Rappel de votre demande:


Format de téléchargement: : Texte

Vues 1 à 1 sur 4

Nombre de pages: 1

Notice complète:

Titre : Le Temps

Éditeur : [s.n.] (Paris)

Date d'édition : 1897-05-06

Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication

Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34431794k

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34431794k/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 137484

Description : 06 mai 1897

Description : 1897/05/06 (Numéro 13122).

Description : Collection numérique : BIPFPIG33

Description : Collection numérique : BIPFPIG63

Description : Collection numérique : BIPFPIG69

Description : Collection numérique : France-Japon

Description : Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine commune

Description : Collection numérique : La Commune de Paris

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k2352262

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 71%.


Paris, 5 mal

BULLETIN DE L'ÉTRANGER

TOUJOURS L'ATTENTE

Rien, rien, rien tel est toujours le bilan de la situation et il n'est pas précisément fait pour réjouir les amis de la paix. Les deux armées en -présence continuent à se tâter mutuellement. •"îOdhem pacha, qui ne se laisse pas aisément détourner de l'exécution de ses plans et dont on compare déjà chez les Turcs la taciturne obstination à celle du maréchal de Moltke, déve'.ïoppe lentement, délibérément, pas à pas, le mouvement de concentration qui doit, dans sa pensée, rendre intenable la position de Phar- ;;sale et rejeter l'armée du diadoque sur la ligne des monts Othrys.

:j Pendant ce temps, la réorganisation de l'état.jtnajor hellène se poursuit avec énergie. Le coïlonel Vassos passe de la Crète en Epire, où il remplace en qualité de commandant en chef le colonel Manos, disgracié à la suite de la dé,'route dont il ne devrait peut-être pas porter seul lia responsabilité. C'est de Crète également 't>ù il parait que l'on avait envoyé l'élite des of ficiers supérieurs que l'on fait revenir le lieurtenant-colonel Constantinidès pour prendre aux .'côtés du diadoque, de plus en plus tenu en liïsières, la place de chef d'état-major, dont le co'lonel Constantin Smolenski n'a pas voulu, désireux comme il l'est de rester à la tête de la belle 'division qui a si vigoureusement résisté à Velestinos.

] Le diadoque, que l'expérience de ces dernièjres semaines aurait peut-être dû guérir de la i'manie des interviews, critique assez vivement ,îa lenteur des mouvements d'Edhem pacha. Il tdevrait plutôt se féliciter d'une circonstance •qui, sans constituer la faute qu'il pense, n'a :pas laissé de profiter à son armée, laquelle n'au,'rait rien 'gagné du tout à être surprise par l'en'nèmi en flagrant délit de réorganisation. £>̃ Ce qui semble rendre irremédiable l'infériorité militaire actuelle de ces troupes, en dépit ide leur bravoure et de la valeur de leurs nou;.veaux chefs, c'est la criminelle incurie du miinistère qui, en assumant la responsabilité de la 'guerre, ne sut pas faire un seul des préparatifs indispensables. Des témoignages dignes de foi apportent des 'révélations accablantes sur l'absence totale de réserves de canons, d'armes à !feu, de boulets, d'obus, de cartouches, de poudre aussi bien que d'approvisionnements de vivres et d'uniformes.

'i Bref, tout ferait défaut. Au principal dépôt établi pour alimenter l'armée de Thessalie, on avait cru assez faire en accumulant de quoi ] faire tirer douze cents coups aux bouches à feu et, littéralement, quelques milliers de cartouches. Près d'Athènes, il existe bien une manufacture de poudre; mais les douilles des cartouches doivent être importées et plusieurs centaines de milliers en avaient été comman;déesen Autriche, où le gouvernement aurait opposé les plus longs délais, sinon une inter,diction absolue, à leur expédition. Une fonde(rie écossaise au Pirée a reçu l'ordre de travailler nuit et jour à la fabrication des obus mais "il est bien tard et un seul établissement est bien insuffisant à produire le nécessaire. Tous ces détails qui font saigner le cœur des patriotes hellènes et qui constituent un si formidable réquisitoire contre l'incapacité et la présomption du ministère Delyannis, nous les ̃reproduisons, on nous fera l'honneur de le croire, non pour accabler un homme d'Etat fatal à son pays, mais pour permettre de mesurer l'urgence d'une cessation de la lutte. Et si le matériel est dans cet état, que dire du moral 1 Les plus pernicieux éléments tiennent le haut 1 dupavé.Lesartisanscomospolitesde révolutions travaillent dans l'ombre, menacent la sécurité du trône, la vie même du roi, s'il faut ajouter •i foi au complot d'Amilcare Cipriani. Etrange façon de servir la cause de l'hellénisme Précieux auxiliaires et dont ceux qui ont applaudi au départ théâtral de ces boute-feux infiniment plus dangereux pour l'ordre intérieur que pour l'ennemi du dehors, doivent se féliciter d'avoir procuré le bienfait à la malheureuse Grèce I On ne peut que répéter le refrain de ces der'• niers jours il est temps, il n'est que temps que cette guerre cesse. Armistice on médiation, offre ou demande de bons offices, démarches minutieusement conformes aux lois pédantesques du protocole ou initiatives spontanées, peu importe le moyen, peu importe qui assumera la responsabilité d'une intervention nécessaire le monde civilisénepeutattendre; il aledroitd'exigerque l'on prenne-etque l'on prenne à temps -les mesures propres à amener le rétablissement de la paix, d'une paix solide, honorable, propre a durer, mais avant tout et par-dessus tout–c'est l'intérêt primordial de l'heure actuelle d'une paix qui ne se fasse pas attendre jusqu'à ce que l'un des adversaires ait été écrasé et que l'autre ait puisé dans ses victoires un redoublement naturel, mais déplorable, d'orgueil natio«̃ joal et d'intransigeance.

