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Titre : Bulletin de la Société philomatique vosgienne

Auteur : Société philomatique vosgienne. Auteur du texte

Éditeur : Typ. et lithogr. L. Humbert (Saint-Dié)

Date d'édition : 1926

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34454426d

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34454426d/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

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Description : 1926

Description : 1926 (A52).

Description : Collection numérique : Fonds régional : Lorraine

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k200459r

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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BULLETIN

DE LA

SOC!ETE PH)LO!V)AT!OUE

VOSGIENNE

52~ ÀNNÉE 1926

Saint-Dié. Imp. Etabl. C. CUNY 1927


La Société laisse aux auteurs des Mémoires qu'elle publie toute la responsabilité des opinions qui y sont émises.

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DOM

CALMET

1 ,Abbé Je Senones

SON ACTION PASTORALE

1728 1757

Dom Calmet, illustre Abbé de Senones, reste l'une des gloires les plus pures de l'Eglise catholique, de l'Ordre de Saint-Benoît, de la Patrie lorraine.

Comblé, de son vivant, des marques de la bienveillance des Souverains Pontifes entouré de la vénération de ses confrères, de l'admiration du monde savant, il mérita vraiment cet éloge gravé, par ses contemporains, au bas de l'un de ses portraits Dis-nous, en <ot, lequel domine,

De l'honneur ou de la doctrine,

Du savoir ou de la uer<u.

Sa vie écrite en 1762, quelques années après sa mort, par dom Fanget son neveu et successeur sur le siège abbatial de Senones, fut complétée, au siècle dernier, par l'Eloge historique de Maggiolo (1839) par l'article d'Edouard de Bazelaire publié dans le Correspondant en 1845 sous ce titre Dom Calmet et la Congrégation de Saint-Vanne; par la Notice biographique et littéraire, si intéressante et si fouillée d'Aug. Digot (1860) enfin par les études de l'abbé Guillaume, parues en )873 et 1874, sur les correspondances de Calmet, dans les Mémoires de la Société d Archéologie lorraine.


Si ces écrits racontent les étapes de sa vie laborieuse, les vertus de l'homme et du religieux, on peut dire, cependant, qu'ils s'attachent surtout à gtoriner, en dom Calmet, le savant, l'infatigable ouvrier de tant d'œuvres qui font encore aujourd'hui notre étonnement et notre admiration. Ils ont laissé un point dans l'ombre ils n ont rien dit, ou presque rien dit, de son action pastorale. Par le fait qu'il était ce que l'Église appelle un Abbé nullius J«Eces:s, dom Calmet ne gouvernait pas seulement son monastère, mais il possédait encore le pouvoir quasi épiscopa!, émanant directement du Saint-Siège, de régir spirituellement le territoire exempt qui, de temps immémorial, dépendait de son Abbaye (1). Ce territoire, assez limité, comprenait à son avènement, quatre paroisses Saint-Maurice-les-Senones, Saint-Jean-du-Mont, -La Broque appelée alors Vipucelle (2), Plaine, et deux annexes avec vicaires résidants Saint-Stail et Saulxures-les-Saales. La PetiteRaon ne possédait alors qu'une chapelle de secours relevant du curé de Saint-Maurice. Ces paroisses avaient pour curés parfois des bénédictins de Senones, plus souvent des prêtres séculiers, tous nommés par l'Abbé et recevant de lui leurs pouvoirs. Ce fut seulement dans les années qui suivirent que l'on érigea en paroisses ou vicairies, les localités de la Petite-Raon, Moussey, Chatas, le Puid et Framont (3).

(1) Le Concordat, de 1801 a supprimé toutes les Abbayes nullius existant en France avant, la Révolution. Aujourd'hui, il n'y en a plus que 33 dans tout le monde catholique, Les plus connues dans nos régions sont celles de la Suisse Einsiedeln ou Notre-Dame des Ermites et Saint-Maurice en Valais, La première appartient a l'Ordre de Saint-Benoi), la seconde à celui des Chanoines réguliers de Saint-Augustin.

(2) Vipucelle, en latin Vipodi ceiia, tire son nom de Vipodus, 12""= abbé de Senones, qui fonda ce prieuré sur la Bruche.

(3) 'Deux autres Abbayes vosgiennes, dans le voisinage, relevaient également du Saint-Siège, et possédaient, comme Senones, une juridiction quasi épiscopate sur leur territoire exempt: Fabbaye de Moyenmoutier, avec cinq paroisses ou annexes Moyenmoutier, Raon-t'Etape, Le Ban-de-Sapt, Hurbache, Saint-Jean d'Ormont. L'abbaye d'Etival, avec huit paroisses Etival, Nompatelize, SaintRemy, Saint-Michel, La Bourgonce, la Neuveville-les-Raon, Montreux et Nonhigny. Toutes ces Ioca)ités, relevant d'Etiva!, avaient pour curés des Prémontrés de. FAbbaye ces derniers temps encore, leurs habitants avaient gardé le souvenir des « cures't/ancs d'autrefois. On sait les luttes que Hugo abbé d'Etival soutint contre les Evèques de Tout, pour amrmer et conserver son


Nous voudrions essayer de retracer ici, dans ses grandes lignes, de 1728 à 1757, pendant les vingt-neuf années qu'il fut abbé de Senones, l'action pastorale de dom Calmet. Trois manuscrits de l'Abbaye conservés à la Bibliothèque municipale de Saint-Dié (nos 26, 83 et ) ) du catalogue) « Registre de la Cour spirituelle, Registre des Actes capitulaires, Registre des prises d'habits et des professions de l'Abbaye de Senones », nous fourniront les principaux éléments de ce travail. Nous le complèterons par des notes recueillies çà et là, parfois dans les archives paroissiales de Senones.

Evidemment, il ne s'agira pas ici de faits remarquables, ni d'actions éclatantes. La vie si modeste et si simple de dom Calmet ne les connut jamais. Le théâtre restreint où elle s'écoula, dans ce coin reculé de nos montagnes, ne les comporte point. y aura pourtant, dans ce qui va suivre, bien des détails inédits qui pourront figurer, peut-être, dans les annales de la Congrégation de Saint-Vanne et Saint-Hydulphe; mais surtout des précisions intéressant l'histoire de l'Abbaye de Senones* et de la région qui lui fut soumise au spirituel, pendant de longs siècles, en notre cher pays des Vosges.

Election de Dom Calmet, 1728

Un mot d'abord de l'élection de dom Calinet au siège abbatial de Senones.

Le 15 juin 1728, dom Mathieu Petitdidier, évêque de Macra et 60e abbé de Senones, venait de mourir subitement, en son abbaye, à deux heures de 1 après-midi ()). Le même soir, la communauté exemption de leur juridiet.io.i. Dans son livre imprimé à Etival, chez Heiter 1725 -a/e /e/'7't<o/'n ~~agte/~s cum cœemo/~M~, il est ner d'écrire ces mots « .4 ScECM<M, ex 7'fom{<;toy'M;)t ~'on<t/tc;t;H liberali eoftces.!to;!e, nH</t~ t/~tf/'Aota, per sep<t;tg<'n<os annos, p/'œ~crt&e/t<tt;M (tMt derogatoriis <tc<t&!<s, .4A&os Stivagii /r/s~t<;tto;tem </Ma~t e~Mco/xt/e~t paet~ce exercet t;t villas et pagos tractus ~ttca~te~Sts ».

(1) Dom Mathieu Petitdidier, né à Saint-Nicolas-du-Port, 18 décembre 1659 protes à Saint-Mihiel, 5 juin 1676, puis prieur de cette maison .1695-1700


bénédictine se réunissait capitulairement pour préparer l'élection de son successeur y convoquer officiellement et par exprès, les trois prieurs titulaires dépendant de l'Abbaye dom François Regnauld, de Saint-Christophe de Vie dom Claude Jacquinot, de Mervaville dom Nicolas Neuville, de Fricourt et fixer t'étection au 22 juin suivant (1).

Cette hâte ne s'explique que par la crainte, éprouvée par les religieux, de voir s'introduire parmi eux, à la faveur de la vacance, ce fléau de la commende, alors si redouté des monastères réguliers. Le 23 Janvier 1726, le pape Benoît XHI avait accordé à l'abbé défunt le droit perpétuel d'élection pour son monastère, à condition que cette élection fût faite dans les trois mois qui suivraient le décès de t'abbé. De ce droit, les moines de Senones voulaient user le plus vite possible, avant que l'autorité séculière n'ait eu le temps d'intervenir.

Mais la cour de Lorraine qui, depuis 1709 partageait avec le prince de Salm, un pouvoir politique sur t'Abbaye, n entendit point les choses de la sorte. Elle s'opposa à ce que l'élection se fît au jour fixé. Le 25 juin, le duc Léopold envoyait au Chapitre de Senones M. Fifer capitaine des 100 Suisses, pour témoigner aux religieux, dit le Registre des Délibérations capitulaires, « de la part de Son « Altesse Royale, qu'elle était indignée et outrée de ce qu'il n'était « allé personne de l'Abbaye de Senones, pour lui donner avis « de la mort de M. t'Evêque de Macra, et qu'il paraissait par là « qu'ils méprisaient l'autorité de la dite Altesse Royale. Qu'il « leur ordonnait, de sa part, de prendre jour pour procéder à l'é-

abbé de Senones, 23 avril 1717, il reçut la bénédiction abbatiale des mains de t'Evoque auxi)iaire de Bâte sacré à Rome par te.Pape Benoit XIII évêque de Macrn le 1" décembre 1726 et nommé Assistant au trône pontifical le 23 décembre suivant mort à Senones, 15 juin 1728, et enterré le lendemain sous le clocher de t'égiise Saint-Pierre. Son service solennel se fit le 12 août suivant il fut présidé par Hugo abbé d'Etiva), assisté des abbés de Moyenmoutier, de Beaupré et de Saint-Léopoid.

(I) Dom François Regnauld profès à Saint-Mihie), 20 mai 1680, mort à Rozières 16 mars 1735 dom Claude Jacquinot, né à Nancy, profès à Tout, 16 novembre 1690, prieur du Saint-Mont, )721, abbé de Saint-Léopotd de Nancy 1732-1742, prieur titulaire de Mervavitte, mort à Saint-Léopoid, 25 août 1753 dom Nicolas Neuville né à Châtenois, profès à Saint-Léopold de Nancy, 4, juillet 1715, mort à Saint-Avold, 15 mars 1767.


« lection d'un abbé, de lui notifier le jour qu'ils auraient pris, « et que S. A. R. ferait connaître sa volonté par son commissaire ». En se retirant, M., Fifer demandait une réponse par écrit. « Les religieux, continue le Registre, surpris de ce qu'ils venaient « d'entendre par rapport à l'indignation de Son Altesse Royale, « ont répondu que dans la consternation et abattement où cette « mort imprévue les avait mis, ils avaient prié M. l'abbé de Moyen« moutier, dom Humbert Barrois (1), de s'acquitter de ce devoir « de leur part. Ce qu'il leur a témoigné avoir exécuté par sa lettre « missive du 18 juin, adressée au Père Prieur et dont voici la teneur « Mon Révérend Père, j'ai jugé à propos de faire sans vous et « à votre nom et de celui de votre communauté, ce que nous étions « convenu de faire ensemble. Je sors de 1 audience de Son Altesse « Royale. Je lui ai dit précisément que je venais en votre nom « pour lui donner avis de la mort de votre abbé, et pour la supplier K d agréer que l'on procédât à l'élection d'un successeur. Il m'a « répondu qu'il savait que M. de Macra avait obtenu un indult, « et qu'il n'y avait point de dimculté. Il m'a demandé quand vous « comptiez faire l'élection. Je lui ai répondu que vous comptiez « la faire la semaine prochaine, sans lui dire le jour. Il m'a demandé « si je ne croyais pas que dom Calmet dût être mis sur les rangs, « et avoir bonne part à l'élection. Qu':H était homme de mérite. « Je lui ai répondu que le nombre des vocaux était fort considé« rable qu'ils étaient au nombre de 28, et qu'il était aisé, que « dans un si grand nombre, il y eût des partages dans les idées « et les desseins. Au reste, je vous rendrai compte de l'estime de « Son Altesse Royale pour dom Calmet. Voilà tout ce qui a été « dit à ce sujet.

« Au reste, vous voyez que l'audience que j'ai eue pour vous, « nous met à couvert pour les bienséances, même pour le devoir, « et ne nous engage et ne nous lie en rien ».

Dom H. BARROIS.

(1) Dom Humbert Barrois, né à Bar-le-Duc, profès à Moyenmoutier 15 décembre 1711, coadjuteur de cette Abbaye, 26 juin 1719, abbé 12 décembre 1727, mort à Moyenmoutier 8 mai 1771.


« La Communauté espère que Son Altesse Royale verra par !e « contenu de cette lettre, dont le P. Prieur a fait voir original « à M. Fifer, qu'elle se croyait acquittée de ce devoir envers Son « Altesse Royale, comme la croyant véritablement satisfaite à cet « égard conservant toujours pour la dite Altesse Royale, tout !e « respect et soumission que les plus fidèles sujets doivent à leur « Souverain ».

Les religieux fixaient ensuite l'élection au 9 juillet.

Cette délibération capitulaire transmise au duc de Lorraine, calma son indignation, bien peu fondée, semble-t-il, après la démarche faite auprès de lui, par l'abbé de Moyenmoutier. Il accepta la seconde date proposée par les moines de Senones. Le 2 juillet 1728, de LunéviHe, il délégua M. de Tarvenus, son conseiller d'état et maître des requêtes, pour assister à l'élection de sa part, y maintenir lé, bon ordre, empêcher tout ce qui pourrait nuire à la liberté et à la canonicité des suffrages, veiller enfin à ce que le nouvel Abbé ait toutes les qualités requises.

Quelques jours auparavant, lè 20 juin, le Président général de la Congrégation de Saint-Vanne et Saint-Hydulphe, dom Paul Jussy (1), prieur de Saint-Vanne de Verdun, avait chargé dom Sébastien Guillemin (2), prieur de Saint-Mihiel, d'assister en son nom et comme détegué de la Congrégation, à la future élection.

De la lettre à la fois si discrète et si suggestive'de l'abbé de Moyenmoutier, citée plus haut, H résulte évidemment que le candidat de la Cour de Lorraine était dom Calmet.

En cela, rien d'étonnant.

Dom Augustin Calmet, né à Mesnil-la-Horgne (Meuse), 26 février )672 profès bénédictin à Saint-Mansuy dé Toul, 23 octobre 1689 prêtre à Hariesheim près de Bâle, 17 octobre )696 prieur de Lay en 1715, abbé depuis peu, à titre purement honorifique,

(1) Dom Paul Jussy né à Montier-en-Der, profès à Saint-Maurice de Beaulieu 27 mai 1664, président général de la Congrégation 1719, 1722, 1728 prieur de Saint-Vanne où il mourut 29 juin 1729.

(2) Dom Sébastien Guillemin né à Bar-le-Duc profès à Moyenmoutier 27 mai 1698 mort à Saint-Mansuy de Toul 21 mai 1760.


de Saint-Léopold de Nancy, avait alors 56 ans (1). Il était à l'apogée de ses vertus, de son talent, de sa réputation. Déjà, il avait publié, en 26 volumes, son Commentaire sur les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament, ses 3 volumes de Dissertations sur l'Ecriture Sainte son Dictionnaire de la Bible sa grande.Histoire de Lorraine. Ces ouvrages avaient répandu son nom dans toute l'Europe savante. Et le travail qu'il avait entrepris pour la gloire de la famille ducale de Lorraine, lui avait acquis plus que ses sympathies, toute sa reconnaissance.

Le désir des moines de Senones répondait du reste à celui dû duc Léopold. De longue date, ils connaissaient dom Calmet, très lié avec leur abbé défunt, et qui, de 1698 à 1704, avait professé avec éclat la philosophie et la théologie à l'Abbaye voisine de Moyenmoutier. Comme tous les religieux de'ta Congrégation de SaintVanne et Saint-Hydulphe, ils étaient fiers de lui (2). Ils furent heureux de lui donner leur suffrage.

Le 9 juillet, après la messe du Saint-Esprit célébrée solennellement

()) Une note ds M. l'abbé Deblaye, dont. nous n'avons pu contrôier l'exactitude, affirme que la famille Ca!met était originaire d'Auvergne, où elle aurait encore des représentant;

En 1862, la commune de Ménii-ia-Horgne inaugurait solennellement un monument érigé, devant l'église, en l'honneur de dom Calmet. C'est une pyramide supportant le.buste de i'abbé de Senones, œuvre remarquabfe due au ciseau de M. Pêtre, de Metz, éditée en bronze par MM. Butte et Laurent de Nancy. Quoique temps après, la ville de Commercy, se souvenant que le jeune Calmet avait étudié, en son prieuré de Breuil, dont les bâtiments se trouvaient alors occupés par l'Ecole normale de la Meuse,éievaitàsontour,une statue de bronze à dom Calmet, œuvre très réussie de M. Pëtre. En 1860, la ville de Nancy avait placée, déjà, sous )e portique principal du paiais de ses Facultés, l'image de Caimet, scuiptée en petit médaiiion.

En 1873, le 26 octobre, en des fêtes magnifiques présidées par Mgr Caverot évoque de Saint-Dié, et prêchées par Mgr Freppel évoque d'Angers, la ville et la paroisse de Senones inauguraient, en leur égiise, ui monument placé sur le tombeau de dom Calmet. Une souscription'recueillie dans toute la Lorraine en avait fait les frais. Le monument est surmonté de la statue de l'illustre Abbé, à genoux, en prière. Cette œuvre de Faiguiére, sculptée dans un bloc de marbre blanc offert par l'Etat, est d'une expression superbe.

(2), Les moines de }a Congrégation de Saint-Vanne et Saint-Hydulphe lui donnèrent une preuve non équivoque de leur respectueuse confiance, en le nommant à six fois différentes, et chaque fois pour une année: en 1727, 1729, 1732, 1734, 1736, 1'740, Président Générai de leur Congrégation. Dom Mathieu Petitdidier avait eu le même honneur en 1723. Dom HumbertBarrois'abbédeMoyenmoutier remplit les mêmes fonctions en 1759, 60, 61, 68, 69 et 70.


en l'égHse abbatiale, les cloches de l'Abbaye, sonnant à toute volée, appelaient à la salle capitulaire les 27 électeurs du monastère (1). Dom Sébastien Guillemin les invita à n'avoir que Dieu en vue, à ne choisir comme abbé que celui qui leur en paraîtrait le plus digne et qui serait le plus utile à leur maison. H entonna le ~enr Creator, et récita l'oraison en y joignant celle de saint Benoît. L'assemblée désigna alors trois scrutateurs pour recueillir les suffrages dom Louis de Braux sous-prieur, dom Claude Jacquinot, dom Léopold Poirel (2), qui prêtèrent serment de remplir leur mission en toute conscience. Après que les électeurs eurent déposé, dans un calice placé sur l'autel, le billet sur lequel chacun avait exprimé secrètement son suffrage, les scrutateurs dépouillèrent les votes, brûlèrent ces billets, et le plus ancien d'entre eux, dom Louis de Braux, publia le résultat de l'élection. Tous les suffrages, sans exception, s étaient portés sur dom Calmet. Dom Sébastien Guillemin, au nom du Président de la Congrégation, approuva ce choix, puis les électeurs déclarèrent que si l'élu acceptait, on recourrait immédiatement au Saint-Siège pour obtenir sa confirmation. Le notaire apostolique Maget, curé de Raon-l'Etape, dressa aussitôt acte canonique de t'éieçtion, contresigné par les témoins dom Sébastien Mourot abbé de Saint-Avold (3), dom Humbert Barrois abbé de Moyenmoutier, J.-B. Baudinot curé de Saint-Nabord, et Pierre Valentin vicaire de la Petite-Raon. Remarquons ce détai! M. dè Tarvernus, le délégué du duc de Lorraine, bien que présent à l'Abbaye, ne fut nullement admis à pénétrer dans la salle du Chapitre pendant l'élection et la publi(1) Vffici leurs noms: Louis de Braux sous-prieur, Mathieu Gesn~t doyen, François Regnauld, Philippe Gourmel, Romuald Dardenne, Claude Jacquinot, Ildephonse George, Hilarion Feltz, Sigisbert Brunet, Laurent Cordier, Gérard Belhomme, Ambroise Vermaise,. Nicolas Neuville, Gabriel Chevalier, Bruno Halfot, Léopold Poirel, Michel Je Cerf, Ch. Hatda, tous p/v/res. Louis de Comont, Hilaire Caillet, Arnould Adam, Alex. Groqjean, Jérôme Basoge, Antoine Rpbiuot, Romain Taboui![ot, Ildephonse George, Théodore de Ruz, tous frères ck/Ts et pyo/M. (2) Lo'us de Braux, profès à Munster, 16 juin 1657, mort à Deuilly, (Morizécourt) 14 février 1731. Leopotd Poirel, né à Rupt, profès à Munster 26 décembre 1715, mort à Saint-Evre, 17S4.

(3) Dom'Sébastien Mourot né à MoigneviUe-en-Barrois, profès à Saint-Mansuy de Toul, 10 février 1691. mort abbé de Saint-Avold 1" juin 1744.


cation juridique qui suivit la collation des suffrages. Quand tout fut fini, on lui permit seulement d'entrer au Chapitre, avec plusieurs séculiers qui attendaient à la porte. Un des scrutateurs leur notifia le résultat de l'élection. Les capitulaires eurent soin de noter ce détail au Registre de leurs délibérations, afin de bien amrmer la liberté de leurs votes.

Informé aussitôt de l'élection, le duc de Lorraine se réserya de l'annoncer lui-même, et le premier, à dom Calmet qui se trouvait alors à Nancy. Le 12 juillet, ce dernier, en présence du notaire apostolique, Maget, curé de Raon, acceptait cette dignité, sub beneplacito .S'anc~<B Sedis. Puis, après y avoir été autorisé par dom P. Jussy, président et Supérieur général de sa Congrégation, !e nouvel abbé signait l'acte suivant

« Ce jourd'hui. 18 juillet 1728, je, dom Augustin Calmet, prêtre « et religieux profès de l'Ordre de Saint-Benoît, Congrégation de « Saint-Vanne et de Saint-Hydulphe, prieur du prieuré de Saint« Clou de Lay, abbé de Saint-Léopold de Nancy, de même Ordre « et Congrégation, ai consenti, comme je consens par ces présentes, « à t'élection qui a été faite de ma personne le 9 du présent mois, « pour succéder et remplir la place de feu Mgr Illustrissime et « Révérendissime dom Mathieu Petitdidier, évêque de Macra et « dernier Abbé régulier de l'Abbaye de Senones, conformément à « nos saintes constitutions, et aux termes de la permission ci« jointe du T. R. P. Président de notre dite Congrégation. Fait à Nancy, le 18 juillet )728.

dom Augustin CALMET, élu abbé de Senones.

« J'ai remis le présent acte de mon acceptation aux R. P. dom « Louis de Braux sous-prieur de l'Abbaye de Senones, et dom « Bruno Hallot procureur de l'Abbaye ()), pour être présenté au « R. P. Athanase Husson (2) et à la communauté de Senones, « afin qu'il leur soit canoniquement notifié et inséré dans 'les actes « capitulaires du dit monastère

(1) Dom Bruno Hallot, né à Ancerville, profès à Munster 13 octobre 17)5, mort 21 janvier 1760.

(2) Dom Athanase Husson, de Saint-Mihiel,- profès à Ligny-en-Barmip, 9 juin 1703 mort à Saint-Avold 10 janvier 1737.


Comme Senones relevait directement du Saint-Siège, l'élection, pour être/canonique, devait être approuvée par le Souverain Pontife. Dans une congrégation consistoriale particulière, Benoît XIH I l'agréa le 24 septembre suivant, et permit à l'élu, qualifié dans le bref de « prœc/ar! notique nominis de recevoir la bénédiction abbatiale.

Le 3 janvier 1729, après avoir prêté serment entre les mains de abbé de Moyenmoutier, alors que ies habitants de Senones et des environs étaient sous les armes, au milieu d'un grand nombre de prêtres et de religieux, et d'une foule accourue de tous les points du district, en présence de Jean-Claude Sommier, archevêque de Césarée (1), de Jean-Benoît de Kicler, grand-doyen du Chapitre de. Saint-Dié, du Grand-Maître des Eaux et Forêts de Lorraine, il prit d'abord possession du temporel de l'Abbaye, tant de la Comté.que de la Principauté de Salm, en une cérémonie symbolique dont voici le résumé.

S'étant transporté devant l'abbatiale, il en reçut les clefs. H ouvrit alors la porte principale, puis la ferma. A la cuisine, il alluma du feu dans l'âtre. Au jardin, on !ui présenta une pelle chargée d'une motte de terre. Il la répandit sur le sol. C'étaient les signes de son entrée en possession des biens de son Abbaye. Il prit ensuite possession du spirituel.

Il ne lui restait plus qu'à recevoir la bénédiction abbatiale. Comme Abbé nullius il avait, de par le droit canonique, la liberté de choisir, pour cette cérémonie, l'évêque qu'il voudrait. Y inviter l'évêque de Toul, de qui ressortissait alors la Lorraine, eût été reconnaître, en quelque sorte, une juridiction sans cesse revendiquée par l'évêché de Toul sur les grandes Abbayes vosgiennes, mais, avec raison, toujours repoussée par elles.

Après avoir émis sa profession de foi le 3 ) mars, dom Calmet pria donc l'archevêque de Césarée, Jean-Claude Sommier, grand

(1) Jean-Ciaude Sommier np le 22 juillet 1661 à Vauvillers (Haute-Saône), curé de la Bresse 1685, de Girancourt 1695, de Champ-le-Duc 1696 archevêque de Césarée 2 janvier 1725 et sacré à Rome par le Pape Benoît XI)! grand Prévôt du Chapitre de Saint-Dié, )a même année mort à Saint-Dié 5 octobre 1737, et inhumé à i'égiisf du chapitre, en la chapelle actuelle du Sacré-Cœur.


Prévôt de Samt-Dié, qui avait reçu directement du Pape Benoît X H 1 le pouvoir d'accomplir les fonctions de l'Ordre épiscopal dans les territoires exempts de Lorraine, de lui conférer cette bénédiction. La cérémonie, une des plus magnifiques de la liturgie catholique, ressemble, en bien des points, à celle du sacre des évêques. Elle eut lieu le 24 avril 1729, dimanche de Quasimodo, en l'église Saint-Pierre de Senones. Pour la circonstance, et comme le veut le Pontifical, l'archevêque de Césarée était assisté de deux abbésmitrés dom H. Barrois de Moyenmoutier et dom Gabriel de Rutant de Munster (1). Après que l'élu, la main sur l'Evangile, eut prêté serment de fidélité au Saint-Siège et à sa règle monastique après qu'il eut juré de sauvegarder les droits et les biens du monastère, la messè pontificale commença. Avant l'Evangile, le célébrant récita sur le nouvel abbé, prosterné sur le pavé du sanctuaire, les litanies des Saints, puis lui remit le livre des constitutions, la crosse et l'anneau pastoral. A l'offertoire, comme au sacre des évêques, l'élu offrit au Pontife les présents rituels deux cierges ardents, deux pains, deux tonnelets de vin, décorés aux armes épiscopales et abbatiales (2). Sur la fin de la messe, après l'impo(1) Dom Gabriel de Rutant, né à Paris, profès à Saint-Evre, 2 juillet 1701, mort abbé de Munster 17 mars 1745.

(2) Voici les armes de l'archevêque de Césarée d'azur au sommier d'or, mis en fasce, accompagne de deux étoiles d'argent en chef et d'un croissant montant de même en pointe )'.

Lors de son éjection, dom Calmet prit les armes suivantes « d'azur à' la fasce d'argent, accompagnée de trois abeilles d'or, deux en chef et une en peinte Comme une tradition assez constante dans les Abbayes bénédictines faisait prendre au neveu les armes de son onde quand il était choisi pour son coadjuteur, en changeant toutefois quelques pièces de l'écu, dom Fanget choisit les armes suivantes « d'azur au chevron d'argent et aux'abei)tes d'or p)acées, deux en chef, une en pointe

Dom Lombard, son successeur, et dernier abbé de Senones, sans doute en souvenir de dom Calmet, mit aussi dans ses armes l'abeille, symbole du travait incessante Voici ses armoiries « d'azur à trois abeilles d'or, au chef de gueules, chargé d'un pélican d'argent

Le monastère de Senones avait pour armes « d'azur à une clef d'or, et une épée d'argent passées en sautoir

Ajoutons encore que partout, autrefois, au monastère'de Senones,.sur les grilles de fer forgé, sur les boiseries de vieux chêne, on voyait les armes de la Congrégation bénédictine de Saint-Vanne et Saint-Hydulphe champ d'azur avec une couronne d'épines au naturel. Au' centre le mot Pax en majuscules d'or, surmonté .de trois larmes d'argent. En pointe, un coeur ardent de gueules transpercé de trois clous d'argent o.


sition de la mitre, l'officiant conduisit dom Calmet au siège abbatial, l'y fit asseoir, lui remit le bâton pastoral en prononçant ces paroles « Accipe plenam et liberam potestatem regendi hoc monasterium et congregationem ejus, et omnia çuee ad ejus regimen interius el exterius spiritualiter et temporaliter pertinere noscuntur ». Puis il entonna le Te Deum. Pendant que ces strophes de gloire et d'actions de grâces retentissaient sous les voûtes séculaires de l'église, alternées par les accents de l'orgue et le chant des moines, dom Calmet, mitre en tête, crosse en main, entouré des deux abbés assistants, fit le tour de l'édifice, répandant sur le peuple ses bénédictions. Revenu à son siège, il admit ses religieux au baiser de paix. La cérémonie s'acheva par la bénédiction de l'évêque, et le vœu liturgique adressé au Pontife par le nouvel abbé ad multos annos Si dom Calmet l'eût voulu, une autre dignité, plus élevée dans la hiérarchie, aurait complété celle qu'il venait de recevoir. En effet, à l'instigation du nonce de Lucerne et de Lorraine, Passionei, archevêque d'Ephèse, la Congrégation romaine qui avait agréé, le 24 novembre 1728, son élection, avait demandé pour lui, au pape Benoît XII I, un titre épiscopal, avec pouvoir d'en exercer les fonctions dans le territoire dépendant de son Abbaye, aussi bien que dans les localités vosgiennes exemptes de la juridiction de l'évêque de TouL Le souverain Pontife qui connaissait dom Calmet par ses œuvres qu'il appréciait vivement, y consentit. Il lui fit offrir le titre d'évêque d'Hippone, illustré jadis par saint Augustin (1). Par modestie pour ne point se mettre en situation de ne plus être utile à sa Congrégation de Saint-Vanne surtout pour ne point gêner par le respect quelque peu distant qu'inspire l'épiscopat, des relations qu'il souhaitait très fraternelles et très simples avec sa communauté, dom Calmet crut devoir décliner très respectueusement cet honneur. En un bref plein d'éloges, donné à Rome le 12 septembre 1729, Benoît XII! se rendant à son désir, agréa ses excuses.

Dans la Vie de dom Calmét, dom Fanget parle suffisamment de ce refus de l'épiscopat. Nous n'avons rien à lui ajouter.

(1) Cf. deux lettres adressées à dom Calmet, novembre 1728, par Bégon évêque de Toul et M. de l'Aigle son vicaire général, précisant ce titre. Mémoires de la Société d'Archéologie lorraine, 1873, page 110. Etudes de f'abbé Guillaume sur des Recueils de lettres adressées à dom Calmet.


Mandements de dom Calmet

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Le premier devoir d'un Prélat ayant charge d'âmes, à l'égard du troupeau qui lui est confié, c'est de l'instruire et de lui prêcher la parole de Dieu. Le plus souvent, il accomplit ce devoir en lui adressant des Lettres pastorales.

Au XVIIIE siècle, ces lettres pastorales étaient moins fréquentes que de nos jours. Chaque année, cependant, elles revenaient invariablement au début du carême, invitant les fidèles à mener une vie chrétienne, leur rappelant la loi de la pénitence, leur accordant les dispenses jugées nécessaires.

Dom Calmet se conforma à cet usage. Au début de chaque carême, il envoyait à son peuple une courte lettre !ue au prône de chacune des paroisses du district ()).

(1) En, plus de ces mandements adressés à son peuple, nous aurions aimé retrouver quelques-unes des instructions que dom Calmet ne manqua point de lui prêcher à l'occasion des fêtes principales ou de ses visites pastorales., Notre curiosité n'a rien rencontré qui pût la satisfaire sur ce point.

Cependant les manuscrits de la Bibliothèque de Saint-Dié provenant de l'Abbaye de Senones, ont conservé le texte complet de deux sermons de Calmet, ainsi qu'une partie d'un troisième sermon.

Le premier fut donné, en j'égiise abbatiale de Moyenmoutier, à l'occasion des fêtes célébrant, en 1704, le centenaire de la Réforme de la Congrégation de Saint-Vanne et Saint-Hydulphe. Pour le fonds et pour la forme, ce discours très remarquable, mériterait .d'être reproduit tout entier.

Parlant sur ce texte de l'Apôtre saint Pierre ~<M eslis genus electum, regale ~aee/'dottttn', gens scne.'o, populus acquisitionis n, l'orateur, avec beaucoup d'émotion, développe successivement ces deux pensées -)" La Réforme est une œuvre de la miséricorde de Dieu A nous de conserver fidèlement son esprit, et de le transmettre à ceux qui viendront après nous.

Citons du moins ce passage, éloge de l'Abbaye de Moyenmoutier, le plus magnifique et le p]us autorisé que nous connaissions Pour juger des grands avantages que l'Eglise et tout l'ordre de Saint-Benoît ont reçus de la Réforme, il ne faut que comparer l'état qui l'a suivi à celui qui l'a précédé.

« N'allons pas plus loin que cette ancienne et célèbre maison qui, fondée par le grand Hydulphe, gouvernée pendant plus de mille ans par une longue suite de saints et pieux abbés, était réduite, hétas presque en une triste solitude. Que les choses sont heureusement changées La solennité, la pompe et la magnificence dans le divin service, dans les édifices et les ornements sacrés, dans le rétablissement des bâtiments, en un mot, dans tout l'extérieur et l'intérieur de cette maison, annoncent un changement qui ne peut venir que de I& maie de Dieu. L'ordre, l'observance, la piété, les exercices religieux, l'étude des choses


Reproduisons ici le premier et le dernier de ces mandements celui de 1729 écrit dès avant sa bénédiction abbatiale, celui de 1757, qu'il adressa à ses fidèles quelques mois avant, sa mort. Ils donneront une idée suffisante de. tous les autres."

Dom Augustin Calmet, abbé régulier de l'Abbaye de Senones, Ordre de Saint-Benoît, Congrégation de Saint-Vanne et Saint-Hydulphe, ordinaire du district du dit Senones, au clergé et au peuple de notre juridiction, salut et bénédiction.

Le saint temps de carême dans lequel nous allons entrer, nous engage à vous avertir, nos très chers frères, de mettre à profit les secours spirituels que l'Eglise vous y présente pour votre sanctification, et pour l'expiation de vos fautes.

saintes, la paix qui règne en ces lieux, le nombre des sujets qui y vivent, tout cela ne prouve-t-il pas les heureux effets de ta'Réforme ?

« Je ne regarde point ici les hommes la religion ne souffre pas que je fasse ici t'étoge des vivante, lorsque Dieu les emploie à faire de grandes choses, ft qu'il s'en sert comme d'instruments po~r manifester tes richesses de sa miséricorde. Nous devons les honorer nous devons, en même temps, nous élever jusqu'à la source de tous ces biens, et rapporter i Dieu tout ce qui nous vient de ses serviteurs et de ses fidèles coopérateurs.

« Nous avons donc, mes Révérends Pcres, un engagement particulier à rendre aujourd'hui de solennelles actions de grâces au Père des miséricordes, pour l'érection et le maintien de- la Réforme dans notre Congrégation non seulement en qualité de membres de cette société, mais aussi comme religieux de cette illustre maison que la divine Providence a appelée spéciatement à embrasser la Réforme une des premières, et de l'y maintenir jusqu'aujourd'hui avec tant d'édification. » La deuxième allocution conservée dans ce même manuscrit, remonte à l'année [728. Catmetta.prononça au Chapitre générât de sa Congrégation. Voici le plan du discours Tout le bien que l'Ordre de Saint-Benoît a fait à travers les siècles, est le fruit a) de la doctrine, et t) de la vertu des anciens moines. Ceci se réatise particulièrement depuis la Réforme de Saint-Vanne. Comme péroraison qu'il faudrait citer en entier restons-lui donc tous et toujours fidétes

En novembre Ï730, au Chapitre général, tenu à Tout, Calmet donne encore une allocution. Comme réponse au reproche que le monde faisait ators à la vie religieuse Pourquoi ces Abbayes, peuplées d'ètres mutités ? » it célèbre la vie des solitaires approuvée par t'Egtise et louée par les Saints. C'est, dit-il, une vie de prières, d'étude et de pénitence.Malheureusement, le texte complet du discours n'est pas conservé.

On a dit que ce qui manqua surtout à un savant comme dom Catmet pour être un écrivain de tout premier ordre, c'est le style, le style qui donne seul la vie et rend les œuvres immortelles. C'est vrai. Trop souvent, dans ses o:uvres historiques ou scripturaires. sa phrase est lourde, peu limpide, sans harmonie et manque de coloris.

,écris tout simplement, disait-il lui-même dans une lettre, adressée à dom M. Petitdidier, comme je pense, sans détours et sans finesse Mais ici, dans Ses discours, quand il parle directement aux âmes, son st~te s'étcve jusqu'à'la véritable éloquence.


Nous vous exhortons donc à vous préparer au renouvellement d'une sainte pâque, par des œuvres de pénitence, par l'aumône, par le jeûne, par la prière et de réparer, dans ce temps de propitiation, les fautes et les négligences des autres temps. Que chacun de vous s'anime d'une nouvelle ferveur à fréquenter les Sacrements de Pénitence et d'Eucharistie à se trouver plus assidûment aux messes de la paroisse, aux instructions et aux catéchismes qui s'y font. Que les pères et, mères s'y y rendent avec leurs enfants, et leur montrent, par leur exemple, le cas qu'ils doivent faire de la parole du salut. Que ceux à qui l'âge, !a maladie, l'infirmité, la grande disette ou le travail ne permettent pas de jeûner régulièrement, ne se privent pas, par leur indirférence, des grâces abondantes que Dieu répand sur les fidèles pendant le temps de pardon. Mais qu'ils réparent, par la prière, par l'aumône, par )a vigilance sur eux-mêmes, par une vie plus sérieuse et plus réglée, le défaut du jeûne qui n'est pas compatible avec l'état où ils se trouvent, et qu'ils se retranchent quelque partie de leur nourriture ordinaire. Du moins qu'ils offrent à Dieu le sacrifice d'une bonne volonté, et d'une parfaite résignation aux ordres de la Providence, pour honorer, par là, la pénitence de JésusChrist, pour participer à celle des autres fidèles, et pour entrer, en quelque sorte, dans l'esprit de l'Eglise, qui, comme une bonne Mère, compatissante à l'infirmité de ses enfants, n'exige d'eux que ce qui leur est possible.

C'est dans cet esprit d'indulgence, mes chers Frères, que nous vous accordons l'usage des œufs et du fromage pendant tout le carême, à l'exception du jour des cendres et de toute la semaine sainte, à commencer au lundi saint, auxquels jours nous vous permettons usage du lait et du fromage, mais non pas celui des œufs.

Donné dans notre Abbaye de Senones, le 25 février de l'an 1729. D. Augustin Calmet, abbé de Senones.

Voici !e mandement du carême 1757.

Si toute la vie d'un chrétien, mes très chers Frères, doit être une vie de foi, selon l'Apôtre, on peut dire que c'est particulièrement en ce saint temps de carême, auquel nous allons entrer et qui doit commencer le 23 de ce mois, que nous devons prendre une disposition si sainte, et nous conduire par une lumière si divine.

C'est dans cette vue que l'Eglise, toujours attentive à nous rappeler le souvenir des actions de son Epoux les plus propres à exciter notre ferveur, nous propose, dès l'entrée du carême, t évangile qui nous représente J.-C. dans le désert, jeûnant pendant t'espace de 40 jours, pour naus animer, par un si grand exemple à un exercice si saint et si salutaire, en nous faisant voir que, comme le jeûne de ce divin Sauveur a été le modèle du nôtre, le nôtre aussi doit être une imitation quoique faible et imparfaite du sien.

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Le Fils de Dieu se retire dans un désert pour y jeûner, afin de nous apprendre, disent les SS. Pères, que notre jeûne doit être accompagné de la retraite, de la componction du cceur, de la séparation et du retranchement des plaisirs et des joies du monde. C'est-à-dire que pendant cette sainte quarantaine, nous devons entrer en une solitude intérieure, où nous éloignant de tout ce qui nous dissipe au dehors, nous travaillions sérieusement à nous purifier au dedans, et à obtenir de la miséricorde de Dieu, le pardon de nos négligences passées, et les vertus qui nous sont nécessaires pour t avenir.

En effet, nos très chers Frères, ce serait peu de s'abstenir des viandes défendues, si vous" sépariez la pratique de cette vertu de celle de. toutes les autres si vous ne joigniez la mortification de vos cœurs et de vos passions, à la mortification de vos corps. Ceux qui ne jeûnent pas de cette sorte n'ont aucun mérite de leur jeûne.. « De quelle utilité peut être d'exténuer son corps par l'abstinence, dit un Père de l'Eglise, si l'esprit est enflé d'orgueil, et quelle louange prétendons-nous retirer de la pâleur que cause le jeûne, si l'envie nous rend le visage livide? » C'est pourquoi saint Augustin nous donne ce conseil salutaire de commencer le carême par l'abstinence du péché, et par l'innocence de la vie, de peur que nous ne trouvions notre condamnation et notre jugement, où nous devons trouver notre avancement spirituel et notre salut.

Donné en notre Abbaye de Senones, le 17 février 1757. D. Aug. Calmet, abbé de Senones.

En 1730, le pape Clément XII avait accordé un Jubilé universel à l'occasion de son avènement au trône pontifical. Voie! la lettre de dom Calmet annonçant cette faveur à son peuple Après la perte que l'Eglise catholique avait faite de N. S. P. le Pape Benoît XI! cet homme selon le cœur de Dieu et dont la mémoire sera en bénédiction dans tous les siècles, le Seigneur, auteur de tout don parfait et de toute consolation, a essuyé nos larmes, en nous suscitant un Pasteur fidèle et un digne chef de son Eglise, dans N. S. P. le Pape Clément X t. qui réunit dans sa personne toutes les qualités du cœur et de l'esprit qui doivent former le caractère d'un vrai vicaire de J.-C. sur la terre.

Ce grand et sage pontife, persuadé que l'homme ne peut rien de luimême, s'il n'est aidé des lumières et des grâces du ciel, a commencé son Pontificat par inviter tous les fidèles à joindre leurs vœux et leurs prières aux siennes, afin d'obtenir du Très-Haut, l'esprit de conseil 1 et de force, pour s'acquitter dignement de ses devoirs, et pour remplir, d'une manière digne de Dieu, le trône de saint Pierre et la première dignité qui soit sur la terre.


