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Titre : Le Temps

Éditeur : [s.n.] (Paris)

Date d'édition : 1887-02-14

Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication

Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34431794k

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34431794k/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

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Description : 14 février 1887

Description : 1887/02/14 (Numéro 9416).

Description : Collection numérique : BIPFPIG33

Description : Collection numérique : BIPFPIG63

Description : Collection numérique : BIPFPIG69

Description : Collection numérique : France-Japon

Description : Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine commune

Description : Collection numérique : La Commune de Paris

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k231310n

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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̃ PARIS, 13 FÉVRIER

BULLETIN DU JOUR La Chambre à discuté hier longuement un projet de loi portant approbation d'une convention relative à l'établissement de câbles télégraphiques sous-marins destinés à desservir les colonies françaises des Antilles et de la Guyane.

M. Lucien de la Ferrière, M. Fernand Faure et M. Félix Faure ont combattu le projet comme inutile et onéreux. Des communications existent déjà, ont-ils fait remarquer celles qu'on propose de leur substituer mettront en mouvement une garantie de l'Etat; cette garantie est hors de proportion avec le service à créer; en outre, la concession est accordée à un étranger, et l'on semble avoir traité avec une Société à constituer dans des conditions qui appellent et justifient bien des critiques. Tel est le résumé succinct des principales objections soumises à la Chambre.

Le rapporteur de la commission, M. Bizarelli, M. Fribourg, commissaire du gouvernement, enfin M..le ministre des postes et télégraphes ont, de leur côté, soutenu que l'adoption du projet aurait de sérieux avaniages les communications seraient plus directes, plus rapides et moins coûteuses. En ce qui concerne la garantie d'intérêt, on ne devrait avoir aucune crainte les résultats acquis déjà indiquent qu'elle ne fonctionnerait vraisemblablement pas. Une industrie nouvelle, celle des câbles, aurait, en outre, chance d'être introduite en France. L'initiative française, toujours sommeillante, serait peut-être éveillée ainsi et attirée vers une. industrie qu'elle a jusqu'ici trop négligée. Après un long et parfois très vif échange d'explications, M. Lalande a demandé à la Chambre si elle ne jugerait .pas opportun de renvoyer le projet à l'étude d'une commission spéciale. M. le ministre des postes et télégraphes très vivement poussé par des contradicteurs a fait remarquer que, entre la première et la deuxième délibération, on aurait tout loisir d'amender le projet. MM. Jules Roche et Maurice Rouvier ont alors réclamé purement et simplement le renvoi à la commission du budget. Ce renvoi a été fjrononcé. La prochaine séance aura lieu lundi.

La présentation à la Chambre prussienne d'ùn projet de loi comportant un emprunt de 40 millions de marcs pour travaux de chemins de fer a donné lieu hier à un échange d'observations sur la situation générale entre un député, M. Imwalle, et le ministre des travaux publics. Ce dernier a contesté que cette demande de crédits pour une entreprise industrielle de longue haleine eût une signification pacifique particulière, tout en exprimant l'espoir que la paix sera maintenue. La réserve de ces paroles montre à quel point les membres du gouvernement allemand évitent de- se prononcer sur les bruits alarmants du moment, dont la consistance diminue cependant de jour en jour. En effet, même la Gazette de la Croix, dont les attaches conservatrices sont connues, conteste, dans un article que le télégraphe a signalé hier, l'imminence du danger d'une guerre.

La Gazette, tout en revenant sur les dispositions belliqueuses que la presse allemande officieuse prête à la France, émet l'opinion que l'on ne saurait considérer les mesuresmilitaires prises ces derniers temps des deux côtés de la frontière comme annonçant un prochain conflit. L'appel de 72,000 réservistes en Allemagne, dit la Gazette de la Croix, ne saurait avancer notre mobilisation d'une heure. Et de même les concentrations secrètes de troupes françaises dont parlent les journaux ne feraient que retarder considérablement la mise sur pied de guerre du corps auquel elles appartiennent. Une guerre avec la France, conclut la Gazette, ne saurait avoir pour prélude des mobilisations partielles ou la réunion de troupes à effectifs réduits.

Les articles de ce genre sur l'éventualité d'une guerre se font de plus en plus rares dans la presse allemande, qui parait ne plus se préoccuper que de l'attitude des chefs du centre à l'égard des lettres du cardinal Jacobini. Les organes officieux ne dissimulent pas leur désappointement au sujet

FEUILLETON DU «TEMP§> DU 14 FÉVRIER 1887

n:

-Ironique théâtrale

/~J~

)l la Comédie-Française, reprise du Cercle, de Poinsinet, et de VAnglais ou e Fou raisonnable, de Patrat. A.U Chàteau-d'Eau. l'Absente, drame en cinq actes, de MM. Villemer et Segonzac. Aux Nouveautés, Ma gouvernante, comédie en trois actes, de M. Bisson. La Comédie-Française a repris cette semaine le Cercle, comédie en un acte, de Poinsinet, dont ïa première représentation date du 11 septembre 1764 et la dernière reprise de février 1840. ïl y avait donc quarante-six ans qu'elle n'avait été jouée, et elle est âgée de plus d'un siècle. C'est une belle durée pour une œuvre légère, qui semblait destinée à disparaître avec les -mœurs et les tics qu'elle avait ^prétendu peindre.

J'imagine que l'on eût bien étonné les beaux esprits contemporains, si on leur avait dit cette petite comédie, que vous traitez de bluette, sachez qu'en 1887, c'est-à-dire dans cent vingttrois ans, le Théâtre-Français la reprendra avec éclat, trois libraires se disputeront l'honneur d'en publier le texte, et tous les journalistes du temps la:discuteront avec plus de passion que vous n'en mettez aujourd'hui à parler d'elle. La prédiction eût semblé à ces messieurs d'une fantaisie bien invraisemblable. -Un siècle et quart, c'est une forte tranche d'immortalité, et on né se fût cru en fond de la promettre qu'aux tragédies de Voltaire. Où est Mérope? où est Alzire? où sont les neiges d'antan?

