Ch. E. FREEDEMAN, Joinf-Sfock enferprise irz France 180i'-1867, Chapel
Hill, The University of North Carolina Press, 1979, 234 p.
Les travaux de Ch. E. Freedeman trouvent aujourd'hui leur aboutisse-
ment dans ce livre, de lecture à la fois agréable et passionnante. Il repose
pour l'essentiel sur l'exploitation des dossiers de la série F 12 des Archives
nationales, complétée par toutes les autres sources disponibles (imprimés et
série F 14). C'est donc un travail de première main. La rédaction est d'une
très grande clarté et comme nous allons le voir l'ouvrage n'est pas suscep-
tible d'intéresser uniquement les historiens de l'économie. De plus, son style
le rend accessible à tous.
Freedeman analyse d'abord l'origine et les premières étapes de l'appli-
cation de la loi de 1807. C'est pour lui l'occasion d'étudier non seulement la
nature de ces sociétés, mais aussi les mentalités des responsables français
chargés de traiter ces dossiers. L'attitude du Conseil d'Etat fut sous la Res-
tauration particulièrement restrictive il aurait voulu réserver les autori-
sations non seulement uniquement à des entreprises assurant un service
public, mais encore aux seules initiatives issues d'un milieu restreint
d'hommes d'affaires considérés comme sûrs. L'expérience de la crise de 1825
est d'ailleurs venue renforcer cette prudence. Il a cependant rencontré dans
cette politique, à plusieurs reprises, l'opposition du Conseil général du Com-
merce et du ministère du Commerce, Cependant, il semble difficile de sou-
tenir, comme l'a fait Maurice Lévy-Leboyer, que cette attitude a freiné d'une
manière décisive l'essor du capitalisme français, car le développement de la
société en commandite par actions a été la contrepartie de cette politique
près de 1 800 sociétés de cette nature ont été créées de 1826 à 1837, cette
dernière année marquant un boom exceptionnel. Aux yeux des conseillers
d'Etat et de nombreux hauts fonctionnaires, l'institution se trouvait ainsi
détournée de son but, car elle servait de cadre à l'établissement de très
vastes sociétés. Emile Vincens lança un cri d'alarme justement cette
année-là et préconisa la suppression de cette forme de société. Une commis-
sion fut nommée, une loi fut proposée, mais ne fut pas discutée en réalité
la Chambre lui était hostile, comme elle le fut en cette même année 1838 au
projet gouvernemental de construction des grandes lignes de chemin de fer
par l'Etat, cette coïncidence n'étant pas le fait du hasard. Notons à ce propos
un excellent passage où l'auteur analyse le procès fait aux promoteurs de la
Société des Mines de Saint-Berain et Saint-Léger, qui utilisa pour vendre ses
titres des procédés de promotion publicitaires assez discutables. D'après
Freedeman c'est à cette occasion que fut inventé le slogan « La houille,
pain de l'industrie. » Notons que le promoteur dijonnais de cette affaire,
Samuel Elum, est évoqué par Ph. Jobert dans un récent article des Annales
de Bourgogne sur la faillite Bouault de 1842. Ceci nous montre ce que peut
fournir à la connaissance des affaires une bonne exploitation des archives
judiciaires, le livre de Freedemann nous indiquant la voie à suivre.
De 1834 à 1846, 221 sociétés anonymes furent créées 27 sont des compa-
gnies de chemin de fer elles groupent 80 du capital nominal de l'ensemble
des sociétés. De 1847 à 1859 161 sociétés furent formées mais 40 seulement le
furent entre 1847 et 1851. Le boom de 1852 est particulièrement remarquable:
Freedeman montre le rôle moteur joué par les chemins de fer. Mais il faut
rappeler ici que la cause principale du redémarrage de l'investissement fer-
roviaire est l'adoption, attendue patiemment mais fermement depuis 1847
par les grandes banques, d'une durée de concession de quatre-vingt-dix neuf