comme le ciel donne l'air et le soleil sa lumière, nous nous révoltons. Notre nature amicale ne peut supporter ce rôle de discorde. Nous allons nous mettre en grève sur toute la surface de la terre. Nous resterons enterrés dans les sillons nous demanderons aux orages de nous sabrer de leurs éclairs, de nous fusiller de leur grêle, et au soleil de nous dessécher. Nous ne serons plus qu'une paille inutile et stérile. Et les hommes affamés comprendront. Ils comprendront l'inanité de leurs querelles, le mensonge de leurs intérêts, la puérilité de leur orgueil. Comme nous ils s'estimeront chacun pour peu de chose; comme nous ils comprendront qu'ils ne valent qu'en commun, par l'association fraternelle de tous, et l'humanité ne fera plus qu'un homme, comme un épi. Et ils n'auront plus peur d'ensemencer la terre. Ils s'uniront pour semer au lieu de se séparer pour combattre.

Nos grains,jetés à profusion, voleront dans les sillons nous pousserons, drus et lourds nous couvrirons la terre de l'or béni et blond des moissons qui font le pain des hommes. Et tout le monde pourra vivre, car nous ne vaudrons plus rien. Et nous serons contents, dans notre modestie.

Maintenant notre valeur nous effraie, notre cherté nous fait honte.

Nous allons nous mettre en grève, au printemps.

Henry Fèvre.

SOUVENIRS DU SECOND EMPIRE L'ESCADRON

DES

CENT-GARDES

il

Le service des Cent-gardes était fort pénible,

Chaque jour, un maréchal des logis, deux brigadiers et douze hommes étaient de service aux Tuileries; en plus, les Cent-gardes fournissaient les escortes journalières, et, chaque soir de bal, tout l'escadron était commandé les gardes, échelonnés sur les marches du grand escalier d'honneur et des factionnaires placés à toutes les portes donnant accès aux appartements et salons. Ce service était des plus durs en raison de l'immobilité absolue de ces hommes, véritables cariatides, qui faisaient l'admiration de toute la Cour.

Les honneurs rendus par les Centgardes étaient d'un caractère tout particulier.

Sur le passage de l'Empereur, le factionnaire devait saisir rapidement son arme par la poignée du sabre-baïonnette emmanché au canon, étendait le bras droit dans toute sa longueur horizontalement et frappait vigoureusement la crosse à terre. L'Empereur passé, le garde reprenait sa position.

A part Napoléon III, seuls, les souverains étrangers et les princes de la famille impériale avaient droit aux honneurs des Cent-gardes,sauf que la crosse n'était pas frappée à terre.

A ce propos, le maréchal Castellane, de légendaire mémoire, se présentant un jour aux Tuileries, fit une scène des plus violentes à un garde qui ne lui présentait pas les armes les invectives et les punitions tombèrent comme la grêle sur le factionnaire, sur le sous-officier commandant le poste du palais; Verly, alors capitaine, appelé par l'irascible maréchal, eut le même sort il ne fallut rien moins que la présencg de l'Empereur pour calmer ce grand dignitaire, qui garda une profonde rancune à l'escadron.

Bien des femmes vinrent se mirer, les soirs de bal, dans les cuirasses étincelantes plus d'une remarqua dans les salons les fringants officiers d'alors, et Dieu sait ce que nous pourrions raconter à ce sujet si les héros de maintes aventures n'étaient pas encore vivants ou leur mémoire trop respectée par nous pour que nous nous permettions de retracer leurs heures d'ivresses, leurs heures d'entraînement, bien naturelles parmi cette cour du second Empire. Cour élégante, spirituelle, vivant à outrance, inconsciente du jour présent qu'elle croyait éternel, insoucieuse de l'avenir qu'elle ne voulait point voir, insolente, superbe,mais bonne au fond, ne faisant pas le mal mais n'ayant pas le temps de faire le bien.

Ah ce même escalier d'honneur, entrevu dans les apothéoses d'une fin de règne avec ses lumières aveuglantes, ses Cent-gardes d'acier, nous l'avons revu dans la lueur sanglante des incendies, sous l'haleine du pétrole, dans l'affre de l'agonie d'une ville, et sous les casques aux cimiers altiers ricanaient les lèvres des morts de la terrible année.