Pour nous engager plus fortement à nous acquitter de ce devoir, et pour rendre nos prières plus efficaces,' notre Très Saint Père a ouvert les trésors de l'Eglise, et à l'exemple de ses prédécesseurs, a accordé un Jubi)é universel.

Dans le désir de nous conformer, à ces vues, nous vous annonçons, nos très chers Frères, que le Jubilé commencera pour toutes les paroisses de notre district, le 3e dimanche de l'Avent, 17 décembre, et finira le dernier dimanche de l'année, 31 du mois de décembre. Que chacun pourra gagner le Jubilé, en jeûnant le mercredi, le vendredi et le samedi de l'une des deux semaines marquées ci-devant en donnant aux pauvres quelques aumônes selon ses facultés en s'approchant des Sacrements de Pénitence et d'Eucharistie pendant la même semaine en visitant dévotement, au moins une fois son église paroissiale, et y faisant des stations et prières, suivant l'ordre et l'intention de notre Saint Père. Pour )e bourg de Senones, on visitera l'église de l'Abbaye, celle de Saint-Maurice, la chapelle de Saint-Siméon, et les Religieux seulement l'église et les chapelles de l'Abbaye.

Fait dans notre Abbaye de Senones, le 20 novembre 1730 (1). A cette époque, la ville de Senones et I'Abbaye dépendaient à la fois, au point de vue politique, et par indivis, du duc de Lorraine et du prince de Salm. Dans ses lettres pastorales, dom Calmet ne manque point de s'associer aux deuils survenus dans ces familles régnantes (2)..

Le ) avril 1729, voici comment il annonce la mort du duc de Lorraine Léopold )~

Dom Augustin Calmet, abbé régulier de l'Abbaye de Saint-Pierre de Senones, Ordre de Saint-Benoît, Congrégation de Saint- Vanne et Saint-Hydulphe, à tous les curés et vicaires de notre district et territoire exempts et soumis' immédiatement au Saint-Siège, salut et bénédiction.

Vous êtes déjà informés, sans doute, mes très chers Frères, par la voix publique, de la mort de Son Altesse Royale, Léopold I, notre Souverain, arrivée le dimanche 27 du mois dernier, entre cinq et six heures du soir. Les grandes et royales qualités de ce prince, son tendre amour pour ses peuples, son attachement la foi catholique, son zèle pour la religion de ses ancêtres, sa fidélité à remplir avec édification tous les (1) Cf. Semaine religieuse de Saint-Dié, du 2 avril 1926, notre article sur les Jubilés d'autrefois au territoire monastique de Senones ». Jubilés de Benoît XIII, Clément XII, Clément XIII et Clément XIV à Senones. (2) Déjà en 1711, dom Pierre Alliot abbé de Senones, avait donné un mandement ordonnant des prières publiques à l'occasion de la mort des princes de Lorraine,


devoirs de chrétien, aussi bien que l'ordre de la Providence qui l'a établi sur nos têtes, doivent rendre sa mémoire précieuse à nos yeux, et nous engager à lui donner, après son décès, des marques publiques de notre reconnaissance et de notre attachement respectueux.

La seule chose qui puisse, à présent, lui être utile, c'est, mes très chers Frères, d'offrir à Dieu, pour son repos, le sacrifice de nos autels et celui de nos prières. Nous le ferons avec d'autant plus de confiance, que nous savons qu'il' est mort dans la foi et l'espérance des enfants de Dieu, et muni du sceau des Sacrements de son Eehse. Nous vous exhortons donc, mes très chers Frères, de lui rendre tous les devoirs que la Religion demande de vous dans cette affligeante circonstance. Et nous exhortons vos peuples à se joindre à vous dans l'exercice de ces saintes pratiques.

Donné dans notre Abbaye de Senones, le t~ avril de l'an 1729. D. Aug. Calmet, abbé de Senones.

En ) 739, ) abbé de Senones adresse à ses ndè)es un mandement à l'occasion de !a mort du prince Louis-Otto de Salm, survenue au château d'Anholt (1) (Westphalie), et de l'avènement de son successeur.

Dom Augustin Calmet, abbé régulier de /tooat/e de Senones, Ordre de Saint-Benoît, Congrégation de Saint-Vanne et Saint-Hydulphe, Prélat ordinaire du district de Senones, etc.

Au clergé et au~ ~Jè/es de notre dit district, salut et bénédiction en Notre-' .Sef'gneuf

Vous êtes sans doute déjà informés, mes chers Frères, du décès de Son Altesse Sérénissime Mgr Louis-Otto prince de Salm, souverain de la Principauté de Salm, décédé le 23 du mois de novembre dernier. Et je ne doute point que chacun de vous en particulier, n'ait déjà satisfait à. ce que la reconnaissance de ce que vous devez à un' si bon Prince, et à qui vous avez des obligations si essentielles, demande de vous; Nous avons déjà satisfait nous-mêmes, dans notre Abbaye et dans notre paroisse de Saint-Maurice, à ces devoirs tant en particulier qu'en public, avec autant d'inclination que de solennité.

Mais MM.'les officiers de Son Altesse Sérénissime ayant demandé que nous donnassions notre mandement pour les autres paroisses de notre dit district, nous nous rendons à leur désir, avec d'autant plus d'inclination que nous savons que les sujets de Monseigneur le Prince de (1) Le château d'Anholt, par Bocholt, est encore aujourd'hui la résidence de la famille de Salm-Salm.


Salm, ont une infinité de sujets de rendre grâce à Dieu de la protection et des bontés qu'ils ont éprouvées de la part de )a dite Altesse et de la douceur de son gouvernement, et qu'outre les motifs ordinaires qui nous obligent d'être soumis aux puissances établies de Dieu, et à prier pour ceux que Dieu a établis sur nos têtes, nous devons nous y porter avec plus d ardeur pour ceux qui n'usent de leur puissance que pour la féticité et la tranquillité de leurs peuples.

A ces causes, nous ordonnons

Que dans chaque paroisse de notre district, et dans tes annexes qui en dépendent, on fasse un service solennel pour l'âme de Monseigneur le Prince Louis-Otto de Salm, et que les curés l'annoncent au Prône, exhortant leurs paroissiens à s'y trouver.

2° Qu'ils chantent un Te Deum pour l'heureux avènement à la Souveraineté du Prince. Nicolas-Léopold que Dieu a donné pour successeur à Mon dit Seigneur Louis-Otto.

3° On pourra donner ce 7'e Deum pendant 40 jours, si MM.les officiers le demandent.

4° On continuera à prier comme à l'ordinaire pour les Souverains aux prônes des paroisses.

Et sera notre présent mandement lu au Prône des messes paroissiales dans toute l'étendue de notre district.

A Senones, le 8 janvier 1739.

En 1738, à l'occasion de l'avènement de Stanislas, roi de Pologne, au duché de Lorraine, Calmet avait écnt un mandement. Le 22 janvier 1745, de sa propre main, il note ces quelques paroles dans le Registre de sa Cour spirituelle « J'ai. donné un mandement pour !e service de la duchesse douairière de Lorraine ». Nous n'avons pu retrouver ces deux lettres pastorales. (1).

(1) On peut lire au Registre de la Cour spiritoelle, un mandement de dom Fanget, abbé de Senones, ordonnant, plus tard, des prières d'actions de grâces pour la naissance du prince NicoIas-Léopoid-Louis, petit-fils du Prince de Salm-Salm. Un autre mandement du même Fanget, donné le 6 février 1775, ordonne des services solennels pour l'âme de la princesse Auguste de Salm, décédée le 30 janvier de la même année. Plus tard encore, le 24 mars 1786, dom Lombard, dernier abbé, ordonnait par mandement un Te .D"um d'actions de grâces, pour la naissance du prince héréditaire Guillaume-Florentin-LouisCharles de Sa)m. Cet enfant avait été baptisé en l'église abbatiale par dom Gridel sous-prieur, ie' jour même de sa naissance, 17 mars 1786. Le parrain, le prince Guillaume-Florentin de Salm, évoque de Tournay, s'était fait représenter à la cérémonie par l'abbé de Senones.


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Visites pastorales de dom Calmèt, 1730-1749

Quand un prêtât a charge d'âmes, il doit non seulement instruire son peuple, mais encore le visiter, afin de se rendre compte par lui-même de l'état des paroisses, d'y encourager la vie chrétienne, d'y corriger !ës abus.

Les Abbés de Senones ne manquèrent pas à ce devoir. En 1664, dom Barthélemy Claudon prieur (1), fit au nom du duc NicolasFrançois de Lorraine, abbé de Senones, la visite canonique. des paroisses, et confirma les ordonnances. que Joachim Vivin leur avait imposées, en qualité de prieur, le 25 avril 1661. Le ) ) avril )7t8, à la suite de sa visite pastorale, dom Mathieu Petitdidier publia à son tour de nouveaux Statuts. Deux fois, au cours de son Abbatiat, dom Calmet visita chacune des paroisses du district, en 1730 et 'en 1749.

Voici comment il annonçait sa première tournée pastorale Manilément du T. R. P. Abbé de Senones pour sa visite épiscopale de 1730. Mes très chers Frères, depuis qu'il a plu à Dieu de nous appeler au gouvernement de l'Abbaye de Senones, et des églises dépendant de sa juridiction spirituelle, et situées dans l'étendue de son territoire et de son district, nous n'avons rien eu plus à cœur que d'y maintenir le bon ordre que nous y avons trouvé, et d'en déraciner les abus dont les vicaires et administrateurs des églises nous ont souvent fait des plaintes, et sur lesquels ils nous ont fait leurs très humbles remontrances. Mais, comme il est presque impossible de prendre une connaissance exacte de tout ce qui regarde l'état des paroisses, sans se transporter sur les lieux, et entendre les parties intéressées, les Saints Canons ont sagement ordonné aux Supérieurs ecclésiastiques de faire en personne, le plus souvent qu'ils peuvent, la visite des églises qui sont confiées à leur soin.

C'est pour obéir à de si salutaires ordonnances, que nous avons pris la résolution de visiter, pendant ce saint temps de carême, les paroisses (1) Dom Barthélemy Claudon, de Saint-Nicolas-du-Port, profès à Beaulieu en Argonne 16 mars 1639, prieur à Senones de 1664 à t666, prieur du Saint- Mont 1670-1671, mort à Deuilly (Morizécourt) 2 mai 1693. Saint, austère, doctrina], éloquent et humble.


dépendantes de notre Abbaye. Ainsi, nos très chers Frères, nous vous avertissons que nous commencerons cette visite par l'église de Plaine et de Saulxures son annexe, le lundi 13 mars, sur les huit heures du matin; les églises de la Broque les 14 et 15; celle de Saint-Jean le 16; celle de la Petite-Raon le 17 celle de Saint-Stail le 18, et celle de Saint-Maurice le 19.

Ordonnons aux Sieurs vicaires des paroisses de publier à. leur prône, le dimanche précédent, le présent mandement, et de disposer leurs peuples à nous recevoir et à assister à cette cérémonie .avec la décence convenable, gardant le jour de notre visite comme le saint jour du dimanche, sous peine de désobéissance. Fait en Notre Abbaye de Senones, le 4 mars 1730.

Le.13 mars suivant,.accompagné de deux religieux de son monastère et de dom Claude Grandidier (1), qui lui servira de secrétaire et rédigera chaque jour le procès-verbal de'la visite, consigné au Registre de la Cour spirituelle, dom Calmet arrivait à Plaine, sur les huit heures du matin, pour y commencer sa tournée pastorale. Le curé Pelletier et les fidèles l'accueillirent processioilnellement et le conduisirent à l'église où il donna la bénédiction du SaintSacrement. Il demanda au curé de lui faire un rapport sur l'état de la paroisse celui-ci dénonça, comme abus, une trop grande fréquentation des cabarets.

Ensuite il pria le curé de sortir un instant, et demanda aux paroissiens s'ils avaient quelque plainte à formuler contre lui au sujet de son ministère. Ils lui amrmèrent en être très contents. Les religieux examinèrent alors la jeunesse sur le catéchisme examen très satisfaisant. L'église bien ornée, riche en ornements, ne possédait qu'un ostensoir en étain. Dom Calmet l'interdit, ordonnant aux. paroissiens de s'en procurer un d'argent, puis leur recommanda d'agrandir l'édifice trop petit pour la population. A la Broque, la jeunesse fut trouvée fort bien Instruite, L'église, assez mal tenue, était trop petite le visiteur ordonna au curé Rarmentier de la remplacer par une autre plus vaste. Cet ordre fut exécuté en 1736 aujourd'hui encore, la tour de l'église de la Broque porte cette date 1737, époque de sa reconstruction. (1) Dom Claude Grandidier né à Commercy, profès à Saint-Avold 9 septembre 1714, mort à Saint-Mihiel 18 septembre 1776.


A Saint-Jean-du-Mont, le curé Roguet se plaignit d'une trop grande fréquentation des cabarets, et de l'oubli, par quelques paroissiens, depuis quelques années, du devoir pascal. Calmet ordonna de leur faire les monitions canoniques, puis de les dénoncer au prône.

Le soir du 19 mars, fête de saint Joseph, il visitait l'église SaintSébastien, de la Petite-Raon. Après y avoir chanté pontificalement les vêpres, il constatait que iégtise, bien décorée, était pourvue d'ornements convenables. De la part du curé mêmes plaintes qu'à à Saint-Jean. ?

Le 25 mars, visite de l'église Saint-Maurice, -paroisse de Senones. Eglise en bon état qlietques ornements magnifiques jeunesse assez instruite. Le curé, dom Hilarion Feltz (1), se plaint de ce que les comptes de fabrique n'ont pas été rendus depuis longtemps. L'abbé ordonne de refuser la communion pascale aux comptables négligents.

A Saint-Stail, annexe de Saint-Jean, le curé dom Placide Oudenot (2) se plaint de la négligence, apportée par quelques parents pour envoyer leurs enfants au catéchisme de certaines absences à la messe du dimanche parce que l'on mène alors les bestiaux à la pâture. H signale, dans l'église, le manque d'une lampe du SaintSacrement. Calmet releva ces abus dans les avis donnés au peuple de Saint-Stail.

En ) 749, seconde visite solennelle de dom Calmet dans les paroisses du district.

Il l'annonce le 23 février, par une lettre adressée à ses curés et vicaires. Le dimanche 2 mars, accompagné comme secrétaire de dom Sébastien Michelot (3) et de quelques-uns de ses moines, il (1) Dom Hilarion Fe)tz né à Luxembourg, profès à Senones 28 décembre 1702, mort à Rozières le 2 septembre '1741.

(2) Dom Placide Oudenot, né à Raon-l'Etape 20 avril 1689, profès à Moyenmoutier 12 mai .1705 de 1712 à 1715 séjourne à Paris, aidant dom Calmet dans l'impression de ses commentaires sur l'Ecriture Sainte prieur à Bar-le-Duc mort à Saint-Avold 19 mai 1769. Un des religieux les plus distingués de la Congrégation de Saint-Vanne.

(3) Dom Sébastien Michelot profès à Saint-Mihiel 15 août 1714, mort à SaintMaurice de Breuil 22 février 1780.


débute par Maurice-les-Senones. Le curé dom Pelletier et la paroisse viennent au-devant de lui processionnellement. Il célèbre pontificalement la messe paroissiale, et constate que tout est en état de décence convenable, autels, sacristie, ornements, cimetière. L'examen de la jeunesse sur le catéchisme est satisfaisant. Le curé rend bon témoignage de ses ouailles, se plaignant toutefois de la fréquentation des cabarets, et signalant tres peu de chrétiens ne faisant point leurs Pâques. Après 'que le visiteur eut fait à ce sujet ses observations, il fut reconduit à Senones, en grande cérémonie, par les assistants.

Dans les autres églises du district, Calmet continua, à chacun des jours annoncés, de célébrer la messe pontificale. S'il eut partout la joie de trouver une jeunesse bien instruite de sa religion, il eut, à Saulxures, à la Petite-Raon, à Saint-Jean, où dom Vayeur était curé, à constater l'étroitesse des ég)ises à entendre partout les plaintes des pasteurs sur les abus provenant de l'existence de tribunes dans les édifices sacrés. Accuei))i à Framont, le 11 mars, par le curé de la Broque, Huguenin, et le vicaire résidant, Damien, I! trouva la chapelle des Forges passablement ornée.

Ordonnances pour les Paroisses du District, 1730 A la suite de sa visite pastorale du carême de 1730, l'abbé de Senones publia sur le conseil de son Vicaire général né, le Prieur de l'Abbaye, et d'après les remontrances dès curés et vicaires du district, « des Règlements, Avis e< Ordonnances à à t usage de ses paroisses.

Nous les avons retrouvés au Registre de la Cour spirituelle de l'Abbaye. Ils sont un rappel des lois de l'Eglise concernant les obligations des curés, les règles qu'ils doivent suivre dans l'administration des Sacrements. Ne pouvant les reproduire en entier, relevons seulement quelques points qui nous ont paru plus spéciaux. Dom Calmet s'occupe d'abord du Rituel et du Catéchisme « Encore, dit-il, que toutes nos paroisses soient exemptes de toute


juridiction des évêques, et ne soient soumises qu'à la nôtre, nous permettons l'usage du Rituel de Toul, de son catéchisme ou de celui de Besançon (1). »

Pour l'administration du Sacrement de Pénitence, il recommande à ses prêtres de suivre les règles tracées par saint Charles Borromée, et il fixe les cas dont l'absolution lui est réservée.

Rappelant le devoir pascal, voici ce qu'il prescrit à l'égard de celui qui l'omettrait. Son curé d'abord doit l'avertir en secret et charitablement. S'il persiste dans sa désobéissance, ïl lui fera trois monitions successives, puis le dénoncera au promoteur de l'officialité afin que ce dernier agisse selon les rigueurs du Concile de Latran. On le citera alors au prône, on affichera son nom à !a porte de !'ég)Ise il lui sera interdit d'assister aux offices, et en cas de mort, il sera privé de la sépulture chrétienne. Chaque année, ordonne-t-il, on établira, au commencement de l'hiver et dans chaque village, un maître d'école pour instruire la jeunesse (2).

Renouvelant les prescriptions portées en 1719 par son prédécesseur, il rappelle les fêtes d'obligation pour le peuple chrétien.

(1) Jean-Claude Sommier, archevêque de Césarée et, grand Prévôt de SaintDié, prescrivit également, à son district exempt, dans ses statuts de 1731, l'usage du catéchisme de Besançon.

Plus tard, dom Calmet dut donner à son territoire un catéchisme spécial. Nous le supposons d'après une circulaire adressée le 8 novembre 1760, au clergé du district, par dom Fanget. Elle lui annonce et impose un nouveau catéchisme, imprimé à Senones même, pour suppléer à l'ancien, trop concis, et qui commençait à manquer. Ce catéchisme nouveau sera un peu plus long que l'ancien il expliquera d'une manière plus instructive la doctrine chrétienne, et la religion y sera mieux déve]oppée. Il demande que désormais les maîtres d'école se servent de ce livre. Nous n'avons pu retrouver ce catéchisme de dom Fanget, imprimé chez l'un de ses neveux Joseph Pariset, qu'il avait établi imprimeur à Senones. En 1764, à cette même imprimerie, Fanget avait publié en 2 volumes in-8" un Bréviaire monastique « Breviarium monasticum juxta regulam S. P. Benedicti et ad mentem Pauli V Pontificis Maximi Mais le Chapitre général de la Congrégation de Saint-Vanne défendit en 1768, l'usage de ce bréviaire, où l'on paraissait craindre quelques tendances jansénistes. C'est également chez J. Pariset qu'il fit imprimer, en 1761, les tomes IX et X de l'Histoire Universelle de dom Calmet. L'imprimerie Pariset ne manquait donc pas d'importance. (2) Le zèle de Calmet pour l'instruction de la jeunesse se montre encore dans le soin qu'il prit d'établir une fondation, dont la rente, chaque année, devait' payer, dans les paroisses du district, l'écolage d'enfants pauvres, qui sans cela auraient été privés de ce secours. (Vie de dom Calmet page 233).


D'abord celles, assez nombreuses alors, que prescrivait l'Eglise universelle. Ily ajoutait, pour tout le district, la fête de saint Gondelbert fondateur du monastère, au 21 février la Translation de saint Siméon évêque de Metz, patron du Val de Senones, au 24 octobre la fête de saint Nicolas patron de la Lorraine les fêtes de saint Joseph et de saint Hydulphe qui comportaient seulement l'obligation d'entendre la messe la fête de saint Maurice ne concernant que Saint-Maurice-les-Senones et la Petite-Raon son annexe enfin, pour chaque paroisse, la fête du Patron et celle de la Dédicace de l'église (1:). `

Enfin, dans ses ordonnances, dom Calmet établissait un tarif des honoraires dus au clergé pour messes et services religieux. Il déclare qu'il ne s'éloignera pas sensiblement, sur ce point, des règ)ements portés en 1664 par dom Barthélemy Claudon, prieur c!austra! et vicaire général du duc Nicolas-François -de Lorraine, abbé commendataire de Senones et en 1693, par dom François Billaut (2) prieur et vicaire généra! de l'abbé Alliot. Il dit cependant

(1) En 1722, dom Mathieu Petitdidier avait publié à Toul, chez l'imprimeur Alexandre Laurent, le Propre des Fêtes célébrées par le monastère Saint-Pierre de Senones, et de ses cérémonies lpcales. Ce volume renferme notamment l'ofïice de saint Gondelbert, composé par dom Maximin Longeaux prieur claustrât de Senones, et l'ofllce de saint Siméon, évêque de Metz, dont les reliques formaient le plus précieux trésor de l'Abbaye. Les hymnes propres de ces offices sont animées d'un soufïte très pieux et vraiment poétique. Elles sont données avec leur notation musicale.

On retrouve, décrites dans ce petit volume, ]es cérémonies spéciales de )'Abbaye aux jours de la Semaine Sainte, aux Rogations, à la Fête-Dieu, le jour du Rosaire, à la fête de la Translation de saint Siméon. On y parle des fêtes qui se célébraient chaque année, à l'ermitage de la Mer ~an~œ Mayt'œ Maris aujourd'hui N.-O. de la Maix, le jour de la Sainte-Trinité; le jour de saint Christophe, dans l'église du prieuré de Deneuvre, près Baccarat, dépendant du monastère de Senones.

Livre plein d'intérêt pour l'histoire de l'Abbaye.

Ajoutons, au sujet des fêtes d'obligation du district de Senones, que le 12 juin 1760, répondant au vœu que le prince de Salm-Salm lui avait exprimé, et pour se conformer à ce qui s'était fait dans les diocèses voisins, dom Fanget supprima plusieurs fêtes maintenues par son oncle et prédécesseur, surtout les fêtes des apôtres, celles de saint Joseph et de saint Hydulphe. Plus tard encore, le 12 juin 1773, il supprima également la fête chômée du patron de chaque paroisse, la transférant uniformément, pour tout le district, au premier dimanche de septembre. (Cf. Registre de la Cour spirituelle de l'Abbaye).

(2) Dom François Billaut né à Bar-)e-D.uc, profès à Saint-Mihiel 7 mai 1656, prieur du Saint-Mont 1695-16?6-1697 mort à Moyenmoutier 15 juillet 1706.


« qu'il il est assez difficile, dans le district, d'établir une parfaite uniformité dans les rétributions des curés, parce que toutes les cures ne sont pas également pénibles, et que là où il y a le plus de peine, il est juste qu'il y ait aussi un plus grand salaire. Pour ce motif, il est'obligé de laisser, en plusieurs choses, les curés et vicaires dans leurs anciens usages ».

t

1 Reconnaissance des Reliques de saint Siméon

et de saint Christophe, 1733

Le trésor sans prix, la richesse la. plus enviée de nos grandes Abbayes vosgiennes, de nos Chapitres de Saint-Dié, Remiremont, Epinal, Poussay, c'était, autrefois, leurs saintes reliques. Le monastère de Senones ne possédait point celles de saint Gondelbert, archevêque de Sens, son fondateur. Mais, depuis l'année 770 environ, il conservait avec honneur, il entourait de vénération dans son église, le corps de saint Siméon septième évêque de Metz. Un ossement considérable du bras de saint Christophe martyr, une côte de l'apôtre saint Pierre, d'autres reliques encore de moindre importance, formaient, avec lui, de temps immémorial, le trésor sacré de l'Abbaye.

De ce trésor, dom Calmet voulut une reconnaissance canonique. Il en inscrivit, en latin, le procès-verbal officiel au Registre de sa Cour spirituelle ()). Donnons la traduction de ce document

(1) Cette reconnaissance des reliques de Senoaes lui fut peut-être inspu't'H par le souvenir de celle des reliques de Moyenmoutier, faite le 14 novembre 170). Il se trouvait alors en ce monastère. En qualité de secrétaire du Chapitre, ce fut lui qui rédigea et écrivit de sa propre main les procès-verbaux ofliciels de ta visite contresignés par dom Hyacinthe Alliot abbé de Moyenmoutier. Ce fut aussi dom Calmet qui écrivit sur les bandes de parchemin fixées sur les reliques, le nom'du Saint auxquelles elles appartenaient indication qui subsiste encore aujourd'hui dans les châsses de,Moyenmoutier. Ecrivant au moine de Solesme qui devait être plus tard le cardinal-Pitra, pour lui raconter la reconnaissance qu;il venait de faire, au nom de t'évëque de Saint-Dié, de ces ossements si vénérables, l'abbé Deblaye lui exprimait t'émotibn qu'il avait ressentie en les tenant


inédit. !) a échappé à la sagacité si avertie de M. l'abbé Déblaye qui au siècle dernier reconnut, avec tant de compétence et d'érudition, les reliques de nos diocèses lorrains, et particulièrement, en 1854, celles de Senones. M. l'abbé Mathias, curé-doyen de Senones, l'ignore également dans son étude sur « saint Siméon, deuxième Patron du monastère de Senones, Saint-Dié, Horn 1896 ». aurait trouvé là, comme dans le Cérémonial du monastère de 1722, qu'il n'a point connu, de précieux documents les offices propres du Saint, la liturgie de ses solennités. Ces détails auraient heureusement complété un travail resté forcément incomplet. Au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Amen.

L'an de la Nativité )733, le 23 décembre, nous soussignés. Dom Augustin Calmet, abbé de Saint-Pierre de Senones, de nul diocèse, de l'Ordre de Saint-Benoît, Congrégation de Saint-Vanne et Saint-Hydu! phe, Prélat ordinaire du district de Senones, dépendant directement du Saint-Siège dom Benoît Etienne prieur claustral, Pierre Malard maître des novices, Ildephonse George, Hilaire Médard, Augustin Collardon, Grégoire Thomas, Bruno Hallot, Sébastien Tailleur, Christophe Collignart, Louis le Grand, Augustin Fanget, prêtres frère Maure le Roux, diacre frères Jean Garter, Claude Villaume, Benoît Mongenot, Ildephonse Pierron, Remy Forterre, tous religieux profès du dit ordre et de la dite congrégation, formant la communauté des religieux de ce monastère Saint-Pierre de Senones Frères Placide Pierron, Bernard Pierson, Charles Remy, Isidore Excelmans, Augustin Baudelaire, Antoine Renaut, François George, tous novices de ce monastère.

En vertu de l'autorité du R. P. dom Augustin Calmet, abbé et prélat ordinaire, jouissant de la juridiction quasi épiscopale dans le territoire ou district de Senones, nous avons procédé solennellement à la' visite des Saintes Reliques de notre monastère.

Tout d'abord, le R. P. Abbé revêtu des ornements pontificaux, précédé de la Croix, des cierges allumés, de t'encensoir, du diacre et du sousdiacre, et entouré des Religieux du'monastère, s'est rendu en la salle entre ses mains, et en se rappelant qu'en 1701, dom Calmet avait rempli la même mission.

Ajoutons encore ce détail. Dans une des leçons de l'Office de saint Dié au Propre de 1722 du Monastère de Senones, il est fait mention de cette visite des Reliques de Moyenmoutier en 1701, et du dépôt fait alors, dans la châsse de saint Hydulphe, de deux ossements de saint Dié .Res<a< in Mediano monasterio ex sanctt Deodati reliquiis è csrpo ~Mo ossa, ~Mœ in Beati Hydulphi capsa nuper, dum sacra* hujtzs loci 7!e<t~ttttB ~M[<a/'e/tt:< reposita SMn! ».


du Chapitre. Apportées avec respect par le religieux sacriste, les Saintes Reliques y avaient été déposées sur deux tabtes disposées en forme d'autel. Après quelques instants de prière, après les encensements coutumiers, on ouvrit la châsse d'argent qui renferme le corps de saint Siméon évêque de Metz elle est fermée par une serrure, ornée à l'extérieur de lames d'argent où sont représentés la vie et les miracles du saint Évêque 0). A l'intérieur se trouvent ses ossements vénérables. D'abord sa tête sacrée, entourée d'un linge de soie, puis d'une seconde étoffe de )in, enfin d'une troisième enveloppe de lin plus précieuse, brodée d'or, qui a dû servir autrefois de voile de calice. i! est très visible qu'on a détaché un jour quelques particules de cette tête. Puis apparaît )e corps vénérable du Saint, très bien conservé et en parfait état. Ses ossements sont intacts et sont enveloppés d'un triple tissu de lin. Le tout recouvert d'un voile avec dessins brodés à la main. Nous n'avons rencontré aucun document écrit.

On nous fit voir ensuite un bras d'argent fondu en l'année 1506, avec cette inscription « Jean de Borville abbé de Saint-Pierre de Senones, fit ce bras en l;honneur de saint Siméon ». Nous avons d'abord trouvé à t'intérieur, un ossement d'un bras, portant ces mots « Saintes Reliques de saint Benoît martyr », puis deux autres petits ossements sans aucune ,inscription. Ensuite on nous présenta un autre bras-reliquaire, portant cette inscription « Ce bras renfermant des reliques, de saint Pierre opo~re et de saint Christophe martyr, fut fait aux frais du monastère de Senones, )666". Il contient une relique de saint Christophe martyr, et une côte de l'apôtre saint Pierre, enchâssée aux deux extrémités dans un cercle d argent, avec ces mots écrits transversalement « D'une côte du B. Pierre /lp6<re

Puis on nous montra un reliquaire enveloppé d'un tissu précieux de soie rouge brodée, où se trouvaient cinq petits ossements de saint Denys et ses compagnons, avec l'authentique de leur donation faite en 1610, par Marie de Beauvillier abbesse de Montmartre, à dom Nicolas Mathis prieur de Senones. Ensuite, une châsse ronde, en bois, avec des ornements de bronze, où nous n'avons trouvé qu'un linge très ancien, avec la cendre des Reliques renfermées autrefois dans un autel avec cette inscription « Reliques de p/ust'eu~ ~Sat'nh ». Puis deux châsses de bois, couvertes de papier peint, où nous avons trouvé des reliques de saint Constant martyr, une côte de saint Didier, une parcelle du crâne des saints'martyrs Magnus, Benoît, Aimé, Clément et de sainte Modeste. De ces châsses, on a extrait des reliques des saints martyrs Félix et

(1) Cette! châsse magnifique, spoliée à là Révolution avait été faite en 1684 par un orfèvre nommé François Henequin, sur l'ordre et aux frais de l'abbé Joachim Vivin.


Théodore. Au bas de deux statues d'argent, l'une de la Saintè Vierge, l'autre de saint Joseph, sont renfermées des reliques du manteau de la B. V. Marie, et de saint Vincent martyr.

Enfin, nous avons visité un'reliquaire de forme ronde, orné de lames d'argent très artistiques et de pierreries, où sont renfermées nombre de reliques portant chacune leur inscription.

Fait au Chapitre de Senones, ces jour et an que dessus.

Le registre de la Cour spirituelle donne ensuite la nomenclature des diverses reliques contenues dans le dernier reliquaire cité plus haut. Il mentionne qu'elles furent déjà reconnues le 14 novembre 1674, et que le 23 décembre 1733, dom Calmet en fit extraire des ossements des Saints Innocents, des saints Vincent, Privat et Vite, martyrs, pour les déposer dans le tombeau du grand autel de son église qu'il devait, comme nous le dirons plus loin, consacrer le lendemain (1).

De toutes les reliques mentionnées en ce procès-verbal de dom Calmet, l'église de Senones ne garde plus aujourd'hui, dans ses châsses, que celle de saint Christophe et le corps presque entier de saint Siméon.

Le 18 décembre 1793, forsqu arrivèrent pour Abbaye les mauvais jours de la spoliation, quand l'argenterie et les châsses précieuses de la sacristie furent réquisitionnées et envoyées à la monnaie, les sieurs Desbains ancien maire, Antoine Jacquot et François Jacquot municipaux de Senones, creusant une fosse sous la tour de l'église, y cachèrent les reliques du monastère, toutes ensemble, en toute hâte, et sans prendre soin de les grouper séparément. Seul, le chef de saint Siméon était enveloppé d'un linge. Le 18 juillet 1795, deux anciens religieux dom Benoît Mathis et dom Remy Marchai, les sortirent de leur cachette, pour les rendre à la vénération publique mais tous les ossements étaient confondus. (1) Il n'est point fait mention, dans cet acte de Caimet, d'une relique de la Vraie Croix, possédée par l'Abbaye dès le temps de l'abbé Lignarius. Dans ses ~4ny:a/es Ordinis .P/'o'nton~ateyMM, Hugo abbé d'Etival raconte qu'un de ses prédécesseurs Antoine Doridant, accorda une parcelle de la Relique de la Vraie Croix gardée à Etival depuis l'époque de sainte Richarde, à l'Abbaye de Senones. En 1597, l'abbé Lignarius vint de Senones, processionnellement, avec ses moines, pour la recevoir et la transporter dans son monastère. Placée dans la grande croix processionnelle de l'Abbaye, elle était offerte, le jour du 'Vendredi Saint, aux adorations des religieux et des fidèles de la paroisse.


Cependant la relique de saint Christophe, enveloppée d'un tissu de velours, gardait encore, au dire de dom Léonard, ex-bénédictin et vicaire de Senones « deux cachets en cire rouge ou sont empreintes trois mouches à miel, » c'est-à-dire les armes de dom Calmet, ptacées sur les reliques après t'ouverture des châsses de.) 733. (Archives paroissiales de Senones. Procès-verbal du 23 juillet 1820). En 1854, M. l'abbé Deblaye, au nom de l'évêque de Saint-Dié, fit la reconnaissance officielle des reliques échappées à la Révolution. Il put facilement identifier celle de saint Christophe, le corps presque entier de saint Siméon. Mais son embarras fut extrême relativement aux autres ossements. H n'avait pu retrouver aucun acte* de visite des reliques de l'ancien monastère (t). Il ignorait surtout le document de dom Calmet reproduit plus haut. H lui aurait donné la clef d'une énigme qui, alors, lui parut insoluble. Pour nous, les ossements désignés sous le groupe n° 2, dans le procès-verbal médical de reconnaissance des reliques, dressé à Senones, par le Docteur Jacquot, le 29 juin .1854 (Archives paroissiales de Senones) sont la côte de saint Pierre apôtre, enchâssée autrefois à ses extrémités, dans des cercles d'argent, mentionnée tout à l'heure l'ossement du bras de saint Benoît martyr (2) les autres reliques des Saints martyrs, qui devaient être assez considérables, puisqu'elles étaient renfermées dans ces deux châsses en bois, dont parle l'acte de visite du 23 décembre )733.

Ces ossements vénérables sont toujours conservés à Senones.

=t

Élection du Coadjuteur de dom Calmet, 1735 Au cours du XV HP siècle, on peut dire que le grand souci des

Abbayes d'hommes restées en règle, c'est-à-dire ayant comme premier supérieur un abbé de leur Ordre, ce fut, en France comme (1) Cf. Essai historique sur les Reliques et le Culte de saint Siméon, par 4'abbé Déblaye. Nancy, Lepage 1856, page 184.

(2) Chaque année, le 23 mars, le monastère de Senones célébrait, dans son Propre local, la fête de ce'saint Benoît moine et martyr.


en Lorraine, d'éviter à tout'prix la commende. Ce fléau des maisons religieuses avait jeté partout, en effet, le trouble, la décadence et la ruine dans des monastères restés jusque très fervents (t). Nos grandes Abbayes d'Etival, Moyenmoutier, Senones, désireuses de se maintenir dans l'observance intégrale de la règle, connurent cette préoccupation qui était vraiment pour elles une question de vie ou de mort.

Elles crurent y porter remède en donnant, à leurs abbés réguliers, un coadjuteur avec future succession à Moyenmoutier en )7)7, à Senones, en )73), à Etival en 1735. 1

En )7)7, dom Humbert Belhomme abbé de Moyenmoutier (2), avait prié ses moines d'élire un coadjuteur. Voici les raisons qu'il donnait de cette demande: son âge déjà avancé; l'état de sa santé et « ses vives appréhensions que s'il venait à mourir dans la conjoncture présente où l'avidité pour les commendes a rendu l'état des Abbayes si incertain, la sienne ne txenne à tomber, malheureusement, entre les mains de quelque commendataire (3) ». Le 26 juin 1719, à l'unanimité, la communauté élisait, pour cette fonction, le propre neveu de dom Belhomme, dom Humbert Barrois, jeune religieux de l'Abbaye, n'ayant pas encore 30 ans, qui succéda de plein droit à son oncle en 1727, et mourut seulement en 1771. Sa longue vie

()) On pourra juger de l'étendue du Uéau de la commende, en se rappelant qu'en '1789, sur les 33 Abbayes occupées par la Congrégation de Saint-Vanne et Saint-Hydutphc, il n'y en avait plus que 5 pour avoir à leur tête un Abbé Régulier Senones, Moyenmoutier, Munster, Saint-Airy de Verdun, SaintLéopold de Nancy. Les autres étaient en commende. Leurs revenus, provenant de 'fondations pieuses, servaient à entretenir le luxe, le train de vie d'évêques résidant plus souvent à Paris que dans leurs évêchés de province, de cadets de famiHe entrés trop souvent sans vocation dans l'état ecclésiastique, et parfois simplement tonsurés. Le trop fameux Stanislas de Boufflers, abbé de Belchamp et de Longeville, était de ce nombre; ainsi que Conditlac, nommé par le roi Stanislas, abbé de Mureau.

Même proportion, en Lorraine, à cette époque, pour les monastères des chanoines réguliers et des Prémontrés. Sous la pression violente dû-pouvoir civil, l'Eglise, tout en protestant, n'avait pu empêcher ce fléau, parfois cette honte, qui prépara certainement les ruines et les scandales de la grande Révolution. (2) NéàBar-)e-Duc23décembre 1653;profesàSaint-Mihiet 19 novembre 1671 coadjuteur de Moyenmoutier en 1701 abbé en 1705 décédé à Moyenmoutier 12 décembre 1727. Ecrivit l'histoire de son abbaye, publiée en 1721.. (3) Registre des actes et délibérations capituiaires de l'Abbaye de Moyenmoutier. Bibliothèque Municipale de Saint-Dié.

3


abbatiale assura, pendant quarante-quatre ans, la paix et la régularité de son monastère.

Pour le même motif, dom Fanget l'affirme expressément dans la vie de son oncle, Calmet songea lui aussi à se faire donner un coadjuteur. Et comme son voisin de Moyenmoutier. il jeta les yeux' sur un tout jeune religieux, son propre neveu, fils de sa sœur Anne-Marie, épouse Jean Fanget ()).

Le jeune moine était né à Hattonchatel (Vignot), Meuse, le 16 janvier 1709. H fit ses études aux frais de son oncle à SaintMihiel et à Nancy, puis entra chez les Bénédictins. Après sa profession à Munster le 21 juin 1728, il avait été envoyé par le Chapitre général de sa Congrégation pour professer à Senones, alors maison d'études de la province de Lorraine, la phdosophie et la théologie. Sous la direction de dom Calmet, il s'acquittait avec talent de cette mission un ouvrage publié en 1760 Tractatus de Sacramentis in genere et speciatim, auctore Aug. Fanget, benedictino fut le fruit de son enseignement (2).

Pour préparer les voies à cette élection, et pour donner, à son (1) En choisissant son jeune neveu comme coadjuteur. dom Calmet ne faisait, du reste, qu'imiter la conduite de deux de ses prédécesseurs du .XVI' siècle. En 1536, Thirion d'Antlup, puis en 156't, Claude Raville, faisaient élire leurs neveux Jean Durand et Jean Lignarius.

(2) Déjà en 1721, sous la direction de Mathieu Petitdidier, l'Abbaye de Senones avait été désignée comme maison d'études et noviciat de la province bénédictine de Lorraine.

Deux fois, plus tard, en 1732 et 1739, dom Calmet étant abbé, son monastère reçut le même honneur de la part du Chapitre général de la Congrégation de Saint-Vanne et Saint-Hydu)phe,

En 1732, le maître des novices est dom Pierre Malard, qui devint plus tard curé de Saint-Maurice-les-Senones le noviciat compte 18 étudiants. Citons ici les noms de ceux qui appartenaient à nos Vosges Joseph Duprez et Claude Anselme de Rambervillers 'Dominique Fleurent-Didier de Plainfaing Benoît MangenotdeRaon-i'Etape Joseph Julien de Vagney Joseph Pierron de Secourt; Hubert Aubertin de Dogneville Ch. François Remy de Remiremont Nicolas Pierron de Ménit, paroisse de Saint-Maurice-les-Senones.

En 1739, le maître des novices est dom Hubert Humbiot. II a seulement 10 étudiants sous ses ordres, dont deux vosgiens Jean Gueniot de Bleurville, plus tard prieur de Saint-Mihiel, puis de Flavigny où il mourut le 25 août 1784 dom Germain Mérel, de Châtenois, que retrouverons ensuite premier curé de la paroisse de Moussey (1764), et membre du Chapitre qui élut dom Lombard comme abbé de Senones.

Cf. Registre des prises d'habits et des professions de l'Abbaye de Senones. Bibliothèque Municipale de Saint-Dié.


neveu, à peine ordonné prêtre, un titre l'acheminant vers la dignité abbatiale, dom Calmet songea, dès 1733, à le présenter, en cour de Rome, comme coadjuteur de dom François Regnauld, moine de Senones, prieur titulaire de Saint-Christophe de Vic, âgé de 72 ans et infirme. Et il pria l'abbé d'Etival, Ch. Louis Hugo éveque de Ptoiémaïde, ()) de donner au jeune moine de 24 ans, une recommandation qui appuierait sa demande à Rome. Voici l'attestation de Hugo, transcrite au Registre de /o Cour spirituelle de Senones: « Declaramus et attestamur Reverendum Patrem Augustinum Fanget, ordinis Sancti Benedicti, professum et presbyterum in aMa~'a Senoniensi, esse moribus integrum, doctrinâ conspt'cuum, disciplince regularis observantissimum, ad quodcu,mque beneficium etiam curam animarum habens, aptum nullius pra~<s novitatis labe inspersum, sed Mn<B Joc~rt'ntB et /}p<M<o/t'c<B ~'e~t's obedientissimum filium. Et cum de facie, de convictu et f requenti alloquio noverimus, prop~er viciniam Stivagiensis et Senoniensis monasteriorum, pnMens testimonium tanto libentius quanto securius tradimus.