3 Poinsinet a survécu. Son nom n'était guère resté, il,est vrai, dans nos mémoires que comme celui du plus célèbre mystifié du dix-hui'.lième siècle: Personne n'a jamais été plus que ;lui victime de ces sortes de farces que nous appelons aujourd'hui des fumisteries et que nos pères nommaient des mystifications. On assure même que le mot fut créé pour lui. Il eut tout au moins le triste avantage de le ren;dre populaire. lia ainsi travaillé au Dictionnaire de l'Académie, sans jamais avoir été académicien lui-même.

Le jour même où se donnait la première

du peu d'influence que les conseils du Saint-Siège paraissent avoir sur la conduite politique de M. Windthorst et de ses partisans. C'est ainsi que la Gazette de Allemagne du Nord reproche ce ma- tin aux sommités du parti catholique de ne pas comprendre la portée des déclarations du saint-père. Les lettres par lesquelles il s'est prononcé en faveur du septennat ont pour but non de défendre cette mesure législative même mais bien de soutenir le principe d'autorité dont elle émane et de contribuer au maintien de l'empire allemand contre les attaques du centre et contre l'abus que ce parti fait du nom du souverain pontife. L'intervention du pape en faveur du septennat n'a donc pas le caractère d'une complaisance momentanée obtenue par voie diplomatique, mais bien d'un accord des pouvoirs qui ont mission de défendre le principe d'autorité. Telles sont les explications de la Gazette de r Allemagne du Nord, qui ne paraissent guère de nature à faire revenir de leur opposition MM. Windthorst et de Franltenstein.

»

DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES

DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps Berlin, 13 février, 8 heures.

Depuis deux jours l'empereur ne fait plus sa promenade habituelle en voiture. Les médecins lui ont défendu de sortir de son appartement, et de prendre part aux fêtes et cérémonies qui se succèdent presque chaque jour à la cour.

Berlin, 13 février, 8 h. 15.

On dit, d'une part, que le manifeste de l'empereur aux électeurs est prêt et qu'il sera publié à la fin de la semaine; mais, d'autre part, on assure qu'on a renoncé à cette publication.

La Correspondance libérale prétend que le manifeste paraîtra le 19.

La police a saisi hier à Breslau 30,000 manifestes socialistes.

Berlin, 13 février, 8 h. 40.

La Chambre des députés du Landtag prussien a été prorogée hier au 23 février. M. Windthorst a vainement demandé que la session ne fût reprise qu'après le scrutin de ballottage pour le Reichstag.

A propos d'un projet de loi concernant un emprunt de 40 millions de marcs pour les travaux des chemins de fer, un député à déclaré qu'il considérait ce projet comme un symptôme incontestable du maintien de la paix.

M. Maybach, ministre des travaux publics, a répondu qu'il désirait naturellement que la paix fût maintenue, mais qu'il ne pouvait pas conseiller à la Chambre de considérer la présentation du projet de loi comme une garantie particulière du maintien de la paix. « Si la paix était troublée, a ajouté le ministre, comme certaines personnes le. croient et comme nous devons également le craindre, le projet ne pourrait pas être mis à exécution. »

Berlin, 13 février, 9 heures.

La Germania, répondant aux journaux officieux qui ont accusé M. Windthorst d'avoir tenu secrète la première lettre du cardinal Jacobini, dit que le chef du centre n'a connu cette lettre que par les journaux.

La Germania demande à la Post si le septennat est un article de foi, pour que ce journal ait cru devoir invoquer l'infaillibilité du pape.

Berlin, 13 février, 9 h. 20.

La Gazette de la Croix annonce qu'au polygone de Kummersdorf on a fait de nouvelles expériences sur des matières explosibles, et que les résultats obtenus ont prouvé qu'en quarante-huit heures on pouvait détruire le fort le plus résistant. Vienne, 13 février, 9 heures.

Les crédits que le ministre de la guerre demandera aux Délégations s'élèveront à trente ou trente-cinq millions de florins. On croit que les Délégations seront convoquées du 8 au 15 mars. Budapest, 13 février, 8 h. 15.

Le ministre des honveds, le baron Fejervary, présentera mardi à la Chambre des députés hongroise une demande de crédit de 8 millions de florins pour l'armement du premier ban du landsturm.

On nous écrit d'Epinal

Tout le monde, de ce côté-ci de la frontière, est persuadé que nous en avons fini avec les alertes, et si de mauvaises nouvelles arrivent encore, à intervalles presque déterminés, de Metz, on se rassure en pensant que là-bas la lutte électorale est plus vive que partout ailleurs. Je sais, au surplus, que le blindage des forts de Metz avait été décidé au mois de décembre dernier; l'autorité militaire a donc simplement avancé la date d'opérations militaires qui étaient arrêtées en principe. A vrai dire, l'habitude est pour quelque chose dans le calme que je constate autour de moi; on a si bien cru que la guerre était imminente, qu'on n'attache plus la moindre importance aux informations pessimistes.

Les nouvelles de la frontière sont un peu meil-

de cette reprise, trois éditions nouvelles en paraissaient à la fois l'une de la maison Jouaust, avec préface de M. d'Heilly (elle fait partie de la collection des Petits chefs-d'œuvre) l'autre, de la maison Tresse; la dernièreenfin, a été publiée par Ollendorf, et notre confrère en critique théâtrale M. Auguste Vitu en a écrit la préface. 11 a porté dans ce travail ce soin de recherche et ce goût d'exactitude que nous admirons toujours chez lui. Où il a passé, il ne reste plus rien à dire. Il a épuisé le sujet.