Les soldats de parade mouraient sur les routes de l'Est, dans la fosse de Sedan, dans les fossés de Coblentz, dans les champs de la banlieue parisienne 1 Mais, les pleurs viennent toujours trop vite, retournons aux Tuileries, re-

vivons les heures joyeuses le Comman- deur n'a pas encore frappé.

Tout le monde connaît l'anecdote du Prince Impérial versant un cornet de bonbons dans une botte de Cent-garde sans que le brave soldat bronchât ni sa dérangeât de sa faction.

Cette plaisanterie n'était rien à côté de la dure épreuve que l'impératrice Eugénie fit subir à un factionnaire de service aux Tuileries.

La souveraine, mettant en doute l'immobilité absolue des hommes de' sa garde particulière devant le baron Verly, celui-ci mit Sa Majesté au défi de faire broncher un Cent-garde.

Avec toute la pétulance de son caractère, l'Impératrice s'élança aussitôt dans le corridor et fit le simulacre de donner un soufflet au colosse de garde, celui-ci ne bougea pas d'une ligne; l'Impératrice réitéra, cette fois sérieusement même immobilité.

La compagne de l'Empereur, vaincue, dépitée, rentra dans ses appartements et, le soir, fit envoyer cinq cents francs au Cent-garde ainsi interviewé: ce dernier les refusa, disant qu'il était trop fier d'avoir eu, pour un instant, la main de sa souveraine sur la joue.

Les Cent-gardes suivaient l'Empereur à Saint-Cloud, Fontainebleau et Compiègne.

A Saint-Cloud, ils étaient casernés au bas du parc, sur la droite, avenue de Bellevue, à Sèvres à Fontainebleau et Compiègne, ils logeaient dans les bâtiments du palais.

Lors des voyages impériaux, une escorte de Cent-gardes était toujours envoyée par avance dans les villes que devait visiter le souverain et se trouvait à la gare dès son arrivée. Ces superbes soldats firent l'admiration de toutes les populations de province qui venaient saluer Leurs Majestés.

Il nous paratt intéressant, à propos de ces voyages impériaux, de reproduire ici une des nombreuses lettres du colonel Verly qui commandait l'escorte de Napoléon III les détails donnés ont une certaine saveur quelque trente ans après 1

Paris, 12 juillet 1862.

Je viens de recevoir deux de tes lettres, elles ont couru un peu après moi, à Bourges et à Clermont.

Je ne peux pas maintenant te donner, après coup, des détails complets; il te suffira de savoir que partout Leurs Majestés ont été admirablement reçues.

A Nevers, nous avons vu Mme de Bourgoing le soir, le bal offert dans le palais ducal était une sorte d'étouOoir. J'ai eu à ce sujet une grande discussion avec l'Impératrice qui soutenait que le bal de Lyon était plus chaud, quoique plus beau que celui de Nevers. Je soutenais le contraire, Sa Majesté m'a dit que je favorisais Lyon parce que ma famille en était.

Pour me défendre, j'ai dit à Sa Majesté que la meilleure preuve que je pouvais lui donner c'est qu'Elle était restée près de deux heures dans le bal de Lyon et qu'Elle n'avait pas pu rester plus de dix minutes à Nevers. Le bal de Clermont était très beau. Je m'y étais rendu une heure avant Leurs Majestés j'avais fait mettre de l'ordre partout, ranger les hommes derrière les dames qui formaient une quadruple haie dans deux immenses salles et laisser un large espace pour le quadrille impérial.

De plus, je fis, pour aérer, couper une partie des décorations du haut de la salle; toutes ces petites dispositions préalables ont permis à Leurs Majestés de rester au bal jusque vers minuit.

J'y ai trouvé Mme Rouher qui a été charmante j'ai fait connaissance avec Mademoiselle qui s'était permis de franchir les obstacles que j'avais posés, j'ai, voulu la mettre in carcere duro, mais notre dispute s'est terminée par l'offre de mon bras.

Il ne faut pas que j'oublie de te parler du maréchal Gastellane après le dîner du 8 il était assez guilleret, il faisait une cour ardente à Mme de Preissac, femme charmante du préfet, qui m'a appelé à son secours. Tu pourras dire au Maréchal qu'il a fait infidélité à ses Lyonnaises. Je le lui ai dit.

A Bourges, nous avons été mouillés avant l'arrivée de Leurs Majestés. Mais à peine l'Empereur arrivait-il en gare que la pluie cessait. Le soir, bal dans un théâtre très bien composé.