Die ~7° januarii 1734, in cedibus nostris Stivagii, sub nostro chirographo et sigillo.

'{' CAROLUS-LuDOVtCUS HUGO,

epMcopm Ptolemaidis et abbas Stivagii.

Mais l'affaire n'eut pas de suite. En 1734, dom Calmet demanda à dom Antoine Larcher président général de sa Congrégation (2), et au duc de Lorraine François HI, l'autorisation de faire élire un coadjuteur. Ils y consentirent, déléguant, le premier, le 27 août 1734, l'abbé de Moyenmoutier le second, de Lunéville, le 3 août 1735, M. de Tarvenus conseiller d'Etat et maître des requêtes, pour les représenter à l'élection.

(1) Charles-Louis Hugo né à Saint-Mihiel 20 septembre 1667 entré dans l'Ordre des Prémontrés et profès à Sainte-Marie de Pont-à-Mousson 26 août 1685; prieur de Saint-Jean de Nancy 170.0 coadjuteur d'Etival 12 août 1710 et béni par Jean Conrad prince evêoue de Bâte 23 juillet 1713 abbé d'Etival 1722 évêque de Ptoiémaïde 15 décembre 1728 mort à Etival 2 août 1739. On voit encore sa tombe dans le transept de droite de son égUse abbatiale. (2) Dom Larcher, né Sigisfontaine, fit profession à Saint-Airy 19 juin 1691, et mourut à Beaulieu, président de la Congrégation, le 26 octobre 1737.


Le 5 septembre 1735, les officiers de la Principauté de Salm

élevèrent au nom de leur prince, une protestation contre l'élection projetée. Elle n'intimida ni l'Abbé, ni les moines de Senones, qui le lendemain se réunirent capitulairement, sous la présidence de dom Barrois. Après le chant du ~ent Creator, l'abbé de Moyenmoutier exposa les motifs qu'avait dom Calmet de désirer un aide son âge déjà avancé, 63 ans; ses forces qui faiblissent. Il demande à ses religieux d'élire un coadjuteur qui partage ses responsabilités et qu'il puisse présenter au Saint-Siège pour obtenir confirmation de leur choix. Pas un mot, dans le procès-verbal officiel, on devine pourquoi, du motif principal éviter par là, et le plus tard possible, une commende redoutée de tous.

Après la désignation de trois scrutateurs, dom Pierre Ma!ard, dom Benoît Vielhomme ()), dom Claude Jacquinot, l'élection se fit au vote secret, comme pour celle de dom Calmet. Celui-ci émit le premier son vote les capitulaires vinrent après lui (2). A l'unanimité des voix, dom Augustin Fanget fut étu.'Tous les électeurs signèrent au procès-verbal, ainsi que le Président, deux Prémontrés d'Etival Saunier prieur et Saintin de Rouvroy, le curé de Saint-Jean: Roguet, Lecomte curé du Ban-de-Sapt, Molet vicaire de Saint-Stail, et Maget curé de Raon-l'Etape, notaire apostolique pour les. territoires monastiques de Senones et de Moyenmoutier (3).

Le 16 septembre suivant, le Supérieur général de la Congrégation autorisait dom Fanget à prendre possession de sa coadjutorerie. Après que les Bulles données à Rome, novembre 1735, par Clément X!I, pour confirmer canoniquement l'élection, eurent

(1) Dom Pierre Malard, de Commercy, profès à Senones 20 juillet 1716, mort à Breuil-les-Commercy, 12 novembre 1775. Benoît Vie)homme, de Bar-leDuc, profès à Saint-Mihiel 7 juin 1703, mort prieur du Saint-Mont (Remiremont), 25 décembre 1742.

(2) Voici les noms des prêtres dom Bruno. Hallot prieur claustral, Claude Jacquinot prieur de Mernaville, Neuville prieur de Fricourt, Vielhomme doyen, Robinot, Garaudé, Louis le Grand, Ambroise Pelletier; Malard, Thomas, Ballot, Scheir et Fanget. Les autres électeurs étaient clercs-profès.

(3) Le 15 mars 1730, dom Calmet instituait François Maget, docteur en théo)ogie, et curé de Raon-l'Etape, comme ofRciat et juge ecclésiastique de sa curie .spirituelle dans le' district de Senones. (Cf. Registre de la Cour spirituelle).


été fulminées par dom Humbert Barrois le 27 mars 1736, dom Fanget prêta serment entre les mains de l'abbé de Moyenmoutier, et prit possession du spirituel et du temporel de Abbaye, le 27 avril suivant. Ce fut une grande fête, à laquelle assistèrent dom Calmet, Hugo abbé d Etivat, Claude Collin abbé prémontré de Jovillier près Bar-le-Duc, la communauté et-le peuple de Senones. Enfin, le 10 mai, Jean-Claude Sommier archevêque de Césarée, assisté de dom Calmet et de dom Benoît Sinsart prieur de Munster (1), donnait au nouveau coadjuteur la bénédiction abbatiale. Beaucoup de personnes de distinction, dit le Registre officiel de l'Abbaye, assistaient à cette auguste cérémonie. Pendant 21 ans (1736-1757) dom Fanget remplit, à côté de son oncle vénéré, la charge de coadjuteur, l'aidant non seulement dans les fonctions liturgiques et la direction du monastère, mais encore dans ses œuvres historiques et scripturaires. Il le secondait dans ses recherches lui fournissait des textes, des dates, des documents, travaillait avec lui à la composition de ses ouvrages, surtout au volume publié à Einsiedeln sous ce titre /<er Helveticum, relation d'un voyage fait à travers les abbayes de la Suisse par dom Calmet, en 1748, en la compagnie de son coadjuteur. Ce fut lui qui dressa, en )755, le catalogue général de la Bibliothèque du monastère (2).

Le 25 octobre 1757, Calmet, en mourant, lui cédait son siège abbatial. Dom Fanget s'éteignit 27 ans plus tard, le 30 mars 1784, âgé de 75 ans. Les dernières années de sa vie avaient été assombries par des démêlés aussi longs que pénibles avec ta maison régnante de Salm-Salm (3).

(1) Dom Benoit Sinsart né à Sedan 1696, profès à Senones 7 septembre 1716 coadjuteur en 1743, puis abbé de Munster 1745, mourut dans cette maison 22 juin 1776.

(2) Le 13 mai 1747, le Chapitre de Saint-Dié délègue à Senones deux chanoines, MM. Le Fèvre et de Klopstein, pour inviter Calmet et son coadjuteur à venir, suivant leur promesse, mettre en ordre livres et manuscrits de sa Bibliothèque. (Registres capitulaires. Archiv. municip. de Saint-Dié). (3) Quelques mois avant la bénédiction de Fanget, le 10 août 1735, une même cérémonie s'était déroulée en Saint-Pierre de Senones celle de la bénédiction abbatiale de dom Henri Fauques, (né à Saint-Mihiel, profès à Munster 14mail700,coHaborateurà à Paris, de 1711 à 1713, de dom Calmet composant


alors son cours d'Ecriture Sainte). Dom Fauques avait été élu coadjuteur de dom Pierre de Vassimont, abbé de Longeville, au diocèse de Metz (profès à Senones 5 novembre 1684, mort à Longeville 8 novembre 1737). Nous ignorons 'pourquoi la cérémonie ne se fit pas à Longeville. Jean-Claude Sommier la présida à Senones, assisté de dom -Sébastien Mourot, abbé de SaintAvold, et de-dom Benoît Belfoy, abbé de Saint-Mihiel (né à Nancy, profès à Senones 16 mai 1702, mort à Nancy 17 janvier 1747). Dom Calmet y assistait, ainsi que l'abbé de Longeville, Hugo d'Etival et son coadjuteur Saunier. Plus tard, une dernière fois avant sa destruction par la Révolution, t'égtise de Senones fut témoin de la bénédiction d'un abbé mitre celle de dom JeanFrançois Lombard, successeur de Dom Fanget, 63" et dernier abbé du monastère. I) était né le 4 décembre 1733 'à Han-sur-Meuse, et avait fait profession à Saint-Mihiel, le 15 août 1757. Nous le retrouvons secrétaire du Chapitre de Senones de 1768 à 1770 puis prieur de l'Abbaye en 1778. En janvier 1779,.it est nommé par les religieux qui avaient le droit de nomination à cette paroisse, curé de Saint-Jean-du-Mont. Une feuille volante, signée de la main de dom Fanget, et trouvée dans le Registre de la Cour s/)t'<t<e</e, nous fait entrevoir que cette nomination ne se fit pas entièrement du gré de l'Abbé. Reproduisons-la à titre documentaire

« Je soussigné, Abbé de Senones, déclare par ces présentes, que le consen« tement que j'ai donné à la nomination du R. P. dom Jean Lombard prieur « de Senones, à la cure de Saint-Jean-du-Mont, au Val de Senones, faite par « les religieux de Senones en conséquence de la démission de la dite cure par « le R. P. dom Antoine Robinot, entre les mains des dits religieux, et par les « institutions données au dit Jean Lombard pour ta dite cure, je n'ai point « prétendu renoncer à mes droits de nomination ou collation de la dite cure, « par moi seul exclusivement, ni préjudicier aux droits de mes successeurs, « Abbés de Senones, à la collation de la dite cure.

« Et que je ne l'ai fait que pour le bien de la paix, et pour éviter l'inconvénient « d'un procès long et dispendieux, et qui tendrait à troubler l'harmonie qui « doit régner entre un Abbé régulier et les religieux de son Abbaye. « En foi de quoi j'ai donné les présentes pour valoir en tant que besoin Fait à Senones, 30 janvier 1779..

DOM FANGET, abbé de Senones.

Après la mort de Fanget (30 mars 1784), l'élection du successeur ne se fit pas sans grandes difficultés. Elles vinrent de la famille régnante. Depuis décembre 1751, époque du partage de la terre de Salm avec le roi Stanislas, les Salm-Salm possédaient seuls, en toute souveraineté, la ville et le val de Senones. Plus durement qu'autrefois les ducs de Lorraine, ils le firent sentir à l'Abbaye. Dès le lendemain de la mort de dom Fanget (31 mars 1784), le sieur Noël conseiller de la maison de Salm et intendant de la Principauté, apporta à la communauté les condoléances dé la famille princière, et lui fit défense expresse de procéder à l'élection d'un successeur, avant qu'il ait plu à la duchesse douairière Marie-Louise-Eléonore et au prince Guillaume-Florentin de Salm évoque de Tournay, tuteur de son neveu le jeune prince Constantin, de nommer un commissaire qui présiderait cette élection. Et cela, sous peine de saisie du tempore) de l'Abbaye et du refus de reconnaître l'élection. En même temps, au nom de la Sérénissime Tutèle, il réclamait de dom Isambart prieur, un état de tous les biens et revenus de la mense abbatiale, la liste des religieux de la maison qui composeraient le Chapitre.

Les'moines n'avaient qu'à se soumettre. Le 2 avril, ils demandent à t'évoque de Tournay de donner des ordres pour que l'élection puisse se faire aussitôt. Celui-ci, dans sa réponse, exprime ses condoléances de la mort d'un Abbé si remarquable par ses vertus et sa charité pour les pauvres il souhaite, pour le


bien de l'Abbaye de la Principauté, qu'un digne successeur lui soit donné il délègue le sieur Noël pour être son commissaire à l'élection.

D'après les constitutions de la Congrégation, l'élection devait être présidée par un représentant du Supérieur général. La diète des Religieux de Saint-Vanne, réunie alors au monastère de Novi, délègue pour assister au vote, dom Hydulphe Debras, de Flavigny (né à Faverney, profès à Moyenmoutier 8 juillet 1753). La Sérénissime Tutèle le récuse Noël se permet de rayer d'un trait de plume, au registre des Actes capitulaires, la mention qui est faite de cette délégation. Bernard Pierson, abbé de Saint-Léopold de Nancy, réclamé par la cour de Salm, peut-être parce qu'il avait fait profession à Senones le 8 avril 1734, est agréé pour le remplacer, le 3 juin 1784, par le président général, dom Etienne Pierre, prieur de Novi, près Rethel. (Né à Mouzon 1708 profès 1724 mort à Rethel février 1793).

L'élection fut alors fixée au 11 juin. Mais auparavant la Sérénissime Tutèle, demanda par Noël que les religieux capitulaires rendent )e.curé de SaintMaurice-les-Senones inamovible, afin de cimenter, par là, la confiance mutuelle du curé et des paroissiens 2" qu'ils s'engagent à établir, à Senones, un collège enseignant la langue latine et les belles-lettres jusqu'à la rhétorique. Le futur abbé aura la charge de fournir une pension pour l'entretien des 3 religieux professeurs. Le Chapitre ne pouvait faire autrement que de souscrire à ces propositions. Depuis, et jusqu'à la suppression de l'Abbaye, un petit collège exista à Senones, avec trois régents.

Enfin, au jour fixé, les 21 capitulaires élisaient, à l'unanimité, le curé de SaintJean-du-Mont, comme abbé de Senones. Le 4 septembre suivant, le Pape Pie VI confirmait l'élection le 6 octobre, le nouvel abbé prêtait serment de fidélité, entre les mains du prince Guillaume-Florentin, en son château d'Erstein, situé à 20 kilomètres au sud de Strasbourg le 14 octobre, il prenait possession de l'Abbaye, en présence de dom Maillard abbé de Moyenmoutier. Pour couper court, d'une manière aussi habile qu'élégante, aux difficultés soulevées par la maison de Salm, dom Lombard pria l'évêque de Tournay de le bénir solennellement. La cérémonie se fit le 17 octobre 1784, en l'église de l'Abbaye. Le Prélat était assisté de dom Bernard Pierson abbé de Saint-Léopold, et de dom Benoît Aubertin, abbé de Munster, (né à Gerbépal, profès à Moyenmoutier en 1731 1756 prieur, puis abbé de Munster mort retiré dans sa famille, à Colmar, au début du XIX" siècle).. Dom Lombard ne resta à la tête de son Abbaye que neuf ans neuf ans remplis de prière et de travail et d'angoisses. En 1787, un bénédictin franc-comtois, dom Grappin (1738-1833) écrivait ces mots que nous aimons à reproduire « L'Abbaye de Senones est composée de religieux marchant sur les traces de leur abbé, c'est-à-dire de vrais saints, de grécisants, d'hébraïsants, de canonistes, de théologiens. (Revue d'Alsace 1865, page 505) Cette vie fut bientôt troublée par les approches de la Révolution, la spoliation de l'Abbaye, l'exil des moines, le départ de dom Lombard (1793) d'abord pour l'Abbaye d'Einsiedeln en Suisse, puis pour celle de Saint-Blaise en la Forêt-Noire. En 1803, après le rétablissement du culte, il vint ainsi que huit de ses moines, se fixer en ce presbytère de SaintJean-du-Mont, qu'il avait habité comme curé de 1779 à 1784, essayant de reprendre, avec eux, les observances monastiquesl d'autrefois, vivant du désir de restaurer quelque jour sa chère Abbaye. C'est à tort qu'on a prétendu qu'il fut alors curé de Saint-Jean. C'est un de ses moines qui portait ce titre. Si nous avons retrouvé aux registres paroissiaux quelques signatures de dom Lombard, ce n'est qu'en qualité de suppléant du curé, pour l'accomplissement d'une cérémonie religieuse.

Jamais le vieil abbé ne revint dans cette ville de Senones dont il avait été jadis le chef spirituel. Jamais il ne.revit ni son abbatiale, vendue comme bien national le 15 prairial an IV ni son monastère cédé au même titre, pour la


L'Ermitage de Notre-Dame de la Mer,

aujourd'hui, Notre-Dame de la Maix

Cet ermitage désigné dans les manuscrits de Senones sous le nom de Capella ~onc<<B Marie maris, chapelle de sainte Marie de la Mer, à cause du petit lac, alors très poissonneux, dont les eaux baignaient ses murailles, était une dépendance de l'Abbaye ())..

Situé à 12 kilomètres environ au nord de Senones, il s'élevait au milieu de vastes forêts appartenant à la mense abbatiale, dans un des sites les plus ravissants de nos montagnes.

« Certes, écrivait récemment un admirateur de notre pays, le. lac de la Maix n'a pas la splendeur du lac de Gérardmer, mais il est plein de grâce et de fraîcheur, et sa vue empreint l'âme d'une douce mélancolie.

« Entouré d'une fine ceinture de bouleaux aux feuilles tremblottantes, le lac semble dormir. Son eau calme et limpide réfléchit, comme dans un miroir fidèle, les images grandioses et les nuances délicates de la forêt. Des bancs de pierre recouverts d'un tapis

somme de 38.000 livres, le 21 messidor an IV, et transformé en faïencerie et en filature dès l'année 1807. Jamais il ne revit l'emplacement de sa vieille église romane, sottement démolie et dont il ne restait plus que la tour du XI" siècle. La tradition du pays raconte que parfois, descendant les pentes de la colline du Mont, il venait s'arrêter au-dessus de la Petite-Raon, en un lieu d'où le regard embrasse le splendide horizon de la vaUée de Senones. Il le contemptait longuement, laissant aller son âme à de chers et douloureux souvenirs. Parfois, quand le bourdon de l'Abbaye qn'il avait vu bénir en 1772 par dom Fanget, et qui était resté au clocher après la réquisition faite par la nation des autres cloches, jetait à tous les échos de la montagne ses notes graves et puissantes, le noble vieillard pénétré d'une émotion facile à comprendre, ne pouvait s'empêcher de verser des larmes.

Après avoir légué à la paroisse de Saint-Jean sa maison pour servir de presbytère après avoir fondé trois écoles de filles confiées par lui aux Sœurs de la Doctrine chrétienne, dans les hameaux du village, il s'éteignit, chargé d'années et de mérites, le 11 janvier 1815, à l'âge de 82 ans. I) repose en paix au cimetière de Saint-Jean, et sa mémoire y reste en bénédiction. (1) Chaque fois que dom Calmet en parle ou le cite, il le nomme « Ermitage de la Mer ». En 1743 pourtant, au Registre de sa Cour spirituelle, à propos de la nomination d'un Ermite, le sanctuaire est désigné sous le nom de N.-D. de la Met. C'était déjà, sans doute, le langage populaire Met corruption du mot Mer.


de mousse un escalier antique, dont les marches disparaissent sous les feuilles mortes et les aiguilles de sapins une chapelle mystérieuse qui profile sa silhouette grise sur le front sombre de la forêt telle est, à grands traits, !a physionomie du lac de la Maix )). Autrefois, à côté du lac, on voyait une église « grande et belle », dit dom Calmet, bâtie sur une chapelle souterraine où une antique statue de la Sainte Vierge, tenant l'Enfant Jésus dans ses bras, était en grande vénération dans tout le pays. Voici l'origine de cette église. Vers l'an 1070, selon le récit d'Herculanus et sous l'abbé Berchère,~ un moine de Senones nommé Régnier se retira dans cette solitude profonde et y bâtit un ermitage. Le 7 mai 1090, jour de la sainte Trinité, Pibon évêque de Toul, vint en consacrer l'église, en l'honneur de la Sainte Vierge.

Un dessin tracé en 1775, par dom Pelletier, curé de Senones, dans sa « Description de la Principauté de Salm et reproduit page 162, dans le magnifique ouvrage du Baron Seillière « Documents pour servir à l'histoire de la Principauté de 5'o/m », montre qu'il y avait autrefois, à côté de cette église, deux bâtiments l'un destiné à servir d'habitation aux ermites, l'autre d'engrangements. Tout autour, quelques prairies ou terrains à cultiver,' propriété de l'Abbé de Senones. Depuis sa fondation, le sanctuaire de la Mer fut presque toujours habité par un ou deux ermites, prêtres ou laïques, choisis et nommés par l'Abbé. Aux grandes fêtes de l'année, ils devaient se rendre à l'Abbaye qui les hébergeait. Aux processions solennelles du monastère, notamment à la Fête-Dieu, c'était eux qui portaient la croix en tête de 'la procession. A Pâques, pour bien marquer la juridiction de l'Abbaye sur leur chapelle, ils devaient accomplir, en l'église Saint-Pierre, leur devoir pascal.

En souvenir de la consécration de l'église de la Mer, faite le dimanche de la Sainte-Trinité, chaque année, ce jour-là, de nombreux chrétiens y accouraient de loin en pèlerinage. « On y voyait, dit dom, PeHetier, beaucoup de marchands, et le concours y est si grand qu'il s'y trouve quelquefois plus de 2.000 personnes Le Cérémonial de l'Abbaye de Senones, publié en 1722 par dom Mathieu Petitdidier, nous dit la large part que les moines prenaient alors à ce concours religieux, encouragé et organisé par eux.


La veille de la fête de la Sainte Trinité, le sacristain de l'Abbaye avait soin de préparer et d'envoyer à la Mer, un ciboire, 200 petites hosties environ pour la communion des fidèles, de grandes hosties pour la célébration des messes, et un reliquaire destiné à être présenté à la vénération populaire. Ce même jour, deux ou trois religieux du monastère partaient pour l'ermitage, afin d'entendre les confessions des pèlerins. Il est spécifié qu'un d'entre eux, au moins, devait savoir l'allemand. Ce détail nous montre que les catholiques d'Alsace n'étaient point les derniers pour venir faire leurs dévotions à la Mer.

Au matin du dimanche de la Trinité, le sacristain du monastère ouvrait les portes de l'église dès que les cloches avaient sonné le dernier coup des matines, c'est-à-dire vers trois heures du matin. Aussitôt après le chant de l'Evangile de cet onice, une procession s'organisait vers le lointain sanctuaire. Revêtu de l'étole et du surplis, un des moines venait d'abord s agenouiller devant l'autel de la chapelle du Rosaire, pour y réciter le ~ent sanc/e Spiritus et quelques oraisons de circonstance. Les fidèles sortaient en silence de l'église. Au milieu d'eux s avançaient les bannières paroissiales et les chantres de Saint-Maurice. Le célébrant entonnait alors successivement les hymnes du Saint-Esprit, de la Sainte-Trinité, de la Sainte-Vierge. On les psalmodiait avec lenteur. A t'entrée de la Petite-Raon, chant du Salve Regina, puis station à l'église pour y invoquer saint Sébastien son patron. On sortait en chantant à travers les rues du village l'hymne des martyrs. Lorsqu'elle était finie. le célébrant déposait étole et surplis, et la procession se débandait. Chacun continuait, à sa guise, de suivre le chemin jusqu'à la croix qui se trouve encore aujourd'hui à l'endroit dit « le Haut du Bon Dieu ». La procession se reformait alors, et descendait, chantant et priant, sur les bords du lac. Elle' y arrivait vers 7 heures.

Lorsqu'il n'y avait plus de confessions à entendre, commençait la messe solennelle, célébrée par le curé de Saint-Maurice. Le Cérémonial a soin de spécifier que cette messe tenait lieu de la messe de paroisse, à tel point qu'on y faisait, si l'occasion s'en présentait, des publications de mariage.

Une demi-heure après cet office, quand les pèlerins de Senones


avaient pu prendre quelque nourriture et quelque repos, on donnait le signal du retour. C'est au chant du Te Deum qu'ils s'éloignaient de la Mer. Arrivés à la Petite-Raon, ils se reformaient en procession. Il devait être alors environ trois heures de l'après-midi. Près d'une croix, située à l'entrée de Senones, on entonnait à nouveau le Te Deum de l'action de grâces, et on l'achevait en pénétrant dans l'éghse abbatiale. Si rien d'imprévu n'était arrivé, le dernier coup des vêpres était bien près de sonner. Les pèlerins de N.-D. de la Mer achevaient leur pieuse et fatigante journée, en assistant à cet office, et en unissant leur prière à celle de la communauté monastique.

En même temps que ces vieux souvenirs, on nous permettra de noter ici, par ordre chronologique, non seulement les relations de dom Calmet avec l'ermitage de la Mer, mais encore tout ce que nous avons rencontré dans les manuscrits de Senones concernant cet ermitage. Ce sont des choses presque entièrement inédites peut-être y aura-t-il quelque intérêt, pour le lecteur, à les retrouver ici.

La première fois que l'Inventaire des titres de /tMat/e ()), dressé en 1746 par ordre de Calmet, mentionne N.-D. de la Mer, c'est en l'année )508 « Indulgence de 40 jours accordée par l'abbé Thirion d'Antlup, à tous ceux qui, dûment confessés, ferpnt une aumône à la chapelle de la Mer pour sa réfection (2) ». 1511. Au même -Inventaire, l'abbé Thirion d'Antlup donne la chapelle à Etienne Liégiez prêtre du Charolais celui-ci reconnaît que la chapelle est de la collation de l'Abbé et lègue tous ses biens au monastère.

1627. Lettre qui reconnaît que toutes les offrandes de la Mer appartiennent à abbé de Senones.

1661. Permission accordée à Frère Martinien Godmer ermite de la Mer.

21 janvier 1665. Frère Gabriel Monnoy qui est ermite à la Mer depuis 1650, figure et signe comme témoin dans un acte de la Cour spirituelle.

(1) Manuscrit n" 96 de la Bibliothèque Municipale de Saint-Dié. (2) En cette même année 1508, Jean Husson curé de Saint-Dié, ordonne par testament l'accomplissement de trois pèlerinages qu'il a promis à N.-D. de la Mer, à N.-D. de Malfosse, et à la Madeleine.


L année suivante, dom Barthélemy Claudon, prieur. de Senones et vicaire général du duc Nicolas-François de Lorraine abbé commendataire, transcrit dans le Registre de la Cour spirituelle, cette permission

« Etant prié par notre cher Frère Gabriel Monnov, ermite de «très bonne vie et louable conversation, résidant à l'ermitage de <( N.-D. de la Mer, au Val de Senones, de procurer une quête pour l'assister dans la-longue maladie dont il est notoirement « incommodé, nous vous prions et exhortons, par la miséricorde de Dieu, de vouloir contribuer à son soulagement par vos charités « et aumônes, soit en argent, grain, viande, lin, chanvre, linge ou « autres choses quelconques, selon vos moyens et commodités, que « vous mettrez, s'il vous plaît, ès-mains des honorables hommes « François Haudomey et Maurice de Metz, que nous avons « commis et députés à faire cette quête, dont ils veulent bien prendre « la peine par charité. A charge de nous faire rapport de tout ce « qu'ils auront reçu, pour être fait tenir ou employer utilement « au bien du dit confrère. Vous promettant, de la part de Notre« Seigneur, la récompènse qu'il a lui-même prononcée de sa bouche « pour ceux qui font miséricorde.

Fait à Senones le 10 janvier 1666.

1666. A l'Inventaire des titres Provision de Mgr le duc de

Lorraine, abbé de Senones, pour Frère Nicolas Ferry ermite de la Mer.

)667. Serment du Père Jean Dispos, Frère mineur, pour l'ermitage.

)670. Provision de l'abbé Joachim Vivin pour Frère Jean Petit. 1695. Reçu de l'argent trouvé sur Frère François Durand ermite, après sa mort.

1707. Dom Pierre Alliot abbé de Senones bénit la chapelle de l'ermitage qui avait été quelque temps abandonnée, et la concède en 1711 au Frère Antoine Jouin de Vaucouleurs. 11 Avril 1718. Du mandement donné par dom Mathieu Petitdidier à la suite de sa visite pastorale du district, relevons ces paroles « Défendons que lorsque les femmes auront des enfants mort-nés, de les porter à N.-D. de la Mer, ni ailleurs, pour les


faire baptiser, sous prétexte qu'en ces lieux, les dits enfants donneraient quelque signe de vie d'autant qu'il n'y a que de la tromperie en cela, et qu'il n'est point permis de baptiser les morts, ni de les enterrer en terre sainte (1) )'.

1726. Traité passé entre Frère Paul Thiriet ermite (mort en 1730) et Joseph Henry postulant, demeurant à la Mer.

]727. Provision de ermitage par dom Petitdidier pour Frère Claude Florentin.

1730. Pièces du procès entre Abbé de Senones et deux habitants de Plaine, concernant les effets et ornements d'église de l'ermitage de la Mer, après la mort. du Frère Paul Thiriet. 26 février 1730. Dom Calmet renouvelle provision de la chapelle en un acte écrit de sa propre main au Registre -de sa Cour ~pt'n'<ue//e

« Nous, dom Augustin Calmet, abbé de l'Abbaye de Senones, « Ordre de Saint-Benoît, de nul diocèse, avons permis sous notre « bon plaisir, à Frère Claude Florentin, ci-devant ermite dans le « Val de Saint-Dié, de s'établir à l'ermitage de N.-D. de la Mer, « dépendant de notre Abbaye, pour y vivre en bon solitaire, avec « un autre ermite, tant du travail de ses mains que des aumônes « des fidèles, à charge de nous prêter serment de fidélité et d'obéis« sance, ainsi qu'il nous l'a prêté en recevant les présentes insti« tutions.

Fait en notre Abbaye de Senones, le 26 février 1730. dom AUGUSTIN CALMET abbé de Senones.

23 mars 1733. Dom Calmet écrit ces paroles au Registre déjà cité « Frère Claude Florentin, ermite à N.-D. de la Mer, nous ayant remercié, nous avons mis dans le dit ermitage Frère Nicolas Vauthier ».

(1) Cette défense fait allusion à une coutume a)ot!s assez répandue dans nos montagnes celle d'enterrer les enfants morts sans baptême, comme pour confier leur salut à la Sainte Viergé, auprès de ses sanctuaires. A la Mer, on les enterrait dans la chapelle souterraine de t'ermitage t'évoque de Macra vient de l'interdire. A N.-D. de Malfosse, ermitage de l'Abbaye de Moyenmoutier, même coutume autour de la chapelle de la Sainte Vierge. (Cf. N.-D. de Malfosse. Un pèlerinage ignoré. Semaine Retigieuse.de Saint-Dié, 1891, page 345).


1742 et 1751 A l'Inventaire deux états des meubles de l'église de la Mer. On y signale également, sans date, une cloche de la Mer trouvée par un homme de Vexaincourt.

1743. Idem. Lettre de dom Louis Henry, bénédictin, qui demande à dom Calmet de'se retirer à la Mer.

7 janvier 1743. Au Registre de la Cour spirituelle, dom Calmet note que l'ermitage de la Mer étant vacant par le retour au monde du nommé Frère Nicolas, il y nomme François Pompée, pour y rester et y percevoir les aumônes. H lui accorde permission de quêter, de porter l'habit d'ermite, à condition de vivre d'une manière solitaire et édifiante.

29 mars 1755. Idem. Un Frère Claude étant mort, dom Calmet nomme à l'ermitage, Joseph Charpentier né à Saulxures-les-Saales, dont il connaît le zèle, les bonnes intentions, la probité. H lui permet d'y vivre seul ou avec un compagnon, en bon solitaire d'entretenir l'ermitage, et d'y faire l'office selon ses règles. C'était pour la dernière fois que l'abbé de Senones désignait un frère pour habiter l'ermitage de la Mer. Trois ans plus tard, quelques mois seulement après la mort de Calmet, un des premiers actes administratifs de dom Fanget devenu abbé, fut de supprimer complètement l'ermitage, d'ordonner la destruction de l'église, d'interdire le pèlerinage. Nous trouverons le pourquoi de cette mesure autoritaire, qui suscita dans toute la région une émotion aussi profonde que douloureuse, dans le mandement qui va suivre. Lecture en fut donnée après la messe du dernier pèlerinage à la Mer, fête de la sainte Trinité 1758.

« Augustin Fanget, abbé régulier de l'Abbaye de Saint-Pierre de Senones, en la principauté de Salm, prélat ordinaire du district du dit Senones, à tous les fidèles de notre juridiction, salut et bénédiction.

Quoique le pèlerinage à la chapelle de N.-D: de la Mer, fréquenté depuis longtemps par les fidèles de notre district et des diocèses voisins, ait pu avoir, dès son commencement, des motifs conformes à la véritable piété, néanmoins, comme les choses dès leur origine les plus saintes, dégénèrent souvent en véritables abus, par la suite des temps et par les suites d'une piété mal réglée, elles ont besoin de réforme, et quelquefois exigent d'être entièrement supprimées.


C'est pourquoi, sur les plaintes formées en divers temps par les curés et vicaires de notre district sur les remontrances à nous faites par plusieurs personnes respectables et pieuses, au sujet des abus et indécences qui se commettent dans ce pèlerinage de NotreDame dite de la Mer, et par d'autres raisons, à nous connues, et à ce nous mouvantes, nous avons jugé à propos de supprimer et abolir le dit pè)erlnage de N.-D. de la Mer, comme par ces présentes nous le supprimons et abolissons, nous réservant la liberté de transférer le dit pèlerinage et la dévotion en un autre lieu plus décent, et plus à portée de satisfaire à la dévotion des fidèles de notre juridiction envers la Sainte Vierge.

En conséquence, nous avons donné commission au Révérend Père dom Louis Humbert (1), religieux de notre Abbaye, vicaire de l'église Saint-Maurice de Senones, d'annoncer à haute voix, à l'issue de la messe qui se chantera en la susdite chapelle, cette disposition, et la suppression du susdit pèlerinage pour l'avenir et, en même temps, de prononcer de notre part interdit sur la susdite chapelle de N.-D. de la Mer, que nous interdisons dès maintenant, défendant à tous prêtres d'y célébrer la messe à l'avenir. Donné en~ notre Abbaye de Senones, le vingtième jour du mois de mai 1758.

Dom AUGUSTIN FANGET abbé de Senones ».

C'est à Moussey que l'abbé de Senones se réservait de transférer le pèlerinage de la Mer. Jusque là, les rares habitations qui s'élevaient en ces lieux, sur les bords du Rabodeau, dépendaient au spirituel de l'église de la Petite-Raon, annexe de Saint-Maurice. Leur nombre s'étant accru, les habitants qui avaient déjà un vicaire chargé d'eux spécialement, prièrent l'abbé de Senones de les autoriser à bâtir une église.

Comme ils connaissaient les projets de Fanget relativement au sanctuaire de la Mer, Sébastien Marchai leur vicaire, Joseph Colin, Jean Etienne, Nicolas Marcha!, François Colin laboureurs au pays, adressèrent, le 16 mai 1758, à dom Fanget, une requête, (1) Dom Louis Humbert né à Nancy, profès à Saint-Mihiel, 12 janvier 1738, mort à Nancy.


demandant permission d'élever à Moussey une chapelle en l'honneur de la T.-S. Vierge. Et comme ils ont appris que l'abbé de Senones est sur le point d'interdire et de supprimer la chapelle de la Mer, ils lui expriment le désir qu'il leur abandonne, pour réaliser leur projet, tout ce qui se trouve à la Mer autels, vases sacrés, ornements, cloches de la chapelle. Us demandent également permission de démolir l'ermitage et le sanctuaire, et d'employer, à Moussey, tous les matériaux dont ils pourront faire profit. Dom Fanget consentit à tout ce qu'ils demandaient. Et par un acte officiel transcrit au Registre de sa Cour spirituelle, « transféra à Moussey la dévotion établie autrefois en la chapelle de N.-D. de la Mer, avec les mêmes prérogatives, à charge pour les habitants d'entretenir la nouvelle chapelle dans la-décence qu'il convient »: En )764, il autorise la communauté de Moussey « d'ériger une confrérie en l'honneur de la T.-S. Trinité ()), sans préjudice de celle de Notre-Dame en l'honneur de laquelle la chapelle du dit lieu est dédiée ». Complétant ce qu'il avait fait pour Moussey, dom Fanget en 1772, érige son église en paroisse indépendante de celle de Saint-Maurice. U y nomme, comme premier curé, un moine de l'Abbaye dom Germain Mérel, originaire de Châtenois, profès à Senones dès le 26 juillet 1739, qui resta en fonctions jusque 1793. Le 11 février 1774, il permet aux paroissiens d'établir, en leur église, une confrérie en l'honneur de saint Valentin, et d'avoir au jour de la fête patronale, le 14 février, la bénédiction du Saint-Sacrement.

Enfin, le 5 juin 1779, il accepte la fondation d'une messe haute en teur-église, avec exposition et bénédiction du Saint-Sacrement, chaque jeudi des Quatre-Temps.

Des objets liturgiques transférés de la Mer .à Moussey, cette paroisse n'avait gardé, jusqu'à ces derniers temps, qu'une petite cloche très ancienne, recouverte de caractères gothiques que nous n'avons jamais pu déchiffrer. Au cours de la grande guerre, (1) Cette Confrérie de la Sainte-Trinité existe encore aujourd'hui en Fégiise de Moussey. Cette égiise rebâtie au cours du XIX" siècle, n'est plus sous l'invocation de la Sainte Vierge, mais elle est consacrée à la, Sainte-Trinité. Et cela en souvenir du vieux pèlerinage qui se faisait autrefois a [a Mer en cette fête, et de la consécration de l'ancienne chapelle par Pibon, le jour de la Sainte-Trinité.


pendant les années si longues et si cruelles de l'occupation a)!emande (25 août 1914-13 novembre 1918), l'ennemi enleva cette cloche, hé!as avec toutes les autres du pays (1).

Une lettre d'un moine de Senones, dom Maximilien Knopner (2), retrouvée à la Bibliothèque municipale de Nancy, et adressée le 2 mars 1759, à un inconnu, va nous faire connaître impression douloureuse produite, dans l'Abbaye et dans toute la région, par la mesure draconienne de dom Fanget. L'abbé vient de ,partir la veille pour Paris avec son frère Remy Fanget, greffier de Viller et M. de Frenoy homme d'affaire de Mme de Meuse morte le 16 février. Ils seront absents cinq à six semaines. Voici le réquisitoire dressé contre lui

« Vous avez été sans doute informé des plaintes de tout le pays, « à quinze lieues à la ronde, de l'impie et abominable action qui « s est faite, avec scandale, contre la Sainte Vierge, N.-D. de la << Mer, ermitage qui depuis 650 ans de son institution, a été détruit « par notre Abbé, l'année passée, en la fête de la sainte Trinité, « avec des mots bien pénibles à tous, disant que c'était à cause « des abus qui s'y commettaient. Ce qui a irrité tout le pays. « On gémit, avec lamentations, de se voir privé d'un secours dans « les calamités qui ont fort souvent affligé le pays. On « tient ici, à Senones, en prison, aujourd'hui, 6 à 7 garçons tant « de Vexaincourt que de l'Allarmont, prétendant de les y faire « rester jusqu'à ce qu'ils aient avoué qu'ils sont ceux qui avaient « repris la statue de N.-D. de la Mer, nuitamment, à la Petite« Raon, pour la reporter la Mer ».

Il signe dom Maximilien Knôpfler, protonotaire apostolique, (1) Le vieux bourdon de l'Abbaye, resté au clocher de Senones, ne trouva pas grâce devant la rapacité des Allemands. Au milieu de la désolation de toute la ville, il dut prendre, avec les autres cloches, le chemin des forges d'Essen, pour être converti, lui aussi, en projectiles de guerre. Transcrivons ici, comme souvenir, l'inscription e~avée sur ses flancs, autour des armes de dom Fanget: < .Ho'c CM~tpana /'fnoc<~o est eurante RR. DI).P. ~4; Fanget abbate Senoniensi et &ettedK~u, fK~fMtt&us /'e/n;MSts ejusdem mottt~e/'tt ~e/tO/tt'e~st et popM~o. Anno Domini M. jD. CC. E. Aubet /<-ctt ».

(2) Dom Maximilien Knopfter, né à Saint-Avold 1700 novice et profès à Senones 9 juin 1722 compagnon de dom Calmet et de son neveu, à cause de sa connaissance de la langue allemande, dans leur voyage scientifique en Suisse de 1748 mort à Glandières 7 décembre 1773.

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et ajoute qu'il songe à rebâtir la chapelle qu écrit à quelqu'un en situation de l'aider, pour cela, de son crédit.

Ce transfert de la Vierge du pèlerinage tant aimé, à l'église de la Petite-Raon ce geste des jeunes gens de Vexaincourt et d'Allarmont venant la reprendre de nuit, pour la reconduire à la Mer ces contestations qui émurent tout le pays, ont donné lieu à des légendes qui se transmettent encore aujourd'hui, à travers les vaiïées du Rabodeau et de la Plaine. M. l'abbé Laroppe, dans son ouvrage Dans la Vallée de Celles (Paris, Bloud, 19))) en rapporte quelques échos, page-83. La lettre de Maximilien Knopner nous aide à comprendre ce qu'ils peuvent avoir de fondé. Nous ignorons ce que devint, pendant la Révolution, la statue de N.-D. de la; Maix. Aujourd'hui, cette statue qui représente la Sainte Vierge assise et tenant l'Enfant-Jésus sur son bras, est vénérée de toute la région, en l'église de Luvigny. En 1865, une souscription des habitants des vallées du Rabodeau et de la Plaine, permit de bâtir, en grès rouge du pays, à côté de la crypte de l'église détruite en 1758, une gracieuse chapeHeL'architecte, M. Vautrin de Nancy, s'inspirant de débris de l'église primitive fûts de colonne, pierres de la voûte, etc., retrouvés dans le lac, dessina un plan, de pur. style roman, le plus rapproché qu'il put de l'antique modèle. Le 9 septembre 1867, au milieu d'un immense concours de chrétiens, accourus des tocatités environnantes, avec leurs maires et leurs curés à leur tête, cette chapelle était inaugurée solennellement.

Par une attention délicate, qui voulait surtout renouer le présent à un inoubliable passé, celui qui bénit la chapelle fut le vénérab)e abbé Maurice, curé de Saint-Jean-du-Mont, élève et disciple autrefois, dans cette paroisse, de dom Lombard dernier abbé de Senones. Des jeunes filles, vêtues de blancs et portant des fleurs, amenèrent processionnellement, de Luvigny, la statue de NotreDame, saluée à son apparition près du lac, par le chant des cantiques, le son argentin de la cloche, des décharges de mousqueterie. La fanfare de Senones marchait en tête de la procession, ainsi que 25 gardes forestiers de la région, en grande tenue. Après la bénédiction de l'édifice, le célébrant prononça, du seuil de la chapelle, une allocution où les souvenirs d'autrefois venaient


s'unir aux joies de l'heure présente, aux espérances de l'avenir. Dispersée sur les escarpements qui entourent la chapelle, la foule écoutait avec respect la parole du vénérable prêtre. (Cf. Article du Journal de la Meur/Ae ) ) septembre 866~.

A la grande joie de tout le pays, l'acte incompréhensible de dom Fanget était enfin réparé. Après 109 années d'interruption, le pèlerinage allait reprendre comme aux jours de l'Abbaye de Senones. Le 9 septembre 1868, M. l'abbé d'Hehneze!, curé de Luvigny, célébrait la première messe dans la nouvelle chapelle. Depuis, deux fois par an, le jeudi d'après la sainte Trinité, jour de la Fête-Dieu, et le 8 septembre, fête de la Nativité de la Sainte Vierge, la statue de Notre-Dame est transportée processionnellement à la chapelle. Des milliers de chrétiens accourent de tous les environs, même d'Alsace, pour la vénérer. C'est grande fête au lac de la Maix.

Sont-ils nombreux, parmi les pèlerins, ceux qui connaissent les souvenirs se rattachant à ce coin si pittoresque de nos montagnes ?

