profond de sa mission autocratique. Jamais Alexandre Ier n'a perdu
conscience de sa fonction de tsar-imperator il agit en autocrate, en despote
éclairé peut-être, mais en despote tout de même. Le contexte intérieur
en atteste, comme on le voit par le soutien sans défaillance qu'il apporte
à l'action autoritaire d'un Araktcheïev faire le bonheur de son peuple
ne consiste pas à le libérer les timides réformes vis-à-vis du servage sont
probantes. Alexandre Ier cherche peut-être à répondre à ses difficultés
personnelles intérieures par une certaine foi, il ne cherche pas à faciliter
le choix personnel de ses sujets ceux-ci sont et restent des sujets. La
Sainte-Alliance elle-même est une déclaration d'intentions des monarques
elle ne peut en aucun cas servir de référence, même très lointaine, à une
Charte des Nations Unies, car elle fait appel à l'action des princes, au
rôle des Etats qui doivent faire le bonheur des sujets ou des nations, sans
laisser de droits réels à celles-ci. Face à un peuple russe qui avait pris
conscience de sa nationalité en luttant contre l'envahisseur napoléonien,
le choix fait par le tsar est clair le monarque agit en maître paternel,
en batjuska-isar, en petit-père.
Aussi, vis-à-vis de l'extérieur, l'action du tsar est-elle également dirigée
vers la sauvegarde de l'autorité princière, fût-ce aux dépens des volontés
populaires, même si celles-ci, chrétiennes, cherchent à se débarrasser
d'un joug hérétique. On le voit bien dans le cas grec". Lorsque les Grecs
se soulevèrent contre les Turcs, Alexandre Ier est placé dans une situation
inconfortable soutenir les Grecs c'est obtenir, le cas échéant, des avan-
tages vis-à-vis des Turcs, en particulier à propos du problème de Constan-
tinople et des Détroits mais, à l'inverse, c'est renier les principes de
l'Ordre européen, soutenu par la Sainte-Alliance. Suggéré par Capo
d'Istria, un plan « moyen » de mandat européen confié à la Russie pour
aider les Grecs sans abandonner la solidarité monarchique est voué à
l'échec dès que Metternich et Canning s'y opposent. En fait, Alexandre
ne veut pas rompre l'alliance européenne, non seulement parce que
Metternich est un excellent manœuvrier, mais encore parce qu'il est
convaincu de l'intérêt pour tout monarque de soutenir l'ordre existant.
Lorsque, peu avant sa mort, il constate l'impossibilité de se voir confier
une mission au nom de l'Europe, il prend acte alors de l'inanité de ses
efforts la voie est libre pour une action russe individuelle, plus résolue
et plus profitable Nicolas Ier la suivra. N'est-ce pas l'échec d'une poli-
tique extérieure incapable de prendre en compte les désirs de libération
des nationalités ?
De même, à l'intérieur, ce règne d'Alexandre Ier qui se termine avec
6. Consulter sur ce point une intéressante « dissertation d'Eberhard SCHUTZ, Die
europiiische Allianzpolitik Alexanders I und der griechische Unäbhangigkeitskampf 1820-
1830, Wiesbaden, 1975, 152 p.