l'histoire démographique d'une agglomération importante, surtout pour
une région aux ressources agricoles limitées, mais où l'activité humaine
sut créer au cours des siècles des possibilités nouvelles qui attirèrent de
tous temps des immigrants aux motivations variées venus parfois de
loin.
La première partie « le poids du nombre » examine méthodiquement
les sources, moins précises qu'on ne le pensa longtemps, et souvent inflé-
chies par un certain grossissement de la réalité. Dès les premières lignes
du chapitre consacré aux effectifs, l'auteur signale en effet qu'il convient
vraisemblablement de réduire de 10 000 les 26 000 habitants indiqués
pour Genève vers 1680, et il ne cache pas l'obscurité totale de la documen-
tation entre les chiffres globaux antérieurs à 1700. Le souci de noter sur
les registres après 1720 le nombre des naissances et décès de l'année, même
s'il anticipe d'un siècle les méthodes napoléoniennes, ignore tout autant
que celles-ci les déplacements migratoires, temporaires ou définitifs à
l'arrivée comme au départ. Les cahiers de dénombrement genevois ont
du moins l'avantage de localiser, avec une précision inconnue de l'admi-
nistration française, la structure familiale et l'implantation topographique
des individus dénombrés. Les documents les plus anciens trouvent curieu-
sement leur origine dans le souci des administrateurs locaux de prévoir les
besoins de la population lors des périodes de crise, au sens le plus large
du terme, puisqu'une mauvaise récolte ou un afflux de réfugiés, comme
après la Saint-Barthélemy, ou une épidémie de peste, posent des pro-
blèmes de ravitaillement. De même, dès le xvne siècle, la pacification, ou
plutôt la diminution du risque de guerre, amène l'apparition, d'abord
timide, d'une banlieue si bien intégrée cependant dans la ville qu'il demeure
impossible de savoir si elle est comprise ou non dans certains dénombre-
ments antérieurs à 1781 pour ne rien dire des erreurs de calcul toujours
possibles. Mais il reste fort satisfaisant de constater des écarts aussi faibles
que ceux signalés en 1788 (25 864 et 25 525 pour deux sources différentes).
Le recensement prescrit en 1797 par les troupes du Directoire est malheu-
reusement incomplet, comme ceux effectués pendant l'administration fran-
çaise. Le chiffre de 23 399 personnes en 1806 est estimé par l'auteur le plus
proche de la réalité.
Pour les périodes plus anciennes, les effectifs des bourgeois reçus donnent
évidemment une idée précise des arrivées, multipliées par le prestige de
la Réforme et de l'enseignement de Calvin bien avant que le foyer spiri-
tuel devînt un centre de refuge. Le gain de 5 000 personnes, dont près
d'un tiers pour la banlieue au xviiie siècle, montre assez l'importance de
ce rôle attractif. Le chapitre consacré aux flux de population met en évi-
dence l'importance des facteurs variés, sanitaires ou idéologiques, qui
ont contribué à l'évolution de la population genevoise.
La seconde partie de l'ouvrage est consacrée aux structures, en premier
lieu démographiques. Le phénomène le plus net semble être celui d'un
indiscutable excédent féminin dans la population genevoise aux xvme
et xixe siècles. La présence des servantes (plus de 20 habitant dans
certaines dizaines de la ville) peut expliquer cette situation, encore accrue
par une émigration masculine liée au marasme des industries locales concur-
rencées par celles des autres départements français pendant dix-sept ans.
Un des aspects en était la conscription, exclue par le traité de réunion
de 1798, mais établie dès 1803. L'auteur signale la tendance à la diminution
au cours du xixe siècle surtout du nombre des célibataires, mais aussi