l'heure de Tortoni, sur le quai Voltaire afin de voir
fonctionner le premier bateau à vapeur destiné au
service de Rouen. Les petites dames et les gandins
descendaient de leur cabriolet ou de leur tilbury et
se faisaient conduire dans un canot jusqu'à la
machine d'invention nouvelle; là, ils faisaient mille
questions d'un air d'indolence et d'indifférence sur
le mécanisme et, sans attendre de réponse, ils re-
gardaient couler l'eau et lorgnaient sur les ponts,
dans la direction des bains Vigier, qui étaient encore
dans la vogue la plus grande; puis ils remontaient
dans leurs voitures pour se rendre au bout du bou-
levard du Roule, sur l'ancienne route de Neuilly,
au Jardin des Montagnes Russes.
Ces montagnes aériennes étaient la grande folie
du jour; chaque quartier de Paris eut peu à peu ses
Montagnes qui étaient offertes avec orgueil à l'af-
fluence des amateurs. On en éleva au faubourg.Pois-
sonnière, à la barrière des Trois-Couronnes, aux
Champs-Elysées, sur le boulevard Montparnasse. Partout, la foule se portait avec un empressement
qui justifiait les calculs des entrepreneurs. Le goût
des Montagnes gagnait jusqu'aux dernières classes
de la société; l'artisan et la grisette dégringolaient
en espérance tout le long de la semaine, et s'en
dédommageaient le dimanche par la réalité. On
imita les Montagnes russes, on fit les Montagnes
suisses. La vogue suivit longtemps les entrepre-