Je ne sais; mais je me défierais quelque peu du penchant dont il témoigne pour son auteur. J'aurais quelque inclination à croire qu'il prend sa défense avec trop de vivacité et qu'il en veut trop à ceux qui se sont moqués de lui. Mais ce n'est là qu'une impression chez moi, et je serais fort embarrassé de l'appuyer .sur un fait sérieux. Ma seule raison, qui est bien théorique et bien vague, c'est qu'un homme que tout le monde s'amuse à frapper sur le nez doit probablement avoir un nez à nasardes. La conséquence n'est pas rigoureusement logique, j'en conviens.

Sur l'auteur et sur la pièce, l'étude de M. Vitu est complète elle est d'un érudit et d'un homme de goût. J'y renvoie mes lecteurs, la brochure étant de prix modeste. Je ne pourrais que répéter en d'autres termes ce qu'il a fort bien dit avant moi; ce n'est pas la peine. Je me bornerai donc à parler de l'effet qu'a produit sur nous, dimanche dernier, la reprise de cet ouvrage. Aussi bien est-ce mon habitude de ne jamais trop m'enquérir ici de l'historique d'une œuvre. Au théâtre, je suis public et tâche de sentir comme le public.

Il faut bien l'avouer l'impression a été médiocre, plus que médiocre, et, à la chute du rideau, comme les amis de la maison esquissaient de timides applaudissements,les spectateurs ont répondu par de nombreux et longs chut qui les ont fait taire. Ces manifestations sont fort rares à la Comédie-Française, surtout lorsqu'il s'agit de reprises. Mais M. Claretie avait été obligé de donner celle-là, contre tous les usages, un dimanche dans la journée. Le public du dimanche est un public très particulier, qui vient au théâtre uniquement pour s'y amuser. Les lettrés, quel'on convied'ordinairelesoir,en semaine, à ces solennités, font la part du res.pect que l'on doit au passé; ils y apportent un goût de curiosité archéologique qui reçoit toujours quelque satisfaction. Si le divertissement est mince, ils n'en sont ni surpris ni fâchés, ils s'y attendaient. Les habitués du dimanche ne connaissent point ces ménagements. Ils ont payé pour avoir du plaisir; si on ne leur en fait pas bonne mesure, ils prennent la mouche. La pièce de Poinsinet les a'quelque peu déconcertés. Grimm l'avait bien prévu quand il écrivait, huit jours après la première repré-

leures; les soldats allemands qui ont séjourné pendant vingt-quatre heures à la gare d'Avricourt sont repartis dans la direction de Saverne; et l'on n'a pas tardé à savoir qu'ils avaient été expédiés pour réprimer les manifestations des réservistes alsaciens réfractaires. Je ne vous cache pas que cette explication n'a satisfait que ceux qui jugent les choses de très loin et très à la. hâte. Pas un seul réserviste réfractaire n'a été aperçu à la gare d'Avricourt; à quoi l'eût-on reconnu? A ses habits civils? Il est possible que quelques Alsaciens convoqués comme réservistes dans les régiments de l'infanterie allemande et convaincus que la guerre allait éclater, aient franchi la frontière. Mais il n'y a eu, ni à Avricourt, ni à Pagny, ni à Montreux-Vieux aucune manifestation; ces réservistes si tant est le fait de leur départ soit exact ont passé incognito. La présence des soldats à la gare d'Avricourt était donc bien inutile, et l'on a tout lieu de croire qu'elle a été le résultat d'un excès de zèle d'un commissaire de police. Un mot à propos des baraquements, et pour liquider cette question trop souvent agitée: l'autorité militaire française a fait construire des baraquements à Nancy, Saint-Dié, Epinal et Bruyères. Dans cette dernière localité, il existait déjà des baraquements qui ont servi de logement, tour à tour à des escadrons de cavalerie et à deux batteries d'artiller détachées du 8e régiment qui est en garnison à Châlons-sur-Marne. Quant à cette fameuse position de Corcieux, dont nous ont parlé quelques journaux allemands, elle est excentrique, située à quelque distance de la voie ferrée et n'ofi're pas le moindre intérêt stratégique. Comme je vous l'ai dit, comme je ne me lasserai pas de le redire, ces baraquements sont destinés aux réservistes et aux territoriaux. A Nancy, par exemple, où l'arrivée du 79° de ligne est attendue depuis longtemps, on aménage, pour le recevoir, une vieille caserne depuis longtemps abandonnée. Le 79" était à Neufchâteau il vient à Nancy; on ne dira pas qu'on le rapproche de la frontière.

A propos de cette prétendue! concentration de troupes, qui a été exploitée par une partie de la presse allemande, voici l'effectif exact, à l'heure où j'écris, des troupes stationnées en Alsace-Lorraine: seize régiments d'infanterie, à savoir, les 67e, 98°, 92", 130e et 131° à Metz les 4° et 8° bavarois à Metz; les 25°, 47° et 99° à Strasbourg le 105° à Neuf-Brisach les 17° et 112° à Mulhouse; le 70° à Thionville le 126° à Colmar; Je 60° à Wissembourg. En plus, le 8° bataillon de chasseurs à Saverne; le 11° à Haguenau.

En fait de cavalerie les 9° et 13° dragons à Metz; le 6° dragons à Thionville le 15° dragons à Haguenau; le 14° dragons à Colmar; le 7° uhlans à Sarrebourg; le 14° uhlans à Saint-Avold le 15° uhlans à Strasbourg; le 6° uhlans à Mulhouse, et le 5° chevau-légers bavarois à Sarrebourg. Soit, en tout, dix régiments, sans compter le 9° hussards à Trêves et le 7° dragons à Sarrebruck.

