vicaires, il reçut les dévotes dans la sacristie; c'est là qu'elles assistaient au service divin à l'exclusion de tous autres; c'est là qu'il leur faisait chanter des motets, des cantiques, et que souvent le surplis sur le dos il abandonnait le pupitre et allait concerter avec elles.
L'abbé Poujaud n'osait plus faire publiquement des exorcismes mais il s'en dédommageait amplement dans les assemblées particulières de ses dévotes, et l'abbé Genain, le seul de ses vicaires qui eût pu s'habituer et sympathiser avec lui, lui aidait de la meilleure foi du monde dans ses conjurations.
Pour familiariser les initiées avec ce nouvel exercice,, il leur persuada que, par la vertu de certaines paroles qu'il leur apprit, elles passeraient dans l'instant de l'état de possédées à celui d'inspirées et de prophétesses, et le diable logé chez ces femmes, au lieu de faire montre de sa malignité, devint un peu l'apologiste de la doctrine et de la sainteté de l'abbé Poujaud.
Celles que leur esprit ou leur éducation mettait au-dessus du rôle misérable de possédées, en jouèrent un autre également propre à remplir les vues de l'instituteur: elles avaient des visions, des communications avec Dieu elles prenaient pour telles leurs propres réflexions, et tout ce que dans la méditation, le souvenir de ses entretiens, de ses instructions, de ses projets retraçait à leur imagination délabrée, devenait une révélation, une prophétie.
Le fanatisme et l'illusion avaient fait un si grand progrès que les mères de famille abandonnaient le soin de leurs enfants, de leur ménage, et faisaient presque divorce avec leurs maris; d'autres plaidaient contre eux pour faire casser leur mariage les filles s'échappaient clandestinement de la maison paternelle et accouraient aux assemblées nocturnes qu'il faisait; elles ne s'occupaient que de lui, que de sa doctrine, sans égard pour les défenses de leurs parents qu'il leur avait appris à mépriser.