On voit jusqu'à quel point l'art byzantin s'est transformé en pénétrant dans l'Italie méridionale.
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Bien que les Arabes aient touché souvent les côtes de l'Apulie et de la Campanie, ils ne s'y établirent jamais à demeure comme èn Sicile. Au xui" siècle, il est vrai, Lucera devint, par la volonté de Frédéric H, une colonie musulmane. Les Arabes qui la peuplaient y exerçaient tous les métiers de l'Islam. Lenormant y a trouvé des débris de poteries qui pourraient faire croire que les ateliers de Lucera ont enseigné l'art de la faïence vernissée à l'Italie du Nord. Mais c'est par une autre voie que l'art arabe pénétra en Campanie. Il vint de la Sicile, où il s'était déjà combiné avec l'art byzantin. C'est sur le délicieux golfe de Salcrne que ileurit, en même temps que la médecine arabe, l'art des mécréants. Ces villes, où on s'imagine encore sentir les aromates de l'Arabie,Salerne,Amal{i, Ravello, retiennent l'homme du Nord par les voluptés d'un art à moitié oriental. Les mosaïques qui ornent l'ambon, la chaire à prêcher et le chandelier pascal de la cathédrale de Salerne sont des imitations très fidèles des arabesques qui décorent généralement le mimbar des mosquées. Une autre mosaïque qui court au pourtour de la clôture du chœur est pareille à celle qui revêt l'intérieur de la grande mosquée de Damas. Mais, comme dans l'Italie méridionale, jamais un art, quel qu'il soit, ne se présente sans mélange, on remarque à côté de l'épure polygonale des Arabes l'entrelac circulaire des Byzantins. C'est à Palerme que s'était faite, pour la première fois, cette gracieuse combinaison du génie décoratif de l'Orient chrétien et de l'Orient musulman.
C'est encore à Palerme ou àMonreaIc qu'il faut chercher l'origine de cette architecture légère qui fait le charme d'Amalfi ou de Ravello. Tous les voyageurs connaissent les arcs entrelacés du portique d'Amalfi, ou le patio du palais Hufolo à Ravello (reproduit ici en lettre). En admirant ces filigranes de pierre, qui n'a vaguement pensé à Grenade et à Séville? L'impression était juste. Les arcs entrecroisés sont bien d'origine musulmane. Les premiers, les architectes siciliens, imitant le décor des mosquées, les avaient appliqués à la façade ou au chevet de leurs églises. Mais ce qui n'était qu'un ornement en Sicile devint en Campanie un membre d'architecture. Ces cloîtres, ces portiques ajourés, sont propres aux villes du golfe de Salerne.