En fait d'artillerie deux régiments montés à Strasbourg, Metz et Haguenau; six batteries à cheval à Sarrelouis, Metz et Sarrebourg; un régiment à pied à Metz et Thionville six compagnies à pied à Strasbourg, et deux autres compagnies à Neuf-Brisach.

Je dresse cette statistique sans l'accompagner d'aucun commentaire et dans le seul but de montrer que, si même nous avions renforcé nos effectifs, nous n'eussions pas fait autre chose que suivre l'exemple qui nous avait été donné. Après tout, rien ne paraît plus naturel que de masser des troupes sur la frontière, autant que le permettent les exigences du casernement et la nécessité de tenir compte, dans une certaine mesure, des vœux légitimes de toutes les villes de province. Les conditions de la guerre moderne ont été modifiées de fond en comble on a renoncé, depuis longtemps, à la guerre savante que faisaient Turenne et Condé; les places fortes n'arrêtent plus l'élan des armées d'invasion, nous en avons fait la cruelle expérience en 1870. L'introduction du fusil à répétition entraîne encore l'adoption d'une nouvelle tactique et, par conséquent, d'une autre stratégie. Plus le tir devient rapide, moins il faut compter sur l'action des masses. Puis, la mobilisation est devenue une opération tellement compliquée, si peu sujette à des expériences préalables satisfaisantes, que l'on n'ose plus calculer, même approximativement, le chiffre des troupes que chaque nation réussira à mettre en ligne.

Est-il vrai que les états-majors songent à préparer de longue main des irruptions brusques, déconcertantes qui porteraient le trouble chez l'ennemi en entravant sa mobilisation. Cela est possible plus l'armement se perfectionne, plus aussi la guerre redevient sauvage. Le courage individuel jouant un rôle de plus en plus effacé, les conceptions de la stratégie vont en se modifiant, et cette évolution inévitable suffirait, à défaut d'argument politique ou électoral, à expliquer les récents mouvements de troupes.

Ce qui définit nettement les visées du grand état-major de Berlin, c'est l'emploi qu'il entend faire des nouveaux effectifs; des 41,000 hommes qui seraient incorporés en sus de l'effectif actuel, 19,000 environ seraient destinés à augmenter l'effectif de paix des compagnies d'infanterie. Avantages inappréciables pour l'instruction des hommes et des officiers, mobilité des unités, tels seraient les premiers résultats d'une pareille innovation. Il suffit de les signaler; on en comprendra toute l'importance.

D'après les Nouvelles politiques, de Berlin, 307 wagons chargés de poutres ou de planches ont passé, du 30 janvier au 5 février, par les stations frontières d'Alsace-Lorraine pour se rendre en France. 91 wagons ont été dirigés sur Nancy, 66 sur Toul, 15 sur Lunéville, 11 sur Saint-Dié, 15 sur Commercy, 17 sur Verdun, 12 sur Belfort, etc.

Le Mercure de Souabe a reçu de Saint-Pétersbourg une correspondance qui déplore que le danger, qui a été évité pendant des années, de voir les intérêts

sentation du Cercle « Supposez que, suivant le dessein de M. Poinsinet, sa petite comédie aille à la postérité, et que cette postérité soit en état de l'entendre parfaitement, ce qui n'est pas aisé lorsque le sel et la finesse consistent dans le ton, on peut croire qu'elle s'enquerra avec quelque curiosité si ces mœurs ont été réellement les mœurs d'une grande et illustre nation. Il faut espérer que les curieux d'alors pourront se répondre que ces mœurs ont été en effet celles d'une génération aussi courte que frivole. »

Voilà le point juste. Le Cercle ne peint qu'un moment fugitif des mœurs d'une génération, qui a été, pour me servir des expressions mêmes de Grimm, aussi courte que frivole. Les grands écrivains, quand ils prennent,. pour s'en moquer sur la scène, un des travers passagers de leur temps, savent en dégager ce qu'il a d'humain et d'universel. Il n'y a plus aujourd'hui de femmes qui parlent précisément comme Cathos et Madelon des Précieuses ridicules. Mais l'esprit qui anime les précieuses et les rend ridicules est de tous les temps et de tous les pays. Molière l'a su mettre au plein vent, et voilà pourquoi nous voyons encore sa comédie satirique avec tant de plaisir.

Mais quand l'auteur n'a pas eu assez de génie pour mettre à nu l'éternelle vérité sous les formes changeantes dont la revêt chaque génération, il est à peu près impossible au public de faire ce travail. Un de nos jeunes confrères, qui a bien du goût et de l'esprit, M. Hugues Leroux, s'est amusé, dans un très joli article de la Revue bleue, à dépouiller les personnages du Cercle de leurs paniers, de leur poudre, de leurs habits galonnés, et à les habiller de nos costumes modernes. Il a retrouvé aisément dans notre société contemporaine les originaux qu'a peints Poinsinet, et il a saisi ce qu'il y avait de commun entre eux sous les disparates du temps.

Mais c'est là un jeu d'esprit bon pour amuser un lettré en quête de nouveautés piquantes. Un public tout entier ne saurait user de ce procédé au spectacle. Il est dans son droit quand il ne voit que ce qu'on lui montre. Ces personnages de Poinsinet sont tous en superficie; et, comme ce sont les dehors qui changent le plus d'un siècle à l'autre, ils ne peuvent plus paraître vrais qu'au très petit nombre de curieux qui ont gardé un souvenir fidèle de la Femme au dix-huitième siècle des frères de Goncourt. Il ne me semble pas non plus que la ComédieFrançaise ait réussi à mettre sous nos yeux un tableau qui nous donnât la sensation du dixhuitième siècle. Les artistes m'ont paru jouer pesamment cette œuvre légère, qui n'est que frivolité pimpante et grâce légère. Ils ont été sérieux et presque lourds. Il y a dans le Cercle un jeune colonel qui est plus souvent dans les

contraires en Europe entrer en conflit, se soit rapproché de manière à provoquer une crise. La correspondance ajoute

Le danger est augmenté par ce fait que, dans les sphères oirigeantes de Saint-Pétersbourg, on n'éprouve pas de sympathie pour la politique allemande. Il est vrai que les sympathies pour la France ne sont pas très vivas; mais on trouve que l'attitude de l'Allemagne dans le moment présent est quelque peu provocante. On joue trop avec le feu en Allemagne, et cela pour des raisons de tactique électorale.