Pendant le bal, un Cent-garde se trouve mal aux pieds de l'Impératrice. Grande émotion; nous enlevons notre homme.

L'Impératrice, mue par son bon cœur, me force à prendre son propre éventail pour soulager mon garde qu'un empressement trop grand allait rendre réellement malade: on lui tirait le casque pour le décoiffer sans faire attention qu'il y avait des mentonnières qui l'auraient étranglé.

Je rapportai bientôt l'éventail à l'Impératrice en lui disant que ce talisman seul avait suffi pour guérir mon homme.

A la rentrée du bal, grande discussion dans les appartements, sur l'immobilité des gardes, l'Empereur affirmant qu'on ne peut pas rester deux minutes immobile, moi affirmant qu'on peut sans gêne en rester cinq. L'Impératrice est de cet avis; et, pour le prouver, la voilà qui se plante gracieusement, droite comme un I, fait prendre une montre au docteur et reste ainsi cinq minutes en disant qu'Elle resterait indéfiniment. Il faut qu'elle soit douée d'une rude énergie sous cette enveloppe si gracieuse.

Le lendemain, revue et tir au polygone. L'Impératrice a pointé elle-même une pièce de canon qui depuis porte son nom. Après la revue, changement de tenue à vue. Déjeuner rapide.– Départ à une heure avec l'Impératrice pour Saint-Cloud.

Sa Majesté nous *a fait l'honneur de nous admettre dans son salon pour toute la route. Nous avons beaucoup causé.

Je l'ai trouvée là femme supérieure et| de haute conception; mais ce qui m'a fait un

plaisir inouï, une joie vraie, c'est de l'avoir vue à Saint-Cloud, où Elle nous avait retenus à diner, se rouler avec son fils, lui embrasser les bras, les jambes, le cou avec passion en vraie mère, en femme de cœur.

Tu dois sans peine comprendre combien j'ai été heureux de voir que j'avais injustement jugé.

Le Prince m'a donné pour mon fils un cornet de pralines de Bourges, le cornet a été fait par l'Impératrice et rempli par le Prince. Hier à minuit, rentrée rue Bellechasse.

Colonel Vekly.

De tous les voyages impériaux, le plus triomphal fut celui du Nord en 1867. Les Cent-gardes étaient échelonnésd' Amiens à Dunkerque.

16

Les Cent-gardes accompagnèrent Napoléon III pendant la guerre d'Italie. Partis de Paris le 10 mai 1859, commandés par Verly, alors chef d'escadron,

ils furent aux cotés.de l'Empereur du-

rant toute la campagne.

Le 24 juin dès l'aube le souverain sillonnait avec son escorte les différents points qui dominent la vallée et envoyait des ordres dans toutes les directions aux commandants de corps d'armée et aux divisionnaires.

Vers midi, comme la mêlée était générale,rEmpereur,accompagnédesCent- gardes, gagnait la crête des Cyprès, à la hauteur du mont Fenile, au centre de la ligne de bataille.

L'escorte se tenait tout auprès des batteries du général Forey, le poste était périlleux et les cuirasses étincelantes au soleil servaient de cible aux artilleurs ennemis. (En 1870 l'Empereur, se souvenant de ce détail, fit laisser en magasin les casques et les cuirasses de ses gardes.) Le général Forey fit comprendre à Napoléon tout le danger, mais le souverain ne l'écouta pas et, la lorgnette en main, pointait son regard dans toutes les directions.

A ses côtés on entendait le sifflement des boulets et des balles; le baron Larrey eut son cheval tué sous lui, le commandant Verly eut sa cuirasse faussée par une balle et fut blessé au bras droit, le garde Dugué fut grièvement blessé et plusieurs autres Cent-gardes sérieusement atteints.

A la signature des préliminaires de la paix à Villafranca, les Cent-gardes firent l'admiration de l'empereur d'Autriche auquel ils servirent de garde d'honneur. Onze années plus tard, le magnifique escadron devait rendre ses armes et partir en captivité pour Coblentz, laissant l'Empereur aux mains de ce roi de Prusse qu'ils avaient escorté lorsde l'Exposition de 1867, trois ans auparavant.

