espérées; mais j'avais besoin de répandre cette colère, cette douleur, et je ne trouvais personne. Je rentrai dans ma chambre, et à tout hasard je me mis à écrire à Victor. Sous l'empire du désespoir, j'écrivis la lettre la plus insensée qu'on puisse imaginer. J'accusais M. Malabry, j'accusais ma mère, je disais à Victor de m'arracher à leur tyrannie, je lui proposais de m'enfuir avec lui; que sais-je encore? Cette lettre était le résultat d'une heure d'exaspération, d'une heure de fièvre, et très-souvent depuis on me l'a reprochée comme l'expression réfléchie d'un mauvais naturel. Sur mon âme, je le jure, il n'en était rien un mot bienveillant, un pardon loyal et franc m'eût ramenée à l'obéissance, au devoir. M. Malabry procéda par la menace, la violence et l'insulte, et je préférai me perdre que de céder.
VI
Mais il est temps que je revienne à l'instant où j'ai iuterrompu la partie de ce récit qui regarde M. Moriand. Voici donc ce qui se passa
Je fus surprise par M. Malabry pendant que j'écrivais cette lettre il s'en empara et s'en arma si bien vis-à-vis de ma mère, que je fus considérée par elle comme une fille dénaturée, et qu'elle permit à M. Malabry de disposer de moi comme il l'entendrait.
Cette homme me connaissait à merveille car il prit le parti' le plus cruel vis-a-vis de moi, ce fut celui d'un dédain et d'un silence absolu.
A toutes les questions que je lui fis sur ce qu'il avait résolu à mon égard, il me répondit froidement
Vous le verrez.
Huit jours, quinze jours, un mois se passèrent sans que mes larmes obtinssent d'autre réponse.
Quant à Victor, il ne venait plus, et je ne savais comment on l'avait exclu de la maison. Rien ne me disait s'il faisait quelques efforts pour arriver jusqu'à moi, ou s'il avait renoncé à notre amour. Je ne savais pas davantage quel motif