Dans le budget extraordinaire qui va être soumis à l'approbation de la Chambre des représentants belge, le ministère de la guerre figure pour les sommes suivantes

Fort de Rupelmonde, 990,000 fr.; fort de Schooten, 617,836 fr.

Remplacement des fronts intérieurs de la citadelle du Nord, 1 million.

Armement du camp retranché, 1,200,000 fr.

Ligne de la Meuse, 8 millions.

On démolira la citadelle et la Chartreuse, à Liège, et on les remplacera par des ouvrages puissants, mais de petite dimension. On construira également des forts à Namur. La dépense totale est évaluée à 24 millions, dont on demande le tiers cette année.

Armement de l'infanterie, 5 millions. La dépense totale sera de 15 millions.

Artillerie de campagne, 316,000 fr. pour les 20 batteries qui sont déjà pourvues du nouvel armement. Il y aura lieu d'applfquer cet armement aux 20 autres batteries, mais le gouvernement ne demande pas encore de crédit pour cet objet.

Voitures à bagages avec harnais, 50,000 fr. Habillement de la troupe, 400,000 fr.

Amélioration du casernement, 2 millions.

»

(Dépéches de nos correspondants particuliers) Rome, 13 février, 10 heures 20.

Le roi a eu hier soir une longue entrevue avec M. de Depretis. On avait fait courir le bruit que celui-ci avait été définitivement chargé de former le nouveau cabinet, mais la nouvelle est inexacte. M. Depretis a prié le roi de ne pas lui confier, d'une façon absolue, cette mission avant d'avoir consulté- les personnes sur lesquelles il devrait compter pour-donner une base parlementaire solide à son administration.

Les craintes de M. Depretis ne sont pas provoquées par l'attitude de M. de Robilant, dont le concours lui est certainement acquis, mais par celle des dissidents de droite et d'un petit groupe du centre, qui ne consentent à accorder leur confiance à un nouveau cabinet Depretis qu'à la condition d'en voir exclu M. Magliani, dont ils ont combattu depuis longtemps la politique financière. M. Depretis ne veut pas se séparer de M. Magliani, qu'il considère surtout comme étant très utile pour le crédit de l'Italie à l'étranger. M. Depretis cherchait hier soir à obtenir l'appui du groupe agraire, qui a voté contre le ministère tout dernièrement. Il était disposé à faire des concessions, mais il paraît que les prétentions des agraires, depuis qu'ils ont obtenu une majorité protectionniste dans la commission des douanes, sont exorbitantes on ne croit pas que M. Depretis puisse les satisfaire facilement.

Dans ce cas, M. Depretis reviendrait aux dissidents de droite en sacrifiant M. Magliani, qui serait probablement remplacé par M. Ellena, ancien directeur général au ministère des finances. C'est seulement après la solution de ces difficultés que M. Depretis se chargerait définitivement de la composition du cabinet.

Il n'est probable que cela puisse être fait ni aujourd'hui ni demain.

Scutari, 12 février, 4 heures.

Toutes les familles mahométanes ont quitté Dulcigno pour s'établir sur territoire turc. Les maisons et les terres ont été vendues à des Monténégrins mais, par le départ des familles mahométanes, qui formaient la classe aisée de la population, la ville de Dulcigno a perdu sa prospérité. Tunis, 13 février.

La distribution des secours aux indigènes victimes du tremblement de terre de Djemal a été faite en présence du général Bertrand, par les soins du comité franco-italien. A cette occasion, M. Alata contrôleur civil à Sousse, a prononcé une belle al!locution en arabe qui a fait grande impression sur les indigènes.

Ceux-ci ont vivement remercié. L'effet de cette distribution est des meilleures sur l'esprit de la population musulmane, laquelle est peu habituée à de pareils procédés de charité.

Les assises s'ouvrent cette semaine. Malgré l'adjonction d'une deuxième chambre, le tribunal est toujours excessivement chargé. Il sera nécessaire de remédier bientôt à cet état de choses, car le nombre d'affaires à juger va toujours en croissant. La Ligue de l'enseignement va créer ici une section tunisienne. Elle a recueilli de nombreuses adhésions.

Hier a eu lieu, chez le ministre résident et sous sa présidence, une réunion de la section tunisienne de l'Alliance française pour la propagation de la langue française. M. Machuel, directeur de l'enseignement, a rendu compte des travaux de l'année. Les ouvriers de la manufacture des tabacs sont en grève. Comme la conciliation paraît impossible, la direction est décidée à faire venir des ouvriers d'Algérie. De plus, elle va établir un outillage mécanique.

boudoirs qu'à la tête de son régiment, grand nouvelliste et diseur de balivernes, qui travaille à la tapisserie des belles dames tout en leur débitant des compliments fades. C'est Prudhon qui est chargé du rôle qu'avait créé à l'origine le sémillant Molé. Eh bien Prudlion manque de désinvolture impertinente il dit juste, mais sans brio. Je ne sais pas évidemment ce qu'y fût Molé, mais je me figure ce que Leroux aurait pu faire du rôle. Je n'ai pas non plus aimé beaucoup M. Féraudy dans celui du médecin. Il est vrai que Féraudy est un de ces comédiens qui ne s'emparent jamais d'un rôle qu'à la longue. La première représentation n'est pour eux qu'un essai.