Mais nous voici arrivés aux jouïs de deuil (nous avons abrégé volontairement nos notes rétrospectives,ri'écriyant ici qu'un simple résumé et non l'historique complet de ce régiment). Lorsque survint la déclaration de guerre, l'Empereur,qui voulait se rendre sur le théâtre des opérations, avait tout d'abord décidé que l'escadron des Cent-gardes resterait à Paris.

Mais les officiers et les gardes ayant fait demander par voie de pétitions, remisesàNapoléon III sur le pont de SaintCloud, à faire campagne et demandant d'être incorporés dans les corps de cavalerie de la Garde ou dans la ligne, le souverain ne put résister à ces vœux patriotiques et décida de les emmener avec lui.

Voici la composition exacte de la dernière escorte impériale de Saint-Cloud à Sedan

Le colonel baron Verly.

Le capitaine.commandant Fiérion. Les lieutenants Teysson et Watrin. 7 sous-officiers.

8 brigadiers.

3 trompettes.

48 gardes.

3 maréchaux-ferrants.

2 ouvriers (selliers et tailleurs). 15 cavaliers de remonte.

Ici se place une rectification au livre du fécond et illustre écrivain M. Emile Zola.

M. Zola, dans « la Débâcle », ne craint pas, lui d'ordinaire si méticuleux, si documenté^ parler dans son ouvrage des casques et des cuirasses des Cent-gardes qu'on voyait miroiter au soleil brûlant de juillet et d'août.

La vérité est qu'avant le départ de Paris les Cent-gardes d'escorte avaient versé au magasin du corps casques et cuirasses.

Ils n'avaient conservé que la tunique, les épaulettes, aiguillettes et gibernes; le pantalon rouge au lieu des culottes blanches dans les bottes et, comme coiffure, le chapeau qu'ils portaient d'ordinaire avec la tenue de ville.

Ils emportaient en outre le képi. Comme armement, le sabre et le revolver d'ordonnance.

Plus d'un de ces braves, en versant leurs cuirasses au magasin, s'étaient écrié « Oh elles ne resteront pas toujours là; on nous les enverra bien pour l'entrée à Berlin 1 »

Il était donc bien difficile au plus clairvoyant des curieux de voir reluire au soleil les casques et les cuirasses. M.Zola accuse peut-être un peu à la légère le nombre et la composition de la suite de l'Empereur; il y a bien des exagération dans son récit..

Pour le moment nous ne nous occupons que des Cent-gardes et nous relevons dans la Débâcle la phrase suivante «. un peloton de Cent-gardes apparaissait, d'un luxe d'uniformes correct encore et resplendissant avec le grand soleil doré de leur cuirasse. »

Or, ainsi que nous l'avons écrit plus haut les Cent-gardes n'avaient pas de cuirasses pendant la campagne de 1870 et de plus, jamais ils n'ont eu de soleil doré sur cette partie de leurs uniformes. L'auteur de Germinal a sans doute confondu les Cent-gardes avec les carabiniers.

Albert Verty.

{La fin prochainement-)

LA PARURE Nous rece vons deMme Marie Krysinska, l'auteur des Rythmes pittoresques, le petit poème inédit qu'on va lire. Ce sont des vers affranchis des conventions prosodiques. On sait que dans la littérature française du moyen âge les vers non rimés étaient fréquemment "employés, et que les plus grandes licences rythmiques mouvementent les vers de Lafontaine. Dans la poésie moderne, Marie Krysinska, première en date, adopta ces libertés et les fit servir à rendre des impressions subtiles, d'une musique capricieuse et expressive, sans jamais se dispenser d'une rigoureuse clarté de langage.

Un peu de l'âme somptueuse ef barbare De nos primitifs aïeux

Passe en nous avec les feux des pierres rares Et l'éclat du métal précieux.

L'or ciselé en bagues alliantes

Et en bracelets nous enchaîne

D'une fidèle tendresse où s'enchante

LàHendresse de nos grand'mères lointaines. Les perles rient en colliers

Sur notre cou qu'elles caressent.

Licencieuses comme au beau temps

Des mouches, des paniers

Et des galantes paresses.

Les mousselines légères

Nous font

Un cœur de papillon,

Et les fraîches toiles à fleurettes suggèrent Un cœur de bergère. ([[

Dans la soie murmurante et câline

C'est l'amoureuse qui veut qu'on devine Ses abandons et ses langueurs, toutes, Les plis souples de la dentelle

Sont d'aimables routes

Fleuries, vers la fantaisie fière qui s'y recèle. Le riche apparat des velours

Nous fait un peu reine,

Un peu châtelaine aux fastueuses amours. Mais en l'asile discret des sombres laines Une âme de nonnain

Nous vient,

Tant l'Art et le Rêve sont les vrais vainqueurs De nos faibles cœurs.