,«».

DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES

DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps

Berlin, 5 mai, 11 h. 15.

f* Faisant allusion aux bruits répandus que le prince de Hohenlohe a l'intention de démissionner, au cas où son projet de réforme de la procédure militaire serait rejeté par l'empereur, le député Richter a demandé ^•au Reichstag pourquoi la promesse catégorique de présenter cette réforme au Reichstag n'a pas été remplie. Le ministre de Bœtticher ayant donné une réponse évasive et mentionné les difficultés de régler promptement une matière aussi compliquée, iM. Richter a répondu que les difficultés ne venaient que du côté prussien. « II paraît, ajouta le député, 'que le chancelier impérial ne possède pas la mesure ^d'autorité absolument nécessaire pour diriger les affaires. »

'•^ Vienne, 5 mal, 10 h. 20. r- L'archiduc François-Ferdinand, héritier du trône, dont la santé est aujourd'hui complètement rétablie, i serait à la veille de se fiancer avec la princesse SoV .phie de Bavière, s'il faut en croire une nouvelle sensationnelle qui circule depuis hier à Vienne. ;• L'archiduc François-Ferdinand est aujourd'hui Êgé de trente-trois ans la princesse Sophie, fille du prince Théodore de Bavière, frère de l'impéra[ trice d'Autriche et de la princesse Marie-Joséphine deBragance,sœur de l'archiduchesse Marie-Thérèse, l veuve de l'archiduc Charles-Louis, frère de l'empereur, est âgée de vingt-deux ans.

DERNIÈRE HEURE

S. E. Mirza Aboul Kassem Nasser el Moulk, amJrassadeur ?extraordinaire du chah de Perse Mouzafifer ed Dine, chargé de notifier au président de la f République l'avènement au trône de son souverain, est arrivé à Paris ce matin, par l'express-Orient. i L'ambassadeur extraordinaire a été reçu officielle( jnent à la gare de l'Est par MM. Crozier, chef du protocole, et Mollard, sous-chef, parâ l'ambassadeur '.de Perse àParis, Nazare Aga; le vice-consul de Perse <j& Bruxelles, M. t'Hœn le général Kitabgi, conseiller de la légation persane à Bruxelles; le haut personnel de plusieurs ambassades, les principaux fonciâionnaires de la Compagnie des chemins de fer de .̃ï'Est, et M. Morin, commissaire spécial de police. Une compagnie du 76° d'infanterie de ligne et un .fceleton du cuirassiers ont rendu les honneurs à ;ambassadeur dans la cour de la gare.

!•' S. E. Mirza Aboul Kassem Nasser el Moulk s'est l^yendu directement au Grand Hôtel, dans un landau •^de la présidence, escorté par un peloton de cuiras-

siers.

Lambassadeur a 6tô reçu cet après-midi par ]3A. Hanotaux.

̃\ En raison de l'émotion produite dans le monde 3>ar la catastrophe de la rue Jean-Goujon, la messe

ae Requiem que la Société française de secours aux blessés militaires des armées de terre et de mer a fait célébrer ce matin à la Madeleine n'avait pas attiré l'affluence de fidèles qui se rend annuellement à cette cérémonie. C'est à peine si un tiers des chaises était occupé. p

Après l'évangile, M. Touchet, évêque d'Orléans, a prononcé une éloquente allocution où, après avoir fait ressortir los mérites et les services des personnes qui se dévouent à sauver les blessés, il associe dans une commune pitié les victimes de la guerre et celles de la charité. « Dieu leur fasse miséricorde! » a-t-il dit en terminant.

UN JOUR DE DEUIL

On reste sans parole et presque sans pensée sous le coup de la catastrophe épouvantable qui vient une fois de plus de mettre en deuil Paris et la France entière. La journée du 4 mai restera une date funèbre dans l'histoire de la société parisienne à la fin de ce siècle. Aux douleurs d'une telle tragédie vient se mêler une espèce d'ironie brutale qui en augmente l'horreur. Jamais le contraste si souvent signalé, par la philosophie pessimiste, entre les sentiments généreux qui font battre le cœur humain et l'inconscience des forces de la nature n'éclata plus s terrible ni plus écrasant. Le Bazar de Charité organisé pour faire le bien, pour faire l'aumône, pour soulager des misères trop lourdes, s'est transformé tout à coup sous l'éclat d'une flamme de gaz, en un effroyable bûcher qui a dévoré en un instant ceux et celles qu'une pensée de généreuse pitié y avait réunis, et a fait des bienfaiteurs et de leurs familles des victimes, plus à plaindre que toutes celles qu'ils voulaient secourir. Il faudrait la voix d'un Bos- suet ou d'un Chrysostôme pour parler comme il convient d'un tel événement et pour en tirer soit les leçons morales, soit les consolations religieuses que leur éloquence y saurait découvrir. Nous ne pouvons viser si haut dans nos réflexions attristées. Après avoir adressé aux morts un hommage plein de respect et d'émotion, aux familles qui pleurent un témoignage d'humaine sympathie, nous ne pouvons que nous souvenir que, si la nature est inconsciente et violente, l'homme a pour lui l'intelligence et le courage. Le courage, on le trouve toujours et on l'a retrouvé hier encore dans la conduite héroïque de quelques braves gens trop peu nombreux, hélas 1 autour de ce brasier instantané, qui en ont arraché au péril de leur vie et non sans blessures parfois cruelles beaucoup de victimes condamnées à périr dans les flammes.