J'ai été, en revanche, charmé de la façon dont le jeune Berr a conçu le personnage du petit abbé, doucereux, insinuant, d'une galanterie onctueuse et chantant avec des fioritures de voix des romances sentimentales. Je ne sais, mais il me semble que celui-là était plutôt dans le ton de l'oeuvre.

M. Truffier faisait le bel esprit. Il a exagéré, à mon sens, les manifestations de colère que permet le rôle. Du même fonds de servilité dont un jeune poète de ce temps-là acceptait le patronage d'une marquise, il en subissait également en silence les rebuffades et les impertinences. Il est clair qu'un écrivain d'aujourd'hui n'accepterait pas les humiliations dont Araminthe abreuve ce nourrisson des muses. Mais il va sans dire aussi que nul écrivain n'îrait s'asseoir à un bout de table, attendant une éclaircie de silence pour dire le premier vers de son poème. Du moment que Damon, le bel esprit, a plié son orgueil à cette situation douloureuse, il doit, sans le témoigner trop haut, en dévorer les conséquences. Je n'admets pas qu'il frappe la table d'un énorme coup de poing; si pareille incongruité lui était échappée dans le salon d'Araminthe, on l'eût fait jeter à la porte par un laquais. Encore moins comprendrais-je qu'en se retirantil renverse une chaise, coure après son chapeau; ce sont là jeux de scènes dignes de Bobèche et de Galimafré. Garraud avait à représenter un vieux militaire franc et brusque; il a été lourd et cotonneux, Boucher a assez gentiment dit le rôle de Lisidor mais c'était comme un fait exprès, tout paraissait terne à cette représentation. Mme Pierson jouait le rôle d'Araminthe. Araminthe, dit M. Hugues Leroux dans l'étude dont j'ai parlé, c'est la coquette sur son déclin déjà qui, raccrochée à des restes de beauté, ne se console pas de voir sa fille grandir près d'elle et devenir une rivale. Toute pétrie de vanité et d'égoïsme, elle est trop sotte pour être décidément méchante et s'arrête dans l'insignifiance, où elle bourdonne avec un bruit agaçant de frelon. Elle ramène toutes choses à soi avec une naïveté plaisante. Il faut pourvoir sa fille, et, tout

Un grand incendie a détruit un entrepôt de chiffons. Un caporal et quatre soldats du 4a zouaves se sont distingués dans ce sinistre.

(Service Havas)

Berlin, 13 février.

La Gazette nationale annonce que, ces jours derniers, une lettre extrêmement amicale de l'empereur de Russie à l'empereur Guillaume est partie de Saint-Pétersbourg. Montevideo, 12 février. Le général Maximo Santos, ex-président de la République, se soumet au décret de bannissement prononcé oontre lui. Il se rendra à Rio-Janeiro.

Montevideo est tranquilte.

-aïs-

DERNIÈRE HEURE

L'agence Havas nous communique la note suivante

Quelques joùrnaux étrangers ont prétendu que M. Féraud, ministre de la République française à Tanger, avait obtenu pendant son séjour à Maroc certaines rectifications de frontières.

Cette allégation est inexacte. Il a simplement été pourvu au règlement éventuel d'indemnités qui pour raient être réclamées par des Marocains propriétaires d'arbres fruitiers plantés à Djenieh-Bou-Bzey sur un terrain où les autorités militaires de l'Algérie ont l'intention d'élever un bordj ou blockhaus.

Il est également inexact que le gouvernement français ait eu se prononcer sur une combinaison internationale tendant a faire garantir par les puissances l'intégrité du territoire marocain. Voici une nouvelle qui causera une grande sensation parmi les artistes et les archéologues. Le gouvernement francais vient d'obtenir du gouvernement grec l'autorisation de faire exécuter des fouilles à Delphes. Si nos renseignements sont exacts, les conditions du traité sont à peu près les mêmes que pour les célèbres fouilles exécutées par les Allemands à Olympie.

On sait que Delphes était, avec Olympie, le plus important des sanctuaires de l'ancienne Grèce, comme Olympie, par les dons faits par les souverains et par les riches particuliers, était devenu un incomparable musée. L'emplacement du temple est aujourd'hui couvert par un petit ouvrage. Le sol en est à peu près complètement vierge, et c'est l'avis de tous les savants qu'il doit receler des trésors importants pour l'art et pour l'histoire. Les négociations avaient été commencées par M. de Mouy, dont on connaît le dévouement à l'art antique. Elles ont été reprises par M. de Montholon à la suite de la mission de M. Eugène Guillaume qui a visité la Grèce l'automne dernier. Les Américains, qui ont comme la France une école à Athènes, sollicitaient de leur côté cette autorisation.

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Nous avons bien fait de ne pas nous livrer aux commentaires sur le programme égyptien du gouvernement anglais, puisqu'on nous prévient aujourd'hui que les bruits de presse à cet égard étaient erronés. Le projet de neutralisation de l'Egypte, en particulier, se borne, dit-on, à une neutralisation du canal de Suez. Il sera bon, évidemment, d'attendre que toute cette conception nous soit connue sous une forme officielle. La seule chose qu'il y ait à faire pour le moment est de poser, avec autant de netteté que possible, les termes du problème qu'il s'agit de résoudre. Insistant comme nous le faisons, et comme nous avons le droit de le faire, sur le devoir des Anglais de préparer cette solution, nous reconnaissons par là même que c'est notre affaire aussi bien que la leur. Il ne suffit pas de se plaindre de leur lenteur ou de leur impuissance; nous sommes tenus d'avoir un avis sur les mesures à prendre, et nous serons mal placés pour rien demander et rien obtenir aussi longtemps que nous n'aurons pas une politique égyptienne. Sur le but à atteindre, il ne saurait y avoir divergence de vues. Tout le monde est d'accord, nous le supposons du moins, pour admettre que la tâche de l'Europe en Egypte consiste en ces trois choses protéger le gouvernement contre les tentatives révolutionnaires, faire régner l'ordre, mettre le pays en état de faire face à ses obligations financières. Le khédive, la force publique et le coupon, tels sont en gros les intérêts qu'il s'agit de garantir.