Marie Krysinska.

CEUX D'AUJOURD'HUI

CEUX DE DEMAIN

CEUX D'AUJOURD'HUI v

ALPHONSE DAUDET

Jadis, lorsqu'un jeune homme manifestait le désir de s'adonner aux lettres, il trouvait toujours un parent ou un ami pour lui donner en exemple Alphonse Daudet. En ce temps-là, M. Daudet connaissait la gloire, qui ne le fréquente plus guère aujourd'hui. Il n'est plus désormais grand homme qu'en province, à Tarascon qu'il illustra, à Nîmes qui le vit naître, et, seule, une réclame habile entretient son illusoire renommée. On ne peut dire ce qu'il est, car il n'est plus rien, et il faut se borner à rappeler ce qu'il fut, c'està-dire peu de chose.

Il a symbolisé l'homme adroit, et auprès de ce Méridional froid et avisé, l'Odusseus vénérable que chanta Homère ne fut qu'un enfant; il appartient à cette catégorie peu nombreuse des félibres graves et roublards qui s'oppose à la classe des félibres exubérants, bavards et bons enfants. Comme ces derniers, il connaît le tambourin, mais il l'a fait servir à d'autres usages.

Il fut le romancier des bons bourgeois de notre temps, friands de scandales, avides de menus renseignements et indifférents à toute spéculation, j'entends morale ou métaphysique. M. Daudet donna à ces hommes le livre qu'on peut lire la journée finie, celui qui n'oblige point à méditer, qui distrait du labeur quotidien et remplace avantageusement la pièce en vogue. Comme M. Daudet ne fréquenta jamais ses contemporains que pour les peindre avec profit, le lecteur savait trouver dans le Nabab et dans V Ev ange liste, dans l'Immortel et dans Ntima Roumestan tel personnage connu dont le nom était défiguré assez pour que les convenances soient sauvegardées, trop peu pour qu'il soit méconnaissable il pouvait reconnaître telle histoire jadis contée trop rapidement par le journal familier.

Ces menues indiscrétions, M.Daudet savait d'ailleurs les cuisiner de façon adroite; il présentait avec un certain art sa bimbeloterie et ne négligeait rien pour en assurer le succès. Il savait combien écrire déroutait la clientèle, l'exemple des Goncourt avait été pour lui significatif; aussi adopta-t-il une sorte de notation télégraphique, un style fait d'interjections et de balbutiements, où des mots de couleur passent en une sorte de danse de Saint-Guy, un langage petit nègre, émaillé des parisianismes les plus répandus. Habileté suprême, il s'est fait gloire de cet amorphisme comme aussi de n'avoir jamais rien inventé. Il fut le dieu de l'observation, le patron du r#portage, le maître de l'information. Non content d'épargner à ses admirateurs l'effort jjqrt'-ont coutume de de mander quelques malen-

contreux écrivains, M. Daudet ne les voulut pas dérouter en leur donnant du nouveau. Aussi pilla-t-il Dickens, en faisant cependant abstraction du lyrisme du grand romancier et en transformant sa large sympathie en une sensiblerie pleurnicheuse. Pour varier sa musique, il emprunta d'autres fois des thèmes à Thackeray et sut les rendre insupportables. Sur tout cela, il répandit son bagout de tambourinaire dévoyé, sa blague de Parisien faux teint, et on le prit pour un homme d'esprit, pour un styliste, pour un artiste et même pour un romancier.

Mais il y a longtemps de cela l

CEUX DE DEMAIN

J.-H. ROS3VY

Des cinq qui jadis, dans les colonnes de ce journal, protestèrent contre les doctrines médaniennes, M. J.-H. Rosny était un de ceux qui pouvaient le plus justement à cette époque repousser ou blâmer les théories et les livres de M. Zola.

