LA COLLECTION D'ESPAGHAC
Jamais le goût des arts n'a été plus développé qu'aujourd'hui. Les toiles des maîtres anciens et modernes sont disputées aux feux des enchères avec un acharnement qui ne recule devant aucun sacrifice, et l'on serait étonné des prix q'u'atteignent les chefs-d'œuvre, si un chef-d'œuvre pouvait être trop chèrement payé. Les gens du inonde ont compris que le plus noble luxe était celui du beau et que c'est encore le moins ruineux. Un spirituel mahométan disait, après la vente de sa collection,,que tout, à Paris, l'avait trompé les amis, les femmes, le jeu, les courses, tout, excepté les tableaux; mais il faut apporter au choix beaucoup de tact; beaucoup de goût et d'expérience; il faut savoir prendre dans chaque école ce qu'elle a de supérieur. de véritablement beau, d'authentiquement pur, ne pas se laisser influencer par la mode du jour, et deviner les revirements du goût. Naguère, sous l'influence des doctrines de David et de ses imitateurs, lesWatteau, les Boucher, les Greuze, les Chardin, les Fragonard, injustement méprisés, se vendaient ou plutôt se donnaient pour des sommes dérisoires. Aujourd'hui, et avec raison, on les couvre de billets de banque, car ce sont des maîtres gracieux, spiri-