Mais si l'on est d'accord sur le but, on cesse de l'être sur les moyens à prendre pour arriver à ce but. Ou plutôt, non, la question n'est pas même agitée. Nous ne la voyons discutée nulle part, et les têtes si fertiles en projets sur tant d'autres problèmes politiques semblent s'interdire d'aborder celui-là.

Essayons cependant. Il est clair, pour commencer par là, que l'occupation n'est pas une solution. Les Anglais le sentent euxmêmes, puisqu'ils cherchent à sortir de la position dans laquelle ils se sont étourdiment engagés. Ils ne peuvent s'empêcher de reconnaître qu'ils n'ont rien fait jusqu'ici d'efficace et de durable, que leur présence seule empêche l'Egypte de retomber dans l'anar-

comme Argan qui veut un gendre médecin pour être à même des consultations et des remèdes, Araminthe souhaite un gendre qui l'égaie, étant naturellement triste. Au théâtre, où elle va par genre, elle ne songe qu'à sa figure, à l'admiration qu'elle peut exciter, et ne se montre pas à ces spectacles « dont une femme ne sort que les yeux gros de larmes et le cœur gros de soupirs, après avoir entendu des injures contre les grands et par-ci par-là quelques imprécations. Cela vaut bien la peine d'avoir les yeux battus et le teint flétri. » Vaine comme elle est, ce n'est que le plaisir qu'elle cherche. Vive l'opéra-comique s'écrie-t-elle. Le théâtre italien est, à mon gré, le vrai spectacle de la nation; il n'intéresse point l'âme il n'attache point l'esprit; il réveille, il ranime, il égaie, il enlève. »

Notez qu'avec cela elle se pique d'aimer les lettres, qu'elle en parle, qu'elle protège le bel esprit Damon; mais, là encore, avec quelle cruauté inconsciente elle traite le prochain 1 Elle croit faire plaisir à son poète en lui disant au nez « qu'elle juge de sa tragédie par la jolie chanson qu'il lui a adressée le jour de sa fête ». Et elle lui propose d'en commencer la lecture tandis qu'elle fait un besigue, à peu près comme on paye un musicien pour jouer derrière un paravent pendant un repas. Et, au jeu même, l'enfant gâtée qu'elle est se trahit dans tous ses mouvements, dans toutes ses paroles; elle enrage contre la déveine qui lui met de basses cartes dans la main; si mauvaise joueuse qu'elle plante là la partie, qui tourne contre elle, et abandonne ses partenaires parce que son serin s'est envolé.

Mlle Pierson n'a peut-être pas la frivolité brillante qu'il faudrait bien pour jouer ce rôle. Elle était habillée à ravir. Les doctes m'ont affirmé que certains détails de l'ajustement péchaient contre la vérité du moment. C'est ça, par exemple, qui m'est égal 1 L'important est qu'à moi profane, qui n'ai pas fait d'études particulières sur la mode de 1764, le costume donne l'idée du dix-huitième siècle. Mais le diable, c'est que Mlle Pierson est une bourgeoise du nôtre. Dumas, qui la connaît et qui en joue, comme un pianiste de son clavier, lui a fait spécialement pour elle le personnage de Mme de Thausette où elle est inimitable, et celui de la prudente amie de Francillon. Il se fût bien gardé d'écrire pour elle le rôle d'Araminthe. Elle y est agréable, rien de plus. Mmes Frémaux, Durand et du Minil sont au-dessous de cette très estimable moyenne qui est l'honneur de la Comédie-Française.

Rendons justice à Mlle Kalb. Il est vrai qu'elle jouait un rôle tout de convention classique, un rôle de soubrette. Mais elle l'a rendu avec une verve de bon aloi; le .visage haut en couleur, l'œil fripon, la voix gaie. Elle nous a dit, avec une charmante variété de nuances, un

chie, et qu'à prolonger l'occupation on na réussira pas davantage à créer dans le delta un Etat capable de se soutenir par ses propres forces.

On a, ces derniers jours, prononcé lômot de neutralisation. Mais la neutralisation, à supposer qu'elle fût réalisable, ne répondrait pas au programme que nous tracions tout à l'heure. La neutralisation ne concerne que la situation internationale d'un pays; elle ne donne à ce pays ni des institutions, ni des garanties d'ordre et de prospérité intérieurs. Ajoutons, puisque nous rencontrons ici le projet de placer, soit l'Egypte, soit le canal de Suez sous le régime de la neutralité, qu'il convient de ne pas mettre trop de confiance dans de pareils desseins. La neutralité d'un territoire est l'une de ces notions de droit public que le réalisme de la politique moderne a tout doucement vidées de leur contenu. Il est entendu aujourd'hui que les pays déclarés neutres, et qui ont envie de rester tels, ne sauraient compter pour cela sur les puissances qui ont signé au traité. La seule garantie réelle qu'ils aient du respect de leur territoire en temps de guerre, c'est la force militaire dont ils peuvent disposer eux-mêmes pour barrer le chemin aux armées belligérantes. C'est ce que la Suisse a admirablement compris et ce à quoi elle s'esf préparée depuis quarante ans avec une activité persévérante c'est ce que la Belgique, en revanche, ne s'est pas assez dit jusqu'ici c'est enfin ce qu'il ne faudra pas oublier- dans les négociations au sujet du canal de Suez, si l'on ne veut se payer de mots et se bercer d'illusions.