Mais où sont les neiges d'antan ?.

Prieuré du Ménil (1734), Églises et Chapelles L Abbaye de Senones passait, avec raison, pour être une des plus riches de toute la Lorraine.

Au vaste territoire concédé, vers l'an 660, par le roi Childéric U, à saint Gondelbert son fondateur, étaient venues s'adjoindre, à travers les siècles, d'autres donations ou fondations pieuses, consistant en fiefs, biens, métairies, bois, redevances, dîmes, etc., dans nombre de localités de la Lorraine.

Une partie de ces biens appartenait à l'Abbé et formait ce qu'on appelait la mense abbatiale ()) l'autre partie appartenait à la communauté des moines à la mense conventuelle.

(1) D'après l'Etat sommaire des Cens, rentes en grain, en vin, en argent, de la mense abbatiale de Senones, dressé en 1719 (Manuscrit n" 80 IVBihjiothèque municipale de Saint-Dié) indiquons ici les forèts du Val de Senones,


Une mense abbatiale aussi riche devait attirer, forcément, les convoitises aussi insatiables que perpétuellement aux aguets, des commendataires. Dès son avènement au siège abbatial, dom Calmet comprit qu'il serait prudent de diminuer les revenus de sa mense, et d'en prélever 12.000 livres de rentes annuelles, pour fonder et doter un prieuré nouveau, dépendant de son Abbaye. I! répondait en cela aux désirs de la cour de Lorraine qui, depuis des années, souhaitait que l'on établît un monastère bénédictin à Lunéville. H suivit, pour cela, les règles fixées par le droit canonique d'alors. t! demanda d'abord, le 30 octobre 1733, le consentement de ses religieux pour le démembrement des biens de l'Abbaye situés principalement à Antheluy, Vitrimont, GerbévIHer, Borville, appartenant à cette mense abbatiale, forets couvertes alors de sapins séculaires Bois du Vpt de Senones, dits de la Principauté, sans part d'autrui, depuis les Hautes-Chaumes et la Mer, tirant au bois de Celles, et d'A~armont, pour la totalité, en ce qui est de la Principauté.

Les Marches de ia Scie l'Abbé, moitié du Bois du Palon, moitié d'Orthomont, pour la portion qui est du côté de Ménit, moitié du bois de Belfeys, situé entre Chatas, Saint-Stai) et Saales, moitié du Petit Belfeys, au-dessus de Chatas le reste est à t'abbé de Moyenmoutier.

Tous les bois tirant de la gauche depuis la Haute-Pierre à Senones et la Fossele-Loup tirant à Ravine dans ces bois est comprise la Basse-Villemin. Le Bois de.Feugeotte en longeant à gauche le ruisseau de Ravine. Celui de Chaucourt. La moitié du Bois le Moine ou du Monier..

Onze scieries, propriété de l'Abbé, favorisaient l'exploitation de ce magnifique domaine forestier. Elles existent encore en partie au pays senonais celles de Soudaine, du Bouton, du Grand-Bras, du Fossé, du Pont-de-Salm, de Barfontaine, la scie i'Abbé, la scie )'E\'êque, )a scie Saint-Nicoias~ la scie SaintAugustin, celle de Léomont.

Au Val de Senones, la mense abbatiale possédait quai.re métairies ~etie du Saint-Sauveur ou la cour Saint-Pierre, située proche de l'Abbaye, restaurée par dom Calmet en 173) celle de Saint-Siméon, près de )a chapeHe du même nom (touée pour 9 ans par dom Calmet en 173~, pour une somme annuelle de 914 livres) celle de ]a Neuve-Maison et celle de )a Haye-l'Abbé, au-dessus de Moussey.

L'Abbé avait des dîmes et des redevances de diverses natures, non seulement dans tous les lieux du Val de Senones, mais encore en 66 localités dont voici les noms Allaincourt, Anglemont, Antlielupt, Aubigny, Aunois, Athienville, Baccarat, Badménil, Sainte-Barbe, Bathelemont, Bouzemont, Bazien, Bertrichamp, Borville, Brouville, Bure, Buriville, La Chapelle, Chenevière, Saint-Ciément, Coincy, Colombey, Craincourt, Crevy, Courbesaux, Deneuvre, Deuville, Domptail, Dorcourt, Fagnot, Flàinval, Fontenay, Fossieux, Fréménit, Gerbévi))er, HaUainville, Hadomaix, Huduviller, Jeuvelize, Juvrecourt, Léomont, Lintrey, Longeville,. Lunéville, Ménarmont, Merviller, Metz, Moacourt, Moulin, Moyen, Nossoncourt, Ogeviller, Ohéville, Pétonville, Plappeville, RoviUe-aux-Chenes, Reclonville, Rehérey, Remeréville, Rosieres-aux-Sahnes (redevance de set), Saulxures-lesNancy, Sommarvillers, Thiaville, Vaxeville, Villers, Vigneulles, Vitrimont.


Moacourt, Saulxures-tes-Nancy. Ils acquiescèrent à son désir, afin, disent-ils, de fonder un nouveau centre de prière liturgique, où l'on puisse décemment célébrer l'office divin et le jour et la nuit. Mais à une double condition que les religieux'du nouveau prieuré appartiennent toujours à leur Congrégation, et que tes moines de Senones, bien portants ou malades, soient toujours accueillis chez eux fraternellement et sans frais. H fallut ensuite obtenir l'autorisation du Souverain Pontife Clément XII. Elle fut accordée en 1734, par une Bulle spéciale, fulminée par H. Barrois abbé de Moyenmoutier.

Le Registre des Délibérations capitulaires conserve tous les documents concernant l'érection de ce nouveau Prieuré, bâti d'abord à Léomont, à quelque distance de LunéviHe, transféré peu après à Lunéville et qui dura jusqu'à la Révolution ()). Sur son emplacement, au siècle dernier, les chanoinesses régulières de NotreDame, filles de Saint-Pierre Fourier, avaient établi un pensionnat florissant jusqu'en 1904. Depuis leur expulsion, les locaux, tout près de la gare de Lunéville, sont occupés par le collège SaintPierre Fourier.

Bien que diminués par l'établissement du prieuré de Lunéville, les revenus de la mense abbatiale de Senones restaient considérables. Dom Calmet sut en faire l'usage le meilleur et le plus sacerdotal. « Tout fut employé, dit dom Fanget, (2) d'abord à l'embellissement de son monastère, à procurer à ses religieux lés commodités qui conviennent à leur état. Content de vivre au milieu de ses confrères, comme le dernier d'entre eux, il ne se prévalut de son autorité, et des moyens que lui donnaient sa dignité et sa mense séparée, que pour se procurer l'avantage de les employer à leur utilité ou à leur commodité ».

En 1730, il fit agrandir l'abbatiale (3), en y joignant, deux ans (1) En 1790, la maison, consacrée à l'Annonciation de la Sainte Vierge, avait pour prieur do~ Nicolas Gridel, et comptait 9 religieux. Ce fut, en ce XVI 1)~ siècle siècle de décadence religieuse )a seule fondation nouvelle faite par les Bénédictins de Lorraine.

(2) Vie de dom Calmet, page 70.

(3) Voici l'inscription qu'i[ fit graver sur la première pierre de cette demeure,


plus tard, un pavillon bien expose aux rayons du soleil, où il passa sa vie laborieuse, où il mourut. Puis il construisit le magnifique escalier ,de pierre qui allait de son appartement et des cellules des moines, à la porte intérieure de l'église Saint-Pierre, si remarquable encore aujourd'hui avec ses rampes de fer forgées. L'année suivante, il bâtit une vaste galerie couverte qui, pour les jours de pluie, servait de promenoir au fond du jardin puis la porte monumentale, détruite à la Révolution, qui donnait accès à la grande cour du monastère. En 1749, il augmentait d'un tiers le superbe bâtiment de la Bibliothèque, commencé en 1719 par dom Pierre Alliot. Il acheva de le remplir d'excellents volumes, achetés, chaque année, à grands frais. Il y installa un cabinet d'antiquités, médailles, inscriptions, tableaux, gravures, manuscrits, curiosités naturelles, etc., dispersés hétas par la Révolution, et dont le catalogue, conservé aujourd'hui encore à la Bibliothèque municipale de SaintDié (mss n° 80-V!) nous dit toute la valeur et toute l'importance. Mais ce fut surtout à bâtir ou à restaurer des églises que dom Calmet employa les revenus de sa mense. Ici encore et surtout, il le fit avec une incomparable générosité.

Suivons-le, d'après le Registre de la Cour spirituellè, dans ses travaux et bénédictions d'églises.

En 732, il encourage l'érection, faite par deux chrétiens de

que dom Fanget, en 17H3, renversa pour la reconstruire plus belle et plus vaste, comme on la voit encore aujourd'hui

D.O.Af.

Virgini ~)etpn/*a?, t9~4/t(3~. ~e~o e~ T~~tt/o,

BB. C;(;tf<e<&eWo et Simeoni ~pt'sc. Mo/tNs~rtt

~ettO/nensM 7'<t<o;tts.

« Hune primurn donms Abbat. lapidem /)0ttt<nt D. Augustinus Cn<nte< Abbas « Senoniensis currz Priore. ~;t&/). 6<ec6t;to, ca;<e/'['s~ue fya~t&tts ;tMme/-o JT~ « anno salutis M.D.CC~J~A~, ~on:. sede f~aca/Kc, Francisci ~MCtS 7-tXAarutg. a anno die /t07~o /m ». ·

Calmet lit sceller dans cette pierre trois médaiites en cuivre une des saints apôtres Pierre et Paul, une de saint Benoit, une du duc Charles V de Lorraine. A propos de cette cérémonie, citons encore une autre bénédiction de pierre angulaire faite par dom Calmet. Le 22 juillet 1754, en grande solennité, assisté, du coadjuteur et de la communauté, au milieu de tous les notables de Senones, il bénissait la première pierre de la maison qu'éievait alors le prince de Salm. Cette maison, toujours debout à Senones, place de l'Hôte) de Ville, a gardé le nom de Vieux Château.


Senones, de la Chapelle de Pitié sur le chemin de Saint-Maurice, près d'un gros tilleul (1).

Le 30 mars 1733, il inaugure solennellement la chapelle de SainteCroix ou du Crucifix, construite par Dominique Alizon, meunier du couvent, au point qui était alors l'extrémité de Senones, sur le chemin de Moyenmoutier. Il en consacre l'autel portatif, assisté de dom J.-B. Gouget (2) et de dom Louis le Grand, ainsi que d'une grande foule de peuple.

Le 28 décembre de la même année, il consacre le nouveau grand autel de son église abbatiale, en l'honneur des saints apôtres Pierre et Paul. Dans le tombeau de l'autel, il dépose, scellées en un vase de plomb, des reliques des Saints Innocents, des saints martyrs Vite, Vincent, Privat des ossements d'autres saints de noms inconnus des cendres des reliques renfermées autrefois dans les autels de't'égtise. Toute la communauté, un grand nombre de chrétiens pieux assistent à la cérémonie. Une copie sur parchemin de l'acte de consécration, est enfermée dans la boîte des reliques, et enchâssée dans la pierre de l'autel:

En 1735, il rebâtit à neuf la chapelle de saint Siméon. Elle avait été élevée, du temps de Charlemagne, par Angelramme évêque de Metz, pour y déposer les reliques de saint Siméon. Dom Calmet renversa cet édifice séculaire, et le rebâtit d'une manière beaucoup plus élégante et plus solide qu'autrefois. H y dépensa 5.000 livres. Le 16 février suivant, en la fête du saint protecteur, en présence des moines et d'une foule de peuple, il bénit cette chapelle et~consacra l'autel. Il bénit également le petit cimetière qui se trouvait au-devant de l'édifice (3).

(1) Le 27 février 1758, dom Fanget acceptait, au nom de l'Abbaye, une fondation de 4 messes basses, aux 4 fêtes principales de la Sainte Vierge, faite, en cette chapelle de Pitié, par André Herry et François Valentin de Chatas. Ils versaient pour cela 100 livres de principal, et 5 livres de rente. (Inventaire des titres de l'Abbaye Mss 96. Bibliothèque de Saint-Dié).

(2) Dom J.-B. Gouget né à Saint-Mihiel, profès à Saint-Mihiel 27 mai 1720, mort 7 novembre 1775.

(3) Les chapelles de N.-D. de Pitié, du Crucitix et de Saint-Siméon, très vénérées à Senones, ne restèrent debout que jusqu'à la Révolution. Le 7 vendémiaire an 1H (28 sept. 1795), le Bureau de Senones, comme suite d'un arrêté pris à Toul par le représentant du peuple Michaud, et par l'admi-


L'église paroissiale de Saint-Maurice avait été consacrée en l'année 1154. Elle tombait de vétusté. Dom Calmet résolut de la renverser pour la rebâtir à nouveau. Le 19 juin 1735, il s'entendit à ce sujet avec les paroissiens, et le 21 août suivant conclut un marché avec Hydulphe Jacque) entrepreneur les frais devaient se monter à 18.000 livres, dont les habitants fourniraient une partie. Pendant la durée des travaux, la paroisse put faire ses offices à l'église abbatiale. Le 30 avril 1736, Calmet posait et bénissait la première pierre de l'édifice, à l'angle méridional de la, tour. nistration départementaie des Vosges, ordonnait.: 1° aux municipalités de Senones, Ménil et Vieux-Moulin, de dérnotir la chapette de Pitié 20 au sieur Joseph Crandemange, acquéreur de la chapette de la Croix, de la renverser ou d'en faire enlever tous les signes indicatifs d'une ancienne chapelle 3° au sieur Grelot, grenier de l'administration forestière du district de Senones, de démolir ta chapette de Saint-Simeon,'qu'il avait achetée comme bien national, le 14 ftoréat an II (4 mai 1794) pour la somme de 235 livré,.

Ce fut seulement en 1817, q~e la chapelle de la Croix, située à l'intersection du chemin du Haut-Bout et de la Grand'Ruo, fut démolie. A sa place s'élève aujourd'hui la maison Piërson.

Le nommé Pierre Mazeran, maire de Senones de 1790 à 1793, puis de 1797 à 1803, par une ironie cruelle (il était le petit-neveu de dom Calmet) démolit de fond en comble la chapelle de Saint-Simeon et l'autel consacré par son grandonct". C'est à peine, sur la colline, si l'on devine aujourd'hui son emplacement. révélé parfois par quelque ossement humain échappé du vieux cimetière qui t'entourait.

Cet antique sanctuaire de Saint-Siméon avait depuis des siècles une place marquée dans la liturgie de l'Abbaye. Le 3"'° jour des Rogations, e!le servait de chape))e de Station à la procession de la communauté et de la paroisse (ia station du premier jour se faisait à l'annexe de la Petite-Raon celle du deuxième jour à Saint-Maurice). Chaque année, le 24 octobre fête de la Translation de saint Siméon, le curé de Saint-Maurice devait y célébrer sa messe de paroisse. Dans toutes les calamités publiques, les notables du pays demandaient à l'Abbé de faire exposer la châsse du Saint, et d'ordonner une neuvaine de prières, suivie d'une procession solennelle à sa chapette (Voir Cœemofuœ locales monaslerii, Toul 1722)..

Avant la destruction de la chapelle de Pitié, un chrétien courageux dé Senones, J.-B. Bandesse. enleva nuitamment la statue de pierre représentant la Sainte Vierge tenant dans ses bras son Fils descendu de la croix, placée par dom Calmet sur l'autel de la chapelle, et la cacha respectueusement dans sa maison, rue du Chaufour. Après que M. Laguerre curé de Senones, aidé de ses paroissiens et des chrétiens de Chatas, eut rebâti la chapelle de Pitié, la statue vénérée y fut reconduite, dans une procession triomphale, le 21 juillet 180' Depuis et jusques aujourd'hui, elle n'a cess" d'y être visitée, honorée, invoquée avec autant d'amour que de confiance, par les chrétiens de tous les environs.

En 1829, le gros tilleul qui ombrageait la chapelle, dut être abattu. tt fut remplacé par de jeunes tilleuls, provenant de la cour de l'Abbaye, qui seront bientôt centenaires.


Sur le bloc de grès vosgien, il avait fait graver cette inscription, lisible encore aujourd'hui

D. 0. M. ET. B. MAURITIO. MARTI. RI. SACRUM. ANNO. XPI. 1736. DIE. VERO. 30. APRIL. ANGULAR. HUIS. TPLI. LAPIDEM. SOLEM. NITER. POSUERUNT. A. CALMET. ABBAS. ET. MONACHI. S. PETRI. SENONIENSIS.

Ce fut seulement le 9 mars 1740 que fut dressé l'acte de réception de l'église par les paroissiens et par la Principauté. Cet édifice, sans grand style architectural, mais vaste et commode, dresse toujours sa masse imposante sur la colline de Saint-Maurice, entre les trois groupements dont elle fut le centre paroissial Senones, Ménil et Vieux-Moulin. Actuellement elle ne sert plus qu'aux habitants de ces deux dernières localités ()).

Après la réfection de l'église paroissiale, dom Calmet songea à renverser le chœur roman de son antique église abbatiale, bâtie par l'abbé Antoine de Pavie, et consacrée par Etienne évêque de Metz le 21 juin 1124 (2), pour le rebâtir plus vaste, plus lumineux, plus conforme, hétas aux goûts si peu artistiques de l'époque (3). Quelques années auparavant, en 1708, l'abbé dom Alliot avait (1) En 1733, Calmet avait fait rédiger, par dom Hilarioa Médard (né à Bar-leDuc, profès'à Munster 24 juin 1699, mort 13 avril 1763), le Ce/-entont'a< local </<'<ap<ot'~e~aM<7atf/ puis en 1740, ilavait demande an cétébredom Peiietier~ dont nous retrouverons bientôt le nom, un Mémoire sur l'état ancien et moderne de la cure ~'otnt-jWau/'Me. Ces deux manuscrits signalés dans i'fenist/'e des titres de l'Abbaye, de 1746, sont perdus malheureusement aujourd'hui. En 1740, en considération de i'étoignement de l'église Saint-Maurice de la ville de' Senones, dom Calmet permit aux paroissiens de faire baptiser leurs enfants en l'église abbatiaie. En 1734, i) les avait également autorisés, selon la coutume assez générale alors en Lorraine, à faire sonner les cloches en temps d'orage.

(2) Chaque année, ie monastère célébrait le 31 août, l'anniversaire de cette dédicace.

(3) MahiUon raconte dans son Voyage littéraire de deux religieux bénédictins (1727), qu'il y avait alors, à l'entrée de cette vieille és;tise, une ancienne statue de saint Pierre dont la mitre est ronde et pointue comme un pain de sucre


déjà renversé, pour réédifier le monastère, une magnifique église romane consacrée à la Sainte Vierge, en 1153, nommée la Rotonde et bâtie parallèlement à l'église abbatiale, au midi ()). A Moyenmoutier, dom Belhomme avait jeté bas également sa vieille abbaye du moyen âge, plus semblable à un castel féodal qu'à un couvent. A son tour, dom Barrois, son successeur, détruisit le monastère de son oncle, bâti pourtant avec splendeur, pour élever cette belle église, dont on a pu dire « qu'elle'est pure comme une pensée du cloître, élancée comme une plante de nos montagnes », et les bâtiments qui subsistent encore aujourd'hui. Fénelon et La Bruyère n'avaient-ils pas proclamé que les styles roman et gothique étaient barbares leur sentence, acceptée comme un dogme, ne fut, au XV 11!~ siècle, que trop bien exécutée.

Le travail de reconstruction du nouveau chœur de Senones dura de 1741 à)742, et coûta plus de 25.000 livres (2). Le sanctuaire, garni de pilastres ioniques, richement boisé et pourvu de stalles artistiques, avait 23 mètres de long sur 10 de large. Le maîtreautel avait été reculé vers le fond de l'abside. Il gardait les quatre colonnes de bronze soutenant un baldaquin, dont l'avait orné en 1680, l'abbé Joachim Vivin, et que Calmet avait dorées, ainsi que la grande crosse en bois sculpté qui portait selon un usage très ancien signalé par les liturgistes, le ciboire contenant la Sainte Eucharistie (3).

De 1731 à la fin de sa vie, dom Calmet ne cessa d'employer des sommes considérables pour l'embellissement de son église. H en a consigné le détail, soit dans les notes, écrites de sa propre main, à la fin du manuscrit de son Histoire de l'Abbaye de Senones conservé à la Bibliothèque de Saint-Dié, soit dans l'Inventaire des (1) Dans son ouvrage Diarium Helveticum, Voyage en Suisse, édité en )756 à Einsiedeln, page 3, Calmet parlant de cette antique Rotonde qu'il avait encore vue aux jours de sa jeunesse, ne peut s'empêcher d'exprimer un regret de sa destruction {./<[;tam fef!eran~o Afttc an~ttKfttt's monffnte~o pepereissent, qui <uKc <empo/'M extruendo ;Rdt/!ft'o prœera)!t Hé)as te mal était accompli. (2) Pour ce qui restait alors, et ce qui reste aujourd'hui encore de i'égtise primitive, voir Durand Eglises romanes des Vosges Paris Champion 'tt'13 page 355.

(3) Ces colonnes de bronze pesant 1.043 kilos, furent envoyées le 8 nivôse an H, à l'hoir) de la monnaie de Strasbourg. Tous les cuivres de l'Abbaye chandeliers, lutrins, lustres, etc., furent enlevés également, à la même époque, et transportés à Strasbourg.


titres de son monastère, dressé en 1746 (1). Il serait trop long d'énumérer tous les achats qu'il fit alors. Figurines d'argent de la Sainte Vierge et de saint Joseph achetées à Augsbourg, vases sacrés en vermeil, ornements de grand prix, chandeliers et grande croix de cuivre massif, pavé de marbre pour le chœur, rétable au grand autel, autels nouveaux pour les collatéraux, boiseries sculptées dans la nef, nombreux tableaux, vitraux pour le sanctuaire dont les ferrements venaient des forges de Framont, grille séparant la nef du chœur, vinrent successivement embellir le saint lieu.

Signalons spécialement l'achat d'orgues nouvelles, en 1745, au sieur Vonesch facteur d'orgues, pour la somme de 6.000 livres, dont une partie fut payée par les religieux, l'autre par Calmet. Et la refonte de la grosse cloche de l'Abbaye, don de l'abbé Alliot en 1698, et brisée par accident. Le 7 mai 1747, dom Calmet bénissait un bourdon pour la remplacer, et'y faisait graver cette inscription

D. 0. M. et Virgini DoparcE, .e< SS. Apostolis Petro et Paulo Patroni.s hujus monasterii S. hoc signum denuo fusum est R. P. D. Augustino Calmet abbate Senoniens. totoque conventu assistente. Die 7. man, anno 1747.

Le dimanche 17 mars 1743, il avait la joie de bénir solennellement le chœur complètement restauré. H était loin de penser, en ce jour d'allégresse, que sa chère église devait être, moins de 60 ans plus tard, spoliée de tout ce que sa riche sacristie avait de précieux, de quatre de ses cloches, de ses boiseries, de ses grilles, et vendue, comme bien national, le 21 messidor an IV, au citoyen Pierre Mazeran, son arrière petit-neveu par alliance (2), avec obligation (1) Dom Fanget, dans sa continuation de l'Histoire de l'Abbaye de Senones, publiée dans les Documents rares et inédits de l'histoire des Vosges (Collot, Epinal 1880) se complaît à décrire en détail ces achats de son oncle pour la décoration de l'Eglise et de l'Abbaye.

(2) Pierre Mazeran avait épousé Charlotte Pariset, fille de ce Joseph Pariset, cité plus haut, que dom Fanget, son oncle, avait établi comme imprimeur à Senones.

Le 15 prairial an IV, la Nation avait vendu à Mazeran, pour 13.257 livres, l'Abbatiale avec ses jardins. Le 21 messidor an IV, nouvelle vente au dit Mazeran, à J. Réringër chef de bureau à Epinal, à Grelot et H. Boileau, pour 38.000 livres,


pour l'acquéreur de renverser l'autel consacré, et de démolir église jusqu'aux fondements, sauf la vieille tour romane que se réservait la municipalité de Senonès. Nous n'avons pu retrouver la date précise d'une œuvre destructive, dont personne ne comprendra jamais le motif.

Mais ce n'est pas seulement à la restauration des sanctuaires. de Senones que dom Calmet réserva ses largesses. Plus de 20 églises dépendant àlors ou du patronage de l'Abbaye ou de sa collation, profitèrent également de son inépuisable générosité. En 1731, ce sont les églises de Moyen et de Colombey en 739, celle de Plaine en 1750, celles de Jeanméni! et de Vacqueville en 1757, celle de la Chapelle, qui sont réparées et embellies à ses frais.

Hôpital de Senones 1741

En dépensant ainsi royalement les revenus de sa mense abbatiale, Calmet ne songeait pas seulement à embellir la maison de Dieu il voulait encore aider les ouvriers du pays, et leur procurer, par là, un travail rémunérateur. En 1749, des pluies. abondantes ont amené la disette et la cherté de vie ce sera pour lui l'occasion d'agrandir la Bibliothèque et d'élever ce mur de clôture de l'Abbaye qu'on appelle encore aujourd'hui à Senones « la grande muraille Quand il rebâtit l'église Saint-Maurice, les paroissiens, désireux de contribuer à cette œuvre, lui cédèrent quelques titres de rente, rapportant plus de 6.000 livres, annuellement, et appartenant à la du monastère avec cours attenantes, bib)iotheque, écurie, haiHers, cloître, jardins, vergers, église, sous condition d'abandonner au gouvernement les orgues, l'horloge et les cloches.

Le 28 brumaire an X)V, Chartotte Pariset, veuve de Pierre Mazeran Martin Guillermet, époux de sa fille Charlotte Mazeran, contrôleur des contributions indirectes, vendent pour 23.703 francs, l'abbatiale ayec cours et jardins, à François Ferry avocat à Saint-Dié et à d'autres. (Archives des Manufactures SaintMaurice de Senones).

Qu'on nous permette d'ajouter ce détail. Lors de la reconstruction de )'ég)ise actuelle de Senones, sur l'emplacement d'une aile de l'ancien monastère, la petitefille de Pierre Mazeran, Mfie Céciie Cuiitermet, offrit à l'église son magnifique maître-autel de marbre blanc, en ex-voto de réparation.


fabrique de l'église. Calmet ne voulut point les conserver dans sa mense. Il les employa à doter, le 4 février 1741, un hôpital. Il le bâtit à ses frais, pour les habitants du bourg et de !a Principauté sur les pentes de la vieille route de Saint-Maurice, qu'on appelle encore d'un nom gardant au pays comme un parfum de terroir « La Mirlantaine » (t).

La maison, construite par un entrepreneur nommé Pierre le Blanc, comptait six lits destinés aux malades. Elle était suffisamment vaste, très commode, avec deux jardins en terrasse bien exposés aux rayons du soleil. En faisant cette donation, dom Calmet réserva seulement, pour lui et pour ses successeurs, le droit d'assister à la reddition des comptes de l'hôpital. Jusqu'en '1817, cette maison continua sa mission de charité. On dut alors la supprimer faute de ressources suffisantes à son entretien. Les fonds que lui avait légués dom Calmet furent partagés entre Senones et les communes voisines et servirent à la création des Bureaux de Bienfaisance. Les malheureux de la région en jouissent encore ~(2). Dans la « Vie de dom Calmet » dom Fanget aurait pu s'étendre longuement sur la charité inépuisable de son oncle. I! n'en a dit que quelques mots, tellement cette vertu lui paraissait naturelle chez un moine « Dom Calmet, dit-il, (page 229) envisageait les biens temporels dont il jouissait, comme un dépôt qu'il devait rendre, et qu'il devait faire passer d'une main libérale dans le sein des pauvres. I! se regardait en cela comme l'exécuteur des testaments des pieux fondateurs de son monastère, et comme le dispensateur d'un bien dont l'usage et l'application lui avaient été déterminés. Loin de croire qu'il fût le maître et le propriétaire (1) A l'inventaire des titres de l'Abbaye dressé en 174K, nous avons trouvé mention de la fondation faite à l'hôpital Saint-Chartes de Nancy, par Pierre Alliot abbé de Senones, de deux lits, réservés déjà, nous semble-t-il, aux malades du Val de Senones.

(2) Cet hôpital est toujours debout, portant gravée sur le linteau de sa porte cette double date 1741-1788.–En 1819, il fut racheté, du sieur Nicolis Demangeon propriétaire à Remiremont, par les communes de Senones, Méni[ et VieuxMoulin, pour la somme de 3.600 francs, afin de devenir presbytère paroissial. Après quelques réparations, te curé y entra le 23 avril 1820, et il y resta t ans. Dans ce vieil immeuble de dom Calmet, celui qui écrit ces jignes a eu la joie d'installer, en 1907, i'œuvre de persévérance des jeunes gens chrétiens de Senones, et d'y bénir, le 27 novembre 1911, au premier étage, une chapelle de catéchismes, consacrée à saint Joseph. Dom Calmet a dû sourire à cette restauration.


de ses revenus, il pensait au contraire qu'il n'en avait que la simple administration. H était persuadé que nos monastères, dans le dessein de ceux qui les ont dotés ou fondés, ne sont pas seulement des lieux de pénitence ou de prière, mais encore des sources publiques et perpétuelles de charités et d'aumônes ».

Jusqu'à la dernière heure de son existence, l'Abbaye de Senones continua fidèlement cette noble mission. Et jamais, elle ne consentit à fermer cette porte par où s'écoulait, sur le peuple de la région, le courant intarissable de ses bienfaits: La Cour souveraine de Salm-Salm, si dure à certaines heures pour le monastère, ne pouvait s'empêcher de le reconnaître. Nous avons vu plus haut qu'à à la mort de dom Fanget, exprimant aux moines des condoléances, le seul éloge qu'elle déposa sur sa tombe fut de rappeler' les vertus du défunt, et sa pranJe charité pour les pauvres ()).

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Actes de l'administration pastorale de dom Calmet

Nous grouperons, sous ce titre, divers actes administratifs ou pastoraux de dom Calmet, signalés au Registre de la Cour spirituelle de l'Abbaye.

I. Un mot d'abord, de la collation du SACREMENT DE CONFIRMATION dans son district.

Une des grandes difficultés des Abbayes vosgiennes, et du Chapitre de Saint-DIe, aux XV 11~ et XV IH~ siècle, fut de procurer à leurs fidèles le sacrement de confirmation, que'seut peut donner un évêque. Les évêques de Toul ne cessaient, mais à tort, de prétendre que ces territoires relevaient de leur juridiction. Le 25 septembre 1693, M. de Bissy évêque de Toul, dans une lettre à dom Pierre Alliot abbé de Senones, renouvelait cette revendication, que le Promoteur de Toul, le 28 avril 1727, maintenait encore dans (1) Les Registres capitulaires du Chapitre de Saint-Dié, racontant le terrible incendie qui détruisit, en juillet 1757, tî7 maisons de )a ville, le couvent, et l'église des Capucins, rapportent qu'aussitôt les Abbayes voisines envoyèrent des secours aux sinistrés. Ce fut une des dernières charités de Calmet qui monrait quelques mois après..


une sommation adressée aux Abbés de Senones et de Moyenmoutier.

Dans ces conditions, ni les Abbés, ni le Prévôt de Saint-Dié ne pouvaient inviter les évêques de Toul à venir confirmer chez eux ces derniers y auraient vu une reconnaissance de juridiction et si dans l'invitation, mention était faite de l'exemption, ils auraient refusé le service demandé.

Quand -J.-C. Sommier consentit, en 1725, à venir donner la confirmation à Etival, l'abbé Hugo y prépara son peuple par un mandement où il disait ces mots qui résument la situation « Nous souhaitions, depuis longtemps, vous procurer le grand sacrement qui met le sceau à votre baptême. Mais, les temps orageux où mon prédécesseur et nous-même depuis notre avènement, nous nous sommes trouvés, la délicatesse des évêques nos voisins, ou leur peu de sensibilité à vos besoins et à nos prières, nous ont mis hors d état de répondre à vos pieux empressements ». Quand les fidèles le pouvaient, ils s'en allaient au loin, surtout en Alsace, demander la confirmation à un Prélat de passage. C'est ainsi que le Registre de la Cour spirituelle signale que le 15 juin 664, le Suffragant (ou auxiliaire) de Strasbourg, après avoir conféré la bénédiction abbatiale à dom Philibert Talanaux abbé de Moyenmoutier, et au Père de Villiquoy abbé prémontré de Salins, au sanctuaire si connu de Sainte-Odile, donnait la confirmation à neuf paroissiens de Senones. En la même église, et des mains du même prélat, huit paroissiens de Senones, Vieux-Moulin, la PetiteRaon, âgés de 21 à 28 ans, recevaient le même sacrement, le jour de la Pentecôte 1665.

Pour remédier à une situation si délicate, le Pape Benoît XIII accorda à J.-C. Sommier en 1725 à dom Mathieu Petitdidier abbé de Senones en 1726 puis à Hugo abbé d'Etival en 1728, un titre épiscopal. Il consacra les deux premiers à Rome, de sa propre main, leur accordant le pouvoir de remplir les fonctions de leur Ordre dans les territoires exempts de Lorraine. On se rappelle que, pour le même motif, il offrit également, mais sans succès, le caractère épiscopal à dom Calmet, lors de sa nomination au siège abbatial de Senones.

Le premier octobre 1725, et les jours suivants, dom Mathieu


Petitdidier n'étant pas encore évêque, prie Jean-Claude Sommier de venir confirmer à Senones. Plus tard, il donne lui-même la confirmation dans son district. A son tour, dom Calmet a recours aux bons offices de Sommier. Le soir même de la bénédiction abbatiale de dom Fanget, 10 mai )736, t'archevêque de Césarée confirmait, en l'église Saint-Pierre, les chrétiens de SaintMaurice et de la Petite-Raon. Le lendemain, les curés de Plaine, ta Broque, Saint-Jean-du-Mont et Saint-Stail, amenaient processionnellement, à Senones, un grand nombre de leurs, paroissiens désirant être confirmés.

H faut aller jusqu'au 28 juin 1750, pour trouver trace d'une cérémonie de confirmation. Scipion-Jérôme Bégon évêque de Toul était alors en termes excellents avec dom Calmet (1). Il consentit, sur son amicale invitation, à venir confirmer à l'Abbaye. Plus de 2.000 chrétiens du district, y compris les paroissiens du Ban-de-Sapt et de ses annexes, envoyés par l'abbé de Moyenmoutier dont ils relevaient au spirituel, prirent part à la cérémonie. Le surlendemain, après avoir accueilli solennellement l'évêque de Toul, l'abbé de Senones pour sauvegarder les droits de l'avenir, eut soin de faire dresser, au Registre des Délibérations capitulaires, un acte signé de sa propre main et de celle du coadjuteur. y affirme que si l'Evêque de Toul a donné la confirmation à Senones, c'est sur son invitation expresse datée du 26 juin précédent. « Mgr Bégon a été reçu, dit-il, en cette Abbaye en la manière accoutumée, prescrite par le Pontifical romain, toutefois sans le dais et l'encens, mais comme simple Prélat, n'ayant aucune juridiction en ce monastère ».

En 1756, le 8 mars, Claude Drouas de Boussay évêque de Toul, sur la demande de Calmet, donne la confirmation à Senones, à deux jeunes religieux de l'Abbaye, Frère Joseph Richard et Frère (t) Le procès de Rambervillers, dont nous parlerons plus loin, était fini. Calrnet composait sa Bibjiotheque de Lorraine et par déférence pour Bégon, lui avait demandé des renseignements biographiques destinés à son livre. L'évêque répondit avec empressement, le 24 décembre 1749. Dans une longue lettre conservée à la Bibliothèque de Saint-Dié, il disait à l'Abbé de Senones Je vous supplie d'être bien persuadé de la grande estime avec laquelle je vous honore plus que personne, aussi bien que de l'attachement très sincère avec lequel je suis votre très humble et très obéissant serviteur.

-j- Scipion-Jérôme évêque de Toul ».


Sébastien Pasquier. Aux deux nouveaux confirmés et à neuf novices, profès de la maison (1), il confère ensuite la tonsure et les ordres mineurs. Mais il ne donne point la confirmation au peuple de la région.

Le 4 août 773, après 23 années passées sans que ce sacrement eût été administré, dom Fanget pria le même évêque de Toul, de venir confirmer à Senones. De toutes les paroisses de son district et de celui de Moyenmoutier, on accourut en foule à l'église abbatiale. En une seule matinée, plus de 4.000 chrétiens reçurent la confirmation.

Enfin, signalons encore une dernière cérémonie de ce genre. Le 4 mai 1779, après avoir fait sa première visite pastorale, dans une région qui ne dépendait plus de l'Abbaye, mais relevait depuis peu'de son nouvel évêché, Mgr Chaumont de la Caiaizières, évêque de Samt-Dié, confirmait, en l'église Saint-Pierre, les enfants de Senones et des paroisses environnantes.

Les vieilles difficultés étaient finies.

Répondant au désir du Saint-Siège qui songeait à l'institution d'un évêché à Saint-Dié, l'Abbaye avait dû, on devine avec quelle douleur, renoncer à sa juridiction spirituelle. Elle ne l'avait conservée que sur la paroisse de Senones et la Petite-Raon son annexe. C'était un des signes précurseurs de sa prochaine disparition. I!. ABJURATION d'HÉRÉTtQUES. Si le protestantisme avait fait, au XV !I° siècle, de nombreux adeptes au pays de Salm, dans la région de Badonviller, il n'avait pu entamer la foi des montagnards soumis à la juridiction de l'Abbaye de Senones. Quelques ana- baptistes seulement avaient pu s'introduire dans les hameaux de Plaine. Le 5 janvier 1737, le curé Pelletier en fournit à dom Calmet la liste peu nombreuse dans la marquairerie de Son Altesse de Salm-Salm, il y a quatre ménages d'anabaptistes; un de calvinistes au Bambois au hameau de Bénarville, il y a deux familles anabaptistes il y en a également dans une ferme près de Saint-Stail, ainsi que dans une autre ferme appartenant au maire de Saulxures. Mais à la suite de la cour de Salm, un certain nombre de pro(1) Frères Nicolas Le Queux, Pierre Jacob, Henri Pierron, Ch. Regnard, Benoît Didelot, Remy Forterre, Jean Roussel, Placide Gormand, Louis Bernard. 5


testants, venus d'Alsace ou d'Allemagne, s'introduisirent peu à peu à Senones et aux forges de Framont. Dom Calmet put en convertir quelques-uns. Le 12 février 1736, il mentionne dans le Registre de sa Cour spirituelle, l'abjuration que fait entre ses mains JeanDavid Schuller luthérien le 20 janvier 1740,'celle de Michel Hiel, originaire du val de Bar, en l'église abbatiale le 12 septembre 1745, celle de Jacques Robert, reçue par le P. Coadjuteur, au milieu des chrétiens assemblés pour l'office des vêpres~; le 14 mars 1750, celle d'un lutherie de Bar nommé André Diez, instruit par dom Jean Harter, et que le P. Abbé reçoit lui-même en l'église SaintPierre, au milieu d'ùn grand concours de peuple. De même, il autorise le clergé de Schirmeck et de Rothau, à recevoir l'abjuration d'un certain nombre d'ouvriers alsaciens travaillant aux forges de Framont.

H!. POUVOIRS AÇCORDÉS POUR LA CONFESSION ET LA PRÉDICATION. Très fréquemment au Registre où dom Calmet tenait à inscrire, de sa propre main, les actes de son administration pastorale, on retrouve mention de pouvoirs pour la confession et la prédication dans son district, accordés par lui, à des religieux missionnaires des environs cordeliers de Raon-l'Etape, capucins de Saint-Dié ou de Blâmont. Tantôt ces pouvoirs sont donnés aux supérieurs, avec faculté de les transmettre à leurs religieux tantôt le nom de ceux-ci, bien souvent originaires de nos localités lorraines, est écrit en toutes lettres par dom Calmet. Une seule fois, le 4 janvier 1749, il accorde ces pouvoirs à un prêtre séculier, le vicaire du Ban-de-Sapt.

De la fréquence de ces approbations canoniques, nous pouvons conclure que les curés du district aimaient à se faire aider, dans leur ministère, par ces religieux des environs.

IV. ORDINATIONS. Comme abbé régulier, dom Calmet avait le pouvoir de conférer uniquement la tonsure et les ordres mineurs aux religieux de son monastère (1). Sa première ordination est du (1) Dans une Bulle adressée à Jean de Borville abbé de Senones, le Pape Alexandre VI, en décembre 1501 lui avait accordé l'usage de la mitre, de la crosse, de l'anneau et des autres ornements pontificaux. Il lui avait permis de bénir


2 août 1731. Il donne les ordres mineurs aux frères Louis de Caumont, Alexandre Grosjean, Antoine -Robinot, Romain Tabouillot et Ildephonse George.

Pour le sous-diaconat et les ordres majeurs, il devait adresser ses moines à un évêque. Se souvenant qu'il avait reçu lui-même le sacerdoce, des mains du sunragant de Bâle, Guillaume-Jacques Rinch de Baldestein (1), H donne aux nouveaux minorés des lettres dimissoires pour l'auxiliaire de Bâ!e, Mgr Hauss évêque de Massilie, demandant pour eux le sous-diaconat, et en même temps le diaconat pour trois sous-diacres les Frères Louis le Grand, Jérôme Basoge, Théodore de Huz.

Le 24 novembre 1736, en l'église abbatiale, nouvelle ordination de tonsure et d'ordres mineurs de six religieux: les Frères Benoît Mougenot, Jean Harter, Ildephonse Pierron, Remy Forterre, Placide Pierson, et Charles Remy.

13 septembre 1744, même cérémonie en faveur du Frère Antome Harancourt, moine profès de Senones.

Les lois de l'Eglise ne permettaient pas aux abbés nullius de conférer les ordres mineurs aux clercs séculiers de leur district. C'est pourquoi nous trouvons au Registre de la Cour spirituelle 14 septembre 1728, des lettres dimissoriales données à François Adam, natif du district de Senones, pour se faire ordonner sous-diacre, à titre patrimonial, par n'importe quel évêque. Mêmes lettres, pour le diaconat, 9 décembre 1728 puis pour la prêtrise le 2 février suivant, avec dispense d'âge accordée par Benoît XI H. En 1740, nous avons retrouvé ce François Adam comme curé de Lusse. solennellement le peuple, à la fin de la messe, des vêpres et des matines, même dans les églises ne dépendant point de son monastère, pourvu qu'il n'y ait là ni évêque, ni légat apostolique. II lui avait accordé de bénir les ornements sacerdotaux dans son Abbaye et les Prieurés qui en dépendaient. Bien plus, il lui avait donné le pouvoir de donner la tonsure et les ordres mineurs aux religieux de son monastère et de réconcilier, en se servant d'eau bénite auparavant par un évêque, les églises, autels, cimetières, qui auraient pu être profanés, dans la dépendance de son Abbaye.

