orientales, et qu'un Liotard' ou qu'un Favray 2 aient tenu à montrer au public les types qu'il leur avait été donné d'observer au cours de leurs séjours au Levant; mais pourquoi trouve-t-on en si grand nombre des sultanes et des personnages à turbans dans l'œuvre de peintres qui n'ont jamais voyagé en Orient, comme Parrocel, Latour, Cochin, Lancret ou les Vanloo ?
Parmi ces artistes, quelques-uns ont rencontré leurs modèles à Paris même, dans la suite des ambassadeurs qui, à deux reprises sous le règne de Louis XV, ont étonné la Cour et la ville par le spectacle de la magnificence et de l'étrangeté du faste du Grand Seigneur. Coypel, qui avait été le peintre de l'ambassade persane en 1714, semblait indiqué pour conserver le souvenir de l'ambassade turque de 1721, et, en effet, nous apprenons par le Mercure3 qu'il fut admis à présenter au Régent l'esquisse d'un tableau rappelant l'audience accordée par le Roi à Méhémet effendi. Qu'est devenu ce tableau de Coypel que l'on voyait encore en 1778 dans la collection de M. Bourlat de Montredon ? Où est le portrait que le sieur Justinat avait « obtenu la permission de tirer de l'ambassadeur turc 5 », et que le Roi payait quatre cents livres, tandis qu'il commandait, pour six cents livres, à Pierre Gobert un autre portrait de l'envoyé du Sultan"? Où est la « tête de l'ambassadeur turc peinte au pastel » par François Lemoyne et qui faisait partie du célèbre cabinet de M. Lempereur, vendu en 1773? Dans quel grenier de musée se trouve le tableau exposé au Salon de 1738 et dont les figures « ressemblantes et faites d'après nature par M. d'Ulin, ancien professeur, » représentaient « la réception de l'ambassadeur de la Porte avec son fils et sa suite par M. Le Blanc, Ministre de guerre, à l'Hôtel des Invalides » ?
1. Sur les dessins turcs de Liotard, voir l'ouvrage de MM. Humbert, Tilanus et ltevilliod, La vie et les œuvres de Jean-Étienne Liotard, Amsterdam et Paris, 1897, in-4°.
2. Nous ferons prochainement paraître une étude sur le chevalier Antoine de Favray, peintre de Malte et de Constantinople.
3. Mercure de France, avril 1721, p. 165.
4. Catalogue d'une belle collection de tableaux. de feu M. Bourdat de Montredon, 1778, p. 7, n° 20.
5. Mercure, avril 1721, p. 106.
6. Engerand, Inventaire des tableaux commandés et achetés par la direction des Bâtiments du Roi (1709-1792), Paris, Leroux, 1900, in-8°, p. 211 et 243.