Mais l'intelligence, mais la prévoyance, mais les précautions élémentaires, où sont-elles? '1 Nous accusons les choses? En avons-nous bien le droit, alors que nous avons entrepris par la science la conquête des forces naturelles et, par là même, assumé la difficile mission et la lourde responsabilité de les diriger? Ne sommes-nous pas trop souvent comme des enfants étourdis jouant avec des matières explosibles sur lesquelles ils ont mis la main avec un accent de triomphe? En faisant passer des tuyaux de gaz à travers cet amas de planches, de goudron, de papiers peints et d'étoffes légères, avait-on songé que ce qui devait êtrejun moyen de récréation et de plaisir pouvait être également un instrument d'incendie et de mort ? Nous ne voulons pas devancer l'enquête qui mettra en lumière la cause de cette catastrophe. Mais comment, sans accuser personne, car il est probable qu'il n'y a personne de coupable individuellement, ne pas accuser en quelque mesure tout le monde, puisque les leçons de l'expérience ne servent à rien, puisque nous oublions si rapidement ce qui nous afflige un jour et que nous commettons les mêmes fautes ou les mêmes oublis suivis des mêmes expiations ?Nous sommes véritablement trop insouciants et trop frivoles dans l'aménagementetdans l'organisation de notre vie collectivecomme de notre vie individueUe.il faut constaterque lerègne de la science n'est pas encore le règne de la raison. Sous le coup d'un malheur public,on se promet d'être plus vigilant on veille, en effet, durant quelques jours puis on se lasse, on retombe dans la négligence et l'inertie. Ce qui étonne à la réflexion, c'est que les conséquences de cette légèreté de conduite ne soient pas plus fréquentes elles ne sauraient, hélas être plus graves ni plus douloureuses. Et l'on se prend à trembler quand on songe à tous les endroits de réunions, cafés-concerts, théâtres; grands magasins, hôtels ou cabarets, lieux d'amusement ou de sport, où s'entassent les Parisiens avec la plus enfantine confiance et où ils peuvent être surpris par les plus effroyables accidents. Que de progrès restent à faire avant que nous soyons devenus des êtres tout à fait sages 1

Les nations étrangères nous enverront leur témoignage de condoléance. Hodie mihi, cras tibi.

Hier, l'Angleterre nous exprimait sa gratitude, à Brest et à l'île de Molène, pour la part que nous avions prise au sauvetage de l'un de ses paquebots. Aujourd'hui, nous recevons d'elle les mêmes marques de sympathie. Quelles que soient les antinomies de la politique et les conflits d'intérêts ou de rivalités entre nations, c'est un phénomène moral qu'il faut constater parce qu'il est sans doute l'aurore d'un meilleur avenir, qu'exposés aux mêmes dangers dans leur lutte contre les forces de la nature, les hommes se rapprochent devant ces dangers mêmes dans le sentiment plus vif, dans le sentiment humain d'une solidarité fraternelle. Et c'est ainsi peut-être du moins faut-il le croire et l'espérer que ces catastrophes successives qui fauchent tant d'innocentes vies et plongent dans la douleur tant de familles, servent en quelque mesure au progrès de la conscience que l'espèce humaine prend de plus en plus de son unité.

LA GUERRE TURCO-GRECQUE Les responsabilités

Notre correspondant d'Athènes nous télégraphie que les ministres de la guerre et de l'intérieur ont rapporté de bonnes impressions de Pharsale, et le représentant du Daily Telegraph leur attribue les déclarations suivantes:

Le prince héritier n'est pas coupable et n'est nullement responsable des revers éprouvés par les Grecs; il a pris part à la bataille de Raveni en bon général et a fait preuve de grandes qualités, mais il a été mal secondé par son entourage et n'a pas été écouté quand il a conseillé de ne pas abandonner Larissa. Cette version des faits est contraire à celle qu'a recueillie, de la bouche même du diadoque, un envoyé du Journal à Pharsale. Voici comment notre confrère fait parler l'héritier de la couronne hellénique

L'armée revint de Mati et de Deleria. Quand j'appris que la retraite avait été ordonnée et qu'elle étaitrmême en voie d'exécution, je pris la résolution de ne pas tenir Larissa et de ramener l'armée à Pharsale pour y occuper une position presque inexpugnable. Je prends donc toute la responsabilité de cet ordre, et j'étais absolument convaincu que l'armée en retraite se reformerait; dans la plaine ouverte où est située Larissa.

On me blâme d'avoir été trop vite, maintenant que l'on sait que les Turcs mirent deux jours avant d'occuper la ville mais un général doit-it compter sur la lenteur des mouvements des adversaires ? Qui eût pu penser qu'Edhem pacha commettrait la faute d'attendre, et n'était-il pas plus naturel de croire que la cavalerie turque atteindrait la ville en quelques heures, coupant ainsi toute retraite et forçant l'armée à se rendre ?

Mon devoir de chef de cette armée, qui est la sauvegarde du pays, était de la défendre contre toute surprise. Quand le temps aura passé sur les événements et qu'on les jugera avec sang-froid, je suis persuadé qu'on reconnaîtra que la mesure qui tut prise était, dans les circonstances, la plus sage.

C'est bien le cœur brisé que j'ai abandonné Larissa]; mais je ne pouvais pas ne pas le faire.

D'autre part, notre correspondant dans la capitale i

autrichienne nous communique, par la dépêche suivante, le résumé d'articles publiés dans des journaux grecs et destinés à faire porter à l'Ethnikô Hetaïria tout le poids des-déeaetres

Vienne, 5 mai, 9 h. 25.