Aux termes de la Bulle encoje conservée aux Archives départementales, ces pouvoirs étaient pour Jean de Borville et pour tous ses successeurs. (1) La cérémonie s'était faite à Harlesheim, où résidait alors le Chapitre de Bâle, le 17 mars 1696. S'inspirant d'un usage assez fréquent alors, il ne célébra pas immédiatement sa première messe; il attendit, pour le faire, jusqu'au 24 avril suivant, en l'église abbatiafe de Munster.


Le 27 février 1736, lettre dimissoire à l'évêque suffragant de Trèves, le' priant de conférer la tonsure et les ordres mineurs à un nommé Joseph Marcha!, de la Broque, étudiant alors la théologie à 1 Université de Pont-à-Mousson. Remarquons ici le soin que prend Calmet de ne point adresser à l'évêque de Toul. En 1742, Calmet nommera ce même Marcha!, qualifié de « prêtre du district de Senones », vicaire de Saulxurés. En )75), il le nomme curé de Plaine, et dans acte officiel, nous ne savons pourquoi, le désigne comme « prêtre de rrefes ».

En 1755, nouvelles lettres dimissoires de dom Calmet, au Suffragant de Trèves, en faveur de Nicolas Didion, de Saint-Stail, entré à Paris dans la Congrégation de l'Oratoire il y professe depuis six ans, la philosophie et la théologie. En 1766, ce même Didion a quitté sa Congrégation, et dom Fanget le nomn.e vicaire de SaintStail.

V. INTERDIT SUR LE CIMETIERE DE SENONES. A la grande bonté qui fut, au dire de dom Fanget, une des notes caractéristiques de son oncle, celui-ci, à {'occasion, sut joindre une grande fermeté. Le vieux cimetière qui, depuis des siècles, entoure l'église SaintMaurice, se trouvait, en 1738, sans aucune clôture. Les animaux y entraient librement et profanaient les tombes. Plusieurs fois le curé s'en était plaint en chaire et avait demandé qu'on le fermât au moins par une palissade en bois, en attendant qu'on puisse l'entourer de murs. C'est en vain qu'il avait menacé, de la part de l'Abbé, le cimetière d'interdit, si on ne portait remède à pareille situation. Rien n'y fit, ni exhortations, ni menaces. Aussi, le 21 décembre, Calmet portait une sentence d'interdit contre le cimetière, et défendait d'y faire ni enterrement, ni procession, ni acte solennel de religion. La sentence, publiée à la messe, restait amchée aux portes de Sairit-Maurice.

Quatre jours après, en la fête de Noël, l'interdit était levé. La population s'était vivement émue la clôture était posée. Deux échevins de Senones, Charles Gœury et Joseph Urbain, assistés de leur curé dom Ambroise Pelletier, étalent venus en donner l'assurance au Père Abbé.

En t747, pour obliger les paroissiens de Saulxures à restaurer leur église délabrée, il' annonça, !e 29 mai, qu'il l'interdirait à à


partir du juin suivant, s'ils refusaient de s'en occuper. Inutile de dire que la menace ne fut pas exécutée.

VI. DISPENSES POUR LE MAR!AGE.– C'est au Chef spirituel d'un diocèse qu'il appartient d'accorder dispense, soit de la publication des bans du mariage, soit des degrés de parenté que le Saint-Siège ne s'est pas réservés.

Bien des fois dom Calmet, au cours de sa vie pastorale, usa de ce pouvoir pour les chrétiens de son district. Ordinairement, c'est lui-même qui note, de son écriture fine et courante, restée ferme jusqu'aux derniers jours de sa vie, ces dispenses au Registre de sa Cour spirituelle. Nous y retrouvons les noms bien connus et toujours honorablement portés des plus anciennes familles du Val de Senones.

Quand il s'agissait d'un empêchement relevant directement du, Souverain Pontife, Calmet s'adressait au Nonce de Lucerne (1) (1) Les relations de dom Calmet'avec la nonciature de Lucerne, furent toujours, de la part de l'abbé de Senones, pénétrées de respect et de soumission; de la part du nonce, d'estime et de confiance. On se rappelle que c'est sur )a demande du nonce Passionnei, que Benoît XIII offrit à Calmet un siège épiscopal Fanget a publié, dans la Vie dé son oncle, la correspondance si suggestive, échangée à ce sujet.

L'abbé Guillaume dans son travail Documents inédits sur les correspondances de dom Calmet (Nancy- Leblond 1874– 2e partie, page 77) analyse quelques-unes des lettres de Passionnel à )'abbé de Senones. Même ouvrage, 'page 57, quelques citations de lettres de dom de l'Isle, envoyé au nonce par Calmet .en qualité de précepteur de son neveu, montrent l'amitié que Passionnei portait à l'abbé de Senones.

Le successeur de Passionnei à Lucerne, l'archevêque de Rhodes, resta dans les mêmes termes avec l'abbé de Senones. Le Recueil de Lettres adressées à Calmet (Mss 94 de la Bibliothèque de Saint-Dié), renferme 3 lettres latines extrêmement intéressantes qu'il lui adressait en 1738 et 174). Les deux premières lui demandaient, sous le plus grand secret, de lui faire connaître avec )a liste des Abbayes et Prieurés de Lorraine et de Bar, exempts ou non, la manière dont les Supérieurs étaient élus les revenus de chacune des maisons leur observance régulière les difficultés qui se rencontraient au moment des élections les inconvénients de la Commende et du partage des revenus entre les moines et les commendataires.

Le nonce lui disait ÇHo am/)<tMS erit tn/o/'matto, <at;/o <t< g/'att'or Malheureusement nous n'avons pas cette réponse qui eût été si intéressante pour nous faire connaître la situation vraie des Ordres religieux, au XVIII~ siècle, en Lorraine. Formons des vœux pour qu'on la retrouve un jour aux Archives du Vatican, ou dorment tant de pièces provenant de la nonciature de Lucerne, et concernant la Lorraine.

La lettre du 5 juillet 174t, demande à Calmet des renseignements confidentiels


dont ressortissait alors la Lorraine. Il ne lui restait ensuite qu'à à fulminer la dispense accordée par cet intermédiaire.

Au cours de ce voyage d'études, en Suisse, raconté par lui -dans son volume 7<er Ae/~eft'cum, l'Abbé de Senones se fit un respectueux devoir d'aller saluer le Nonce « cujus auctoritate e/ ministerio, dit-il, ob negotia jurisdictionis ecc~est'ash'c<E, quâ gaudemus, pe~<spe utimur ».

Les Registres de catholicité de Senones notent deux mariages bénis par dom Calmet, en son église Saint-Pierre. Le 29 octobre 1731, celui de M. de Launay, fermier des Forges de Framont, paroissien de la Broque, avec Marguerite Curien, fille de Jean Curien, marchand à Senones. Le 16 février 1733 après dispense de deux bans, celui de François Audrand, de la paroisse de Viller, fils d'un bourgmestre' de Molsheim, avec Anne-Marie Fanget, sa nièce, (sœur du coadjuteur), demeurant à Senones. Le 13 juillet 1739, nouveau mariage d'un membre de sa famille le frère du coadjuteur, Remy Fanget, de la paroisse de Vignot, près Commercy, épouse, à Senones, Marie-Barbe Hirn, fille de Joseph Hirn, officier de Justice à Viller, diocèse de Strasbourg. Dom Fanget bénit le mariage, avec délégation du curé de Viller. François Audrand, cité plus haut, beau-frère du marié, y assiste comme témoin.

Le 27 novembre 1741, encore un mariage béni par Fanget celui de Léopold Faucheur, né à Herbéviller, et résidant à Raonl'Etape, avec Jeanne-Marguerite Pariset de Raon. La mariée, propre nièce du coadjuteur, était soeur-de Joseph Pariset imprimeur à Senones, déjà cité plus haut. Ce Joseph Pariset, né lui aussi à Raon, et fils d'une sœur de Fanget, épousa en octobre 1766, Elisabeth Aubertin dont le père était procureur au bailliage de Lunéville. LAbbé de Senones accorda dispense de deux bans pour ce mariage.

sur l'Abbaye d'Etival menacée d'être unie à ia mense épiscopaie'de Toul. Au Registre de la Bibliothèque de Saint-Dié, la réponse de Calmet suit la lettre du nonce, pages 264 et 266. Nous avons pubiie ce document, de tout premier ordre, aux numéros 17 et 18 de la Semaine Religieuse de. Saint-Dié, année 1926.


VU. NOMINATIONS DE CURÉS ET VICAIRES.– A !'arrivée de dom Calmet à Senones, toutes les paroisses de son district, sauf celle de Saint-Maurice, étaient confiées à des prêtres séculiers. Ils se recrutaient non seulement au Val de Senones, mais encore aux districts exempts de Moyenmoutier et de Saint-Dié, aux diocèses voisins de Toul, Strasbourg~et Verdun. L'abbé de Senones leur donnait à tous l'institution canonique.

Enumérons les nominations faites ainsi par dom Calmet. 14 février 1732 François Ferrand, prêtre du diocèse de Toul, est désigné comme vicaire à Saint-Jean-du-Mont.

24 août 1737 Jean Pascal Huguenin, prêtre de Trèves, vicaire à Brulange, diocèse de Metz, est nommé curé de la Broque, succédant à Nicolas Parmentier, décédé le 16 août (1).

8 janvier 738 Nomination de François Molet, prêtre du district de Saint-Dié, comme vicaire résidant à Saint-Stail: H est mis en possession de cette annexe le 13 janvier par dom Ambroise Pelletier, en présence du curé de Bruche, de Basile Desrivaux prévôt de Senones, et de Joseph Apté prévôt de Grandrupt. 18 février ] 739 Nomination de Nicolas Gaillard, prêtre de SaintDié, comme vicaire à la Broque.

18 janvier 1740: Philippe Villemin, du district de Moyenmoutier, autorisé par son Abbé, devient vicaire résidant et perpétuel à la Petite-Raon, annexe de Saint-Maurice. C'est pour la première fois que la Petite-Raon a un prêtre résidant. Dom Fanget l'installe le même jour avec les cérémonies accoutumées, en présence des témoins L.-G. Claudot notaire royal, Jean Curien, Sébastien Vaillant et Nicolas Fréchard (2).

13 décembre 1742: Double nomination celle d'abord de Joseph Marcha!, du district de Senones, comme vicaire à Plaine et Saulxures celle de Nicolas Damien, prêtre de Verdun, comme vicaire à la Broque.

(1) Le 29 juin 1741, Calmet permet aux paroissiens de la Broque de célébrer, chaque année, le 28 août, la fête de saint Guérin si populaire en Lorraine.. (2) L'inventaire des titres de l'Abbaye mentionne, en 1704, une requête des habitants de la Petite-Raon, pour avoir chez eux le service divin. En 1731, pour avoir la messe de minuit en leur église, ainsi que les offices de l'Octave du Saint-Sacrement. En 1744, ils font d'infructueuses démarches, auprès de Calmet, pour établir leur église en cure indépendante de celle de Senones.


16 décembre 75 ) La cure de Plaine, vacante par la mort du sieur Sébastien Pelletier, est donnée au vicaire Joseph Marchât cité plus haut. H est installé par dom Pelletier curé de Saint-Maurice, le 13 octobre suivant, en présence de dom Eustache Rozières moine de Senones, J.-B. Stéelez curé de.Saint-Blaise, François Ferrand vicaire de Saint-Jean, du Prévôt et des habitants de Plaine. )~ mai )757 Hubert Biez, prêtre de Toul, est nommé vicaire à Plaine.

7 juin 1757: Nomination à la cure de la Broque, vacante par la démission de J.-P. Huguenin, de Philibert Prima, prêtre de Strasbourg, et auparavant curé de Lutzelhouse et Wich. En 1693, on avait élevé, à Framont, pour la commodité des ouvriers travaillant aux mines de fer, une petite chapelle consacrée à l'apôtre saint Jacques. En 1708, M. de Beauregard, concessionnaire de ces mines, avait obtenu de l'Abbé de Senones, permission d'y faire célébrer quelquefois la messe par le curé de la Broque. Plus tard, le nombre des ouvriers augmentant, M. de Launay fermier des mines, demanda à dom Calmet la nomination d'un chapelain résidant à Framont. I) y consentit et donna, le 10 octobre 1734, un mandement désignant pour cette fonction le sieur Perroté. Il précisait, en même temps, la situation de la chapelle de Framont elle resterait simple chapelle de secours. Le chapelain ne pourrait y faire aucune action curiale, sans permission du curé de la Broque. Au moins une fois par mois, les habitants de Framont restaient obligés d'assister à la messe dominicale à la Broque. Aux fêtes solennelles de l'année, il ne pourrait y avoir, à la chapelle, ni messe, ni vêpres, ni prédication, ni catéchisme. Jamais, non plus, sauf à la fête de saint Jacques et le dimanche suivant, on ne pourrait y cé)ébrer des messes chantées (I).

(1) Répondant au désir du Prince de Salm-Salm, et afin de mettre les secours spirituels plus à la portée de la poputation ouvrière de Framont, dom Fanget, )e 22 juillet 1774, érigea cette chapelle en église paroissialé.

Son Ordonnance se trouve au Registre de la Cour spirituelle. Désormais la chapelle sera paroisse pour Framont et Grandfontaine. Le curé résidant régulier ou séculier sera à la nomination du Prince de Salm. JI aura qualité d'aumônier du Prince, et en remplira les fonctions quand Son Altesse se trouvera à Framont. Il recevra les pouvoirs spirituels de t'Abbé de Senones. On lui fournira un logement convenable, la table, le chauffage, )a iumière. Pour le reste de son entretien, il recevra annuellement 230 livres de France, fournis par le Prince régnant.


A l'époque de dom Calmet, et après lui, le prêtre le plus éminent du district de Senones fut, certainement, dom Ambroise Pelletier, l'auteur bien connu du Nobiliaire de Lorraine.

Né à Portieux le 7 septembre 1703, il fit profession à Munster le 22 septembre 1721. Le 2 janvier 1740, il reçut de dom Calmet une institution canonique de curé de Saint-Maurice-les-Senones, avec la Petite-Raon son annexe, transcrite au Registre de la Cour spirituelle ()). Le 9 janvier suivant, dom Fanget procédait solennellement, avec toutes les cérémonies alors en usage, à son installation. Basile Desrivaux prévôt de Senones pour la Principauté de Salm; Jean Curien, Nicolas Clévenot, Gabriel Claudon notaire royal, Joseph Pierson, Charles Guœury, Benoît Parisot, notables du pays, signaient comme témoins l'acte de prise de possession. Absorbé par ses recherches héraldiques, dom Pelletier n'aurait pu garder jusqu'à sa mort, !e soin de sa paroisse, sans l'aide que lui prêtèrent ses vicaires et les religieux de l'Abbaye (2). mourut le 27 janvier 1757, martyr de son amour pour la vérité. H fut assassiné par des gens dont i! avait dénoncé le'blason usurpé et les titres apocryphes.

Dom Calmet fit encore une autre nomination d'un religieux, comme curé dans le district. Le 27 décembre 745, après !a mort du curé séculier Georges Roguet, il accordait l'antique paroisse de Saint-Jean-du-Mont (3), avec Saint-Stail son annexe, à dom (1) C'est à tort que le Baron Seillière, dans son livre Documents pour servir à l'Histoire de la Principauté de Satm B, fixe la nomination de Pelletier à l'année 1735.

(2) Quand on parcourt les anciens Registres de catholicité de la paroisse Saint-Maurice de Senones, on est frappé du grand nombre des signatures des bénédictins qui les ont rédigés en plus du curé de la paroisse. Sans doute, la règle de saint Benoît impose aux moines le vœu de stabilité dans son monastère. Mais les Constitutions de Saint-Vanne et Saint-Hyduiphe n'appliquaient pas ce vœu à une seule Abbaye. Elles l'étendaient à ta.province tout entière. Un grand nombre de moines ne faisaient, toute leur vie, que passer d'un monastère à un autre.

Attirés par le rayonnement de dom Calmet après lui, par ses souvenirs et les ressources que la Bibliothèque de l'Abbaye pouvaient leur procurer, on peut dire que les bénédictins de Lorraine ont tous passé, un jour ou l'autre, par Senones. Ceci explique pourquoi les registres senonais gardent la signature de tant de religieux, non profès de l'illustre Abbaye.

(3) Saint-Jean-du-Mont comprend aujourd'hui les trois communes de Saulcy, Belval et le Mont. La paroisse fut unie au monastère de Senones par l'évoque Mahérus en 1203, puis par le Pape Sixte VI en 1480.


Claude Vayeur, originaire de Nayve, profès à Senones 17 juin 1716, mort à'Senones 18 mai 1761, et chargeait le coadjuteur de l'instaïïer.

Au sujet de cette nomination, voici une lettre assez intéressante, adressée à Calmet, par dom Sébastien Guillemin (1) que nous avons rencontré déjà, comme délégué du Président général de la Congrégation de Saint-Vanne, à l'élection de notre Abbé.

Toul, 28 septembre 1745,

Mon Très Révérend Père,

« Je confirme avec plaisir ce que Votre Révérence vient de « faire en faveur de dom Claude Vayeur, que j'ai toujours consi« déré comme un vrai religieux, plein d'honneur, de droiture et « de probité. Je compte qu'elle aura la bonté de lui donner un « second pour l'aider dans le ministère de sa cure, sans quoi il « entrerait dans un état plus pénible et plus inquiétant que celui « qu'il quitte, et dont il s'est acquitté, à ce qu'il me semble; avec « zèle et avec honneur.

Il serait à souhaiter, par les conjonctures présentes, que toutes « vos cures fussent entre les mains de Religieux (2) ».

Dom SÉBASTIEN GUILLEMIN.

Dom Calmet n'avait pas seulement le droit de nomination des (I) Dom Sébastien Guillemin, profès à Moyenmoutier le .27 mai 1698, prieur de Saint-Mihiel (1728-1731) et visiteur de ia Congrégation, mort à Saint-Mansuy de Toul. L'abbé Guillaume, dans les Mémoires de la Société d'Archéologie Lorraine, 1873, page 108, analyse 23 lettres adressées par Guillemin à domCa)metdel712àl723; en cite entièrement une autre de 1754. Nous avons retrouvé la lettre citée plus haut, et celle qui viendra un peu plus loin, en feuilles volantes, dans le Registre de la Cour spirituelle de ]'Abbaye de Senones. (2) Ce vccu de ne, confier les cures du district de Senones qu'à des religieux de l'Abbaye, devait se réaliser plus tard, sous le gouvernement de dom Fanget et de dom Lombard. Quand arriva, avec les mauvais jours de 1793, la destruction de l'Abbaye, it y avait dans ie Val de Senones, dix paroisses régulières, c'est-àdire desservies par des Bénédictins: Saint-Maurice-les-Senones, Moussey.Ia Petite-Raon, Le Puid, Framont, Saint-Jean-du-Mont, Plaine, Chatas, Saulxures et Saiiit-Stail. Ces trois dernières ég)ises n'étaient encore que des annexes, desservies, la première par un vicaire de Saint-Maurice, dom Lemaire la seconde, par le vicaire de Plaine la troisième par le vicaire de Saint-Jean-du-Mont, dom J.-J. Marchai.

Lors de sa suppression, i'Abbaye comptait ,17 religieux prêtres, et 2 frères convers.


< :urés dans les paroisses de son district. Mais, en vertu de coutumes très anciennes et très fréquentes alors, il jouissait encore de certains droits de patronat. C'était le pouvoir, reconnu par l'Eglise, de présenter aux évêques des candidats à certaines cures vacantes, qui étaient de la collation de son Abbaye.

Nous voyons qu'il usa souvent de ce droit.

Le 26 novembre 736, il présente à Mgr de Saint-Simon, évêque de Metz, comme curé de Juvelize, Nicolas Parmentier curé de la Broque mais sans succès. Plus tard, il présente à l'évêque de Tou!, André Mengeole, comme curé de Luvigny. Le 15 juin 1752, I! propose à l'évêque de Metz, Louis Demange, comme curé de Saint-Nicolas de Bure; le 16 février 1757, François Rondeau comme curé de Remoncourt. La même année, le 10 ]uin,i! soumet à l'approbation det'évêque de Toul, Léopold de Metz, vicaire de Brouville, comme curé de Moyen.

Sa présentation la plus importante, celle qui lui suscita le plus de dimcuités, fut celle de François Maget, docteur en théologie, notaire apostolique et curé de Raon-l'Etape, dont nous avons rencontré le nom déjà, au cours de cette étude.

Le 6 des calendes de mai 1249, le Pape Innocent IV, dans une Bulle datée de Lyon, avait uni la cure de Rambervillers à i'innrmerie de l'Abbaye de Senones, et donné aux Abbés le droit de nomination à cette cure. Depuis cette époque, ces derniers avaient toujours présenté les curés, ou vicaires perpétuels de cette paroisse, à l'institution canonique de l'évêque de Toul.

Le 1 er octobre 1741, à la mort du sieur Blancieux curé de Rambervillers depuis )7)8()), dom Calmet usa de son droit en faveur (1) A l'abbé Jean-François Blancieux se rattache un souvenir d'histoire locale que .nous tenons à rappeler ici. C'est lui qui, le 23 juin 1740, baptisa, en son église, un enfant né la veille qu'il nomma comme lui Jean-François, fils de J.-B. Burté régent de latinité à Rambervillers, et de Marie-Anne Colot son épouse. En 1737, M. Blancieux et ses paroissiens avaient appelé ce régent, qui enseignait auparavant le latin à Blâmont, et lui avaient confié leur école d'enseignement secondaire. Comme celui-ci donnait au curé, tant pour ses mœurs que pour sa science, pleine satisfaction, la ville lui renouvela son mandat, l'année suivante, pour trois, six ou neuf années. Le 24 juillet 1741, quelques jours avant la mort de l'abbé Blancieux, Burté quittait Rambervillers. (Archiv. munic. de Ramb. BB. 32 et 33. Et Registre des Actes de Baptême). r

En mai 1757, son jeune fils Jéan-François après avoir commencé ses études


de François Maget qu'il estimait particulièrement, puisqu'il l'avait nommé, nous l'avons vu plus haut, notaire apostolique dans son territoire exempt. Il le présente à l'Archidiacre de Toul tanquam habilem, idoneum, benè morigenatum. Mais l'évêque Bégon refusa sa confirmation. H nomma lui-même à Rambervillers, par voie de concours, Léopotd Bertaut, prêtre du diocèse de Toulouse, autrefois curé de Chaudeney, près Toul, et pour lors curé de la paroisse Saint-Jean de cette ville. Maget se pourvut en cure de Rome. Rome directement, passant par dessus l'évêque, lui donna l'institution canonique.

Combien cette décision irrita l'évêque de Toul, une lettre de dom Sébastien Guillemin à Calmet va nous le dire Toul, 27 février 1742.

Mon Très Révérend Père,

« Monseigneur fera l'ordination, ce carême, à son ordinaire.

« Ainsi Votre Révérence peut, avec toute assurance, y envoyer <' Frère François. Il est vrai que Monseigneur se plaint partout de <' Votre Révérence, au sujet de la cure de Rambervillers. I! vante « partout les services qu'il nous rend et qu'il nous prête à toutès « occasions. Il m'a porté ses plaintes comme aux autres. Je lui « répliqua! la lettre que vous lui écriviez. Je mis en parallèle son « zèle pour conserver et augmenter les droits de son Eglise, avec « le vôtre.

« Mais tout cela ne le guérit pas. »

Dom SÉBASTIEN GUILLEMIN.

En, vertu dun gallicanisme qui n'étonnera point en ce XV !H~ siècle, Bégon en appela, de la sentence romaine, au pouvoir civil. Ce fut l'occasion d'un procès comme il y en eut tant à cette époque. Dom Calmet le gagna tout d'abord: un arrêt de !a cour de Lorraine le 4 septembre 1745, le maintenait dans le pouvoir de nommer à la cure de RambervIHers en tout temps de vacance. à l'Université de Pont-à-Mousson, entrait dans l'ordre des Frères Mineurs, et prenait l'habit en l'église des Cordeliers de Nancy. Il enseigna ià théologie, et devint gardien du couvent. En 1778, il fut envoyé à Paris, comme procureur des'franciscains de la province de Lorraine.

Martyrisé aux Carmes, en septembre 1792, il vient d'être béatifié par Pie XI 'en l'année 1926.


L'évêque fit opposition et en appela à la Cour souveraine. Nous avons retrouvé à la Bibliothèque du Séminaire de Saint-Dié, les mémoires des deux parties rédigés à ce sujet pour l'évêque, par l'avocat André; pour Calmet, par l'avocat Georges, et imprimés tous deux à Lunéville, en 1747. Toute la question canonique et juridique roule sur l'interprétation à donner au texte de la Bulle d'Innocent IV. Dix audiences furent consacrées par la cour souveraine à cette affaire. Le 9 février 1748, un arrêt du Conseil cassait le jugement de t745, et « maintenait l'évêque au droit et possession de mettre la cure ou vicairie perpétuelle de Rambervillers au concours ». La sentence conservait pourtant à l'Abbé de Senones, le droit de curé primitif, ainsi que celui d'officier en l'église de Rambervillers aux principales fêtes de l'année (1). A la date de 1748, dom Calmet notait simplement, dans le manuscrit de son Histoire de l'Abbaye de Senones (Mss. de Saint-Dié) « Le procès de Rambervillers me coûte 300 livres ». VU I. ERECTION DE LA CONFRÉRIE DES MORTS A SAINT-MAI~RICELES-SENONES. i757. Avec l'année 1757, nous arrivons au terme de la vie de dom Calmet. Son dernier acte pastoral fut au 28 juillet, quatre mois avant sa mort, l'institution de la Confrérie des Morts, à Saint-Maurice, sur la demande de Jean Devicque, Jean Curien, Nicolas Urbain et autres bourgeois notables de Senones. Deux Bulles de Benoît XIV, données le 25 août de la même année, accordèrent à l'association nouvelle, participation aux indulgences, autels privilégiés, dont jouit à Rome la Confrérie de N.-D. du Suffrage (2).

(1) C'est en souvenir des droits de l'Abbaye de Senones sur la cure de Rambervillers, que le presbytère de cette paroisse garde encore, avec honneur, d'excellents portraits à l'huile de dom Calmet et de dom Fanget. (2) A l'église de l'Abbaye était érigée depuis longtemps la Confrérie du SaintRosaire (Cf. à ce sujet Cœemo~t'as locales Monasterii Senoniensis. Toul 1722). Le 18 mars 1664, dom Barthélemy Claudon prieur de Senones et vicaire général du duc Nicolas-François de Lorraine, évêque de Toul, Abbé et Seigneur de Senones, val et terres en dépendant sur la demande des maitres charpentiers du pays Jean Thiénote, Sébastien Sayer, François Haudomey, érigeait, à SaintMaurice, une confrérie en l'honneur de saint Joseph. Il en fixait la fête au 19 mars, prescrivait les obligations des confrères, et leur accordait, pour diverses œuvres de piété, 40 jours d'indulgence.

Dans l'acte de fondation de cette confrérie, transcrit au Registre de la Cour


Cette Confrérie des Morts existe encore aujourd'hui à SaintMaurice. Elle a gardé le vieux registre où sont inscrits, depuis son origine, à 170 ans de distance, ses confrères défunts long nécrotoge des familles du pays, commençant par les noms du curé spirituelle de l'Abbaye, le prieur claustral expose en quelques mots, les titres de la juridiction de son monastère. Il affirme qu'il agit « de l'autorité ordinaire et juridiction quasi épiscopale attribuée par les saints Papes Calixte Il et Honoré Il confirmée auparavant par les seigneurs ~4/*c/<epc~~es de ~t/a~/ence, de Trèçes et de ~ah&ourg les /i'fe}t<es de Spire et de Toul, et autres, assemblés au Concile ;ta<ton<!< de Strasbourg, et conserçée depuis par une 'possession con<~nMeHe au Seigneur Abbé de Senones ».

Nous aurions aimé trouver, dans nos études sur Senones, un exposé plus détaillé et plus complet des preuves de la juridiction spirituelle de l'Abbaye et de sa dépendance immédiate au Saint-Sifge. J.-C. Sommier dans son « Histoire de l'église de Saint-Diez acec les pièces ;ustiftcatives de ses imnzunités et p/'tp[7eges », (~<nnt-Dtez-j9ot<c/!a/'d imprimeur, 1736) Hugo dans son Ordonnance du 20 novembre ~725, portant condamnation des Réquisitions dtt J'omo<et< de /'e(vc/)" de Toul (~s<K'a/OMC/;a/'d imprimeur 1725), ont donné tout au long les preuves de l'exemption de leurs territoires respectifs. Dom Belhomme, abbé de Moyenmoutier, dans t'7Ytx!ot/'e de son ~l'/onoste/'e, (Strasbourg t724), énumère celles de son Abbaye chaque fois qu'il en trouve l'occasion.

L'exemption de Senones de l'autorité des Evêques de Tout, son titre d'Abbaye nullius, n'étaient ni moins certains, ni moins fondés.

En une circonstance soiennelle, l'Abbaye dut en fournir la preuve au tribunal du Saint-Siège. En '1717, en effet, le duc de Lorraine avait engagé avec Rome des négociations en vue de l'érection d'un cveché à Saint-Dié, et le pape Ctément XI avait désigné son nonce en Suisse, Firrao, archevêque de Nicée, comme commissaire apostolique pour étudier l'affaire. Le 30 octobre, celui-ci convoqua à Saint-Dié, avec l'évêque de Toul, tous ceux qu'intéressait au plus haut point la prochaine érection les abbés des grands monastères vosgiens, le chapitre de Saint-Dié, qui devaient céder au nouvel évêché leur juridiction, en tout ou en partie. Brouilly, promoteur de Tou), qui plus tard devait écrire ]a 7)e/ense de l'Eglise de Toul contre les en/ep/*t.9es du Chapitre de Saint-Dié et des a~&e~ de la Foge Toul-Rollin 1724 y représentait son évCque. )I y fut, au dire de Hugo dans l'Ordonnance citée plus haut, le témoin et le contradicteur des privilèges, libertés, titres et indépendance des Abbayes et du Chapitre. Et il dut, toujours selon Hugo, en présence du nonce, reconnaître la force et la multitude de ces titres.

De ces dépositions juridiques, si intéressantes à étudier aujourd'hui, nous n'avons. retrouvé qu'un seul témoignage, transcrit dans le livre « Apologie de <'7/[s«)t'e de ~'(!tn<-Dt'e</ », écrit par Sommier, en réfutation de l'ouvrage de Brouilly cité plus haut. C'est celui de Dominique Doyen, prêtre déodatien, pour lors conseiller du roi de France au Conseil souverain d'Alsace. Il ne concerne que la juridiction spirituelle de Saint-Dié. Il est précis, lumineux, convaincant (Mss. de la Bibliothèque du Séminaire de Saint-Dié).

Mais plus'que tous les titres séculaires, plus que les pièces d'archives et les documents affirmant leurs privilèges, ce qui fournit la preuve la plus certaine de l'exemption de nos monastères, c'était la possession constante et immémoriale de leur juridiction c'était sa reconnaissance officielle par l'Eglise romaine, mère et maîtresse de toutes les églises.


dom Ambroise Pelletier, et des bourgeois mentionnés plus haut. Autrefois, la nuit de la Toussaint, le receveur de la Confrérie parcourait les rues de Méni!es-Senones, agitant une clochette et criant à haute voix « Réveillez-vous, ~ens qui ~orme~, et priez pour les trépassés » Vieilles coutumes et vieux souvenirs, restés inoubliables au pays senonais.

Lorsque l'abbé Guillaume, dans son Histoire dit diocèse de Toul et de celai de ~(t~e!/ Nancy 1867, en vient à parler de cette exemption surtout de celle d'Etival et des démë)ës de nos monastères avec les évoques de Toul à ce sujet, vraiment, il parait ne rien comprendre à la question. Dans sa volonté manifeste d'affirmer l'autorité spirituelle de Tout sur nos régions dépendant uniquement du Saint-Siège, il oublie complètement de citer les actes de Rome reconnaissant cette indépendance et l'encourageant. Un gallican n'aurait été ni plus inconséquent, ni plus afnrmatif.

Quand Rome attribuait )e titre d'Abbé /mHt:<s aux abbés de Senones, Moyenmoutier, Etival quand elle lés nommait en consistoire comme les évoques quand elle les convoquait comme les autres abbés relevant directement du SaintSiège aux conciles romains quand elle leur accordait pour faciliter les confirmations et les ordinations un caractère épiscopat quand elle les autorisait à recourir directement au nonce de Lucerne afin d'obtenir, par son intermédiaire, les dispenses dont ils avaient besoin pour régir spirituellement les paroisses de leurs districts quand elle leur demandait, lorsqu'il s'agit, à deux reprises, de l'érection de l'évéché de Saint-Dié, qu'ils fassent fitiatement entre ses mains, l'abandon de leur juridiction au profit du nouvel évoque, il nous semble que c'était bien là la reconnaissance la plus certaine, la plus haute et la plus authentique de cette juridiction. C'était le Pape qui avait donné aux évoques de Toul le pouvoir de gouverner leur diocèse. tt lui était bien permis de distraire de ce territoire immense qu'ils pouvaient, à peine visiter de loin en loin, quelques districts de la montagne vosgienne, pour les confier à nos grandes Abbayes et au Chapitre de Saint-Dié.

Certains évêques de Toul, aux 17" et 18e siècles, ne le comprirent pas, ou plutôt ne voulurent pas le comprendre. Hugo raconte dans son (Monnayée du 20 nocemAre 1725, citée plus haut, que Blouet de Camilly évêque de Toul, prié respectueusement par l'abbé d'Etival, de venir donner la confirmation dans les paroisses dépendant du monastère, ne promit d'y consentir qu'à une condition qui, évidemment, ne fut point acceptée c'est que l'Abbaye renonçât à son-indépendance et à ses privilèges. Bien plus, quand les fidèles des Bans d'Etivat, désireux de recevoir la confirmation dont ils étaient privés depuis longues années, vinrent en grand nombre Hugo dit « par pelotons ta lui demander, alors qu'il confirmait à Bruyères et à Ramberbillers, il les repoussa durement, les traitant de schismatiqites. Vers le même temps, il intervint auprès de J.-B. Hauss, le vicaire général et sufïragant de Bâle dont nous avons déjà trouvé le nom, page 67 de ce travail, pour qu'il n'admît plus aux ordres sacrés les jeunes gens, soit réguliers, soit séculiers, qui lui seraient envoyés d'Etival, prétendant que cette église était de son diocèse.

Mgr Hauss qui connaissait la situation canonique de nos territoires MM7h'</s dtœcfsM, ne tint 'aucun compte de cette sommation, et leur continua ses bons offices au spirituel. Aussi, quand il mourut à Harlesheim, le 29 octobre 1745, le Chapitre de Saint-Dié, comme témoignage de reconnaissance, voulut célébrer un


Telle fut,, pendant 29 années, l'action pastorale de dom Calinét, dans son monastère et dans le territoire soumis à sa juridiction. Alors que les Abbayes nullius Jt'œcest's n'existent plus en France, et tendent à disparaître dans l'Eglise, il peut paraître intéressant de se rappeler ce qu'elles furent autrefois, avec leurs pouvoirs quasi épiscopaux, la dimculté qu'elles trouvaient dans leur exercice, le soin jaloux qu'avec l'appui du Saint-Siège, elles apportaient à leur conservation.

Il serait peut-être non moins intéressant de se demander ce que fut, pendant ces années, la vie intime et quotidienne du Pasteur de ce petit troupeau.

Le tableau très attachant de ses vertus, tracé dans la biographie écrite par dom Fanget, manque ici, cependant, d'une chose essentielle. Il ne dit rien de ce qui remplit, à Senones, la trame continuelle de ses jours. A l'époque où le livre parut, la chose n'était point nécessaire à l'Abbaye se continuait, connue de tout le monde, l'existence qu'avait menée Calmet, parce que la Règle qui la prescrivait était toujours observée avec ferveur.

Cette Règle, celle de Saint-Benoît, précisée, complétée pàr les Constitutions de la Congrégation de Saint-Vanne et Saint-Hydulphe (1) n'est plus aujourd'hui qu'un souvenir. Rappelons ce qu'elle imposait aux Bénédictins de Lorraine, et nous aurons dit ce que furent, dans leurs grandes lignes, les vingt-huit années que passa dom Calmet au monastère de Senones.

service solennel pour le repos de son âme. (Actes capitulaires de Saint-Dié, nov. d745, aux Archives municipales de Saint-Dié).

Pour en finir avec toutes ces difficultés, pour maintenir et affirmer bien haut ]a juridiction des territoires vosgiens, on comprend que )e Saint-Siège ait donné un titre épiscopal, à Mathieu Petitdidier, à Hugo et à Sommier. Cet acte était bien nécessaire. En voici une preuve de plus. Sacré à Rome le 2 janvier -)725, Sommier se mit aussitôt, suivant l'ordre du Souverain Pontife, à donner la confirmation en Lorraine, dans lès paroisses exemptes. Au 20 novembre suivant, il avait déjà confirmé dans les territoires de Saint-Dié, Senones, Moyenmoutier, Etival, 26.000 chrétiens, dont 2.000 .retevant d'Etival. Il y avait près d'un demi-siècle que le sacrement n'avait été administré dans les paroisses dépendant d'Et.ival et de Saint-Dié.

(1) Cf. Regula S. Patris Renedicte et Consttfttttones Congreg. SS. FKo;t['s et Hydulphi Desprez. Paris 1774.


Trois devoirs se partageaient alors la vie des moines la prière, la pénitence, et le travail.

La prière ~a&or~. C'est, pour le religieux bénédictin, œuvre divine par excellence, celle qui doit, au cours de ses journées, passer avant tout le reste, et prendre le meilleur de son temps « Mes amis, disait souvent dom Calmet à ses frères, nous n'avons rien de plus grand, ni de mieux à faire, que de chanter les louanges de Dieu. C'est là notre devoir capital ».

Aussi, aux jours ordinaires, à 2 heures du matin aux jours de grande fête, bien plus tôt, à minuit et demie, le son d'une crécelle agitée dans les corridors, réveillait les moines et les appelait à l'église. L'office de matines, chanté solennellement à deux choeurs, commençait alors. Lorsqu'il était fini, les religieux rentraient dans leurs ce!)utes. pour y goûter quelques instants de repos, puis se levaient à 5 heures et quart. Après une méditation d'une demiheure faite à l'église, on chantait l'office de Prime et de Tierce. Puis, quand les prêtres avaient célébré leurs messes privées, on reprenait en chœur l'office de Sexte, suivi de la grand'messe solennelle et de l'office de None.

Le soir, les Vêpres se chantaient à 3 heures et demie; les complies à 6 heures et demie.

Ni les occupations, ni l'âge, ni les infirmités ne ralentirent jamais l'exactitude de Calmet pour assister à tous les offices du jour et de la nuit. Il se faisait éveiller à l'heure voulue pour ne point manquer aux matines. Jusqu aux derniers jours de sa vie, alors même qu'il souffrait d'une sciatique douloureuse, il se traînait au chœur ou même s'y faisait porter par des domestiques de la maison. Dans la journée, il quittait tout, travail de bureau, correspondances pressantes, conversations, visites, pour accourir à l'office au premier son de la cloche. Avec une piété aussi admirable qu'elle était édifiante autour de lui" il célébrait chaque jour la messe à 6 heures, sauf aux fêtes solennelles où il la chantait pontificalement. A !a prière, la Règle ordonnait de joindre la pénitence. Voici ce qu'à Senones, elle imposait sur ce point.

D'abord l'àbstinence perpétuelle du gras. Seuls les malades, et parfois les vieillards, pouvaient par une permission spéciale de l'Abbé, prendre un peu de viande aux repas.


En plus des jours obligeant au jeûne tout !e peuple chrétien, la règle imposait cette pénitence tous les vendredis de t année, tous les mercredis qui vont de la Pentecôte au, 14 septembre et depuis ce moment, jusqu'en carême, tous les jours non occupés par une fête.

A ces privations, venait s'ajouter la discipline que les Frères devaient prendre chaque vendredi de l'année; plus souvent encore en carême. Joignez-y encore la froidure de l'église, où les religieux, aux rudes hivers de notre climat vosgien, devaient faire de si longues stations et la nuit et le jour ainsi que le manque de feu dans les cellules, où bien des fois dom Calmet travaillant à son bureau, sentait ses membres tout engourdis par le froid et voyait son encre se geler au bout de sa plume.

H ne crut jamais que son grand âge, ses travaux absorbants et pénibles pouvaient le dispenser ni de la loi du jeûne, ni de celle de l'abstinence.

Le travail. Chaque jour, la règle imposait un double travad celui des mains et celui de l'esprit.

Le travail corporel, variable selon les saisons, et fixé pour chacun par le Supérieur, se faisait soit au jardin, soit à la.campagne, soit dans les dépendances de la maison.

Ce fut surtout le travail de l'étude qui occupa dans la journée de dom Calmet, tout le temps que tui. laissaient la prière et le service de Dieu.

A la fin de sa Notice sur l'Abbé de Senones, Aug, Digot a pris soin de dresser le catalogue de ses ouvrages imprimés, avec 1 indication de leurs éditions diverses, de leurs traductions et de ses œuvres restées manuscrites. On est confondu devant une pareille puissance de travail une érudition qui s'exerce avec aisance sur des sujets si variés et qui ont réclamé tant d'application et de minutieuses recherches.

Voilà ce que fut la longue vie religieuse de dom Calmet. Après une existence si bien remplie, il pouvait attendre la mort avec la confiance de l'ouvrier qui a pleinement fourni sa tâche, avec l'abandon d'un enfant- qui retourne à son père. Purifié par les souffrances d'une dernière maladie, réconforté par les Sacrements de l'Eglise, entouré des prières de ses religieux


et des fidèles de son district, il s'éteignit doucement le 25 octobre t757, âgé de plus de 85 ans (1).

Quelque temps auparavant, il avait dicté, à dom Fanget, une épitaphe que la ville de Senones et la Lorraine ont gravée sur son tombeau, avec autant de respect que de reconnaissance. Relisons-la en achevant cette étude.

Rien ne saurait mieux résumer les chères croyances; les célestes espoirs, la vie toute de travail et de prière, de notre illustre compatriote

Hic jacet F. Augustinus Calmèt,

Patriâ Lotharus, religione christianus,

Fide catholico romanus, professione monachus Nomine Abbas hujus mona~~ert't.

Z~t, scripsi, oraf! utinam bene Hic expecto donec veniat immutatio mea. ~ent Domine Jesu

Natus die 26 ye&rua! anni 1672

Mortuus die 25 octobris anni 1757.

Hoc epitaphium humile humilis Abbas sibi fecit Et apponi jussit. Requiescat in pace

Ici repose frere Augustin Calmet,

Lorrain par sa patrie, chrétien par sa religion, Catholique romain par sa foi, moine par sa profession, Abbé de ce monastère par son nom.

(!) Son service solennel de quarantaine eut lieu plus tard à Senones. Dom Fanget y invita le Chapitre de Saint-Dié, et lui demanda, pour que la cérémonie fût plus solennelle, d'y envoyer sa maîtrise. Cette requête fut exaucée. Le Chapitre délégua au service MM. les chanoines de Klopstein et de Seychamps. (Actes des délibérations du Chapitre de S.-D. 29 janvier 1758. Archives municipales de S.-D.).