Le régime auquel les Anglais ont pensé pour remplacer l'occupation, ce n'est pas la neutralisation, qui, nous venons de le voir, ne répond à rien, c'est le rétablissement da l'Egypte sous la domination turque. Le sultan qui est resté le suzerain nominal du pays en redeviendrait le souverain effectif; à charge de le protéger, il le gouvernerait. On ne peut nier que la proposition^ ne soit à quelques égards pratique, spécieuse même; seu< lement on est en droit de se demander si le remède ne serait pas pire que le mal qu'il s'agissait de guérir. La mission de si) H. Drummond Wolff à Constantinople nous a toujours paru l'acte de désespoir d'un gouvernement qui, ne sachant plus commen sortir d'embarras, cherche à oublier les ver. tueuses indignations que lui inspirait jadis la domination ottomane.

C'est affaire, du reste, à l'Angleterre de mettre sa conduite d'accord avec ses principes d'humanité. Notre rôle, à nous, est, non pas d'attendre les résolutions de nos voisins pour les critiquer ensuite avec plus ou moins d'humeur et de sarcasme, mais d'y aiderdans la mesure de nos forces, puisque aussi bien nous y sommes profondément intéressés. Nous tenir simplement sur la défensive,nous contenter de réclamer à tout propos l'évacuation, ce n'est là une politique ni digne, ni fructueuse. Nous l'avons déjà dit et nous y insistons la France ne poursuivra jamais l'évacuation d'une manière utile, si elle n'a pas quelque chose à proposer pour y succéder, ou si elle n'est pas convaincue que, une fois rendu à lui-même, le delta saura se gouverner et s'administrer tout seul. Notre gouvernement est tenu d'avoir une réponse à ces. deux questions le départ des Anglais laisserait-il l'Egypte en état de maintenir l'ordre et de remplir ses engagements? Et si l'Egypte risque de retomber dans l'anarchie, quel est l'avis de la France sur le moyen de prévenir ce danger ? Nous avons lu et nous lisons tous les jours d'éloquentes déclamations sur les affaires égyptiennes, mais nous n'avons guère rencontré jusqu'ici de tentative pour aborder sérieusement, politiquement, l'examen des difficultés que nous a léguées l'insurrection d'Arabi.

Le Soir, en des termes d'ailleurs infiniment aimables, où nous eussions reconnu, en l'absence même de toute signature, notre sympathique et savant confrère M. Ad. Coste, nous impute une part de responsabilité dans la triste façon dont lr budget de 1887 a été dressé par le gouvernement et par la Chambre. Malgré la courtoisie extrême avec laquelle ce reproche est formulé, nous en avons été, nous l'avouons, très touchés. Il n'en pouvait être qui nous fût plus sensible. On sait, en effet, si nous avons à cœur le bon renom de nos finances, l'éclat et la solidité de notre crédit, lE sérieux équilibre de nos budgets. Nous aurions compromis ces intérêts ou contribué à les comprc

grand diable de récit, qui n'était pas d'un débit commode.

Ce qui m'a plus frappé que les défaillances individuelles qu'il m'a été impossible de ne pas signaler, c'est l'incertitude de l'ensemble. Les groupes n'étaient pas pittoresques on ne sen. tait pas dans l'arrangement de cette mise en scène un arrière-goût du dix-huitième siècle. C'est M. Coquelin cadet qui, en qualité de semainier, a monté ce petit acte. Il est impossible de ne pas reconnaître que la mise en scène est un art qu'il n'entend pas encore.

On parle beaucoup de l'opportunité qu'il y aurait de faire rentrer M. Delaunay à la Comédie-Française. On m'affirme qu'il porte impatiemment son inaction. Il y aurait un moyen. honorable pour lui, utile pour nous, de l'occuper dans cette maison, dont il a été durant tant d'années l'un des plus glorieux représentants ce serait de Ini confier les fonctions de régisseur général.

Elles n'ont rien qui puisse le désobliger. M. Régnier les a remplies durant quelques mois, et, s'il a donné sa démission, c'est qu'il apportait dans cette partie de l'art des vues et des préjugés qui ne s'accordaient point avec les idées de M. Perrin. Tous deux étaient prodigieusement tenaces; il fallait que l'un des deux cédât. Ce fut naturellement Régnier qui lâcha pied devant son directeur.

Cet antagonisme ne se renouvellerait pas entre M. Delaunay et M. Jules Claretie. On ne le sait pas assez. Delaunay est un des metteurs en scène les plus intelligents, les plus exquis, les plus fertiles en ressources qu'il y ait à Paris. Il a un goût très sûr et une connaissance profonde des traditions. J'ajouterai, à sa louange, qu'il est d'une politesse rare et d'une modestie perméable à toutes les objections justes et à tous les bons conseils. Il a monté quelques pièces à la Comédie-Française, et l'on s'est toujours bien trouvé de suivre ses avis. M. Claretie est tiraillé par trop d'occupations diverses pour être toujours à son avant-scène. Il n'est pas même bon qu'il y soit toujours. Nous avons vu avec M. Perrin les iaconvénients de cette méthode.

C'était un principe chez La Rouriat de laisser à son régisseur le soin de débrouiller la pièce. Il arrivait aux dernières répétitions, le goût frais, et donnait les indications suprêmes. Si la pièce ne lui paraissait pas susceptible da marcher, après corrections, il lasupprimait purement et simplement.

Il faut que M. Claretie ait pour ces premiers soins de mise en scène quelqu'un sur qui il puisse se reposer en toute confte^*J. Je ne vois aucun des semainiers qui papede l'autorité nécessaire, sauf Got peut-ôfriTOt VVorms. Mais ni l'un ni l'autre ne s'en soucient beaucoup. Nous verrions avec plaisir qu'un artiste comme Delaunay fût chargé de cette besogne. 11 n'v