Dans les cercles de la cour hellénique, on essaye de détourner le courant de la colère populaire, qui s'en prenait d'abord à la maison royale. C'est ainsi que YEphimeris, organe du parti dynastique, publiait dimanche un article véhément contre la Ligue nationale et ses manœuvres occultes. Dès le lundi matin, YAkropolis entrait en ligne et attaquait à son tour l'Hetaïria. « C'est cette ligue, dit-elle en substance, qui est responsable de tout le mal et nous espérons fort qu'elle payera ses fautes de son anéantissement. Nos « grands patriotes », qui avaient poussé à la guerre, disparurent, quand elle fut déclarée, avec leurs millions promis et leurs milliers d'insurgés qu'ils promettaient de susciter contre la Turquie. Nous n'avons vu paraître que ceux qui sont restés en Thessalie pour piller et dévaster. »

Un complot antidynastique

Qui pis est, l'on prête aussi actuellement, à certains volontaires étrangers, les intentions les plus sinistres, comme le prouve cette dépêche de notre correspondant de Rome:

Rome, 5 mai, 9 h. 20.

Des télégrammes particuliers d'Athènes annonçaient hier que les volontaires italiens en Grèce pour la plupart socialistes militants ou anarchistes ne sont pas partis dans l'intention de combattre pour l'indépendance hellénique, mais à seule fin de se livrer à des expériences révolutionnaires.

Cette nuit un autre télégramme parlait de la découverte d'un complot dont Amilcare Cipriani aurait été l'âme et qui avait pour but de détrôner le roi Georges.

Le Daily News va plus loin encore, mais Une nomme personne

D'après une dépêche privée, dit-il, le gouvernement grec aurait découvert un complot pour tenter de détrôner ou même d'assassiner le roi Georges. Un volontaire étranger aurait joué le principal rôle dans l'organisation de ce complot.

L'avenir

D'après le Times et le Daily Telegraph, le gouvernement hellénique aurait décidé de continuer la guerre. Pourtant, le Daily Chronicle, qui a été souvent son porte-parole, annonce qu'au camp de Pharsale le bruit court de la conclusion prochaine de la paix, et il se dit ailleurs informé que le cabinet Ralli discute une offre de médiation.

Ce qui encore donne lieu de croire que l'on n'est pas aussi résolu qu'on voudrait le paraître à continuer les-hostilités, c'est que les ministres hellènes à l'étranger ont reçu pour instruction de faire cesser les enrôlements déjà Ricciotti Garibaldi avait télégraphié à son frère Menotti, en Italie, de ne plus envoyer de volontaires.

Le commandement de l'armée hellène

C'est à la tôte de l'armée d'Epire que sera placé le colonel Vassos, rappelé de Crète il succédera au colonel Manos, à qui l'on fait ainsi expier sa retraite en désordre sur Arta.

Le gouvernement est entré en pourparlers avec les amiraux pour envoyer en Crète un navire de guerre devant prendre à bord le colonel Vassos et les autres officiers rappelés.

Au nombre de ceux-là figure, nous l'avons dit, le major Constantinidès c'est lui qui est nommé chef d'état-major du prince royal, le colonel Smolenski ayant refusé ce poste pour rester à la tête des forces qui défendent la route de Volo mais ce dernier officier (qui est le frère de l'ex-ministre de la guerre et qui appartient à une famille d'origine bavaroise) sera promu général de brigade.

Les colonels Met «axas, ex-ministre de la guerre, Vassiliadès et Korpas sont nommés en remplacement du général Macris et des colonels Mastrapas et Antonowitz, chefs de division et de brigade en Thessalie.

Les opérations en Thessalie

(Dépêche de notre correspondant particulier) J Vienne, 5 mai, 10 h. 35.

Voici ce que, des meilleures sources, j'apprends au sujet de la situation militaire, à la date d'hier. Des trois corps par lesquels Edhem pacha prépare l'attaque de l'armée hellène, celui qui opère à l'Est, sous le commandement de Hassan pacha, a occupé Rizomilos; il continue à requérir toute l'attention et tous les efforts de la brigade Smolenski, laquelle a dû être renforcée à Pilaf Tepe, entre Larissa et Volo, et a déjà perdu 180 hommes. Celui qui s'avance directement vers le Sud a déjà atteint Subasi et Mascalora, à une ou deux étapes de Pharsale, dans la plaine s'étendant au Nord,. près du fleuve Tchanarly il y a eu des engagements d'avant-postes avec les forces restées dans ces montagnes. Enfin, l'aile droite des Turcs, qui a pris la voie indirecte de Kharditsa, serait déjà en contact, près de cette station du chemin de fer, avec les irréguliers du député Tertipi c'est Memdouh pacha qui la commande; le diadoque a télégraphié hier à Athènes pour demander d'urgence des renforts lui permettant d'entraver la marche de cette troisième force cette dernière information, que j'ai des raisons de croire authentique, vous montrera ce qu'il faut penser du bruit d'une victoire grecque à Kharditsa, et même à Trikala 1

En Epire

(Dépêche de notre correspondant particulier) Athènes, 4 mai, 5 heures soir.

J'apprends qu'à cette date l'armée d'Epire est toujours concentrée à Arta et l'on confirme qu'au pont de fer de Louros un escadron de cavalerie hellène, qui avait tenté une offensive, a été repoussé. Les Turcs occupent le pont de Taffera, à dix kilomètres de la ville.

L'I~C:EN':DIE DU

BAZAR DE LA CHARITÉ

Paris a été mis en deuil par une épouvantable catastrophe. Hier, vers quatre heures et demie, un bruit sinistre courait le Bazar de la Charité est en feu; les victimes sont nombreuses. C'était le lendemain de l'inauguration d'une de ces ventes de charité qu'organisent périodiquement les femmes du monde pour venir en aide aux malheureux. Hélas l'exercice de la charité avait amené cette fois la pire des infortunes. La rumeur était vraie, et les craintes qu'elle avait fait naître devaient être dépassées par la réalité. Le malheur d'hier l'emporte sur le désastre de l'Opéra-Comique.

