bleues différentes. Je me couche sur la terrasse et, accoudé sur mon lit, en fumant la pipe du soir, je regarde les étoiles et trois feux de pasteurs allumés dans la plaine. Nuit froide.
Samedi i4l. Partis à six heures du matin, au jour levant. Nous marchons pendant six heures dans cette grande plaine de Bequaa, entre le Liban à gauche et l'Anti-Liban à droite. Les teintes blondes et bleues dominent. Le Liban est d'une ravissante couleur azur grise, l'Anti-Liban presque noir et dans l'ombre. Quand nous nous sommes levés, toute la plaine était noyée dans le brouillard, cela ressemblait à un grand lac de lait fluide, entre les deux montagnes; peu à peu ça s'est séparé en vapeurs longues qui ont baissé, laissant, au fur et à mesure, plus du sommet de la montagne à découvert, jusqu'à ce que, s'abaissant jusque sur le sol, cette fumée blanche a disparu en gazes séparées. A notre gauche, dans les creux de la montagne, vallons du Liban; nous voyons quelques petits villages Malaka, Kurby, Tallin. Sur le sol inculte, herbes sèches et petits chardons; au milieu de la route, cours d'eau. Monticule sur lequel nous montons et que les mulets tournent. A notre gauche, quelques grandes tentes de Bédouins, tentes noires et carrées, creuses au milieu par l'inflexion du poids de la toile supportée par des bâtons. Des dromadaires épars dans les blondes herbes sèches épineuses et broutant; ils sont gardés par un Bédouin, à pied, à côté de son cheval blanc tout sellé.
BAALBEK A onze heures et demie, nous partons en avant tous les trois, pour choisir la place de notre campement, à cinq cents pas de Baalbek, petit temple rond supporté par des colonnes; le bleu du ciel et la vue du Liban à travers. Nous tournons tout le pays pour trouver une place où camper, nous nous fixons pour une place près d'un moulin, sous un noyer au sud du temple. La couleur des ruines de Baalbek est magnifique, quelques colonnes sont devenues presque rouges; tantôt à midi, en arrivant, une partie de frise, couronnant les six grandes colonnes debout, m'a semblé un lingot d'or ciselé. Voilà un paysage historique comme aucun peintre que je sache n'en a encore fait; rien n'y manque, ni la ruine, ni les montagnes, ni le pâtre, ni l'eau qui coule et dont j'entends le bruit maintenant. La lune n'est pas encore levée, j'espère la voir demain sur la frise.
Vers trois heures, nous sommes sortis visiter le temple où nous sommes restés deux heures. Dans la cour, assis sur une pierre à l'ombre, à côté d'un jeune garçon qui nous servait de guide et dont le nez était brûlé par un coup de soleil, nous avons pensé tout haut à l' « Imperiuxn romanum ».
Samedi 14 septembre, Baalbek, 7 heures et demie drt soir.
1. Carnet « Samedi 13. »