la conscience de faire partie d'un groupe « professionnel » particulièrement
nombreux. En ce qui concerne les revendications communes, la régulation des
prix agricoles, l'obtention de prix minima garantis, notamment pour les
céréales, la protection douanière et les restrictions imposées aux importa-
tions sont autant d'éléments qui atténuent la situation précaire des paysans
modestes et procurent des profits substantiels aux grands propriétaires. Les
coopératives remplissent la même fonction. Elles protègent les petits exploi-
tants contre les marchands, tout en assurant les gains des gros cultivateurs.
Par l'intermédiaire des coopératives de vente et des contrats préalables, les
paysans ont leur mot à dire dans la détermination des prix, mais ils ont aussi
besoin du concours de l'Etat. Celui-ci doit acheter les excédents pour main-
tenir les prix, accorder des subventions, établir une protection douanière.
Si l'Etat garantit les prix, il est également contraint de les faire plafonner
car celui du pain, par exemple, ne peut dépasser certaines limites. Cette exi-
geance est formulée par les syndicats ouvriers, ce qui permet aux propagan-
distes de la CNCA de dire que ce sont les socialistes qui portent atteinte aux
intérêts paysans. Une autre revendication des syndicats catholiques consiste
à réclamer le déplafonnement des prix agricoles tant que ne plafonneront
pas les prix industriels et, au-delà, tous les articles achetés par les paysans.
Sous la République, les « catholiques » réclament des prix-plancher qui tien-
nent compte des coûts réels.
Ainsi la CNCA, avec le concours de l'Etat patronal, assure la « défense » de
la petite exploitation paysanne tout en procurant des bénéfices accrus aux
grands propriétaires. C'est en somme un Etat au service du grand capital qui
facilite l'intégration des campagnes dans un monde où le capitalisme inten-
sifie et développe son emprise. Les paysans renoncent à fabriquer, comme ils
faisaient autrefois, les produits dont ils ont besoin et les achètent, devenant
consommateurs de produits industriels et créant ainsi un marché pour
l'industrie. Mais, pour pouvoir acheter, ils doivent gagner davantage, soit
en investissant afin d'augmenter la productivité de leur terre, soit en élar-
gissant leur domaine au moyen du fermage, soit encore en cherchant un
travail complémentaire comme salariés. La disproportion grandissante entre
prix agricoles et industriels les pousse toujours davantage dans cette voie.
Ils entrent ainsi dans un système qui les enchaîne de plus en plus et les rend
toujours plus dépendants d'un Etat « tutélaire » et d'un syndicat « mixte »
qui distribue le crédit et contrôle les coopératives. On peut donc dire que le
travail de la cNCA se conjugue avec celui de l'Etat pour permettre au grand
capital d'accentuer l'exploitation du monde rural, même dans une plus
grande proportion que celle des ouvriers agricoles. C'est ce qui fait dire à
P. Vilar que le petit paysan s'exploite lui-même tout en se donnant l'illusion
d'avoir la supériorité et la liberté que confère la propriété.
Il ne faut pas oublier, dans l'activité du syndicalisme catholique,
l'influence que l'Eglise et la classe dirigeante exercent sur les masses popu-
laires, non seulement sur le plan économique, idéologique et politique, mais
également sur le plan « organique », de l'encadrement direct. En effet, outre
la soumission à la hiérarchie ecclésiastique, la protection des responsables
politiques les plus réactionnaires ou le fait que le Roi en personne soit, à un
moment donné, président d'un syndicat, la CNCA a toujours eu à sa tête
(notamment au plan national, au niveau de la Junta Directiua, du secrétariat
et de la présidence, mais aussi au plan fédéral et local) des grands proprié-
taires terriens, souvent réélus. La « mixité » syndicale et la prééminence des
grands propriétaires ne se font pas sans peine ni conflits. La Fédération des