parfaitement capables de suivre pas à pas la production des ateliers cita-
dins à sa mort en 1681, Vincenzo Tuttavilla possédait un Preti, un Andrea
Vaccaro, un de Maria, un Giordano et trois Codazziz2. Tous ces peintres
sont ses contemporains. Mieux encore certains gentilshommes n'hésitent
pas à accorder leurs préférences à des artistes jeunes et novateurs. En 1725,
Carlo Gambacorta, l'un des représentants les plus cultivés et les plus atta-
chants de l'aristocratie des débuts du xvme siècle, possède, en dehors
d'œuvres rassemblées par ses ancêtres immédiats, un lot important de
peintures extrêmement récentes del Po, de Mattheis, Andrea Belvedere,
mais aussi Martoriello, Nani (né en 1701), et Casissa, ce peintre de fleurs
élève de Belvedere qui occupe également une large place dans la collection
du duc de Canzano. Ainsi donc les indices se multiplient, se recoupent
l'aristocratie encourage largement les champions de la peinture la plus
nouvelle le rococo.
Nous avons fait la part belle, très belle, à la commande aristocratique.
Apparue plus tardivement qu'ailleurs, se rattraperait-elle par son ampleur
et par le bonheur de ses manifestations ? Voire. Nous devons sans plus
tarder rectifier l'angle de vue, adopter un système d'investigation moins
sensible aux grandes parades, moins euphorique, et commencer par sou-
ligner d'un trait accusé le caractère presque exceptionnel, élitiste, des
démarches que nous venons de rapporter. La modernité, le savoir, le
jugement ne sont nullement le fait du groupe tout entier, mais d'une
maigre cohorte, dont nous avons pu faire le tour sans difiiculté. A côté
de ces quelques collections si alléchantes, plaçons les collections encore
plus impressionnantes de certains grands officiers et financiers qu'il ne
faut jamais oublier, plaçons ces amas informes et rétrogrades qui se per-
pétuent jusqu'au bout, introduisons dans notre champ la masse consi-
dérable de collections homogènes mais totalement anonymes dont nous
aurons à juger, et n'oublions pas que certaines familles ne possèdent pas
la moindre sculpture, le moindre tableau, et habitent des demeures singu-
lièrement médiocres. Cette opération achevée, la perspective se modifie.
Elle se modifie plus profondément encore lorsque, fouillant d'un scalpel
indiscret la commande aristocratique la plus éclairée, nous y découvrons
des limites objectives, des tares profondes dans tous les domaines, qu'il
serait trop commode de passer sous silence.
Observons en premier lieu que le mécénat napolitain est plus un fait
personnel sans lendemain qu'une réalité familiale continue. Nous avons
rencontré des hommes qui aimaient l'art et l'encourageaient, mais ils
sont bien seuls et ne parviennent guère à instaurer une tradition durable.
L'histoire de la commande moderne s'écrit ici sous le signe de la disconti-
nuité. C'est pourquoi les palais patriciens demeurent si longtemps des
22. A.S.N. notai '600, Giuseppe Ragucci, scheda 508, prot. 14.