Que voulez-vous, Géorgina? la misère rend les hommes fous.
Oseriez-vous chercher à l'excuser?
Non, sur mon honneur, non, me répondit Burac sincèrement il a perdu la tête.
Et vous ne pensez pas que je vais rester seule entre les mains de cet homme?
Je ne vous y laisserai pas, Géorgina, me dit vivement Burac; vous viendrez chez moi. Vous ne m'aimez pas, je le sais, nous n'avons ni opinions ni sentiments analogues, mais vous êtes la sœur de Cornélie que j'aime, et qui dans quinze jours sera ma femme, je ne vous abandonnerai pas. Malabry m'a trompé comme vous; car il n'aurait pas osé me confier une telle infamie, quoi que vous puissiez croire de moi. 11 s'arrêta un moment, puis il s'écria
Ah si vous aviez voulu me comprendre!
Je me .reculai de lui.
Mais il est trop tard; d'ailleurs Cornélie est bonne, et je la rendrai heureuse.
Je le crois maintenant, lui dis-je.
Je vous remercie, me dit Burac; mais soyez calme, et surtout ne dites rien ni à votre mère qui ne vous croirait pas, ni à vos sœurs qui doivent ignorer de si honteux mystères.
Ces'dernières paroles me rendirent triste, sans pourtant me blesser.
Je n'étais donc plus une'jeune fille pour Burac; il croyait pouvoir parler avec moi de choses dont l'idée eût sans doute altéré la pure ignorance de mes sœurs. Hcias! bien souvent j'avais trouvé une supériorité dans la hardiesse même de mes pensées; mais à ce moment je regrettai de n'être pas, comme elles, une ûlle obéissante et peut-être aveugle, et je me demandai si ce n'avait pas été un malheur et peut-être un danger pour moi d'avoir vu mieux qu'elles l'indignité de celui qui nous servait de père.
Je me dis, et je le crois encore, que M. Malabry n'eût pas osé tenter contre une de mes sœurs ce qu'il eut l'infamie d'entreprendre contre moi.