J'ai lu, j'ai écrit, j'ai Prié

Plaise à Dieu que ce /u< toujours bien Ici j'attends que vienne ma resurrec~'on. Venez, Seigneur Jésus

Né le 26 février de l'année 1672,

Mort le 25 octobre de l'année 1757.

Cette humble épitaphe, l'humble Abbé l'a composée lui-même Et a voulu qu'elle soit gravée sur son tombeau.

Qu'il repose en paix

Abbé E. ROUSSEL

Chanoine titulaire de Saint-Dié.


et de la

PETITE ÉGLISE DE SA)XT-B)E

Le document que nous publions se trouve aux archives municipales de Saint-Dié, dans le carton DD 5 Eglises .Sam~Sfant~ax, Cathédrale et Saint-Martin, Travaux de 1713 à 1789. Il semble qu'il y ait été classé par erreur. Sa place est dans le carton GG 30.: Cimetière et maison d'école. Procès de la paroisse contre le Chapitre, de 1779 à 1782, car il est, à n'en pas douter, une des pièces du procès qui mit aux prises, à la fin du XV 1,11~ siècle, le Chapitre de la Cathédrale et la paroisse Sainte-Croix. Au verso se trouvent ces deux indications PP le 8 mars 1780 et, au-dessous M. Husson. Or, en mars 1780, on était au fort des démêlés et Husson était procureur de la paroisse. Il signe en cette qualité le Mémoire de 1781, dans lequel, précisément, il est question d'une carte des lieux. Cette carte était peut-être notre plan, qui, en tout cas, fut certainement dressé pour accompagner la requête de la paroisse (1). L'original, en papier fort, mesure Om,645 de hauteur sur 0~,40 de largeur. Il est constitué par deux feuilles assemblées par collage sur une largeur de 0°\0)5. Sur la partie supérieure, la seule dont nous donnions la reproduction photographique, se trouve le plan, sur l'autre la légende. Le dessin, comme on peut s'en rendre compte, est assez négligé le trait est au crayon. Les murs sont teintés en orange, les croix et les portes en rouge. Les lettres sont à l'encre noire.

(1) Remarquer la mention portée sur le plan Renvoyer explications sur le tout.


Le différend qui séparait le Chapitre de la paroisse était tel. De tout temps, les paroissiens de Sainte-Croix (1) étaient enterrés dans le cloître attenant à la Cathédrale et devant l'Eglise NotreDame. Mais, en 1771, le Chapitre, par la voix du grand-vicaire d'Huart, avait attiré l'attention des paroissiens sur l'insuffisance et l'insalubrité du cimetière et l'opportunité d'en créer un en dehors de !a ville, comme on venait de faire à Nancy (2). La paroisse répondit que, puisque l'on avait toujours enterré au cloître, il n'y y avait pas de raison pour ne pas continuer l'insuffisance du terrain était plus apparente que réelle il semblait encombré parce qu'on creusait les fosses au hasard et trop peu profondément. Et l'on écartait d'un mot le « danger chimérique de la communication d'un air infecté ». En tout cas, le nouveau cimetière, en supposant qu'un jour il fût ouvert, le Chapitre seul devrait en faire les frais (3). Au fond, c'était là toute la question, comme la suite le montra qui paierait ?

Le 12 juin 1779, sur requête du procureur du roi au bailliage royal, l'évêque, Mgr Chaumont de la Galaizière ordonnait la désaffectation de l'ancien cimetière, à dater du t octobre de la même année et la création d'un nouveau cimetière en dehors de la ville (4). La paroisse demanda au Chapitre d'en user comme par le passé, de fournir le terrain, de faire exécuter les travaux nécessaires et de se charger de l'entretien. Le Chapitre refusa. Procès (5). C'était, disaient ces Messieurs, par tolérance qu'ils avaient laissé enterrer dans leur cloître et par libéralité qu'ils entretenaient les lieux. Mais prétendre transformer une concession toute précaire et locale en une servitude à laquelle le Chapitre continuerait d'être astreint quand le cimetière serait transféré ailleurs, on ne le pouvait sans abus (6).

(1) La cathédrate.

(2) 26 déc. l~t. Arch. municip. BB 3 reg. 7 (Délib. du conseil de ville). (3) 7 juin 1772, Arch. municip.

(4) 27 mars 1780. Arch. municip.

(5) 4 juillet 1779. Arch. municip. BB 3 reg. 7 (Délib. du conseil de ville). (6) V. GG 30 Interrogatoire du chanoine Abram, chantre, syndic du Chapitre à Nancy, le 3 mars 1781.


Le point de vue de la paroisse se trouve longuement exposé dans plusieurs actes, notamment dans un Mémoire imprimé du 18 mars 1781 (1) et dans une Requête au Parlement, du 15 novembre 1782 (2), où la discussion s'avive par instants d'une ironie assez voltairienne. Il peut se résumer ainsi

1° La prescription est acquise puisque jamais il n'y a eu d'autre cimetière que celui du c!o!tre et que toujours, celui-là, le Chapitre l'a entretenu et réparé.

2° Ce n'est nullement par générosité et bienveillance que le Chapitre a laissé enterrer dans le cloître, mais bien pour compenser en quelque sorte les empiétements qu'il a faits sur le cimetière primitif, transformé, pour une partie, en jardins potagers. Le cimetière actuel, dit le Mémoire de 1781, est divisé en deux parties l'un est le préau du cloître, l'autre, beaucoup plus petit, est dans l'enceinte extérieure du cloître et de l'église « et ce petit cimetière, par l'inspection des lieux et de la carte, est évidemment le reste de l'ancien cimetière de la paroisse, qui s'est trouvé réduit à un coin de terre, à mesure que te Chapitre en a converti successivement les diverses parties en jardins canoniaux ». La preuve, c'est que l'ossuaire se trouve-dans le petit cimetière et non dans le cloître, ce qui ne s explique que parce que ce dernier n'est pas le lieu primitif d'inhumation, qu'il a existé jadis des portes, actuellement murées mais encore visibles, mettant en communication le cloître et enceinte extérieure de Eglise–,que l'on met à jour en fouillant le sol des jardins voisins des « ossements, des morts qui y ont été enterrés, témoins muets mais irréprochables de l'assertion de la paroisse » (3).

Une première fois déboutée par arrêt des requêtes du t mars (1) GG 30 Mémoire pour la paroisse Sainte-Croix de Saint-Diez contre le Chapitre de l'Eglise cathédrale de la même ville, 18 pp. in 4", Nancy, Barbier. (2) GG 30.

(3) Dans l'interrogatoire de Dominique Abram, on peut relever quelques détails intéressants. Le Chapitre avait fourni gratuitement le bois nécessaire à la réparation du grand pont emporté par l'inondation de 1778. Interrogé sur la question de savoir s'il n'y avait pas à sa connaissance de monuments attestant qu'il y eut jadis un autre cimetière que celui du cloître, dont le Chapitre


)780()), la paroisse fit appel (2). Un arrêt de la cour du 10 mai 1781 ordonna que, par provision, et sans préjudice des droits des parties, la paroisse pourvût à l'aménagement d'un nouveau cimetière (3). On fit choix du jardin de Vomécourt à la côte Calot (4). Les travaux commencèrent avant que la cause fût jugée. Elle ne devait l'être jamais. La Révolution supprima le Chapitre et nationalisa ses biens. La paroisse estima que la nation, héritière du Chapitre, devait rembourser les 200 louis qu'elle avait avancés (5). Le département autorisa la reprise d'instance (6). Ce n'est qu'en l'an HI 1 que le différend fut réglé par voie d'arbitrage conformément aux lois additionnelles à celle du 10 juin 1793 (7).

Le procès qui émut l'opinion à Saint-Oie quelques années avant !a Révolution dont il semble que l'on sente parfois le souffle entre les pages des dossiers est aujourd'hui bien oublié. Du vieux cimetière, il ne reste plus que quelques dalles où la mousse ronge des noms obscurs. Ce plan, pourtant, garde son intérêt. Outre qu'il restitue sa physionomie d'autrefois à un coin de Saint-Dié, les indications précises qu'il renferme pourront sans doute, quelque jour, trouver leur emploi.

aurait disposé à son profit, le chantre répondit qu'il n'en connaissait pas et que « la chaire de pierre placée dans le cimetière qui fait. une partie des colonnes qui soutiennent )a voûte du cloitre, qui est aussi ancienne que le cloître construit par les moines et qui autrefois servait pour parler de la mort et des morts le prouvait assez.

(1) Reg. des délibérations de la municipalité 10. 7 janv. 1781. (2) 6 mai 1780.

(3) Déiib. du 24 mai 1781.

(4) Délib: des 24 mai et 16 décembre 1781.

(5) 19 sept. 1790.

(6) Le 13 août 1793. V. délib. du 23 messidor an III.

(7) 23 messidor an UI (12 juillet 1795).


LÉGENDE

A.- L'Eglise cathédrale de Saint-Diez cy-dessus figurée contient deux-cent-dix-sept toises un pied trois pouces de Lorraine, le tout dans œuvres les murs du contour n sont pas compris,

mais les murs en-dedans, le cœur, la sacristie, le buffet et toutes chapelles y sont comprises.'Cette église contient sept chapelles


non compris le cœur ny les chapelles de la croisée, dans laquelle sont posées quinze autels pour y célébrer le saint sacrifice de la messe, y compris le grand autel du cœur où se chante la grande messe. B. L Eglise Notre-Dame des Jointures, dit la petite Eglise, contient quatre-vingt-onze toises, y compris la sacristie et la chapelle des morts, le tout dans œuvres les murs de ta carcasse n'y sont point compris, mais le tout dans œuvres est toisé, aussi toises de Lorraine.

C. Le cloître faisant le contour du grand simetière, allant de la cathédrale à la petite église, contient dans œuvres soixante et douze toises.

D. Le grand simetière contient cent treize toises cinq pieds six pouces, aussi mesure de Lorraine, le tout dans œuvres. Elevée du cloître de quatre pieds.

E. Le petit simetière contient trente-deux toises aussi dans œuvres cette place est enfoncée de quatre pieds de Lorraine du cloître.

F. Jardin laissé par Messieurs du Chapitre au claire (clerc) de la cathédrale contient cinquante six toises de Lorraine. G. Jardin à Monsieur de Seichant (1), chanoine de la cathédrale contient cent-trente cinq toises de Lorraine. H. Jardins à Monsieur le Grand Doyen (2) de la cathédrale ce jardin n'est pas toisé, mais seulement figuré. Il contient à vue environ cent cinquante toises.

Jardins à M. Gaudin chanoine de la cathédrale avec celuy J. du maître de musique ces deux jardins ne sont pas toisés non plus mais on croit à vue qu'ils contiennent ensemble centvingt-cinq toises aussi de Lorraine.

K. Escalier et portail de la cathédrale.

L. Autre porte d'entrée vis-à-vis le cœur.

(t)D.deSeichamp,éco)âtre.

(2) H. de Tonnoy. Les noms des Messieurs du Chapitre figurent sur la grosse cloche de la 'Cathédrale, réparée précisément en 178). V. A. Philippe, anciennes cloches «osg/e~nes, dans les Annales de la Société <<'j!?)HM<atM)t des Vosges, 1923, p. 78-8) et chanoine Lhôte, dans Bulletin de la Société Philomatique vosgienne t90t-1902.


M. Autre porte allant au cloître et à la petite église. N. Porte d'entrée de la petite église.

0. Autre porte d'entrée à la petite église.

P. Autre porte bouchée sortant de la même église dans le jardin de Monsieur le Doyen.

Q. Autre porte bouchée àHant du cloître dans le jardin de Monsieur le Doyen.

R. Autre porte bouchée allant du cloître au jardin de Monsieur de Seichant.

S. Autre porte bouchée allant du cloître à la cathédrale. T. Porte du cloître à la place où on mest le charbon. U. Autre porte du ctoître au jardin du maître de musique. U. Arcade bouchée du ctoître au même jardins. V. Porte du ctoître au jardins de Monsieur Gaudins. X. Porte du cloître au petit simetière.

Y. Porte de sortie du petit simetière.

Z. Entrée et escalier pour monter au grand simetière élevé de quatre pieds plus haut que le. cloître (1).

GEORGES BAUMONT.

(1) Nous avons respecté l'orthographe de ce document où nous n'avons fait que rétablir la ponctuation.

La toise carrée de Lorraine (ou verge) vaut 8°*175 et le pied carré Om2,8 dm~, 17 cm~. Schwab. Monnaies et mesures en usage dans les Vosges en 1789, dans la /}e~o<ittto/t dans les Fosses, l~s année.



UNE LETTRE AUTOGRAPHE

DE

MADAME DE MAINTENON

En 1884, M. Jules Weiller, négociant à Saint-Dié, faisait don à la Société Philomatique, d'une « lettre autographe de Madame de Maintenon (1). Restée, croyons-nous, inédite, elle nous a semblé mériter les honneurs de la publication.

Son authenticité ne paraît pas douteuse. Madame Saint-René Taillandier, qui connaît mieux que personne les manuscrits de Madame de Maintenon, retrouve ici sa main, non seulement dans l'allure générale de l'écriture, mais encore dans la forme caractéristique de certaines lettres, les r et les s par exemple (2). Par ailleurs, cette lettre n'offre point cet intérêt rare, exceptionnel, incroyable, par lequel les Vrain-Lucas cherchent à allécher la curiosité des collectionneurs, et qui, souvent, décèle le faux. Les lettres authentiques de Madame de Maintenon sont, dans la période où se place celle-ci, trop nombreuses pour qu'un faussaire ait pu être tenté d'en fabriquer une toute semblable aux autres.

(1) Bulletin de la Société .f/t~matt~f.: vosgienne, t. IX (1883-1884), p. 235. (2) Je suis heureux d'adresser ici mes plus sincères remerciements à Madame Saint-René Taillandier qui a bien voulu s'intéresser à cette publication, sans elle impossible, ainsi qu'à Monsieur F. Baldensperger qui m'a mis en rapports avec elle. Madame Saint-René Taillandier est l'auteur d'un fin et solide ouvrage sur Madame de Maintenon Madame de Maintenon l'énigme de sa vie auprès du grand roi, Hachette (Coll. Figures du passé).




Nous la transcrivons sans y rien changer.

A ~erMi7/es, ce 27 octobre.

Ma très reverende Mere, 1

« Cest assez que vous cognoissiés linterest de la gloire de Dieu

« dans laffaire que M. labbé Tiberge vous a proposée [.] Les « raisons personnelles que vous me mandés sont convenables a « vostre vertu [;] mais iose vous dire que vous nettes pas croyable « sur ce chapitre et quelles ne font qu'augmenter lenvie que ta) « de vous voir a St-Cir [.] !e Roy le desire et M. lArchevesque « vous lordonnera [.] apres cela ie ne mérite point destre considérée « et mon personnage sera de vous recevoir de tout mon cœur et « dadoucir le plus qui! me sera possible les peines que nous vous don« nerohs [.] La Reyne dAngletterre fut effrayée de ma proposition « mais elle se rendit et oublia son interest des quelle eust compris « les grands bien que vous pouvés faire en formant a la religion « celles qui doivent soustenir un si grand et si saint ettablissement [.} « Ni mettés plus dobstacles et ne troublés point la ioie que vous « allés nous donner [,] en nous monstrant une si grande répugnance [.] « j'aurois bien envie de vous en aller coniurer mais ma visitte feroit « peut estre trop de bruit et si ceste nouvelle est sceue a Chailliot « ie craindrois dy estre mal receue [.} SI vous en iugiés autrement « ma tres Rde Mere ie serois ravie de vous aller assurer que ie « suis avec toute testime que vous merités

« Ma tres Révérende Mere,

« Vostre tres humble et tres obéissante servente,

« MAINTENON ».

On remarque que cette lettre, datée du 27 octobre, ne porte pas de millésime. Cette mention, observe Geffroy, manque presque toujours aux lettres autographes de Madame de Maintenon ()). H faut évidemment inscrire ici celui de 1692.

(1) A. Geffroy, Madame de A/at~enon d'après sa correspondance au<Aen<He, Hachette 1887, 2 vol. t. I.p.LXXII.


Cette année-tà vit s'accomplir la grande réforme de Saint-Cyr qu'annonçait, dès septembre 169), une lettre à Mme de Fontaines. « La peine que j'ai sur les filles de Saint-Cyr ne se peut réparer que par le temps et par un changement entier de !'éducation que nous leur avons donnée jusqu'à cette heure » (1). « L'institutrice, dit Madame Saint-René Taillandier, fit son examen de conscience, avec ses guides, avec ses amis. Elle était allée trop vite. On avait Inculqué à des maîtresses trop jeunes de bons principes, mais à ces principes avait manqué la sanction de l'expérience (2). De l'institution un peu trop mondaine, un peu trop ouverte aux souffles troublants du siècle, où les « grandes » disaient trop bien les vers langoureux ou brûlants de Racine, Madame de Maintenon résolut de faire un couvent d'étroite observance. Le costume, le beau costume des dames, dont le roi avait goûté la noble simplicité, fut seul conservé (3). Ce fut l'unique concession consentie aux errements du passé. Désormais « l'ombre des coiffes de lin » va s'étendre sur Saint-Cyr.

C'est au retour du voyage de Flandre où elle avait accompagné le roi à l'armée (4), que Madame de Maintenon s'attacha à cette rude tâche avec la volonté, la ténacité clairvoyante qui sont le trait dominant de son caractère. « Cette fois, pour être sûre de ne pas s'égarer dans les nouveautés, Madame de Maintenon fit venir une vraie, une sainte religieuse, la mère Priolo, supérieure de la Visitation de Chaillot » (5). C'est à cette très révérende Mère qu'est adressée notre lettre. Elle hésitait à accepter la direction religieuse de Saint-Cyr. Non sans raison. Autre chose était de gouverner une communauté, autre chose d'introduire la règle dans un établissement jusqu'alors libre, où la réforme devait d'ailleurs rencontrer des résistances. Peut-être aussi la supérieure voyait-elle déjà s'introduire à Saint-Cyr !es séduisants prestiges du quiétisme, auxquels

(t) Geffroy, t. p. 209. Cf. Lanson, Choix de /eMr~ du ~F/ siècle, Hachette, 504.

(2) Madame Saint-René Taillandier o. p. 186.

(3)Ibid.p.l90.

(4)Gen'roy,t.I.,p.224.

(5) Madame Saint-René Taillandier, p. 188.

7


devait se prendre plus tard l'ardente et Inquiète Madame de Malsonfort()).

La reine d'Angleterre, de son côté, ne voyait pas sans amertume la mère Priolo quitter la Visitation de Chaillot où elle-même avait ses habitudes (2). De toutes ces dimcuttés, Madame de Maintenon triompha. L'abbé Tiberge, son confesseur, qui avait toute sa confiance, fut chargé des négociations (3). Elle-même convainquit la reine d'Angleterre et, pour emporter les dernières résistances de la supérieure, invoqua comme on le voit ici, l'intérêt de la religion, le désir du roi, et la volonté de l'archevêque de Pans (4). Ainsi cette lettre sert à fixer quelques détails relatifs à la réforme de 1692. Comment est-elle venue à Saint-DIé ? Une note manuscrite épinglée à l'original porte cette mention « Lettre autographe de Madame de Maintenon donnée à la Société Philomatique de SaintDié, par M. Costet Jean (dit Gaye) de Saint-Dié, ancien valet de chambre du Maréchal Pélissier et de Mgr Dupanloup » (5). Cette indication est en désaccord formel avec le procès-verbal officiel de la Société Philomatique. Sans doute, la lettre qui fut donnée par Costet était non celle-ci mais une autre, épinglée par erreur à la première, signée de la marquise de Pompadour, et 'qui est très certainement apocryphe. Peut-être aussi, M. Weiller tenait-il cette lettre de Costet. C'est ce qu'il m'a été impossible d'établir. GEORGES BAUMONT.

(1) Madame Saint-René Taillandier, o.l. p. 192 et sqq.

(2) Marie-Béatrice d'Este, femme de Jacques II. '< La reine d'angleterre n'a point voulu venir ni la noce ni au souper elle aime mieux prier Dieu à Chaillot Lettre de Madame de Maintenon à la princesse des Ursins, 6 juillet 1710 (Geffroy, t. 11, p. 250}. Le chevalier de Saint-George est charme des traitements qu'il recoit à la cour de Lorraine. la reine sa mère est dans la solitude de Chaillot, sans secours et sans consolations qu'autant qu'il plaît à Dieu de lui en donner De la même à la même, 3't mars 1713 (Geffroy, t. II, p. 327).

(3) Les abbés Tiberge et Brisacier, de la maison de Saint-Lazare, étaient entrés à Saint-Cyr en 1790 (GefTroy, 1. 202). Madame de Maintenon estimait fort Tiberge. V.'Geffroy, 234, 246, 251, 278, 289 et H, 365. (4) Hartay de Champvallon. mort te 5 avril 1695. Madame de Maintenon s'employa à faire nommer à sa place, quand il mourut, Louis-Antoine de Noailles évêque de Chaions. (Geffroy, I. 250)

(5) Je n'ai rien trouvé sur ce Costet dans les registres de I'etat-civi)deSaint-Die.


Nicolas-François-Joseph RICHARD

en relations avec BUFFON et LACÉPÈDE

En une étude modestement annoncée comme une contribution

à l'histoire des mines de Sainte-Marie-aux-Mines ()), M. Jules Bourgeois, le distingué entomologiste alsacien, a appe!é l'attention sur les collections et les collectionneurs de minéraux qui, sous l'impulsion donnée à l'étude des sciences naturelles par le prince Charles Alexandre de Lorraine, frère du duc François, étaient devenus nombreux auXVIH~ siècle en Lorraine et en Alsace. L'auteur de la notice ne cite toutefois que deux noms pour les Vosges celui de l'abbé Charroyer, de Girecourt, qui reçut, en 1754, la visite de Voltaire et celui de Louis-Joseph Renauld, chanoineécolâtre du Chapitre de Remiremont, député par le Chapitre pour assister à l'assemblée des trois ordres tenue à Nancy, le 16 mars 1790 né à Remiremont en 1723, décédé dans cette ville le 26 novembre 1793.

Qu'il me soit permis d'ajouter à ces noms celui de NicolasFrançois-Joseph Richard, qui appartient à Remiremont par sa naissance et les origines de sa famille, et à Saint-Dié, par les' fonctions qu'il y exerça de 1771 à 1798.

L'existence si remplie de N.-F.-J. Richard n'étant pas l'objet de cette notice, il suffira de rappeler par les quelques lignes cidessous (2) ses états de services mais l'ori apprendra avec intérêt (1) Les collections et les collectionneurs de minéraux au XVII!" siècle, par J. Bourgeois. Belfort, Imprimerie Nouvelle, 1899.

(2) Richard (Nicolas-François-Joseph), né le 14 août 1753, à Remiremont, Docteur en droit de l'Université de Strasbourg en 1771, avocat à la Cour sou-


qu'Haété l'un des précurseurs de ces savants géologues qui, cinquante ans plus tard, ont brillamment illustré notre région, en poursuivant si avant l'étude des origines et des richesses naturelles du sol vosgien. On peut penser que, vivant à Saint-Dié, ptès de son père (t) qui exerçait les fonctions de juge principal en la juridiction commune des Eaux et Forêts, N.-F.-J. Richard apprit de lui à observer. ta nature, et que ses relations d'amitié avec le naturaliste GabrielLéopold-Charles-Aimé Bexon (2), originaire comme lui de Remiremont, contribuèrent à développer ses aptitudes pour l'étude de l'histoire naturelle on est toutefois réduit à des conjectures, car i! ne reste, de ses collections, que quelques échantillons qui ont formé les premiers éléments ,de la collection de son petit-fils, veraine de Lorraine la même année, vint s'étab)ir à Saint-Dié, pour y exercer sa profession. Procureur fiscal au buffet d'Etival en 1782 et sotifMf'ou chef de Police du Chapitre de Saint-Dié; il occupa, en 1789, avec le titre de conseiller de la Princesse Louise Adelaïde de Bourbon-Condé, abbesse de Remiremont, les fonctions d'Officier principal du Chapitre de Remiremont en la juridiction commune de Saint-Dié et celles de juge tutélaire de la Pierre-Hardie de Saint-Dié et de membre de l'assemblée du district de Saint-Dié.

Elu, en 1790, Procureur de la Commune de Saint-Dié puis nommé, en 1792, Juge de Paix et, peu de temps après, Président du Directoire du district d'Ormont (ci-devant Saint-Dié), il cumula ces fonctions avec celles d'administrateur forestier de Saint-Dié, poste auquel il avait été nommé, fe 19 frimaire an fV (1795), en remplacement de M. de Bazelaire, par les Régisseurs Nationaux de l'Enregistrement et des Domaines et continua à occuper ces divers postes jusqu'au moment où, après avoir refusé, en 1796, d'exercer les fonctions de Commissaire du pouvoir exécutif près les Tribunaux civil et criminel du département des Vosges, il fut nommé le 22 pluviose an VI (10. février 1798) par le Directoire, Président du Tribunal Criminel du département des Vosges, à Epinal, en rempta- cement de M. Hugo.

Le 9 avril suivant (22 germinal an VI) il fut élu à la majorité absolue, membre du Conseil des cinq cents, élection validée le 24 florial an VI, et. le 9 germinal an VIII, il fut appelé par le Premier Consul, au poste nouvellement créé de souspréfet de l'arrondissement ,de Remiremont.

M. Richard demeura en ces fonctions jusqu'au 17 juin 1813, date de sa mort. (1) Nicotas-François'Richard, né à Remiremont le 21 août 1723, licencié en droit de l'Université de Pont-à-Mousson le 27 juillet 1750, Conseiller de la princesse de Saxe abbesse de Remiremont, Juge Principal en la Juridiction Commune des Eaux et Forêts à Saint-Dié, décédé à Saint-Dié le 15 décembre 1796. (2) L'Abbé Gabriet-Léopotd-Chartes-Aimé Bexon, né à Remiremont le 10 mars 1747, mort à Paris le 15 février 1784. Chantre de la Sainte-Chapelle en 1791, collaborateur habituel de Buffon.


le géologue Michel-Ernest Puton ()) de Remiremont et deux lettres de Buffon (2) et de Lacépède (3) précieusement conservées par la famille du destinataire, lettres qui font l'objet principal de la présente notice

Lettre du C" de Buffon à M'' N.-F.-J. Richard (4). « J ai reçu, Monsieur, les congélations que vous avez bien voulu "m envoyer qui sont de la plus grande blancheur et de la plus belle « conservation, mais il doit s'en trouver des morceaux beaucoup « plus grands et si vous pouviés m'en envoyer un seul d'un gros « volume, il ferait honneur au Cabinet, surtout si ce morceau était « à grands rameaux.

« La mine de plomb est belle par ses cristaux en prismes pyra« midaux qui sont mêlés avec la galène sur une pierre argileuse. « A l'égard de la matière agatisée dont vous avés des rochers « entiers près de Gérardmer, c'est réellement une matière d'agathe « et de cornaline qui a rempli les vuldes d'un quartz feuilleté dont « les filets blancs paraissent encore dirigés en tous sens dans cette « pierre, c'est donc le quartz feuiueté qui en est la bâse et vous « devés trouver ce quartz qui est blanc, feuilleté et troué, aux « environs de ces mêmes rochers. Je ne puis donc trop vous remer« cier de m'avoir fait part des richesses de vos montagnes. Je vois « tous les jours un de vos bons amis, M. l'abbé Bexon qui travaille « avec moi à plusieurs objets de l'histoire naturelle et qui pourra « bien aller cette automne faire des recherches de vos côtés. (t) Michel-Ernest Puton, né à Remiremont le 15 mai 1806, mort au même lieu le 26 août 1856, s'occupa avec passion de sciences naturelles, notamment de géologie et de matacotogie ses importantes collections ont été données par sa famille à l'Institut C'eotogique de Nancy, elles renferment de curieux échantiifons des minéraux provenant des mines des Vosges et d'Alsace, notamment deux rares spécimens de Phënakite provenant des mines de Framont (ancienne principauté de Salm).

(2) C.-L. Leclerc, comte de Buffon, célèbre naturaliste, 1707-i788. (3) Etienne de Laville, comte de Lacépède, naturaliste distingué, continuateur de l'Histoire naturelle de Buffon (1756-1825).

(4) Cette lettre appartient à M. Bernard Puton.


« J'ai honneur d être avec toute estime et considération, Mon« sieur, votre très humble et très obéissant serviteur ». LE C~ DE BUFFON.

Au Jardin du Roi à Paris,

ce 17 janvier 1779.

Lettre du C" de Lacépède à M' N.-F.-J. ~c/!arJ()) à Monsieur Richard, avocat à Saint-Dié, en Lorraine, Au Jardin du Roi, le 26 décembre 1786.

Monsieur,

« J ai reçu avec bien de la reconnaissance, la lettre que vous « m avez fait l'honneur de m écrire je prends d'autant plus de « part à l'incommodité qui vous retient en Lorraine, que j'aurais « eu grand plaisir, Monsieur, à vous voir à Paris. 'J'ai fait part « de votre lettre à M. de Buffon, il m'a chargé, Monsieur, de vous « faire parvenir ses remerciements et ses regrets, relativement à « l'obstacle qui a dérangé vos projets de voyage. Ayez la bonté, « Monsieur, de faire partir par les voitures publiques de votre « pays, les moins chères mais les plus sûres, la caisse de plombs « blancs et de plombs verts que vous avez bien voulu destiner au « Cabinet du Roi.

« Ne doutez jamais, Monsieur, des sentiments que vous m'avez « inspirés et particulièrement de la très haute et respectueuse « estime avec laquelle je suis. Monsieur,

« Votre très humble et très obéissant serviteur ».

LE Cte DE LACÉPÈDE

(1) Cette lettre appartient à M. François Richard, Inspecteur des Finances.


Ces lettres personnelles et entièrement autographes, permettent de penser que Mr N.-F.-J. Richard avait été présenté et mis en relations avec Buffon et Lacépède par l'abbé Bexon, puisque Buffon se trouvait au courant de l'amitié qui unissait les deux compatriotes.

Nous ignorons la provenance exacte des minéraux soumis à l'examen du célèbre auteur de l'Histoire des M/neraux sans doute provenaient-ils des mines de Sainte-Marie-aux-Mines ou plutôt de celles de Framont (hameau de la commune de Grandfontaine) que Mr N.-F.-J. Richard avait particulièrement explorées. Mais il est intéressant de retenir que les échantillons envoyés ont mérité l'attention de Buffon et de Lacépède et qu'ils ont été jugés dignes des collections du Jardin du Roi.

~entt'remon~, 16 mars 1927, BERNARD PUTON.



LES ÉTRAN&ËS AVENTURES

D'UNE CLOCHE DE MOYENMOUTIER datée de 1570

Je prends souvent plaisir à parcourir les périodiques qui sont envoyés à la Société d'Archéologie lorraine je trouve à y ièlever des renseignements sur toutes sortes de sujets et y fais parfois de curieuses découvertes. C'est ainsi que des Mémoires bisontins,. reçus au mois d'août dernier, m'ont fait connaître une ancienne cloche de l'Abbaye de Moyenmoutier restée, je crois bien, ignorée jusqu'à présent des historiens du célèbre monastère vosgien ()) car, enlevée sans doute à l'époque révolutionnaire, elle a été transportée ensuite dans une église de Franche-Comté. Elle offre la date de )570 cependant, il ne s'agit pas de la cloche primitive elle semble avoir été refondue dans le courant du XV 111° siècle ;.mais, sur la cloche nouvelle, l'inscription a été reproduite.

Ces renseignements me sont fournis par un intéressant travail de M. l'abbé Boiteux, membre correspondant de la Société d'Emulation du*Doubs, qu'il vient de publier dans le recueil annuel de cette docte compagnie; ce travail est consacré à l'étude des cloches anciennes du département (2).

Voici le passage qui se rapporte à notre monument campanaire « Burgille (canton d'Andeux) possède une ctoche qui passe pour antique. L'inscription semble confirmer cette opinion. On y lit la formule courante au Moyen Age, qui n'est autre que l'épitaphe de sainte Agathe (3)

(1) Elle n'est pas mentionnée dans l'excellent travail de M. André PHILIPPE, ~4nctennes cloches f~o~M/t/Ms (X.V<=-XVIII~ siècles). Epinal, t925, gr. in-8°, 112 p., 2 p).

(2) Afemotfes de la Société ff~KM~thon du Doubs, 1925 Abbé BOITEUX. Les ~/tCte/~es cloches ~o'~s le ~pa/e/Me~~ du T~o~~s (XIV~* ~~c/e-1700). (3) Ici une note que je reproduirai plus loin.


MENTEM SANCTAM, SPONTANEAM, HONOREM DEO ET PATRIE LIBERATIONEM. Puis, HAUTE ET PUISSANTE DAME (le prénom buriné) DE MALAIN, DAME DU LIEU, DAMR ()) JEHAM DE (mot buriné) PAR LA GRACE DE DIEU HUMBLE ABBÉ DE MOYENMOUSTIER. Remarquons d'abord que Moyenmoutier est une Abbaye des

Vosges, que le nom de Malain ne figure pas dans l'Armorial de Franche-Comté, ce -qui inspire une forte présomption que cette cloche est émigrée. Mais nous ne sommes pas au bout de nos découvertes. En dessous de la légende, nous trouvons un listel où figurent plusieurs motifs un crucifix, une vierge répétée, un blason martelé, enfin, un cartouche sur lequel apparaît une date en chiffres imités du Moyen Age 1570. Malheureusement, les lettres de l'inscription sont visiblement du XV 11!~ siècle, tout au plus de la fin du XV H~. De cette constatation, il résulte que la cloche, primitivement du XV Ie siècle, fut refondue plus tard, avec inscription identique. Elle ne peut plus prétendre à une grande antiquité » (2).

L'auteur n'en dit pas davantage sur la cloche on ne peut guère douter qu'elle a été descendue de son clocher pendant la Révolution et transportée dans un grand dépôt (3) pour être brisée et transformée en gros sous ou en canons comme quantité de ses semblables, elle a échappé au désastre et, après le Goncordat, elle a été attribuée à une église qui l'a demandée, sans que l'on s'inquiétât de son origine.

II est fort regrettable que le prénom de la donatrice ou marraine n'existe plus. Sa famille qui tirait, je pense, son nom de Malain, dans la Côte-d Or, a réside en Lorraine elle est citée dans les

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(1) L'auteur ne dit pas ce qu'il pense de ~e mot. On voit très souvent, au Moyen Age, dam pour dom la lettre R devrait-elle être séparée, comme l'initiale d'un mot .Hece/'c/tf.tt'sst'mt ? '?

(2) Abbé BoiTEUx, 1. c., p. 149-159.

(3) C'est alors, sans doute, que l'on a buriné le prénom de la. dame (on aura pris Malain pour un simple nom de lieu), le nom de l'abbé et martelé l'écusson héraldique.


armoriaux de l'ancienne chevalerie mais je ne vois pas quelle pouvait être exactement la dame dont il s'agit (1).

Quant à l'abbé de Moyenmoutier, il n'y a pas de doute possible c'est Jean de Mesieres, comme l'a écrit dom Calmet (2), ou de Maizières, suivant l'orthographe préférée par M. le Chanoine-Léon Jérôme (3).

Son règne va de 1568 à 1570.

Sous le nom de la sainte, M. l'abbé Boiteux a mis la note suivante « Tous les actes de sainte Agathe, dit Tillemont (t. III, p. 733), rapportent qu'avant de fermer son sépulcre, on vit venir un jeune homme fort bien vêtu, accompagné de cent enfants, lequel mit à la tête de la sainte un marbre avec cette inscription Mentem sanctam spontaneam, honorem Deo et pa<n<B liberationem, c'est-à-dire: une sainte pleine de zèle [qui est] l'honneur de Dieu et la délivrance de sa patrie ».

Je suis étonné que Lenain de Tillemont (il ne m'est pas possible en ce moment de vérifier) ait donné une traduction si éloignée du texte latin et si extraordinaire comment une sainte serait-elle l' « honneur de Dieu (4)? D'après un auteur qui s'est beaucoup occupé des cloches, Gustave Vallier, il en est une à Mieussy (Savoie), datée de 1559, qui onrait ainsi le même texte en français « j'ai une nme sainte et spontanée pour honorer Dieu et la délivrance de la patrie (5) ». De la sorte, il faudrait supposer comme initiale de l'inscription primitive le mot habeo. Pourtant l'inscription est apportée par « un jeune homme », sans doute un ange. Offra-t-elle des paroles mises dans la bouche de sainte Agathe ? Ne sérait-il (1) D'après les recherches qu'a bien voulu faire M. E. des Robert, la dame de Malain en 1570 serait Marguerite de Rye.

(Nobil. Ms. de Circourt, à la Bib). Munic. de Nancy).

(2) Dom CAmET, ~Mt. de Lorraine, 1" édit. t. II!, Dissert. p. CLXII. Liste des abbés de Moyenmoutier.

(3) L. JÉRÔME, L'Abbaye de Moyenmoutier, Paris 1902, gr. in-8", p. 500-506. (4) Est-ce bien lui qui a mis entre crochets les mots qui est ? Il suffirait de les remplacer par pour et l'on aurait un sens acceptable.

(5) G. VALHER. Inscriptions cŒmpanatyes du département de l'Isère. Montbëtiard, 1886, volume, gr. in-8" y voir p. 8 note II semble qu'après le mot Dieu, il faudrait répéter pour.


pas plus logique de proposer habebat ? La question est complexe ce n'est pas le lieu de l'approfondir, outre que le temps me ferait actuellement défaut.

A la fin de sa note sur ce qu'il appelle l'épitaphe de sainte Agathe, M. l'abbé Boiteux ajoute « Il reste toujours à éclaircir les raisons de choisir semblable épigraphe pour les cloches et sa vogue extraordinaire pendant des sièc!es. » Plus loin encore, à propos de la « classification » des cloches, H y revient « Quant à celle de sainte Agathe, représentée à Voillans et à Burgille, il ne ferait pas un hors-d'œuvre, celui qui découvrirait à quelle préoccupation elle doit son. épigraphe ())

J'ai répondu d'avance à la question dans mon étude déjà ancienne (1887) sur la cloche de Lacrouzette (Tarn), datée de 1465 et qui offre la même formule Mentem sanctam. (2) Le son des cloches bénites chassait les démons et par conséquent les orages que le peuple croyait produits par les puissances infernales et dont il avait une peur extraordinaire aussi inscrivait-on, sur l'airain sonore, des textes, des formules qui étaient considérés comme possédant la même vertu. Or, sainte Agathe passait pour protéger les habitants de Catane contre les éruptions de l'Etna et les tremblements de terre, calamités créées aussi, pensait-on, par l'Ennemi du genre humain elle pouvait donc être invoquée contre la foudre et tous les néaux.

La formule Mentem sanctam me paraît ne s'être introduite en France qu'à la fin du Moyen Age, époque à laquelle les inscriptions campànaires ont commencé à se développer elle a joui d'une grande vogue au XV~ et au XV Ie siècle, après quoi ce texte a dû sembler (1) Abbé BOITEUX, l. c., p. 158-159.

(2) Léon GERMAtN, La cloche de ~ac/'omeMe (Tarn). Toulouse, 1887, 9 pages (ext.r. du ~uH. de la Soc. Archéol. du Midi de <a .F/'oncf). Dans cette étude, j'ai cité d'autres c)oches portant la même formule. Depuis 1887, j'en ai retrouvé un grand nombre d'autres et la bibliographie du sujet est devenue importante.


trop « gothique » et disparaître. Mais sous quelle influence la formule ()) sicilienne s'est-elle propagée dans les pays du Nord ? C est ce qui demeure encore à l'état de question (2).

L. GERMAIN

DE MAIDY.

(1) Je' dis « formule et non dévotion à sainte Agathe, car la vierge martyre de Catane était, de longue date, connue et vénérée en Lorraine A elle, est dédiée l'antique église de Longuyon, autrefois chef-lieu d'un très vaste archidiaconé, dit « Archidiaconé de sainte Agathe ».

(2) M. l'abbé Boiteux donne (p. 145) un chronogramme qu'il paraît rapporter à l'année 1691 je le lis 1695. C'est par distraction, je pense, qu'il a mis un point après chacune des lettres du monogramme IHS Athose, 1453, p. 153 Belvoir, 1653, p. 147. Ces points, s'ils existaient, seraient à signaler.



La Bibliothèque de Saint-Dié EN 1926

Jusqu'aux approches de 1900, notre Dépôt de Livres conserva la dénomination officielle de Bibliothèque savante. Cependant l'élément dit « de vulgarisation ') s'était glissé, vers 1830 (1), parmi les austères ouvrages des Abbayes cette infiltration s'accentua sensiblement à partir de 1882 et permit d'aboutir, en 1912, à ta constitution d'un Fonds populaire réunissant, dans un local distinct, des livres de culture post-scolaire et des matériaux de distraction destinés à un Prêt à domicile largement étendu.

Dix ans auparavant, en 1901, l'importante donation faite par la Société Philomatique de « tous ses Mémoires ou ouvrages présents e~ à uen/r (2) déterminait la création d'un Fonds Lorrain qui groupa, avec les nouveaux venus, la totalité des imprimés de même nature inscrits aux Catalogues et surtout les Lotharingiques de la riche bibliothèque Edouard Ferry, dont la nue propriété avait été donnée à la Ville en 1888 (3). Vinrent ensuite, avec les dons Blondin et Lehr, quelques ouvrages de Droit et des Collections Industrielles, et, en 1919, le magnifique Fonds de Technologie et Beaux-Arts

(1) C'est à partir de 1833, année où fut promulguée la loi organisant dans toute la France l'enseignement primaire, qu'eut lieu une formidable éclosion de littérature populaire. J) n'y avait que 22 périodiques français, il s'en créa 230. ,En quelques années, la France fut envahie jusque dans ses hameaux par plus de 4.000 colporteurs à la solde de 300 patrons bien organisés et l'on écoula plus de dix millions de petits livres populaires à bon marché, imprimés à Paris, à Rouen, à Limoges, à Epinal surtout

(A. Humblot. L'Edition littéraire au XIX'* siècle).

(2) Bulletin de la Société Philomatique Vosgienne, 27e année (1901-02). (3) Bulletin de la Société PhUomàtique Vosgienne, 14° année (1888-89).


légué par Isidore Finance (1), l'un des plus beaux, le plus complet peut-être de la région, qui introduisait à !a Bibliothèque l'élément de culture professionnelle et artistique. Signalons enfin l'extension toute récente du noyau d'ouvrages offerts par Madame Jules Ferry, généreusement accru par Madame Abel Ferry et qui, grâce à un admirable concours de bonnes volontés, va s'amplifier encore, pour devenir bientôt un organe substantiel et vivant de Documentation coloniale (2).