Nous. allons essayer de décrire le spectacle d'horreur dont nous fûmes témoin.

Quand nous arrivons sur le lieu du sinistre, vers cinq heures, tout est fini déjà. Dans le terrain vague de la rue Jean-Goujon, de la construction qui abritait la réunion mondaine, il ne reste que des poutres calcinées d'où s'échappent encore des étincelles et de la fumée. Le sol est couvert d'une bouillie noire faite de l'eau des pompes à vapeur et de cendres. On marche avec précaution au milieu de ces débris et l'on écrase des restes humains. 11 y a, aux extrémités, des monticules dont les cordons de sergents de ville défendent mal l'approche. On ne distingue d'abord rien, tant l'œuvre de destruction a été foudroyante et terrible. Puis, en regardant deplus près, on aperçoit des bras, des jambes, des torses calcinés. Les seules taches blanches sont formées parles cervelles débordant des crânes éclatés. Une impression de stupeur se lit sur tous les visages des assistants. Le préfet de police qui, seul, donne des ordres avec une apparence de sang-froid, a la figure blême. Le commandant Humbert, que le président de la République a dépêché sur les lieux pour y prendre des nouvelles, nous aborde, la gorge serrée, quêtant une indication. La plupart des ministres sont là MM. Hanotaux, ministre des affaires étrangères Boucher, ministre du commerce; Cochery, ministre des finances Rambaud, ministre do l'instruction publique; Besnard, ministre de la marine; Léon Bourgeois, ancien président du conseil Atthalin, procureur de la République, le juge d'instrucj

tion, M. Bertulus, chargé par le parquet de faire l'enquête sur le désastre, et tous, magistrats, homim\s politiques, officiers, journalistes, montrent dans leurs "paroles-rares et dans leurs gestes, le même saisissement d'horreur et de douleur. Et sur cette scène de désolation, les rayons du soleil qui se couche tout près delà, derrière l'Arc de Triomphe, mettent comme un léger voile d'or.

Il est cinq heures. L'œuvre des pompiers est achevée. Toutes les pompes à vapeur de la capitale ont jeté des torrents d'eau sur les décombres. On ne garde plus qu'une lance pour asperger les derniers foyers, qui sont les tas de cadavres. Une compagnie de soldats vêtus de la blouse blanche et armés de pelles, prend position sur le terrain. Le déblaiement va commencer. Ordre a été donné de mobiliser toutes les voitures de l'ambulance urbaine et des hôpitaux. Elles arrivent bientôt en faisant sonner leur timbre qui leur ouvre un passage dans les masses sombres de la foule qui assiège les environs. « Mettez vos gants! », crie le préfet de police à ses agents qui doivent prêter leur aide aux soldats. Cet ordre est donné par respect pour les morts que l'on va ramasser. Et chacun se met alors à l'horrible besogne. Des planches et des morceaux de bois enchevêtrés avec les cadavres sont d'abord enlevés. Il ne reste après ça que les morts.

Le premier tumulus attaqué par les soldats a été celui du fond; c'était le plus haut. Là étaient venues s'entasser les malheureuses victimes qui fuyaient devant l'incendie et elles s'étaient écrasées dans une lutte vaine contre les parois de la construction. Il y a des enfants qu'on ne distingue qu'à la petitesse des corps. Ils sont nus, couchés sur le ventre ou sur le dos, les membres réduits, desséchés. On les enveloppe dans des linceuls et on les place dans la voiture. Chaque voiture reçoit ainsi deux ou trois corps qu'elle emporte vers le palais de l'Industrie transformé en dépôt mortuaire. Les voitures se succèdent sans interruption. Elles chargent, vont déposer et reviennent prendre les cadavres. Les soldats découvrent un lambeau d'étoffe de soie verte à ramages. Ce morceau d'étoffe qui a résisté, on ne sait comment, à la flamme, entoure les jambes noires d'une femme. Le corps est entièrement calciné.

Le travail sur ce tas de débris humains a duré jusqu'à sept heures. Quand tous les membres ont été recueillis, les soldats, avec des bouts de bois, remuent soigneusement les cendres pour chercher les bijoux et les objets qui permettront plus tard d'établir l'identité des disparus.

Le crépuscule s'épaissit peu à peu. On se presse. Un second tumulus est déblayé. C'est celui de la porte d'entrée. Ici les corps sont plus gros. Aux gestes désordonnés qu'ils révèlent on entrevoit une partie du drame qui s'est déroulé là.

Deux éléments de mort, l'écrasement et l'incendie, ont amoncelé les victimes. Un cadavre est couché sur le dos au-dessus du tas. Il a le ventre ouvert et les intestins se sont échappés de cette blessure. Un autre, couché sur le côté, également tout nu, a le crâne défoncé; la matière cérébrale a jailli de tous côtés. La lutte entre ces malheureux se précipitant tous ensemble vers la sortie et se faisant les uns aux autres des obstacles insurmontables, a dû être particulièrement terrible. Deux êtres noirs sont enlacés est-ce pour un baiser suprême échangé entre deux âmes qui se chérissaient? Est-ce pour passer l'un sur l'autre afin de gagner la lumière, la rue, le salut? Les soldats les dégagent avec soin, mais un bras se détache du tronc et tombe dans la poussière noire.