En toutes ses oeuvres, en effet, M. Rosny s'était séparé de l'école. Tandis que les naturalistes,, par mépris des baudruches métaphysiques des psychologues, offraient à notre admiration des mannequins pléthoriques réduits aux plus basses fonctions, des mannekenpiss acéphales, M. Rosny s'efforçait à la synthèse que l'impuissance réaliste avait dédaignée. Il avait compris qu'elle seule était digne d'un artiste puisqu'elle seule impliquait création. A cause de cela il sera beaucoup pardonné à M. Rosny. On oubliera le fâcheux pédantisme qu'il se plut autrefois à afficher, cette allure de contre-maître ou de conférencier pour association philotechnique, cette science de manuel Roret dont il faisait parade, avec l'enfantine naïveté d'un sauvage à qui l'on a découvert inopinément le monde. On excusera son dogmatisme de barbacole, son didactisme rébarbatif on ne lui en voudra pas d'avoir cru au roman scientifique, et d'y avoir converti de regrettables néophytes. On consentira. même à ne lui point reprocher ce terrible langage qu'il affectionnait naguère et qu'il semble dédaigner depuis, ce langage hirsute qui le conduisait à comparer des pavés à des vertèbres de mégalosaure. Car en ce temps M. Rosny préconisait les métaphores paléontologiques, les tropes zoologiques, les images chimiques et mêmes botaniques. Il surprenait autant qu'il effrayait.

Il a renoncé à ce jeu dangereux, et son talent en a grandi d'autant. Il tient dans la littérature actuelle une place unique, et si on voulait lui trouver des parrains, c'est Tolstoï et Dostoïewsky qu'il faudrait invoquer. Comme le premier il vivifie ses œuvres d'idées générales, comme le second il les anime d'une pitié mélancolique et d'une large fraternité. Il a le souci des doctrines plus que celui des anecdotes, il est moins conteur que philosophe, plus moraliste encore qu'artiste, quoiqu'il le soit à très haut point. Il fait oublier les romanciers mondains et ceux qui font venir, leurs personnages de Londres il fait prévoi* le roman qui se prépare, celui qui sera social et littéraire, qui tiendra du rêve et de la réalité, le roman qui nous changera des adultères et des drames passionnels, des amours contre nature et des aventures légères. Ainsi J.-H. Rosny aura-t-il cette réelle gloire d'avoir été un initiateur. De combien d'écrivains pourrait-on dire semblable chose ? f De peu vraiment. Quel gré n'avons-nous pas à M. Rosny de pouvoir le dire de lui ? Bernard Lazare.

ALCESTE La prochaine réapparition d'un des chefsd'œuvre du grand tragique musical que fut Gluck remet sur le tapis la question toujours intéressante des manuscrits autographes de ce compositeur.

Gluck a écrit une soixantaine d'opéras dans le goût de son temps, et un petit groupe de cinq tragédies lyriques dans une forme neuve, qui lui était personnelle et qui lui a fait un nom immortel; or, de toutes ces oeuvres, on n'en possède qu'une sous forme de manuscrit autographe c'est la partition d'Alceste. On sait que c'est par cet opéra que Gluck a commencé, vers sa cinquantième année, la révolution musicale à laquelle il a attaché son nom. C'est en 1762 qu'il composa cet ouvrage, de concert avec Galzabigi, le plus célèbre des librettistes italiens de l'époque c'est dire qu'Alceste fut d'abord un opéra italien.

La première représentation en fut donnée à Florence en 1766, et c'est seulement dix années plus tard, en 1776, que cette pièca parut à l'Opéra de Paris, mais tout à fait refondue sur des paroles françaises de du Rollet. C'est le manuscrit de cette version nouvelle que l'on a conservé. En voici l'histoire

avait été* donné par le maître à JeanBaptiste Lefebvre, copiste de l'Opéra, qui le légua à son fils, chanteur lui-même à ce théâtre. Au commencement du siècle, Lefebvre fils en fit don au comte de Rémusat, chambellan de Napoléon.

Le comte Charles de Rémusat, fils du pré» cèdent, et qui fut ministre sous Louis-Philippe, donna le précieux autographe de Gluck à la célèbre cantatrice Rosine Stolz, qui ellemême le donna à M. Girard, alors chef d'orchestre à l'Opéra.

En mourant, Girard avait évalué ce trésor à dix mille francs et recommandé à sa femme de ne jamais s'en dessaisir à moins. Quand Mlle Fanny Pelletan se trouva aux prises avec l'édition d'Alceste, qu'elle préparait de concert avec Damkê, et qu'elle apprit l'existence à Paris d'un document aussi précieux, elle n'hésita pas à offrir les dix. mille francs. L'acte