Telle est, en l'an de grâce 1926, la physionomie diverse de notre Bibliothèque, à la fois temple du souvenir, foyer de culture classique et office du travail. C'est ce caractère ancien et moderne qui en fait le charme « L'esprit y est sollicité vers les choses du passé « aussi souvent peut-être, que vers celles du présent ou de l'a« venir. Le passé qui l'habite et qui l'imprègne y vit encore con« rusément. A voir un érudit penché sur un vieux livre, il semble « parfois qu'on assiste à la rencontre d'un mort et d'un vivant « qui sont allés l'un vers l'autre, ayant fait chacun la moitié du « chemin (3). Que de problèmes se sont ainsi agités dans de muets conciliabules, ayant le plus souvent pour objet les vicissitudes qu éprouvèrent ces précieuses « Librairies » des chapitres ou des couvents, avant de trouver l'ultime repos Poudreux bréviaires, vénérables manuscrits, imprimés sortis des premières presses, nous direz-vous jamais, par le menu, les étapes de votre vie, le mystère de votre destinée ? Quelles mains pieuses ont tracé ces riches enluminures dont l'exquise fraîcheur déconcerte l'artiste, dessiné ces gracieux rinceaux de feuillages ponctués d'or

(1) 4.000 volumes. Le catalogue sur fiches est en bonne voie d'achèvement. il pourra être donne à l'imprimeur des 1928.

(2) Le compte rendu des démarches faites, des concours acquis et des nombreux documents réunis en 1926 (près de 400 imprimés, cartes, dépliants) fera l'objet d'une communication ultérieure.

(3) H. Michel. Les Bibliothèques municipales.


et d'azur « qui courent si joyeusement, mêlés à mille scènes amusantes ou grotesques » le long des marges de nos manuscrits ? Saurons-nous'les pérégrinations infligées à ces purs joyaux semés de fleurs de lys, ornés des armoiries de Marie-Thérèse d'Autriche, de Beauvau, de Livry' (1), ou dont la possession a été marquée par ]es ex-Hbns de Mignot de Montigny, dé Provenchères, de Servières, de Romémont ? Quelques-uns pourtant, habilement interrogés, ont consenti à livrer tout ou partie du secret de leur odyssée ce sont sept volumes donnés comme Prix, les cinq premiers à l'Université de Pont-à-Mousson, les autres. au Collège de Jésuites de Molsheim (2). Celui-ci, relié aux armes de Jean des Porcelets de Maillane et Valhey, fut décerné en 1595, puis séjourna à la Bibliothèque des Prémontrés d'Etival avant d'entrer, en 1802, à celle de Saint-Dié. Un autre, offert par Jean IX, comte de Salm, Marécha! de Lorraine, à Jean de Jubainville (1599), appartint ensuite aux Lazaristes de Toul (3). Ce beau <' P!antin témoigne encore de la munificence de Philippe Charles de Ligne, Prince d'Aremberg et du Saint-Empire, Chevalier de la Toison d'Or et Gouverneur de la Province de Namur, qui fit les frais de la solennité de )60). De celle de '1602, nous conservons un inquarto aux armes de François de Lorraine, comte de Vaudémont, qui devint dans la suite la propriété de l'abbé Hugo, d'Etival. En 1611, l' « agonothète » (4) fut Jean des Porcelets de'Maillane, évêque de Toul, dont le curieux blason orne notre « Casaubon ». (1) M. Edmond des Robert a eu i'extreme obligeance d'identifier ces fers. Qu'il veuille bien agréer ici l'expression de notre vive reconnaissance. (2) La description de ces ouvrages est empruntée à l'article de M. G. Baumont Note sur quelques livres de prix à la Bibliothèque de Saint-Dié. M. S. A. L. 1921. pp. 7 à 17.

(3) Les patientes et savantes recherches de M. J. Favier (voir sa « Nouvelle étude sur l'Université de Pont-à-Mousson M. S. A. L. 1880), lui ont permis de retrouver dès prix de 26 des 33 distributions qui eurent lieu de 1592 à 1627. Deux fers qu'il n'avait pu rencontrer ont été signâtes depuis, i'un par MM. le comte de Mahuet et E. des Robert (Essai de répertoire des ex-libris et fers de reliure des Bibliophiles lorrains. Nancy 1906 p. 202), l'autre, celui de Jean IX, comte de Salm, cité ici, par M. G. Baumont.

(P. Chenut B. S. A. L. 1925 p. 8).

(4) Le donateur.

8


Enfin, c'est de ta distribution des prix de Molsheim, que proviennent une Vie de saint Ignace » décernée à Antoine Bertrand en 1589 et un « Cicéron aux armes du cardinal Char!es de Lorraine, dont le bénéficiaire fut Antoine Ferry, de Raon ()596). Nos beaux manuscrits, dont les plus anciens remontent au XI Ie siècle (1), n'ont-ils pas eux-mêmes fourni, en ces dernières années, la matière d'une abondante moisson ? M. le Chanoine Roussel, qui vient de donner une Etude historique sur l'Abbaye d'Etival au XV! Il" siècle (2), nous révèle ici (3) une curieuse ngure de dom Calmet dont la vie pastorale, dans son district relevant directement du Saint-Siège, était restée complètement ignorée. M. Baumont publie, dans ce même volume, une lettre inédite de Madame de Maintenon le BuHetin de la Société d'Archéologie Lorraine et la « Révolution dans !es Vosges ont 'inséré ses communications sur dom Fangé (4) et Nicolas Souhait (5).

Après avoir enseigné histoire du pays à quarante générations d'élèves, M. Froment célèbre maintenant sa petite Patrie, en exhumant les vieux papiers qui en feront connaître la vie pendant ta période révolutionnaire. Si notre collègue a trouvé à Mandressur-Vair la substance de ses travaux, c'est à la Bibliothèque de Saint-Dié qu'il rédige ses communications à la « Révolution dans les Vosges », nos collections locales lui fournissant d'utiles compléments (6). Le Fonds Lorrain est aussi ledomaine de M. Ohl des Marais;

(1) Biblia sacra, in-f°sur vélin Ms. 2.

Lectionnairein-f<'survélinMs.4.

Isidori Etymologia;, in-f" sur vélin Ms. 6.

(2) Semaine religieuse du Diocèse de Saint-Dié, 23 et 30 avril 1926. (3) Voir l'article intitulé Dom Calmet. Abbé de Senones.

(4)-La « Relation du Voyage à Vienne » de dom Fange, 1753. B. S- A. L. 1922, pp. 41 à 60.

(5) Le registre d'ordres de Nicolas Souhait, capitaine du Génie à l'armée de Sambre-et-Meuse.

(La Révolution dans les Vosges, 14 janvier 1926).

(6) Une année au village pendant la Révolution Mandres-sur-Vair. (La Révolution dans les Vosges, 14 avril, 14 juillet, 14 octpbre 1926).


les données qu I! y découvre ont déjà trouvé un judicieux emploi dans l'ouvrage publié par M. Weick « Saint-Dié de jadis à nos jours » ()) elles seront utilisées dans les productions ultérieures que nous promet la belle activité de notre collègue (2). Ces résultats si encourageants incitent à la persévérance tout nous permet d'espérer que d'habi!es enquêtes, débarrassant d'une antique poussière des documents encore inconnus, nous procureront un jour, par surcroît, la surprise d'une découverte depuis longtemps désirée Ne plane-t-il pas, en effet, certains doutes sur les débuts de l'imprimerie dans notre région lorraine La première place doit-elle être attribuée à Saint-Dié ou à Saint-Nicolasdu-Port ? (3) D'heureuses trouvailles pourraient jeter une vive lumière sur les importantes données déjà acquises et muer en certitudes d'honorables hypothèses.

A côté de ce Fonds précieux, que l'on conserve, voici, sous le même toit, le capital que !on e;rp/o!'<e. Dans des saHes rajeunies, confortables, aux larges baies, où les bruits de la rue n'arrivent qu'atténués, se tient la Bibliothèque moderne, fonds d études générales et ouvrages d'utilité pratique, véritable « Bourse aux idées l'on « s'entretient des nouvelles du jour au seul bruit des 'pages qui tournent ». Un peu délaissée autrefois, à cause du maigre profit que t'dn pouvait en attendre, elle a peu à peu, et définitivement, reconquis la faveur populaire au cours des cinq dernières années, le nombré des lecteurs, déjà imposant, passe de 4.500 à près de 10.000 et cette belle progression continue il n'est pas de séances où nous n'inscrivions (1) Saint-Dié de jadis à nos jours. Préface de Fernand Baldensperger. Albert Ohl des Marais, aquafortiste. (A. Weick, 1925).

(2) Saint-Dié de jadis à nos jours 2e partie (en préparation). La gravure en Lorraine (en préparation).

(3) Voir Jes opinions émises à ce sujet dans l'ouvrage de Beaupré Recherches. historiques et bibliographiques sur les commencements de l'Imprimerie en Lorraine et sur ses progrés jusqu'à la fin du XVIle siècle (Chapitre 1").


des recrues nouvelles amenées par intérêt ou la curiosité l'affluence est parfois telle que nos cloisons, trop étroites, songent à s'élargir, et que les insuffisants fichiers prendront bientôt le sage parti de se multiplier.

A la clientèle hàbituelle des Membres de l'Enseignement, en quête de matériaux qui illustreront une leçon, est venue depuis peu s en ajouter une autre que nous accueillons avec une vive joie celle des jeunes maîtres ou maîtresses, candidats à la Licence, aux professorats des Ecoles Normales, voire même à l'Agrégation et au Doctorat, qui trouvent à la Bibliothèque une documentation appropriée, mettent largement nos richesses contribution, et dont les besoins, est-il nécessaire de le dire, inspirent nos acquisitions. Aussi empressée est celle des élèves de nos Etablissements secondaires, qui savent rencontrer ici une somme très appréciable de sérieuses références auteurs latins et grecs, textes français anciens et modernes, littérature française et étrangère, manuels d'histoire, de géographie, de sciences, atlas, plans, iconographie, etc. A prendre régulièrement le chemin de leur Bibliothèque, ces jeunes gens ajoutent aux bienfaits de la discipline sectaire la meilleure des habitudes, celle qui deviendra plus tard la régulatrice de leurs études, parfois de leur vie, le goût et le besoin de la recherche personnette.

De concert avec quelques professeurs, nous avons enfin ébauché l'organisation de visites collectives, chacune ayant son but bien défini, visant l'application de certaines leçons et au cours desquelles les élèves ont sous les yeux les « choses ettes-mêmes dont le livre ne donnait qu'une idée vague ou insuffisante, l'Encyclopédie, les Dictionnaires du XVHI~ siècle, le Journal des Savants, les Manuscrits, les Incunables, etc.

!)!

Que dire alors du succès de la Section Technologie et BeauxArts ? L'an dernier, nous signalions 1 empressement de la population à venir y puiser mille renseignements j anals dire mille recettes de toute nature, à y étudier les travaux les plus variés.


L'exercice écoulé, dirait-on en style administratif, est nettement en progrès.

Faut-il rappeler la joyeuse surprise, l'étonnement ravi d un groupe de jeunes filles en admiration devant nos ouvrages sur les dentelles, et les nombreuses séances où elles ont étudié, comparé les aubes, les bordures, les berthes, les collerettes, les fraises, les gorgerins, les pertuis les reproductions, faites par plusieurs ouvriers très assidus, de pentures, grilles, rampes, balcons, porte-enseignes, etc., sujets de ferronnerie du X I Ie au X IXe siècle les études de himinaires, dont !es spécimens si curieux se rattachent au mobilier ou relèvent de l'archéologie, appliques, bougeoirs, lampadaires, mouchettes, torchères, trépieds, etc.

C'est journellement que nos ouvrages sur les styles sont mis à contribution et procurent matière à discussion ou à comparaison. Les promeneurs de la rue Thiers n'ont-ils pas admiré sans réserve cette'magnifique nappe ornée d'un vol de papillons multicolores qui y fut un moment exposée, avant de prendre le chemin de l'Angleterre où elle décore un foyer français ? Ce chef-d'œuvre du travail de nos brodeuses a été conçu à la Bibliothèque. Les collections sur le costume ont, elles aussi, donné lieu à de patientes et fidèles reconstitutions évoquant, dans les plus minutieux détails, les époques lointaines des.VH~ et VI 11~ siècles. Je n'en finirais pas avec les multiples utilisations de nos ressources: mots croisés, concours littéraires ou historiques. identification de volumes, de pièces de céramique, travaux au pochoir, au tarso, etc. A peine créée, la section coloniale avait déjà ses fidèles, et nous n'évoquons pas sans émotion l'attentive tendresse d'une déodatienne suivant sur nos cartes de l'Afrique équatoriale ()) les étapes du voyage de son fils, un brave petit sergent qui rejoignait son poste sur la rive occidentale du Lac Tchad.

Mais la masse des lecteurs vient surtout chercher à la Bibliothèque le détassement, sans autre préoccupation, et fréquente le (t) Don récent du Gouvernement Général de L'A. E. F.


Fonds populaire où dominent les ouvrages de fiction. Ici s'effacent les .distinctions de classes, se nouent même des relations cordiales tous les milieux s'y coudoient aimablement, ouvriers, employés, propriétaires, rentiers.

Les loisirs de la semaine anglaise donnent aux séances du samedi l'aspect d'une ruche bourdonnante d'activité sait-on que notre moyenne journalière est de 175 prêts, que nous avons distribué jusqu'à 800 volumes en certaines séances (859, le 18 décembre 1926) et qu'au cours de l'année, 8.405 lecteurs ont emprunté 23.009 volumes ? (1)

Dans cette foule compacte règne un ordre parfait, une bienséance dont chacun veut avoir le mérite, une discipline qui reconnaît, avec la meilleure bonne grâce, les droits du voisin. Aussi avons-nous apporté à la pratique du « libre accès aux rayons» tous les adoucissements compatibles avec cet heureux état d'esprit. On connaît le principe de la méthode anglaise ou américaine un tambour avec deux portes, l'une pour l'entrée, l'autre pour la sortie, donne accès à la Salle de Prêt. L'emprunteur se présente à la première, montre son permis de prêt, entre et choisit puis il revient à la porte de sortie que le surveillant immobilise aussitôt en faisant mouvoir de son pied un mécanisme spécial le livre noté, son état vérifié, la porte est rendue libre et le lecteur peut sortir. A Saint-Dié, une amiable entente remplace l'indiscret tambour et l'ennuyeux cerbere; les livres sont p!acés sous la protection d'un public qui n'a jamais abusé de cette marque de confiance.

Si les services rendus à la population de Saint-Dié par sa Bibliothèque, justinent pteinement les dépenses consenties par la Ville,

(1) Voici la statistique générale de 1926.

Fret à domtct7e 9.935 lecteurs, 27.840 volumes sortis, dont 4.831 pour le Fonds Général.

Lecture sur place: 778 entrées et 2.310 volumes communiques. ~e~MMt/to/tf: 1.170 volumes (503 provenant d'achats, 637 de dons). Effectifs au 1~ janvier 1927 44.632 imprimés, 134 Ms., 140 incunables.


son rayonnement au dehors lui assure déjà une indiscutable notoriété. En attendant que soit comblé le vœu de l'Institut international de coopération intellectuelle qui voudrait l'organisation des Bibliothèques en centres universels de documentation (1), notre dépôt a toujours répondu, avec un empressement dont il faut reconnaître, du reste, l'aimable réciprocité, aux demandes de renseignements faites par des étrangers Une copie du début de la Pièce tirée du MS. 80-XI (Première Epître au Roy de Pologne, par dom Calmet) a été adressée à M. J. M. Professeur à l'Université de Poznan (Pologne). M. P. de Paris a trouvé dans le MS. 94 (f° 75-76-77) des lettres de Jamerai-Duval à dom Calmet. M. l'abbé S. Professeur à Tours, se documente chaque année sur sa région de prédHection Schirmeck et Plaine. M. V. M. a demandé Les noms et les œuvres des principaux écrivains d'aujourd'hui, voire d'hier, originaires des Vosges et de la Lorraine 2° Les romans importants dont l'action se déroule dans la région. Nous avons envoyé à M. H. Rédacteur en chef d'un journal du Doubs, parent du Général Guye, des renseignements sur l'ancien Maire de Saint-Dié (2)~ Par contre, nous n'avons pu fournir au Docteur P. A. de l'Abbaye de Neresheim, près d'Aalen (Wurtemberg), les précisions désirées sur ouvrage de Johanes de Tambaco « De consolatione theologiae ».

Mais l'événement le plus marquant dans nos Annales de 1926 est !a participation de la Bibliothèque à l'Exposition parisienne du Livre italien. Le roi d' Italie est au premier rang des collectionneurs qui se- sont dessaisis momentanément de leurs pièces les plus admirables. M. Mussolini a invité les conservateurs des Bibliothèques publiques de son pays à prêter à la France tous les ouvrages

(1) L'exemple est donné par l'Amérique. Les Universités sont autonomes et isolées, mais possèdent un catalogue collectif (Union-Catalogue) et la série des fiches de la Bibliothèque du Congrès à Washington, ce qui permet, en somme, en n'importe quelle Bibliothèque d'Amérique, de savoir où se trouve et comment emprunter un livre dont un seul exemplaire existe aux Etats-Unis ou au Canada. (Illustration, 12 février 1927).

Le même système fonctionne en Prusse.

(Indication fournie par M. F. Baldensperger).

(2) Maire de Saint-Dié en 1829 et en 1830. Voir Bardy. Le Général Guye (1773-1845). Saint-Dié, Humbert 1899.


qu'elle désirerait (1). Les villes' de Florence, Parme, Venise, Brescia, Modène, se dépoui~ent de leurs plus rares parures, et c'est dans cet ensemble de féérie, à côté des joyaux de )a Nationale et des Bibliothèques parisiennes (Mazarine, Sainte-Geneviève, l'Arsenal), des merveilles de manuscrits et d'imprimés, Livres d'Heures pontificaux, Bibles princières, enluminures étonnantes et splendides reliures armoriées, parmi des estampes, des pierres ciselées et d'inestimables dessins, que figure notre Incunable 68 (2), jugé digne de cette grandiose manifestation d'art et de bibliophilie, si complète, a-t-on dit, qu'eHe ne se renouvellera plus (3).

Jusqu'ici, nos Bibliothèques étalent de grandes silencieuses on commence à en ouvrir les portes, à en montrer les richesses après Paris, c'est Colmar qui organise, du 25 septembre au 2 novembre, une Exposition historique du Livre. aussi sont étalés aux yeux ravis des visiteurs, des pièces exceptionnelles, telles i EvangéHaire de Strasbourg (Xe siècie) le Codex Guta-Sintram de 1154 la Bible des Taurellus du XH!~ sièc!e les deux superbes volumes du manuscrit de la « Cité de Dieu ». On y trouve parmi les livres, les « Grandes Chroniques de France imprimées par Vérard, le « Champfleury de Geoffroy Tory ajoutons des collections d'exlibris, des .livres d'héraldique (4).

Dérogeant à un règlement formel, la Bibliothèque nationale y prend part, avec les grandes Bibliothèques de Paris. Notre (1) I) est intéressant de constater quelle vigilance apportent nos voisins à toutes les questions touchant la diffusion de la pensée itaHenne dans le monde et du prestige de l'Italie. C'est ainsi que, sur l'initiative du Marquis Mario Costi, de la Société des Auteurs et de l'Associazione Editoriale Libreria italiana, une Exposition du Livre italien serait projetée pour Buenos-Aires. Le Gouvernement italien, mis au courant de ce projet, non seulement l'aurait encouragé, mais a exprimé le désir qu'il soit réalisé dans le plus bref délai.

(Bull. du Livre français, décembre 1926).

(2) Andréas Barbatia. Repetitio de rebus Ecclesitc non a)ienandis. Naples, 1476, in-f".

(3) D'après l'Echo de Paris, le Journal des Débats (juin 1926), et la Revue des Bibliothèques (juillet-octobre 1926).

(4) Voir le Guide Illustré de l'Exposition Historique du Livre à Colmar » I'< mustration du 23 octobre 1926 la Revue d'Alsace n" 484 (septembreoctobre 1926).


collègue, M. François Gérardin, dont les belles collections sont mises à contribution, y expose huit livres et une reliure Combat à la barrière faict en cour de Lorraine le 14 febvrier, en l'année présente 1627. (Ce rare et précieux volume contient les premières épreuves d'une des plus belles suites de l'oeuvre de CaHot 11 planches, titre compris) (!)

Les miseres et les malheurs de la-guerre, représentez par Jacques Callot. Paris, 1633. (L'une des plus belles suites du Maître elle se compose de 18 pièces) (2)

Misère de la guerre faict par Jacques Callot (3). (Suite de sept pièces, y compris le titre gravé par Abraham Bosse après la mort de Callot)

Vie de la Mère de Dieu s. n. d. in-8

Légende dorée 1526. (/eAan Pe<t'~

Dialogues des trois Etats de Lorraine 1543

Louangede Charles Duc de Lorrat'ne,t679.(Exemp!aIre unique) Reliure de maroquin rou~e, décorée sur les plats d'une large dentelle de rinceaux et de points d or gardes de tabis bleu Chansons de la Borde 1773, in-8, reliure'de Dérôme avec son étiquette.

L'accroissement des collections de la Bibliothèque et le souci de sa prospérité continuent à être la préoccupation d'une collectivité dont la sympathie agissante se manifeste en toute occasion. Cette maison de tous est vraiment une œuvre commune en 1926, cent quatre-vingt-douze personnes accomplissent le beau geste qui édine lourde ou légère, la pierre apportée par chacun a pour nous une valeur d'intention elle approuve et encourage. (1) Voir Beaup/'e Recherches historiques et bibliographiques sur les commencements de l'imprimerie en Lorraine et sur ses progrès jusqu'à la fin du XV! t" siècle. Saint-Nicolas-du-Port. Trenel, 1843. Me<ttt/ne Recherches sur la vie et les ouvrages de Jean Callot. Nancy, 1853p. 316.

(2) Meaume, id. p. 365 à 37t.

(3) Mea;tme, id. p. 363 à 365.


Comment, dans un article qui voudrait s'écourter, citer tant de noms, étaler un millier de titres ? ()) Pourtant leur énumération ne serait point fastidieuse on y verrait que tous tiennent une place honorable sur nos rayons, que nul n'y est dép!acé, que le plus modeste rendra service, que la qualité n'a jamais été sacrifiée à la quantité. Peut-on traiter de médiocrités, vingt et une revues offertes, toutes de 1926, complètes, traitant de Littérature, Sports, Tourisme, Expansion française, Métiers, etc. un bel ensemble de fascicules du « Musée littéraire » dont les exemplaires se raréfient, avec des illustrations de Tony Johannet, Coppin, Bertoll, Meissonnier, Stall (2) ) ouvrage si apprécié, célébrant le Millénaire de la Normandie 911-1911 l'étude si remarquable de Marius Audin sur « Le Livre, son illustration, sa décoration (3) le livre de Louis Gonse La sculpture française depuis le XV Ie siècle et tant d'autres dont la liste est à la disposition des lecteurs (4) ? Dans la longue énumération de nos acquisitions, le Fonds lorrain figure pour 42 unités. Aux ouvrages déjà inscrits sur les combats de la Grande Guerre aux environs de Saint-Dié (5), s'ajoute celui de M. J: Marot, Directeur de 1 Ecole Normale de Laval « Première rencontre avec. » Détails pittoresques et pages poignantes, récits d'actions se déroulant à Saulcy, Taintrux, Remémont, Corcieux, Anould. Dans cet ordre d'idées, l'histoire de la Cloche Gondelbertine » (6) évoque un épisode curieux de la douloureuse Epopée. On retrouvera le détail des cérémonies

(1) Ceux de 1170 volumes.

(2) On sait la vogue dont jouirent ces Maitres, la valeur de leurs compositions et la rapide évolution de leur manière.

Porret grave en 183Q, sur les dessins de Tony Johannet, l'illustration de l'/Yts&t/'e du Roi de Bo/tfme et de ses trois Châteaux, de Ch. A~odte/ et marque ainsi Je vrai point de départ de l'école romantique de la gravure sur bois. (3) Rappelons, du même auteur:. M. Audin le Livre, son architecture, sa technique.

(4) Voir le catalogue des récentes acquisitions.

(5) Allier (R): Les allemands à Saint-Dié.

Barrès (H). Chronique de la Grande Guerre.

Colin (L). Les barbares la trouée des Vosges et quelques autres. (6) Extrait du « Ban de Corcieux n (M. l'abbé Antoine, doyen de Corcieux)


commémoratives honorant nos glorieux morts, les faits locaux, les épisodes de la vie universitaire dans la Gazette ~os~enne, le Trait d'Union Vosgien, le Bulletin de la Société Amicale des Anciennes Elèves du Collège Jules-Ferry mais il est certaines solennités dont le caractère et l'ampleur ont nécessité la constitution d'un dossier spécial. C'est le cas pour les Fêtes Jubilaires de Mgr Foucault (30 et 3) mai 1926), au sujet desquelles nous avons réuni les pièces suivantes Lettre pastorale annonçant les fêtes, programmes, photographies (1), maquette d'un des écussons décoratifs (2), articles de journaux, et le savant ouvrage du vénéré Prélat le rythme du chant ~re~onen, d'après Gui d'Arezzo (Tirage à part de « La Tribune de Saint-Gervais, Paris. Ch. Poussielgue, )903}. Le Centenaire de l'Eglise re/or/nee (5 et 6 juin 1926) donne lieu également au dossier contenant la « Notice historique sur l'Eglise réformée de Saint-Dié 1826-1926. (R. Foltz) !e programme des fêtes et des articles de journaux et de revues (3).

Bien des lecteurs ont déjà feuilleté le n° de l'Illustration écono-.mique et financière, consacré aux Vosges (13 mars 1926) et où s'étale une magnifique énumération des sources vives de ce beau pays qui s'est brillamment relevé et veut prospérer. On y lira, en particulier, les articles suivants, dus à la .plume de nos concitoyens L'industrie de la toile méta!!ique,de la tréfilerie et du grillage, par M. A. Delaeter. Les forêts des Vosges et leur exploitation, par M. E. Frientz. Saint-Dié et ses environs par M. Bernard Vergez. L'élégant et humoristique discours que prononça M. Robert de Fiers à la distribution des prix des écoles de Vittel (août 1926), a été rangé dans nos vitrines à côté des ouvrages sur la ville d'eaux lorraine (4). Nous avons reçue! les communications relatives (1) Nous devons ces photographies à l'obligeance de Mme de Lestrac et de M. Achille Feltz.

(2) Don de M. Serrès, la maquette venant des ateliers Minoux et Mangin. (3) Rappelons qu'à la même date a eu lieu le centenaire d'Oberlin (voir dans l'a Alsace française les articles de MM. F. Baldensperger et Pfister et dans le < Lien celui de M. P. Jeannet).

(4) Chapiat (l'Abbé). Vittel, 1877.

Pierfitte (i'Abbé). L'ancien Vittel, 1899.

Bouloumié (D' P.). Histoire de Vittel, Paris 1925.

Sadoul (L.). Les crimes des." Cardinaux Vittel, i804.


aux fouilles faites à Sauville par M. Vilminot et à la découverte d'un cimetière mérovingien (printemps 1926) (1). Enfin, M. le Recteur Adam nous a envoyé le texte de son discours la distribution des prix du collège de Lunévnle et M. Edmond des Robert, son « Guide du Musée Lorrain de Nancy.

Nos compatriotes établis hors de la région prennent, eux aussi, une part active au splendide mouvement d'édification dont les pouvoirs publics ont fait récemment l'éloge. C'est grâce à l'aimable intervention de Madame Fernand Baldensperger que le «Livre Français en Alsace-Lorraine» dont elle est la Vice-Présidente, nous a fait parvenir une caisse de fascicules de la Revue des DeuxMondes provenant de la Bibliothèque du Prince Roland Bonaparte, et que nous avons reçu, de la maison Plon, les volumes parus de la collection Nobles 'vies, Grandes œuvres (2). Chaque année, M. Fernand Baldensperger nous apporte, avec te charme des entretiens qu'i! sait rendre si familiers, des livres (3), .des encouragements, et mieux encore, des conseils. Il suit depuis longtemps nos efforts avec un affectueux intérêt nous lui en savons un gré infini et sommes très heureux de lui témoigner ici toute notre gratitude.

Dans ce cercle d'amis qui s'étend, malgré de douloureuses pertes, nous sommes heureux de compter M. Ferdinand Brunot, doyen de la Faculté des Lettres de Paris, « qui a gardé pour son pays natal une vieille tendresse » (4), et M. Paul Elbel, qui collabore avec grand plaisir à la prospérité d'une Bibliothèque « dans laquelle il a passé, il y a plus de trente ans, quelques-unes des meilleures heures de sa jeunesse (5). M. Ferrier, Chef du Service d' Imprimerie à la Société des Nations, à Genève, nous dit sa joie d être un (t) L' Ecole Vosgienne d'octobre 1926 donne en hors texte, des photographies d'objets provenant de ces fouilles.

(2) On sait que Madame Fernand Baldensperger est )a directrice et la merveilleuse animatrice de cette belle collection qui comprend actuellement dix volumes.

(3) Exemplaires en bonnes feuilles d'ouvrages récemment parus, fascicules de Revues, divers volumes, dont Mathias Crisinant (Coll. l'Aubier). (4) Lettre du 22 mai.~926. 1

(5) Lettre du 12 mai 1926.


intermédiaire entre la Société des Nations et la ville de Saint-Dié, où il a passé des heures charmantes dans l'hospitalière demeure de M. Baldensperger père » (1). M. Poulet, Conseiller d'Etat, « glane pour la Bibliothèque, parmi ses publications sur la Lorraine et Saint-Dié »- (2). M. le Capitaine Montagne ravitaille, avec .M. G. Colnat, le Fonds allemand en formation. En souvenir du Bibliothécaire, à qui il doit « un lumineux souvenir de SaintDié » (3), M. Maurice Bouchor, le vieux barde du chant populaire, offre son dernier livre paru de la « Vie prof onde » (Temps modernes) M. Coyecque, Inspecteur Général honoraire des Bibliothèques de Paris, nous fait connaître, par d'intéressantes brochures, le fonctionnement des Bibliothèques américaines dans les régions dévastées (Amzy-te-Château, Coucy-Ie-Château, Vic-sur-Aisne, Soissons). M. James H. Hyde, dont on sait l'influence prépondérante sur les rapports d'amitié intellectuelle et morale qui unissent la France et l'Amérique (4), nous honore, pour la seconde fois, de sa collaboration (A. de Wolfe Hôwe ~La vie et la correspondance de Barrett Wendell, Paris, Payot 1926, 1 vol.).

Remercions M. Robert MH!iat, Chef de Cabinet du Préfet de la Savoie, dont le charmant petit livre Pt'/e ou Face, a fait l'objet de la plus éiogieuse appréciation de M. G. Lecomte, de l'Académie française ("Jai retrouvé là un écho des plus purs sanglots d'un Verlaine ») (5), et pour en finir avec notre « Livre d'Or », mentionnons « Les Amis de la Pologne » les Compagnies,de chemins de fer les Laboratoires Midy (ouvrages du Dr Cabanès) la- Comf1) Lettre du 5 mai 1926.. (2) Lettre du 12 septembre 1926.

(3) Lettre du 18 décembre 1926.

(4) En Amérique, le progrès de l'Alliance française fut un des premiers effets de l'ambassade mémorable de M. Jules Cambon, favorisé à souhait dans son ingénieux dessein par l'initiative locale d'un certain nombre de bons amis de la France, parmi lesquels il faut citer M. James H. Hyde, fondateur des conféTences françaises de l'Université Harvard et, actuellement, Président d'honneur de la Fédération de l'Alliance. française aux Etats-Unis et au Canada. (Le Temps, 14 mars 1927).

(5) L'initiative de ce don a'été prise par notre compatriote, M. R. Mathieu, bibliothécaire de l'Université de Besançon (Fac. de Droit).


pagnie des Messageries Maritimes les Offices Coloniaux la Société Franklin (1).

A ces encouragements, à ces témoignages de satisfaction, il faut joindre ceux qui nous ont été donnés par les visiteurs de l'Etablissement, venus si nombreux au cours de la dernière période estivale. Ici encore, la nomenclature ne tiendrait pas dans la juste limite que s'imposent ces lignes. Disons seulement qu'aux félicitations officielles décernées à la Municipalité par le Ministre de l'Instruction publique (2), sont venues récemment se joindre celles de M. !'Inspecteur Général Vidier et de M. le Recteur Adam nos beaux manuscrits, nos livres armoriés ont été admirés par Madame Qémenceau-Jacquemaire (3), par M. de Lesseux, par M. le Commandant de Bizemont. M. Pfister, Recteur de l'Université de Strasbourg, le savant historien de Nancy et de la Lorraine, nous a dit, lui aussi, toute sa satisfaction. Mais nous attachions une importance toute particulière !a visite et à t appréciation de M. le Commandant Dubec et de Madame Dubec, née Eugénie Finance, beau-frère et sœur du généreux donateur de la collection de Technologie et Beaux-Arts dont la ville de Saint-Dié a toutes raisons de s'enorgueillir c'était la première fois, depuis notre installation dans ce nouveau local, qu'un membre de la famille du défunt franchissait la porte de la Salle Isidore Finance. M. et Mme Dubec s'arrêtèrent avec une vive émotion devant les collections familières dont i!s admirèrent la belle ordonnance, et quelques jours après leur visite, nous recevions la lettre suivante (1) L'un des ouvrages envoyés porte l'ex-libris du Prince Roland Bonaparte. (2) Lettre du 16 février 1925.

(3) Madame Clémenceau-Jacquemaire vient d'ajouter un petit chef-d'œuvre à l'admirable collection « Nobles Vies, Grandes œuvres (Plon, Editeur). Elle a présenté avec un beau talent la noble et pure figure de Madame Roland, sachant « discerner, analyser, définir, ce qu'il y eut de profondément humain et de pitoyable en cette existence ».

(Revue de l'Alliance française, janvier 1927).


« Nous avons été ravis, ma femme et moi, de l'installation, de « la présentation et de la mise en valeur des ouvrages et documents « constituant le Fonds Finance. Nous y avons trouvé un ordre, « une méthode d'organisation et une facilité de documentation « auxquels nous sommes heureux de rendre hommage. Vous « savez toute l'importance que mon beau-frère attachait à son legs « pour l'éducation des jeunes ouvriers et le développement de « l'artisanat dans toutes ses branches. Le mode d'utilisation de ce « legs par la Ville de Saint-Dié répond pleinement aux intentions « d'Isidore Finance (1) ».

Commandant DuBEC.

Une appréciation non moins typique, celle de M. Ch. A. Buckmaster, de Londres, mérite d'être citée ici elle terminera ce compte rendu

« This is one of the most interesting libraries 1 have ever visited. « Ils richness in early editions renders !'< worthy of the ancient town « and its close connection with the history of j&n'n<n? ». « De toutes les Bibliothèques que j'ai visitées, celle-ci est l'une « des plus intéressantes. Sa richesse en éditions anciennes la rend « digne de la vieille cité de Saint-Dié et des liens étroits qui unissent « cette ville à l'histoire de la Typographie ».

CH. A. BUCKMASTER,

(Dépt. des Sciences et Arts, Londres).

A. PIERROT.

(1) Lettre du 30 juin 1926.


I-.ÎG BOLE VOSG-IEISTKTE (!)

LO PATWËS

Je feus, éprès avou t)ouie/< bonne pece,

Bin ébaubi d'oï, quand je ratreus étan,

D'ïn f rançais boriaudè se srevi notis rece~

Au leu do vî patwès qu'a pâlait ennsequan,

C'ir m f rut élaiçant de tire de Lorraine,

/n hertèje venu Jra< de notis ancins

Et je /e~ue e voyant qu'il n in <oct pahhaine

Que se sosieusse co de wadèr in svet bïn.

7/ charmeut m'n e/ance et trompeut me misère

Is loures, is cwérails c'); lè wè de mis sûs,

Dis tares t)fs pu.'ah's, père, moman, ~ranJ mère,

Awant praque français' seulemat au bon Dû.

Das lis bôs dremant zos /e versure dadiante,

Où de neut m'n humeur Mm'e/'e me poutait,

C'ir co le que radait le piandesse loquente

De mo cœur de vet ans que /e vie égritait.

Su l'euch où chèque sâ /e ~eiesse ébachuse,

Selon /uteye ancïn remeune so galant,

pedait se rudesse et se mine horsuse

Po Jeuen!e<ro/ et se motrèr éblant.

(1) L'Académie Française décernait l'an dernier un prix Montyon de t.000 francs et la Société Erckmann-Chatrian son prix annuel de littérature à notre compatriote M. E. Mathis, pour son ouvrage Les Héros gens de Fraize M. Mathis nous autorise à extraire d'un recueil de poèmes en préparation ces


LE PATO!S

Quelle fut ma surprise, après ma longue absence, Rentrant chez nous, d'entendre, enlaidi de gros mots, Torturé, travesti, le-clair parler de France,

Au lieu du vieux patois, aux lèvres des marmots. A !a façon d'antan, dans mon pays, personne Ne veut plus me répondre, et je souffre de voir Mourir dans l'air des monts le verbe âpre qui donne, Lorraine, à ta pensée, un accent de terroir.

II fut l'enchantement de mes jeunes veillées, La voix de l'ancien temps, celle de la maman, Du père, des chers vieux, âmes qui sont allées, Ayant parlé français au bon Dieu seulement. Dans les bois endormis sous la voûte clémente, Où je cherchais la paix dans le calme des soirs, C'est lui qui traduisit !a plainte véhémente

De mon cœur de'vingt ans qu'ont trahi tant d'espoirs. Sur la porte rustique où la jeune béïesse

Selon l'usage ancien reconduit son veilleur, I! perdait son tour gauche et sa verte rudesse, Et l'amour le rendait éloquent et charmeur.

deux pièces inédites, écrites en patois de Fraize. La Philomatique fait rarement appel aux poètes nos lecteurs nous approuveront d'avoir dérogé à la tradition en faveur de ces vers si pleins de couleur locale.


Quand, de neut <o< pwa mi, remu)a< mis sovenances, 7/ sine das m'n ème, et tocou s'y malat

Dis besses, dis hautous, lis lantes restinances

Evo epc/ dis moûts montant dis crûs do ta.

Comme pain de ~reumsau <'Q fait po note gouje, Et je t'aime, pâler de mè pore mau/to

Mais j'ai lè marque aussi que l'écôle nos /ou/e Mo ccEUr praque patwès et français mè raho. Lo f rançais ç'a lè pou/e éveude su lo monde

Où sofiat touts lis vats <)'eu<t/!an< l'édalan

L'aute a lo guïnchena que lè wahhure éronde Et que ru~e~e lo meix où notis jos colant.

C'a lo français que fait, das l'humaine malâie Lis lâjes remoûmats dot je menas lo bran

Lo patwès a lè wè, das lo ta reculâie,

D in sang que feut hadi, d'ïn pessè que feut grand. m'éraut fait boun wèr </as /o coratit dis éjes Demôurèr élaici lo français au patwès

Mais note live a ~o note pore languèje

Cède aussi zos l'éfoût d'ïn soi dehhant progrès. Lè même hhnôlé au co, po lè même visâie

Deléhhant çu qu'a note, au ïroupe réunis,

N'awant pus qu'enne longue et pus qu'enne passâie, Je vos n'allèr tortus dwa même deveni.

Mis feus se pourrot bïn e svette /u)e souma~e Mais mt jmâ n'ai pévu haï drât das tn ran~ y'nen'<eus dis ancïns que viqueunnent sna mâte, Mille ans Je~/t'6er<e que j'ai co Jds /o sang.


Aussi, dans les longs soirs où la métàncolie

Visite mon exil, eri mon cœur je l'entends

Vibrer comme un écho de ma rude patrie,

Comme un appel des morts qui monte au fond du temps. Je t'aime, car tu fus, comme le pain de seigle,

Faite à notre gosier, ô voix de ma maison

Mais l'école m'ayant aussi dicté sa règle,

Mon cœur parle patois et français ma raison. Le français, c'est la porte ouverte. sur le monde, Où soument tous les vents qu'enfante l'infini

Le patois, c'est la baie où la verdure abonde,

Donnant sur le jardin où nos jours ont neuri.

C'est te français qui jette en la mêlée humaine

Ces appels que toujours nous avons entendus Mais notre vieux dialecte est la voix plus lointaine De la terre, du sang et des siècles vécus.

J'espérais voir rester, au cours futur des âges,

Le patois au français immortel enlacé

Mais notre livre est clos sur ses dernières pages, Ce dernier vestige est lentement effacé.

Nous irons maintenant, pris à ta même cangue, Pour le même idéal refrénant nos instincts,

Comme un troupeau, bêlant tous dans la même langue, D'un uniforme pas, vers les mêmes destins.

Mes neveux sauront s'en accommoder peut-être Quant à moi j'ai l'horreur de 1 uniformité

J'héritai des aïeux qui vécurent sans maître,

Et je porte en mon sang mille ans de liberté.


LO BOHHO

/n jo, montant dis bôs dé piaine Dwa lis revîs do pays haut

Où lis sepnés ot lû <~ômame,

Enne conâie e, do bohho,

Lehhi cherre le brûne graine.

Lo f ûta séwaut énimait

Dos le sepnère le /eine,

Et, hhoûgniâ, dina jeurmait Et zos tire peumit récîne Lo nové rwé-là dis semets.

7/ devïnt grand se foûie encombre, Cwèche lo leu, boûne lo ta

Pis sis rejetos zos lû nombre,

Que chèque jo cra< e< se stad,

Stofiat lès seps morant das l'ombre. Pus ils n'o<, pus ils ne vlot pare: Lis &oAA~ex s'égrippat au fianc Dé haute c/)aume is champs avares Que n co jma das s'n élan,

Pévu ~at'ni' lè houle nare.

Mais quand lis hevîs sot feuon~, Et que sot cAeu~es lis /ouia«M, Su notis monts, uja/)A~ ennsequan, Il senne éneu qu'enne resa~e ~i'n< de pesser su /u /ro< &anc.


LE HETRE

Montant des forêts de la plaine Vers les monts dont le sapin no!r A fait son unique domaine, Un jour le corbeau laissa choir, De son bec brun, la blonde famé. La graine au printemps s animait De la profonde sapmière,

Hôte perfide, ainsi germait

Dans l'alluvion millénaire,

Ce roi futur de nos sommets.

Il grandit son feuillage sombre

Autour de lui couvre le sol

Puis ses rejetons sous leur nombre Ecrasent le vert parasol

Des beaux sapins mourant dans l'ombre. Puis, accentuant leur victoire,

Les hêtres s agrippent au nanc

De la chaume, âpre territoire,

Que n'a jamais dans son élan,

Atteint, des pins, la houle noire.

Aussi, quand par les- vents d'hiver L'ample hêtraie est éclaircie,

De nos monts autrefois tout verts, Il semble que la calvitie

Envahit le front découvert.


Et'dina /e vague écabrante, Reboussie et montant tojo,

Ainsi qu'enne ôve sûniante, Das ïn jo preuche érait raAo Do sep e /e bôle pohhante.

Moûts lis seps fiavants, évo zas C'a lè vée époque éseuvie E lû pièce, bohhos pansâs,

~ece nuve et rèche de vie,

.~o< se spande das tos lis sas. Competirnis-vos me parabôle, Vosgiens, éfants do vî <a ?