Nous parcourons le champ lugubre, où des groupes maintenant se sont formés autour do gens qui ont procédé au sauvetage de plusieurs personnes. Nous heurtons du pied un soulier de satin, un petit »ou\vsï ïio\r, om6<Lo perles do jais, intact. Il a 6to perdu sans doute par une dame se sauvant par le terrain vague qui s'étendait derrière le bazar Tout près d'un groupe do personnes, une bâche est jetée sur l'herbe verte. Quatre cadavres sont dessous. Sur la bâche un corset de satin rose à moitié brûlé. BÈCITS DE TÉMOINS DEUX SŒURS DE CHARITÉ

Deux sœurs de charité de l'hôpital Notre-Dame du Perpétuel Secours, à Lovallois-Perret, étaient à l'extcémitô du bazar au moment où l'incendie éclatait. Le procureur de la République les interroge et nous recueillons leur récit

«11 était quatre heures vingt minutes environ. Tout à coup, au-dessus du comptoir que tenait Mme la duchesse d'Uzès, tout près de la boutique où fonctionnait un cinématographe, une étincelle a jailli, une étincelle qui était comme un long ruban do feu serpentant dans l'air et atteignant le vélum. II y a le feu, m'écriai-je. Et, en un clin d'oeil, la panique se produisit. Plus de 1,500 personnes se trouvaient à ce moment dans la salle. Mgr Clari, le nonce apostolique, était sorti quelques instants avant, après avoir béni nos œuvres de charité. Nous étions toutes deux dans le fond, ma sœur et moi. Ma sœur, soulevée par la poussée formidable qui se produisit de notre côté, a franchi le mur de planches qui avait une hauteur de trois mètres. Comment cela s'est fait? Comment elle s'est trouvée dans le terrain vague, au dehors, elle l'ignore et no peut l'expliquer. Moi, je fus foulée aux pieds et repoussée sous une table autour de laquelle on s'étouffait. Ce léger abri a résisté jusqu'à la chute du mur et ce sont des cadavres qui m'ont sauvé la vie. Cette table, en effet, sous laquelle j'étais couchée.n'a pris feu qu'après les cadavres amoncelés autour.

» Une fois dégagées, nousnous sommes rappelées, ma sœur et moi, quel devoir nous imposait notre costume et nous avons aidé au sauvetage. Dans ce terrain, cent cinquante dames et jeunes filles étaient réunies cherchant une issue. Les flammes, très hautes heureusement, penchaient du côté de la rue, puisqu'elles ont brûlé, comme on pout le voir, les stores des fenêtres du troisième étage du numéro 26 et brisé des vitres. Mais il régnait une chaleur de fournaise et la moindre saute de vent rendait immense le péril. Nous étions enfermées entre le feu et des murs sans fenêtres d'une hauteur de six étages. Sur la crête d'un mur, nous voyons apparaître le père Ambroise,du couvent de l'Assomption,qui descend une longue échelle. Par là, quelques dames ont pu se sauver. Mais l'échelle menaçait de se rompre et le sauvetage était long et pénible. Dieu a eu pitié de nous. A un mètre cinquante du sol, dans ce mur qui appartient à l'hôtel du Palais, se trouvait une baie, un soupirail étroit fermé par des barreaux de fer. Le cuisinier de l'hôtel du Palais a descellé un de ces barreaux et par ce trou, miraculeusement ouvert, ont passé cent cinquante dames et jeunes filles. »

Et votre opinion, ma sœur, demande le procureur de la République, sur la cause qui a déterminé l'incendie ?

C'est le cinématographe qui a mis le feu au velum. La couverture s'est bientôt détachée, recouvrant comme un linceul tous ceux qui étaient dessous, n'ayant pu s'échapper encore et les étouffant. SAUVETAGE A L'HOTKL DU PALAIS Comme l'a dit la sœur de charité, cette fenêtre de l'hôtel du Palais a été le salut pour 150 personnes. MM. Picot-Guéraud, publiciste, Matras, secrétaire de l'officier de paix du 8° arrondissement, vont nous le confirmer.

Ces messieurs montaient l'avenue d'Antin lorsqu'ils virent accourir des domestiques en livrée, criant et gesticulant dans la rue. Une épaisse colonne de fumée et de flammes s'élevait au-dessus du Bazar de Charité, à quelques centaines de mètres de là. Au crépitement de l'incendie, nous dit M. Picot-Guéraud, se mêlaient les cris d'épouvanté de ceux qui s'étaient échappés et que nous rencontrions dans la rue, les vêtements en lambeaux, et les cris de désespoir des victimes. Nous avisons une porte tout près du bazar en feu. Nous nous y engageons,M. Matras et moi, sans savoir où elle nous conduisait; c'était sur le terrain vague qui entourait le bazar et aboutissant à un cul-de-sac.

Dans ce coin, une foule, de dames et de jeunes filles avaient cherché refuge. Elles étaient sorties par la porte du milieu, qui avait pu s'ouvrir. Elles étaient'là, criant, sanglotant, prisonnières du sinistre. Les flammes, derrière nous, nous avaient coupé toute retraite. Derrière les barreaux de la petite fenêtre qui donne jour à la cuisine de l'hôtel du Palais, le cuisinier Gomery, son aide Vautier. le maitre

d'hôtel Charles Wagner Il est bon de rappeler les noms de ces braves gens se montrent. Gomery tient un marteau et frappe sur une tige de fer, essayant de la desceller. Cela dure une minute, un siècle. L'air était irrespirable. Les femmes tombaient autour de nous. Nous étions, M. Matras et moi, juste au-dessous de la fenêtre, ayant enveloppé notre tête de mouchoirs, le col du pardessus relevé. Nous nous accrochons à la barre de fer qui finit par céder sous nos secousses. Il était temps. Alors, devant cette ouverture, les gens se précipitent. M. Matras et moi nous repoussons l'assaut à coups de poing. Les paroles de calme rie sont pas écoutées, ne sont même pas entendues. Le feu fait rage derrière le mur, dévorant les proies humaines qui meurent dans des hurlements épouvantables.

Le cuisinier et l'aide cuisinier viennent à notre secours en descendant résolument dans la fosse, et à nous quatre. en nous arcboutant le pied au mur, nous parvenons à dégager les abords de la fenêtre. Si nous avions cédé, l'affolement de ces malheureuses était tel que nous y passions tous. Alors, une à une, les prenant par les pieds, nous les avons fait passer par la fenêtre et les autres domestiques de l'hôtel les recevaient dans leurs bras et les portaient dans les chambres. Cette opération était dirigée par une femme, Mme Roche-Sautier, propriétaire de l'hôtel, qui a montré des qualités de courage et do sang-froid dignes d'admiration. Comme le feu gagnait, que les derniers sauvés apparaissaient les cheveux grillés, le visage brûlé, les vêtements flamblants, Mme Roche-Sautier a eu l'idée de faire apporter des seaux qu'elle a fait jeter sur nos têtes. Les derniers secourus, qui étaient restés le plus longtemps auprès de l'incendie étaient très maltraités. Nous soulevons une jeune fille au crâne chauve, aux mains noires, pour lui faire franchir la lucarne. Quand sa tête est en l'air, la pauvre enfant est prise d'un rire convulsif. Oh 1 cet éclat de rire qui résonnait en un tel lieu, dans une note plus éclatante que les cri-s des mourants 1 Elle avait une crise de folie. C'était le présage d'un autre spectacle, le plus terrible de tous.

Au même instant, par cette porte ouverte qui avait livré passage à cette foule sauvée grâce à un soupirail et au dévouement des gens de l'hôtel, débouchent quatre femmes, torches vivantes. Elles dressent leurs bras qui ne sont que des moignons fumeux. Elles ont la force de faire quelques pas encore, puis elles tombent, toutes quatre, mortes sur l'herbe verte ce sont les cadavres cachés par la bâche dont nous avons parlé plus haut.

Dans l'intérieur de l'hôtel, les docteurs Helcan et Dejerine ont pansé Jes blessés, avec un dévouement qui les honore. Ils avaient organisé un service d'ambulance qui a rendu de très grands services. Les dévouements n'ont pas manqué. Les domestiques, les voisins, les premiers accourus ont rivalisé de zèle et ont plusieurs fois exposé leur vie. Un ouvrier, pauvrement vêtu, a arraché cinq personnes aux flammes. Il est grièvement brûlé au cou. Une large plaie lui dévore la moitié de la nuque. Il s'approche timidement des deux sœurs de charité avec lesquelles nous causions et leur demande quelques soins. « Ça me fait beaucoup souffrir, » dit-il, en montrant sa tête et ses mains couvertes de brûlures. Une sœur se détache, prend le brave homme par le bras et l'emmène à l'Assomption pour le faire panser.

Le père Bailly, directeur du journal la Croix, dont l'imprimerie est séparée du terrain vague par un mur de dix mètres, avait téléphoné, à la première alerte, à l'état-major des pompiers. Il fit placer deux échelles le long du mur, et, aidé de ses ouvriers, dont quelques-uns ont reçu des blessures graves, il a fait monter quinze personnes, entre autres Mme Maceda, Mme Dubreuil, la duchesse de la. Torre. « La. chalour, dit-il, 6tait telle qu'elle menaçait de rôtir nos échelles et de communiquer le feu aux vêtements des malheureux qui poussaient

Aspect général du Bazar de Charité, hier soir B. Amoncellement des cadavres contre une tfps à six heures portes fermées.

A. Porte d'entrée dans le bas, une petite partie D. Endroit où se trouvait les corps des gardes de balustrade intacte, de Paris.

Aux quatre coins, des monticules qui sont des monceaux de cadavres.

Cadavres entassés contre une des portes.

Vues de l'intérieur.

A Corps décapité, la colonne vertébrale se dresse raidie.

B Le crâne de ce cadavre est ouvert et contient la cervelle.

La cause du sinistre cela parait établi maintenant est le cinématographe. Pour le faire fonctionner, une lampe est nécessaire, et cette lampe a fait explosion. A un moment, la lampe s'est éteinte brusquement, puis s'est rallumée en faisant jaillir autour une gerbe de flammes qui ont communiqué le feu aux tentures.

Le cinématographe était installé à gauche en entrant par la porte de la rue Jean-Goujon et tout près de la cour. On pénétrait dans le compartiment qui lui était affecté par un tourniquet placé à l'entrée d'un petit jardin dont il n'est resté que les pots enfouis dans la terre. Sur notre plan, la place est désignée par la lettre C. Une porte donnait tout près sur le terrain vague. Elle a été inutilisée par les malheureux qui tous ont suivi le double courant, l'un vers la grande porte de sortie et l'autre vers le fond du bazar.

Parmi les personnes qui ont pu se sauver de ce désastre se trouve Mme la baronne George de Reuter; La baronne qui stationnait devant un comptoir au moment où la catastrophe s'est produite, a bien voulu nous faire le récit suivant:

« C'est un miracle que je m'en sois tirée, nous dit la baronne encore tout émue par ce tragique événement quoique je ne fusse pas vendeuse ce jour-là, j'étais allée à la vente avec la baronne de Saint-Didier et mon mari. Mon mari nous laisse à la porte « Allez! nous dit-il, je me promène quelques ins» tants devant l'entrée je vous reprendrai tout à » l'heure. » Nous entrons et allons de comptoir en comptoir. Nous stationnions devant le comptoir 14, quand tout à coup las cris « Au feu 1 retentissent. Nous nous précipitons vers la sortie, mais déjà nous sommes devancés par un grand nombre de personnes et nous ne pouvons avancer que lentement. » Cependant, un monsieur que je crois être M. le duc d'Alençon (car vous pensez bien que, dans ce moment-là, je ne me suis pas attardé à l'examiner de près) s'efforçait d'apaiser l'émoi général, afin que la retraite pût se faire sans accident en criant

des cris épouvantables. Nous avions à portée de ltl main des conduites d'eau et nous avons inondé let bois de l'échelle et les vêtements de celles qui esca. ladaient notre mur. n

Le professeur Gilles de la Tourette, chef dtt service médical de l'Exposition, qui était arrivé l'un des premiers rue Jean-Goujon, a fait rester son per« sonnel en permanence toute la nuit.