Sna pare deto de parole,

Je vos lo dis bïn nattemat,

De note sort ç'a lo sïmbole. Je ne serons nos e uJaJer

Das lis u<es et lis Ut'/e/es

Lo flux étrinje monte édè,

Et nesque das notis mat'ne~'es Menèce de nos t'nonJer.

Répi d'astuce et de hadiesse, Lis dats grands et neuri de hhès, Evo lo fîhh d'ïn cAih de chesse, Lo /u de leu chî nos s'éhhè

Tocou das lè pus balle pièce.

Fabrique, botique, bureau,

Tout a ~ueurne pa. svette pt'at'e Il rémesse, étahhe è mouiau, Et, tèl bohho das lè futaie,

S'éleuve c/teçue jo pus haut.


Ainsi la vague envahissante, Battue et refoulée en vain,

Lente, tenace, insinuante,

Aura dans l'avenir prochain Raison de la forêt puissante. Les sapins sveltes disparus, C'est une époque qui s achève A leur tour les hêtres ventrus, Race neuve et riche de sève, Prendront la place des vaincus.

Comprenez-vous ma parabole,

Vosgiens, fils du vieux temps ? Je vous le dis sans hyperbole

Dans l'avenir inquiétant,

De nos destins elle est symbole. Car nous courons aussi danger, Comme le pin dans la montagne, De voir le flux de l'étranger,

Qui de proche en proche nous gagne, Dans nos hameaux nous submerger. Astucieux et plein d audace,

Avec des appétits de loup,

Des quatre coins de l'espace,

Il accourt et s'assied chez nous

Toujours à la meilleure place.

Usine, boutique, bureau,

Plus rien n'échappe à cette plaie Il prend la terre et capte l'eau, Et, tel le hêtre en la futaie,

Fait chaque jour un pas nouveau.


CommecQ/onJe/e/ecreme,

Lis mœurs dis notes se runat

Le veusture, lo révi même,

Lo longuèje et lis ancîns nijs.

Tout s'ébime zos sue~e squemme. Po reMer ~'o notis hauts

Lure das lû wahhe pérure,

Po wadèr /e kia de priho,

Sauvas de l'étrinje étémure

Lis monts, /e rèce et /e mau/)o.


Lentement changent nos coutumes Nos mœurs se perdent sans espoir Physionomie et vieux costumes, La langue et les noms du terroir, Tout disparaît sous cette écume. Pour voir nos sommets verdoyer Sous leur parure séculaire,

Et ne point nous laisser noyer, Gardons de l'emprise étrangère Les monts, la race et le foyer.


LIS BURES

Quand lis hevîs fondants rouA/taf das lis bessines, /n cri das lis hameaux mat tout e remoûmat E le bure et lis jens, selon le mode ancfne, Montat au haut dis rains où lis feus s'ellemat.

Chèque graine è denè sè wèle ou s'n obole Po faire ïn pus bî feu que lis au<es sahos, Is galopis que vot chantant lè ~n!'r~o/e Et quatat po lè bure è pussant pa mauho.

E sofiant das lûs dès élodis pa l'ardène, E trévî lis ~<oiox, de bô, de strè chajis, Ils ot, wandlant heut jos, mon~e lè mûle piène Dè dème dis Aa/fs, dis smondes dis héjis.

Su /e holâie enfi haute e< nare se drasse Le mu/e, monumat e lè jôie ésoci,

Si strinje das /e neut, qu'è /e voyant a passe E ca&~ ou rêvant saints et lis sorcîs. ~act qu'enne ~Q~e su /e côte élemâie, Mille feus e lû <o sénat Aou/er in co, Comme si l'air do jo spandu su lis semâtes D'enne fiame de sang lachit l'ombre do bô.

ln frisso d'espavate évo la brut devale E /ë besse où dant l'euch lis jens levat lis oeus Haut-là dwa l'étadoûie où maitenant se male Lo mystère dé neut au mystere do feu.


LES BURES

Lorsque l'hiver vaincu dans les yaHons ru!sseHe, Un cri monte qui met en rumeur les hameaux A la bure et nos gens au vieux rite tidètes, AUument les brandons au revers des coteaux.

Chaque graine a donné sa torche ou son obole, Pour cette œuvre où l'honneur du village est en jeu, Aux quêteurs qui s'en vont en chantant cofn!'rgo//e De foyer en foyer, lever l'impôt du feu.

Soufflant dans leurs doigts gourds, à travers les éteules, Les marmots ont traîné le bois et le paillis,

Et, pendant huit jours pleins, édifiant la meule, Ont dîmé les bûchers et pillé les taillis.

Sur la côte assombrie, elle se dresse noire, Monument élevé pour la joie et qui fait Penser aux hauts bûchers allumés dans l'histoire Pour les forfaits fameux et pour t autodafé. Une clarté soudain dans la nuit vient d'éclore Où'mi)!e autres,-soudain, s'allument à la fois La bure sur les monts met des lueurs d'aurore, Et sa flamme de sang lèche l'ombre des bois.

Un souffle de terreur semble remplir l'espace Au-dessus des vallons d'où se lèvent les yeux Vers les sommets bruyants, les sommets où s'enlace Le mystère de l'ombre au feu mystérieux.


Do ta que /e jénasse e l'éronde .dis biandes,

Réviant in duch pesse, chante dis trimazos,

Lis vîs, l'esprit hante de dûs et de légendes,

Grîtus, se sot éhheus su lis pies dis réaux.

Das lû sèje ils voyat, élevès'su lis faîtes,

Lis fonès s'espeurnant au sinau dis tocsis,

Quand chèque invasio comme eune hydre is cent têtes, Das lo sang, de Lorame avout pris lis chemis. Pis ç'a, das lo recul égreveinant dis èjes,

Notis ancïns que tant de crainches tourmentat, Féant benian évo dis beulesses sauvèjes

Au s/o que, comme ïn dû, rémeune lo bî ta.

Enfi, quand de usteurnis das lis treuhhes dè côte, Te/s dis oeus de markâ reluhat lis tihos,

Lis wésis, po mainji lè chalande ou lis vôtes

Et boure au boun accord, ratrat è /e mauho.

Lis boubes ébachus édajis das lis cruses,

Dè triwène is coplets pa chèque èje repris,

Charmat lis tares cœurs dis béïesses spavruses Et lis <n'nquc< d'amour dot /us cœurs sot répis. D'ih cô das /e neut dot l'ombre ne fait que crahhe, Je dône brait qm'qu i'n J au~es/ean~ chorus, Pa kiopes élaiçant lis gahhos et lis ghnahhes, Lançat is qwète t)a<s lis nas dis amourus.

Bïn vile a se matait ennsequan è meney'e,

Et lè kioche &es-/Q, lo grand de l'an 6rans~'a!'< Lis baptèmes séwant de ~o~ près lis mérièjes

Et, joïant, note vî curé beniait, 6ent'Q!<.

Lo progrès /racAe <ou< et vaci veni l'hure

Ou pus rïn do vî ta ne virait is éfants,

Où je m'étads de wèr lè dérère dis bures

Klaine et triste se s/eJe in sâ su notis champs.


Pendant que la jeunesse oubliant les symboles, Ignorant le passé sanglant et ténébreux,

Autour du clair bûcher danse des farandolles, Rêveurs, sur les réaux, se sont assis les vieux. Chacun revoit en rêve incendiant les crêtes, Ces feux qui s'allumaient au frisson des tocsins, Dès que 1 invasion, comme une hydre aux cent têtes, De la Lorraine en sang se rouvrait les chemins. Puis c'est, dans le recul mystérieux des âges, Les aïeux, torturés par l'éternel effroi,

Autour des feux, fêtant de leurs clameurs sauvages, Le dieu-soleil vainqueur des ténèbres, du froid. Quand les brandons épars dispersés par les friches, Reluisaient dans la nuit tels des yeux de félins, Au logis, qu'embaumaient les beignets et les quiches, Pour boire à l'amitié, s'assemblaient les voisins, Tandis que les garçons attardés sur les sentes, Grisés par la douceur de l'éternel refrain,

Allumaient dans les cœurs des vierges rougissantes La flamme de l'amour dont leur cœur était plein. Pendant que dans le soir s'ébauchaient tes idylles, Un cri fusait Je dône et d'autres voix en chœur, Aux noms des gars hardis enlaçant ceux des filles, Divulguaient aux échos tous les secrets des cœurs. Et la cloche, à la joie empruntant tous ses thèmes, Là-bas, le long des ans, sans trêve bruissait Aux douces unions succédaient les baptêmes Et notre vieux pasteur bénissait, bénissait.

Le progrès sous sa roue a broyé nos coutumes, Leur empreinté s'efface au cœur de nos enfants Hélas je ne vois pas venir sans amertume L'heure où le dernier feu s'éteindra sur nos champs.


Et je demourerai po ~o/:er su lè çade,

Btn augrus ~t mis vers radat-quique révi

Dis raides que dis hauts l'homme voyït dehhade

Quand lo slo dis &os nars chessit lo rude hevî.

E. MATHIS.


Et je resterai seul à soumer sur la cendre,

Heureux si dans mes vers on trouve les reflets Des lueurs que les temps virent des monts descendre Sur l'homme frissonnant dans la nuit des forêts. E. MATHIS.



ANNALES

DE LA

Société Philomatique Vosgienne ASSEMBLÉE GÉNÉRALE

La « Société Philomatique » s'est réunie en assemblée générale, salle du Théâtre Municipal, à l'Hôtel-de-Ville, le dimanche 23 janvier 1927, à 16 h. 30.

Pour donner à cette séance un attrait particulier, le bureau avait demandé à M. Charles Sadoul, directeur du « Pays Lorrain et conservateur du Musée Lorrain, de donner à nos sociétaires et au public déodatien une conférence sur « La cuisine Lorraine ». La réunion était présidée par M. Georges Blech, premier adjoint, représentant M. le maire de Saint-DIé.

En ouvrant la séance, M. René Jacquet, président de la Société Philomatique, prend la parole en ces termes

Depuis la fondation de notre société, c'est-à-dire depuis plus de cinquante ans, le maire de Saint-Dié est, de tradition, président d'honneur de la Philomatique.

Peu de municipalités, au cours de cette cinquantaine, ont témoigné autant d'intérêt à notre oeuvre, en ont aussi bien compris la portée, lui ont prodigué plus d'encouragements que la municipalité actuelle. C'est donc avec une vive satisfaction que je salue ici M. Georges Blech, représentant M. le maire empêché. M. Blech est personnellement un ami de la première heure de la Philomatique ce nous est un double plaisir de le voir présider notre réunion.

Nous remercions également ce public choisi qui, s'il n'est pas aujourd'hui tout entier des nôtres, le sera certainement demain. Mesdames, Messieurs, la Société Philomatique, en incorporant à l'ordre du jour de son assemblée générale une causerie de notre éminent compatriote M. Charles Sadoul, a obéi à une double préoccupation 10 vous procurer une nouvelle occasion d'apprécier un excellent conférencier


traitant un sujet qui, je me plais à le croire, vous est sympathique 2° vous attirer nombreux dans cette salle pour y entendre un peu parler de la Philomatique si c'est un petit traquenard que nous vous avons tendu, il est tout petit, car je ne serai pas long.

La Philomatique entre dans sa 52" année. Elie a publié quarante et un gros" BuHetms » qui forment actuellement une collection très recherchée. non seulement en Lorraine, mais dans tous les milieux savants ou bibliophiles de France et de l'étranger. Je ne m'avance certainement pas en vous affirmant que maintes villes importantes envient à Saint-Dié sa Société Philomatique. Si notre histoire locale est maintenant dépouillée, éclaircie, fixée à peu près dans tous ses détails, c'est en grande partie à )a Philomatique que nous le devons. Ses quarante et un « Bulletins » constituent une mine inestimable d'études et de documents qui, sans elle, non seulement ne seraient pas réunis, mais peut-être n'auraient jamais été écrits et n'auraient jamais vu le jour. Nous préparons actuellement un « Bulletin » qui paraîtra cet été et fera sensation, tant par l'importance du volume que par celle des documents qu'il renfermera. Au lendemain de la guerre, notre société se trouva dans une situation des plus précaires notre président, M. de la Comble, venait de mourir les membres étaient décimés, dispersés, la caisse à peu près vide. Pourtant, la Philomatique ne devait pas disparaître. M..René Ferry s'employa à la ressusciter, rassembla les éléments d'un nouveau « Bulletin », mais n'eut pas la satisfaction de pouvoir le publier. De ses mains, le comité actuel reprit le flambeau qu'il compte bien, avec votre aide, ne pas laisser s'éteindre.

II faut dire que nous avons rencontré des encouragements la municipalité, tout de suite, a compris l'importance du maintien de la Philomatique et nous a alloué de généreux subsides. Le conseil généra) des Vosges nous a continué la petite subvention qu'il nous votait chaque année depuis notre fondation. Nous avons doublé lé nombre des sociétaires de 1919, grâce à des adhésions la plupart spontanées. Néanmoins, si nous voulons accomplir t'œuvre que nous nous sommes fixée, pour laquelle nous existons, il nous faut encore beaucoup d'adhérents et c'est ce que nous venons vous demander.

Pour que la Société Philomatique puisse continuer à servir à ses membres, moyennant dix francs par an, un volume dont la valeur en librairie serait d'environ trente francs pour qu'elle puisse, comme par le passé, par ses échanges avec les sociétés savantes de France et de l'étranger, enrichir la bibliothèque municipale pour qu'elle puisse aussi, et cela c'est du nouveau, poursuivre la série des conférences dont celle de M. Sadoul est aujourd'hui la première, Mesdames'et Messieurs, nous vous te demandons avec insistance, faites-vous inscrire, pour dix francs, membres de la Société Philomatique Notre société comprenait autrefois toute l'élite intellectuelle de la région c'est cette élite que nous voudrions


regrouper c'est à elle que nous. faisons appel, et le fait même de votre inscription parmi nous prouvera que, de cette élite, vous en êtes certainement

M. Marc François, secrétaire, en l'absence de M. Auguste Grélot, trésorier, donne lecture du bilan de la Société, arrêté au )~ Janvier )927.

ACTIF

Caisse au )Bt Janvier. 90,)0 ° En banque au t~~ Janvier. 3.033,05 Subvention du Département. 100, », Encaissement des quittances ). 870, » Vente de buhetins. 146,75 Rente. 165,75 Intérêts en banque. 96,40 Total 5.502.05

FASSIF

Assurances. 39,55 Frais d'encaissement retours. 125,70 Distribution de bulletins. 30, » Factures de M. Cuny. 2.450,25 papeterie. 104,25 Envois de bulletins, circulaires, etc 56,70 Employés bibliothèque. 20," » Frais en banque. 12,80 Total 2.839,25

En banque au 31 décembre. 2.6)3,85 En caisse au 31 décembre. 48,95 Somme égate. 5.502,05

N. B. La subvention de la Ville ().500 francs) ayant été encaissée postérieurement au 1 er Janvier 1927 ne figure pas dans le bilan ci-dessus.

L'ordre du jour comporte ensuite le renouvellement du Comité. Le président, après avoir salué la mémoire des deux regrettés membres du Comité MM. Henri Rovel et D~ Cherpitel décédés au cours de l'année, annonce que le Comité propose de les remplacer par MM. le chanoine Roussel et Victor Heitzmann, avoué. L'assemblée renouvelle les pouvoirs du Comité ainsi constitué.


L'assemb)ée générale proprement dite est terminée. M. René Jacquet présente alors le conférencier, M. Charles Sadou) Si, depuis le début de la séance, M. Sadoul est assis près de nous et si nous ne lui avons pas donné tout de suite la parole, c'est uniquement parce qu'il ne l'a pas voulu. M. Sadoul est un savant aimable il a tenu, avant de vous faire la conférence que vous attendez, à assister tout au long à l'assemblée générale de la Société Philomatique.

Au sujet de cette réunion, je vous dois quelques explications et bien des excuses. Voilà trois ans que la Philomatique est reconstituée et aujourd'hui, pour la première fois, vous êtes convoqués en assemblée générale. C'est une entorse grave à nos statuts, mais voici à vos scrupules quelques apaisements

D'abord le petit nombre de nos sociétaires. Songez qu'il y a trois ans nous étions réduits au chiffre de 71 membres, encore le recouvrement de ces 71 cotisations nous réserva-t-il quelques mécomptes. En outre, s'il s'était agi d'une assemblée générale de pure forme, telle que celles dont nous offrent annuellement le spectacle tant de nos sociétés locales, n'eussions-nous pas hésité à nous excuser cinq ou six chaises dans une petite salle, un couarail de dix minutes entre amis et le tour était joué. Mais la tradition de la Philomatique exigeait une forme autrement sévère Vous vous rappelez les solennelles assemblées académiques du temps de M. Bardy ? Elles se tenaient dans la grande salle du conseil municipal, la salle où les couples déodatiens convolent devant M. le maire, sous le chaste regard des belles créatures de Feyen-Perrin. Le maire présidait, le sous-préfet s'était fait excuser. M. Bardy se levait (dans les derniers temps il demandait à rester assis, la goutte le clouant au fond de son fauteuil) et prononçait une savante dissertation sur les antiquités galloromaines de la Bure ou les eaux minérales de Saint-Dié puis M. René Ferry, secrétaire, lisait d'une voix un peu décolorée une abondante étude sur les maladies des champignons. Il y avait là au moins 200 personnes, rangées sous les Feyen-Perrin comme les invités des grands mariages, mais bien plus attentives. A l'issue de la séance, tous les assistants se pressaient autour du vénéré M. Bardy pour le féliciter, ce à quoi il était particulièrement sensible et, chargé de considération, il regagnait sous escorte d'honneur sa maison historique.

Jugez si tout cela était solennel et si les rescapés de 1919 redoutaient de renouer pareille tradition Encore, je ne vous ai pas dit que, plusieurs années de suite (j'ai retrouvé cela dans nos anciens « Bulletins »), la fanfare l'Union prêta son concours à la Philomatique, de sorte que le discours de M. Bardy se trouva, pour plus de solennité, encadré entre un motif du « Pré aux Clercs et le refrain de la « Valse des Rosés ». Pour nous, réduits à des moyens précaires, un tel exemple était décourageant, aussi allions-nous renoncer quand une heureuse inspiration


nous est venue. Notre éminent ami, M. Charles- Sadoul, directeur du « Pays Lorrain », conservateur du Musée Lorrain, et, permettez-moi d'ajouter, quoique pour nous autres la référence soit de moindre valeur, cqnse!)!er général des Vosges, tenait en réserve, nous avait-on dit, une conférence presque inédite. Du 'coup, notre assemblée générale devenait possible M. Sadoul allait remplacer à la fois M. Bardy, les orateurs et la musique avec cet énorme avantage que, conférencier recherché, il allait, devant les philomates assemblés, traiter un sujet sympathique entre tous, « la cuisine », et, qui mieux est la Cuisine Lorraine ». M. Charles Sadoul, je ne vous ferai pas l'injure de vous le présenter il est mieux qu un Lorrain, il est celui qui apprend la Lorraine aux Lorrains. et à quels Lorrains ?. Le dernier livre de M. Louis Bertrand, de l'Académie française, est dédié « A Chàrles Sadoul, qui m'a révélé les beautés de mon pays ». Simplement

Vous connaissez le « Pays Lorrain », la publication régionale la mieux comprise, la plus vivante, la plus représentative de notre esprit provincial. Cette revue est une émanation directe de M. Sadoul, un reflet fidèle de sa personnalité. Les historiens, les mémorialistes de la Lorraine, les anecdotiers, les poètes et les conteurs de fiauves s'y donnent chaque mois rendez-vous ils sont là chez eux, car le patron est tout cela à la fois et son accueil est aussi aimable que compétent. < Si M. Sadoul a voulu assister tout au long à notre assemblée générale, il y a de sa part mieux qu'une attention délicate il connaît aussi bien que personne, et mieux que nous peut-être, notre Philomatique. C'est à M. Sadoul que nous devons cette précieuse brochure qui fait partie de nos collections la Table alphabétique générale des trente premiers volumes de la Philomatique œuvre de bénédictin, que lui seul'pouvait entreprendre, puisque personne ne l'a continuée.

Mais je m'égare par des corridors obscurs loin de la Cuisine. M. Sadoul va vous y ramener. Je lui cède la parole.

Il ne nous est malheureusement pas possible de reproduire la conférence de M. Sadoul qui se réserve de la publier, considérablement augmentée. Spirituelle, documentée, elle obtint un franc succès et fut entrecoupée de vifs applaudissements.

Nous devons ajouter qu'à la suite de cette brillante réunion, le contingent de nos sociétaires s'augmenta d'une quinzaine de membres nouveaux qui, spontanément, demandèrent leur inscription. MUSËE

M. Ch. Peccatte, l'infatigable conservateur du Musée, a eu l'heureuse idée d'ouvrir, dans la galerie supérieure du nouveau local,


une Exposition des œuvres d'artistes déodatiens, contemporains; on y admire une sélection de tableaux signés Ehlinger, Mlle Entz, 'Mme Melchior, Albert Ohl, Mme Peccatte, Ch. Peccatte. B. Vergez, etc.

Une autre innovation a consisté' en l'organisation d'une série de conférences-concerts dans le local même du Musée qui s'est révélé bien approprié à ce genre de manifestations artistiques. La première conférence rut faite à l'occasion du vernissage du Salon Déodatien, par notre Président M. René Jacquet, sur « La retativité du Beau dans les Arts »; la seconde par M. Ch. Sadoul, directeur du Pays Lorrain, sur les « Guérisseurs en Lorraine » !a troisième par M. Baumont, professeur au Co!)ège, sur « Jacques Delille à Saint-Dié » la quatrième par M. Cirardet, industriel, professeur à la Faculté de Pharmacie de Nancy, sur « Le Graduel et les Mines de La Croix

L'élite intellectuelle de la ville se pressait à ces réunions où, en plus de la bonne parole des conférenciers, on apprécia le talent des meilleurs musiciens amateurs de Saint-DIé.

LE MONUMENT AUX MORTS

Dans notre- dernier Bulletin, nous exprimions l'espoir que le numéro suivant pourrait relater l'inauguration du Monument aux Morts de la grande guerre. S'il n'est pas encore question d'inauguration, nous pouvons du moins constater que le monument existe et qu'il a la bonne fortune de rallier tous les suffrages. NECROLOGIE

La date tardive à laquelle paraît ce Bulletin nous vaut le pénible devoir d'annoncer la mort de notre éminent collaborateur M. Léon Germain de Maidy, secrétaire perpétuel de la Société d'Archéologie Lorraine.

M. Germain de Maidy, dont nous publions dans le présent. volume une curieuse étude sur une cloche de Moyenmoutier, nous avait assuré sa collaboration assidue dans la mesure où, nous écrivait~ sa santé chancelante et sa vue précaire le lui auraient permis.


H s'est éteint à Nancy, le 9 novembre 1927, à l'âge de 75 ans, laissant la réputation d'un chercheur infatigable et d'un historien d'une rare érudition.

BIBLIOGRAPHIE

Nous signalons à nos lecteurs le dernier ouvrage de notre collaborateur M. Eugène Mathis, lauréat de )'Académie Française Fiauves et Contes du Pays Vosgien, texte patois et traduction française. On y retrouve dans toute leur saveur les anecdotes traditionnelles du terroir, augmentées de quelques autres qui ne sont pas indignes de la tradition. (Louis Fleurent, éditeur à Fraize).



LISTE DES MEMBRES

DE LA

Société Philomatique Vosgienne

Comité

Président d'Honneur:

M. LE MAIRE DE SAINT-DIË

Président: M. RENÉ JACQUET

Vice-Président: M. CHARLES PECCATTE

Secrétaire: M. MARC FRANÇOIS

Trésorier: M. AUGUSTE GRELOT

Membres: MM. GEORGES BAUMONT; ERNEST BESSON;

ALFRED BOURC IER Ch. COMIOT FRANÇOIS GÉRARD !N VicTOR HEITZMANN EMILE JEANPIERRE ALBERT OHL A. PIERROT Chanoine ROUSSEL.

Membres Correspondants

MM.

?F!STER Christian, Recteur de l'Académie de Strasbourg. ViGNAUD Henri, président de la Société des Américanistes de France, 2, rue de la Mairie, à Bagneux (Seine).

BRUNOT Ferdinand, professeur à la Sorbonne, doyen de la Faculté des Lettres, à Paris.

BALDENSPERGER Fernand, professeur à la Sorbonne, 55, rue de Vaugirard, à Paris.


Membres Titulaires

MM.

ACKERMANN Michel, chirurgien-dentiste, 19, rue Stanislas. ADAM Lucien, avocat (membre fondateur), ) 2, rue du Casmo. ÂNDREZ Séverin, Villa du Breuil.

ANTOINE (l'abbé), curé-doyen de Corcieux.

ÂRNOUX Valentine, directrice Ecole Maternelle, rue du )0~ Bataillon. AUBRY L., vétérinaire.

BACQUUET, rentier, rue de Foucharupt.

BADIER Adolphe, rue du Point-du-Jour.

BADONNEL, directeur de l'école de la rue du t0~ Bataillon. BAHOFF Joseph, 23, rue de la Gare (secrétaire du Conseil des Prud'hommes).

BALDENSPERGER Théophile, 1, impasse des Capucins.

BARJONET (l'abbé Charles), à Bruyères.

BARLIER C., teinturier, 8, rue Jacques-Delille.

BAUDY E., antiquaire, rue des Jointures.

BAUER Raoul, négociant, 16, rue Thiers.

BAUMONT G., professeur au Collège.

BAZE, ancien maire de Moyenmoutier.

BAZELAIRE DE LESSEUX (William de), propriétaire à Saint-Roch. BERTRAND P., professeur au Collège, 33, rue des Trois-Villes. BESSON, principal du Collège de Saint-Dié.

Bibliothèque publique d'Epinal (MM. Homeyer et Ehret, libraires). Bibliothèque de Provenchères (M. Claude, ancien dr d'école, bibl.). Bibliothèque du Collège de Saint-Dié.

BLAIRE A., pharmacien,. 17, place Saint-Martin.

BLAISE Adrien, D'' en Droit, agent d'affaires, ), rue de l'Amérique. BLAISE Eugénie (M!)e), rue Saint-Charles.

BLECH Emile, industriel, ing'' des Arts et Manufactures, rue Thurin. BLECH Georges, industriel, 9, 'rue des Jardins.

<

(1) Les personnes dont le nom n'est suivi d'aucune désignation de lieu, ont leur résidence à Saint-Dié.


.MM.

BLECH Pau!, industriel, 27, rue de l'Orient.

BoÈS A., fabricant de broderie, 35, rue Thiers.

BOURCIER Alfred, ancien principa! du Collège, rue Stanislas. BOVIER-LAPIERRE, percepteur, à Halluin (Nord).

BRAUN Louis, rue Saint-Charles.

BuRLiN Louis, fondeur, maire de Saint-Dié.

BURRUS Jules, manufacturier de tabacs, à Ste-Croix-aux-Mines. BUSCH André, industriel, 43, rue de la Bolle.

CARTIER Charles (Mme), rue de la Ravinelle, à Nancy. CLAUDE René, industriel, avenue de Robache..

CLAUDEL Camille (Vve), camionnage, rue de la Bolle. CLAVELIN Jean, représentant, 32, rue Jacques-Dehtte. CLÉVENOT Charles, instituteur à Frapelle.

COLIN Alfred, rentier, 11, quai du Parc.

COLIN Ernest, représentant, 85, rue d'Alsace.

COLNAT, instituteur au Ban-de-Sapt.

COMIOT Charles, négociant, Boulevard Gouvion-St-Cyr, 87, à Paris. CONTAL (capitaine), 3e Bataillon de Chasseurs, armée du Rhin. Secteur postal, 34.

COURTIN-SCHMIDT, rédacteur de l'Industriel Vosgien, à Remiremont. CUNY Cétestin, imprimeur, quai Carnot.

DASSIGNY Henri, à Mirecourt.

DELAGOUTTE, chapelier, rue Saint-Dizier, à Nancy.

DIDIER-LAURENT (le chanoine), curé-doyen de Monthureuxsur-Saône.

DucEUX Camille, fabricant de bonneterie, 26, rue de la Bolle. DUFAYS Camille, ancien imprimeur, 52, rue Thiers. DURAND Henri, agent d'assurances, avenue de Robache. DURAND Georges, correspondant de l' Institut, archiviste départemental de la Somme, 22, rue Pierre-l'Ermite, à Amiens. DuvAL Paul, fabricant de bonneterie, 14, rue des Jardins. ELIE Octave, rue des Glacis, à Nancy.

ETIENNE François, s.-p., avenue de Robache, 7 bis.


MM.

FERRY Camille, rentier, 7, avenue de Robache.

FERRY Marcelle (MHe). à la Tuilerie.

FLUCKIGER, boulanger, 39, rue Haute.

FoucAULT (Mgr), évêque de Saint-Dié.

FRANCK Camille, Lt-Colonel du Génie, 57, rue Vaucan.'à Paris (7e). FRANCK Victor, président du Tribunal, à Epinal.

FRANÇOIS Adrien, 10, chemin de Dijon.

FRANÇOIS Marc, avocat, avenue de Robache.

FREISZ Gustave, rédacteur de Gazette Vosgienne.

FRESSE (l'abbé Adrien), curé de Viocourt par Châtenols. FRESSE, instituteur à la Bolle.

FROMENT, ancien professeur, 13, rue du Parc.

FUZELIER Paul, ancien banquier, rue Stanislas.

GAXOTTE Alfred, instituteur, 13 bis, rue du )0~ Bataillon. CÉH!N Pierre, imprimeur, avenue du Maréchal Foch, à Mirecourt. GENAY Léon. ancien professeur, à Deycimont.

GEORGE Victor, marchand de bois, à Anould.

GEORGE, pharmacien, place Saint-Martin.

GÉRARD Arthur, directeur d'école, à Anould.

GÉRARD Henri, professeur au Collège de Châlons-sur-Marne, 7, rue Saint-Eloi.

GÉRARDIN François, rue Thiers.

GÉRARDIN Jean, docteur en droit, They-sous-Vaudémont par Diarville (M.-et-M.).

GERMAIN DE MAIDY (Léon), 26, rue Héré, Nancy.

GILBERT (t'abbé), curé-doyen de Gérardmer.

GIRARDET Fernand, professeur de Chimie et Toxicologie. 6, rue de la Côte, Nancy.

GLEZ (l'abbé Gaston), professeur au Grand Séminaire. GOGUEL F. (Mme), rue de l'Orient.

GRANDADAM Emile, greffier de Paix, à Gérardmer.

GRANDADAM Lucien, rentier, place Saint-Martin.

GRÉLOT Auguste, rue des Jardins.

HEITZMANN Victor, docteur en droit, avoué, 31, rue Thiers;


MM.

HELLÉ Camille, 9, passage Central, à Bois-Colombes. HENNEQUIN Eugène, chapelier, 25, rue Thiers.

HENRI Renée (Mlle), rue Stanislas.

HoUBRE H., menuisier, 25, rue de la Prairie.

HuGUENY Auguste, directeur de Filature, 32, rue de l'Orient. HUGUENY Emile, fabricant de Tissus, 45, rue Saint-Charles. HUGUENY Xavier, professeur de Tissage et de Filature à l'Ecole Industrielle, à Epinal.

HuLOT Ernest, avoué, 57, rue Thiers.

HUMBERT Léopold, maire de Provenchères.

Huss Georges, à Parcey (Jura).

IDOUX (l'abbé), professeur au Petit Séminaire Notre-Dame, à Mattaincourt.

JACQUEREZ, architecte, 34, rue Jacques-Delille.

JACQUET Robert, président de l'Union Nationale des Etudiants de France.

JACQUET René, 43, rue Thiers.

JACQUOT, instituteur, à Fraize.

JAMBEL Charles, directeur d'école, rue Cachée.

JEANDEL (I'abbé), à Fresse-sur-Moselle.

JEANPIERRE Emile, avocat, 36, rue Thiers.

JÉRÔME (labbé), agrégé d histoire, vicaire général du diocèse de Nancy.

KIRSTETTER Albert, instituteur, à Ban-de-Laveiine.

KŒHLER René, professeur de zoologie à la Faculté des Sciences de Lyon, 29, rue Guilloud, à Lyon.

LACAVE, négociant, rue Thiers.

LACOUR (Mme), à Sainte-Marie-aux-Mines.

LAHAYE Fernand, horticulteur, 2, rue Richardville.

LARUE, industriel, à Senones.

LEBOIME Paul, huissier, 7, rue Claude-Gelée, à Epinal. LESTRAC (DE) (René), industriel, rue des Trois-Villes.


MM.

LÉVÊQUE (i'abbé), Curé-Doyen dé Vittel.

L'HOMME Adolphe, officier d'Académie, 2, place Clemenceau, à Senones.

LtTAiZE (l'abbé), directeur du Fot/er ~o~t'en, 14, rue des Forts, à Epinal.

LoRRA!N Henri, ancien notaire, 28, rue Thiers.

LuNG Gaston, à Saulcy-sur-Meurthe.

MARCHAL jules, industriel, 45, rue de la Bolle.

MATHIEU Albert, ferronnier-électricien, 9, rue de la Bolle. MATHIS Paul, notaire à Senones.

MATHIS, instituteur en retraite, à Fraize.

MAUGENRE (l'abbé), curé d'Aydoilles.

MEHL Julien, ancien notaire, 11, place Saint-Martin. MICHEL (l'abbé), à Greux (Vosges).

MiNOD (l'abbé), curé-archiprêtre de la Cathédrale. MiRBECK (DE) Edouard, architecte, 14, rue du Nord. MOREL (l'abbé), professeur au Grand Séminaire.

MOUGIN Stéphane, avocat, rédacteur en chef de l'Indépendance Vosgienne, à Remiremont.

MoupOT Albin, avoué, 21, rue Stanislas.

MuLLER Charles, entrepreneur de serrurerie, 8, rue Concorde. MUNDVILLER Louis, comptable, 4), rue Haute.

NOEL Emile, propriétaire, rue ,Michelet, à Nice.

NOEL Lucien, professeur de musique, maître de chapelle à la Cathédrale.

OHL Albert, artiste-graveur, ), place Saint-Martin. OLLONE (le comte Henri d'), général commandant la place de Soissons.

PAYARD, ), carrefour de la Croix-Rouge. Paris (6e). PECCATTE Charles, artiste-peintre, 27, rue Thurin. PERRIN Charles, correspondant de l'Est Républicain. PERRIN Ernest, directeur d'école, à Senones.

PETITJEAN Edouard, Etablissements Gé!iot, à Plainfaing.


MM.

PETITJEAN J., ancien négociant, 3, rue de Périchamp. PETITNICOLAS Edouard, négociant, 34, rue Stanislas. PHULPIN (Mme), avenue de Robache.

PIERRAT, notaire honoraire, à Fraize.

PIERRON Charles, négociant, à Moyenmoutier.

PIERROT André, étudiant en médecine.

PIERROT, bibliothécaire, 24, rue du Casino.

POIROT (! abbé Théophile), curé à Ramonchamp.

PRÉVOST A., professeur au Collège, ). rue du Casino. PUTON Bernard, à Remiremont:

RAMSPACHER Xavier, industriel, 24, rue Saint-Charles. RAVAL Eugène, 81, avenue Victor-Hugo, à Paris.

RtELLE Hubert fils, entrepreneur de menuiserie, 49, rue de la Bolle. RIMMEL L., ancien avoué, 19, rue Jacques-DeJDJe.

RŒSZ, instituteur, 14, rue de la Paix.

ROGER François, ancien avoué, 7, rue Stanislas.

ROUSSEL {I abbé), chanoine, parvis de Evêché.

ROZIÈRES (A. DE), président de la Caisse d'Epargne, à Mirecourt. RUYER Léon, docteur en droit, 15, rue de la Gare.

SABY Marcel, avocat, rue Thiers.

SADOUL Charles, docteur en droit, 29, rue des Carmes, à Nancy. SALÉS Paul, négociant, place Saint-Martin.

SAMSON A., 41, rue Charles-Claudel, à Senones.

SAMSON J., notaire, rue Jacques-Delille.

SARTORÉ (Mlle), château de Rouge-Pierre.

SCHMIDT Henri, ancien député des Vosges, Boulevard Raspail, 67, à Paris.

SCHULTZ, professeur au Collège.

STEIB Camille, ingénieur civil (Membre fondateur).

STRARBACH, notaire, à Valev (Haute-Saône).

SURMELY Emile, 14, rue du t0~ Bataillon.

TERDIEU, assurances, rue,du Casino.

THIRION G., docteur en médecine, 15 ter, rue d'Alsace.


MM.

THOMAS Paul-Adrien (t'abbé), professeur de morale, de liturgie et d'archéologie au Grand Séminaire.

THOMASSIN (Mgr), vicaire général.

THOUVENIN, docteur en médecine, rue d'Amérique.

TISSERAND Ferdinand, industriel, 71, rue de la Bo!!e. TOURNADE J., chirurgien-dentiste, 29, rue Thiers.

TRIMBACH Emile, industriel.

VERDENAL Ernest, fabricant de Tissus, 19, rue de t'Orient. ViNCENT Lucien, instituteur, à NeuvIDers.. VINCENT Maurice, ingénieur des Arts et Manufactures, 9, rue LouisBailly, Paris.

VINCENT (Mlle Marie-Thérèse), quai Jeanne d'Arc.

WARREN (le comte Lucien DE), 19, place des Dames, à Nancy, (du 25 juin au 1 er septembre Chalet Warren, à Gérardmer). WEICK Adolphe, libraire, 27, rue Thiers.

WEIL Elie, rentier, 68, rue d'Alsace.

WEILLER frères, négociants, rue Thiers.

WENDLING, docteur en médecine, à Raon-l'Etape.


SOCIETES CORRESPONDANTES

FRANCE

Allier.

Société d'Emulation et des Beaux-Arts du Bourbonnais (Moulins). Bouches-du-Rhône.

Bibliothèque de l'Université d'Aix-en-Provence.

Calvados.

Société linnéenne de Normandie (Caen).

Charente-Inférieure.

Société des Archives historiques de l'Aunis et de la Saintonge (Saintes).

Côte-d'Or.

Académie des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Dijon. Creuse.

Société des Sciences naturelles et archéologiques de la Creuse (Guéret).

Doubs.

Société d'Emulation de Montbéliard.

Société d'Emulation du Doubs (Besançon).

Gard.

Société d'Etude des Sciences naturelles de Nîmes.

Gironde.

Société archéologique de Bordeaux.

Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux. n


Haute-Marne.

Société historique et archéologique de Langres.

Société des Sciences, Lettres et Arts de Saint-Dizier.

Haute-Saône.

Société d'Agriculture, Sciences et Arts de la Haute-Saône (Vesoul). Société grayloise d'Emulation (Gray).

Ille-et-Vilaine.

Société historique et archéologique de Saint-Malo.

Isère.

Académie delphinale (Grenoble).

Société de Statistique des Sciences naturelles et Arts industriels de Isère (Grenoble).

Jura.

Société d'Emulation du Jura (Lons-le-Saulnier).

Loiret.

Société archéologique et historique de l'Orléanais (Orléans). Marne.

Société des Sciences et Arts de Vitry-!e-François.

Académie nationale de Reims.

Meurthe-et-Moselle.

Société d'Archéologie Lorraine (Nancy).

Société des Sciences de Nancy.

Académie de Stanislas (Nancy).

« Annales de l'Est » (Nancy).

« Bulletin des Sociétés artistiques de l'Est ».

Archives du département de Meurthe-et-Moselle.

Société centrale d'Agriculture de Meurthe-et-Moselle.

Meuse.

Société des Lettres, Sciences et Arts de Bar-le-Duc.


Moselle.

Académie nationale de Metz.

Société d'Histoire et d'Archéologie de la Lorraine (Metz). Nord.

Société d'Emulation de Cambrai.

Orne.

Société historique et archéologique de l'Orne (Alençon). Pas-de-Calais.

Société des Antiquaires de la Morinie (Saint-Omer). Rhin (Bas-).

Société des Sciences, agriculture et Arts de la Basse-Alsace (Strasbourg).

Vogesen-Club (Strasbourg).

Rhin (Haut-).

Société belfortaine d'Emulation (Belfort).

Société d'Histoire naturelle de Colmar.

Musée historique de Mulhouse.

Rhône

« Bulletin historique du Diocèse de Lyon Société Gerson. Saône-et-Loire.

Société des Sciences naturelles (Chalon-sur-Saône).

Savoie.

Société savoisienne d'Histoire et d'Archéologie de Chambéry. Seine.

Ministère de l'Instruction publique (cinq exemplaires). (1). Société nationale des Antiquaires de France (Paris).

(t) « Les Sociétés savantes devront envoyer au ministère cinq exemplaires de toutes leurs publications, Ces documents sont destinés à la Bibliothèque des Sociétés savantes, et aux commissions de pub)ic.ition du Comité des travaux historiques el scientifiques (Circu). minist. du 31 Janvier 188'!).


La « Feuille des Jeunes Naturalistes », rue Pierre-Charron, 35 (Paris).

Bibliothèque de l'Université de France à la Sorbonne. Société de Saint-Jean, « Notes d'Art et d'Archéologie », rue d'Ulm, 27, (Paris Ve).

Archives de la France monastique « Revue Mabillon », 15, rue Cassette, (Paris).

Société des Américanistes de Paris, 61, rue de Buffon, (Paris Ve). (Docteur Capitan, Secrétaire généra)).

Somme.

Société des Antiquaires de Picardie (Amiens).

Vienne.

Société des Antiquaires de l'Ouest (Poitiers). Vosges.

Société d'Horticulture des Vosges (Epinal). Société d'Emulation des Vosges (Epinal).

Algérie.

Société archéologique du département de Constantine. Société de Géographie et d'Archéologie d'Oran.

ETRANGER

Amérique.

Smithsonian Institution (Washington). Sociedad cientinca « Antonio Alzate » (Mexico).

Belgique.

Société d'Archéologie de Bruxelles.

Société des Bollandistes (Bruxelles), 24, boulevard Saint-Michel.


Luxembourg.

Institut Royal-Grand-Ducal de Luxembourg (Section historique).

Suède.

Institut géologique de l'Université d'Upsal.

Académie royale des Belles-Lettres, Histoire et Antiquités de Stockholm. 1

Suisse.

Société Jurassienne d'Emulation (Porrentruy). Société des Sciences naturelles de Neufchâtel. Société Neuchâteloise de Géographie. Société Vaudoise des Sciences (Lausanne). Naturforschenden Gesellschaft (Bâle).


Chanoine ROUSSEL. Dom Calmet son action pastorale.. 3 Georges BAUMONT. Un plan ancien de la Cathédrale et de la Petite Eglise de Saint-Dié. 85 Georges BAUMONT. Une lettre autographe de Madame de Maintenon 93 Bernard PUTON. Un naturaliste vosgien N.-F.-J. Richard. 99 Léon GERMAIN de MAIDY. Les étranges aventures d'une cloche de Moyenmoutier 105 A. PIERROT. La Bibliothèque de Saint-Dié en 1926. 111 F. MATHIS. Lè Bô!e Vosgienne (patois et traduction). 128 Annales de la Société Philomatique. 145 Liste des Membres de la Société. 153 Sociétés correspondantes. 161

TABLE

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