L'INCENDIE

Le Bazar de Charité était élevé, comme noua l'avons dit, en face du numéro 26, où sont situées les écuries du baron Alphonse de Rothschild. Des piqueurs, le régisseur, quelques passants, ont seuls contemplé l'affreux spectacle. Cela commença par un petit jet de fumée qui s'échappait du milieu dela toiture, et aussitôt une dame sortait la corn. tesse de Rochefort, croit-on en criant: « Au feu » Avec une rapidité inouïe, ce filet de fumée devenait un torrent de flammes et le vélum s'affaissait, cou* vrant le foyer. Le vent chasse les flammes, qui atteignent une hauteur de quinze à vingt mètres et forment comme un dôme au-dessus de la rue Jean-» Goujon, léchant les façades des maisons voisines. Alors, dans cette rue, se produisent des scènes terribles.

Le théâtre de la catastrophe. A, portes. B, jour de souffrance de l'hôtel du Palais. C, Cinématographe. D, imprimerie de la Croix.

La porte de sortie était élevée de trois marches au-dessus de la chaussée. Les premières personnes qui s'échappèrent, oubliant l'existence de ces marches, tombèrent; sur elles s'entassèrent, tombant successivement, celles qui se précipitaient à leur suite, fuyaient devant les flammes et bientôt l'issue était obstruée. Les malheureuses entassées criaient en vain aux domestiques et aux locataires des maisons voisines « Tirez-nous 1 La panique avait gagné la rue. On fuyait de toutes par^s, et des femmes qui apparaissaient, les vêtements en feu, faisaient reculer les plus intrépides. Une jeune femme s'est enfuie en pantalon, le chapeau sur la tête; la jupe et les jupons étaient restés dans le bazar. Quelques hommes sortirent, les cheveux et la barbe roussis. Le général Munier avait ses vêtements qui lui brûlaient la peau. Il entra dans la cour des écuries et, apercevant une auge de pierre remplie d'eau, il s'y précipita. Une quarantaine de personnes plus ou moins grièvement blessées, trouvèrent un refuge dans ces écuries, et les piqueurs éteignirent leurs vêtements en les aspergeant d'eau avec une lance d'arrosage.

En dix minutes, le malheur était consommé. Les pompiers, accourus de tous les points de Paris, n'eurent qu'à inonder les débris. A leur arrivée, les murs en carton-pâte s'effondraient, tombaient en poussière, car les montants en bois restaient seuls debout, à. moiti6 rongés. Le bazar gracieux, qui abritait tant d'élégances, offrait la vue que notre dessia très fidèlement reproduit.

C. Tourniquet du cinématographe.

C. Le squelette apparent dessine la colonne vertébrale et les côtes.

D. Par terre à cet endroit sont amoncelés des dé- bris de poteries et de vases.

Tous les crânes sont dénudés et toutes les face*» tournées vers la terre.

« Ce n'est rien, ce n'est rien, ne vous pressez pas » mais vous imaginez comment une foule affolée peut recevoir de tels conseils. On continuait à se hâter vers la sortie.

» En voyant devant moi tant de têtes, j'ai eu uno seconde, une terrible seconde, allez! l'impression que je ne sortirais pas. Mais la poussée derrière moi est très forte; elle nous rejette au dehors, assurant ainsi le salut des uns et la perte de ceux qui viennent après nous, car les remous qu'elle produit occasionnent bientôt des chutes, un entassement se produit et l'on na peut plus sortir. Mon mari était à la porte, essayant en vain de rentrer pour me porter secours; mais le flot des personnes sortantes l'cmpêche d'avancer, vous pouvez supposer dans quel l état d'esprit il se trouvait. Enfin, il m'aperçoit, et je suis dans la rue auprès de lui. Mais qu'était devenue la baronne de Saint-Didier? La foule m'en avait séparée presque dès le moment où on avait crié «Au feu !» Nous l'attendions à la porte. Hélas! la malheureuse n'est pas sortie. Prise sans doute dans la poussée qui s'est faite derrière nous, l'infortunée n'a pu parvenir à se dégager et elle a dû périr étouffée. » Cependant, mon mari et quelques messieurs aident autant qu'ils peuvent les dames à sortir mais bientôt tout secours est impuissant; les personnes s'entassent les unes sur les autres, les bras, les jambes s'enchevêtrent les uns dans les autres des appels, des cris perçants s'élèvent. Ce spectacle lamen.table, affreux, remplit d'épouvante ceux qui en sont les témoins. Une vieille dame est là, près de nous, qui se débat pour sortir elle appelle au secours d'une voix déchirante mon mari court vers elle et est assez heureux pour la relever de cet entassement de corps. « Ah merci, merci, lui dit la pauvre dame, plus morte que vive, Dieu vous le rendra » LES ABORDS DU BAZAR

Pendant que les pompiers, aidés d'une compagnie d'infanterie, luttent contre le fléau, la nouvelle de la catastrophe s'est rapidement répandue dans Paris, causant dans la population une profonde émotion»